Pierre-Adrien Toulorge

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Le Vénérable Pierre-Adrien Toulorge est chanoine prémontré du diocèse de Coutances, martyr de la Révolution française, guillotiné le 13 octobre 1793 à Coutances.

Sommaire

[modifier] Son enfance et le début de son ministère

Pierre-Adrien Toulorge naquit le 4 mai 1757 à Muneville-le-Bingard dans le diocèse de Coutances (actuel département de la Manche). Formé au collège puis au séminaire de Coutances, il fut ordonné prêtre diocésain, et devint vicaire de Doville, 618 habitant, en décembre 1782, à 25 ans.

Depuis Doville, Pierre-Adrien Toulorge se rendait souvent à l’abbaye prémontrée de Blanchelande, fondée au XIIe siècle, quelques années après la fondation de l’ordre de Prémontré par saint Norbert. Conquis par cet idéal, Pierre-Adrien fut sans doute présenté par son propre curé, le père Jacques-François Le Canut, lui-même prémontré, pour intégrer la communauté. Comme Blanchelande était dépourvue de noviciat, le novice fut envoyé pour deux années à l’abbaye de Beauport en 1787. Il fit sa profession religieuse à Blanchelande en juin 1788.

[modifier] Les troubles révolutionnaires

Après le vote de la loi supprimant les ordres monastiques et canoniaux le 13 février 1790 et de la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790, le père Toulorge poursuivit son ministère dans les paroisses des alentours de Blanchelande, mais il n’était pas devenu fonctionnaire public car ancien chanoine. Lorsqu’il entendit parler de la loi du 26 août 1792 condamnant à la déportation tous les prêtres fonctionnaires publics qui n’avaient pas prêté serment, il se crut visé et décida, dans sa méprise, de partir pour l’île anglaise de Jersey. Ayant obtenu son passeport à la mairie de Neufmesnil, il le fit viser à Saint-Germain-sur-Ay, le 12 septembre 1792. Les officiers municipaux ne prêtèrent pas attention à la méprise du père Toulorge et le laissèrent partir. À Jersey, il apprit qu’il n’était pas visé pas la loi de bannissement des prêtres réfractaires et qu’il aurait pu rester en France sans être inquiété. Mais désormais, il était considéré comme un émigré.

Le 20 octobre 1792, il débarqua clandestinement à Portbail. Le 23 octobre, une loi fut votée contre les émigrés, réclamant leur banissement à perpétuité et la mort pour ceux qui rentreraient. Pierre-Adrien dut alors prendre le maquis de novembre 1792 à septembre 1793. Il se réfugiealors dans les bois, caché, comme prêtre réfractaire, continuant à exercer un apostolat auprès de la population refusant l’Église constitutionnelle, et vivant de la charité.

Le 2 septembre 1793, épuisé, il est recueilli par sœur Saint-Paul, une religieuse chassée de son couvent et vivant dans une ferme. Le lendemain, 3 septembre, Pierre-Adrien doit partir se cacher ailleurs par sécurité. Déguisé en femme, il part chez une amie de sœur Saint-Paul, Marotte Fosse, mais il est repéré et capturé.

[modifier] Le martyre

Le lendemain, dimanche 13 octobre 1793, il se leva avec joie, déjeuna comme de coutume, montrant une grande sérénité. Après avoir prié son bréviaire, il demanda à plusieurs compagnons de lui accommoder les cheveux (afin de rendre plus facile la tache du bourreau qui devait, une fois la tête tranchée, la prendre par les cheveux et la montrer à la foule) et de lui faire la barbe. Enfin, il demanda à ses confrères de dire avec lui les Vêpres. Arrivé à Complies, il entonna l’hymne Grates peracto jam die. Parvenu à l’avant-dernière strophe: "O quando lucescet tuus qui nescit occasum dies, O quand luira-t-il, mon Dieu, votre jour qui ne connaît pas de déclin" il ferma son Bréviaire, ne récitant pas la dernière strophe : "O quando sancta se dabit, quae nescit hostem patria, O quand…." et s’écria tout joyeux: « Ô, mes chers amis, il faut en rester là, je chanterai bientôt ce cantique en action de grâces au Ciel ! Il n’est pas encore temps pour moi de le chanter. Ô mes chers frères, je ne vous oublierai pas ! Je demande à Dieu qu’il vous protège ; je le prierai pour tous mes bienfaiteurs, mes amis et ennemis même. » Ses confrères tombèrent à genoux et implorèrent sa bénédiction. Il les bénit, le visage tout resplendissant d’une paix divine.

D’après un témoin oculaire, la guillotine était dressée en face de la maison du maire de Coutances, place de la Croûte. La foule était muette d’émotion en voyant ce jeune prêtre aller à la mort avec sérénité et paix. Conduit au pied de l’échafaud, revêtu d’une longue redingote verte, boutonnée jusqu’au col, le père Toulorge dit seulement : « Mon Dieu, je remets mon âme entre vos mains ! Je vous demande le rétablissement et la conservation de votre Sainte Église. Pardonnez, je vous prie, à mes ennemis. » Après l’exécution, le bourreau saisit la tête sanglante par les cheveux et la montra à la foule. Il était quatre heures et demie. Une charrette emporta le corps au cimetière Saint-Pierre de Coutances, pour l’enterrer dans la fosse commune.

[modifier] Procès de béatification

Le procès de béatification fut entrepris en 1922 avec celui de 56 autres prêtres normands, mais tomba dans l’oubli à partir des années 1928-1930. A l’occasion du bicentenaire de la mort de Pierre-Adrien, constatant l’attachement des fidèles de la région où il vécut et mourut, l’abbé général Mgr. Marcel van de Ven décida de reprendre la Cause de canonisation. Le procès informatif diocésain fut ouvert à Coutances le 1er décembre 1995 et conclu le 29 juillet 1996. La Positio sur le martyre de Pierre-Adrien - écrit du père Bernard Ardura OPraem (Frigolet/Rome) - a été examinée par les Consulteurs Historiens de la Congrégation pour les causes des saints, qui, lors du Congrès du 5 décembre 2000, ont émis un jugement unanime et positif. La prochaine étape est l'émission de jugements par des théologiens, puis par des cardinaux.