Olympiades populaires

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Les Olympiades populaires étaient programmées à Barcelone du 19 au 26 juillet 1936, organisés en protestation contre la tenue des JO à Berlin. Conçues comme JO anti-fascistes, elles ont été interrompues par le soulèvement militaire du général Franco, initié par son pronunciamento du 18 juillet 1936.

Sommaire

[modifier] Contexte

En 1928, les villes de Barcelone, Berlin, Istanbul, et d'autres, posent leur candidature devant le Comité international olympique (CIO) pour l'organisation des JO de 1936. Ce dernier se réunit en Espagne en mai 1931, date de l'avènement de la Première République, pour choisir le lieu prévu pour les JO. On choisit officiellement Berlin, pour célébrer le retour de l'Allemagne dans le "concert des nations" démocratiques. Officieusement, le baron Pierre de Coubertin et le CIO sont effrayés par les Républicains espagnols. Cependant, après la victoire électorale d'Hitler en 1933, les athlètes non aryens sont exclus ou déchus de leurs titres (par exemple le boxeur Erich Seelig). En 1934, la Coupe du Monde de football se tient en Italie. Le sport est alors intégré comme instrument de propagande par les régimes fascistes.

Des manifestations importantes se déroulent alors contre la tenue des JO à Berlin, en Europe et surtout aux Etats-Unis. Une pétition pour le boycott rassemble plus de 500 000 signatures, et les manifestations plusieurs centaines de milliers de personnes [1]. Le Comité international pour le respect de l'idée olympique est alors créé, tandis qu'en France, la nouvelle fédération sportive de gauche, la FSGT, lance le slogan: "Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin!". Le Sport écrit ainsi, le 9 octobre 1935: "La loi olympique est violée chaque jour, aucune garantie de liberté n'est accordée aux sportifs juifs et catholiques. Dans ces conditions, notre devoir, ainsi que celui de tous les hommes d'honneur, est de dénoncer vigoureusement les pratiques hitlériennes et de demander le transfert des Jeux dans un autre pays."

Après les émeutes du 6 février 1934, la stratégie des Fronts populaires est adoptée en France et ailleurs. Dirigée par Léo Lagrange, qui sera sous-secrétaire au Sport sous Blum, la FGST dialogue avec la Généralité de Catalogne, tandis qu'Anvers, Prague et d'autres villes tentent, sans succès, d'organiser des JO alternatifs. En 1935, Tel Aviv accueille les premiers JO "juifs".

[modifier] Une décision du Front Populaire espagnol

La décision d'organiser les Olympiades populaires à Barcelone est prise dès après la victoire du Front populaire espagnol le 18 février 1936. Grâce aux pressions de la Fédération ouvrière suisse de gymnastique et du sport, le gouvernement suisse (siège du CIO) refuse de voter une subvention à la délégation de sportifs se rendant à Berlin, avant de se rétracter. Finalement, 300 athlètes helvètes se rendent néanmoins à Barcelone; certains intègreront la colonne Durruti. Aux Pays-Bas, le groupe anti-fasciste De Olympiade Onder Dictatuur (DOOD, l'Olympiade sous la dictature) milite en faveur du boycott des JO nazis, tandis qu'en Belgique et en France le débat reprend, en particulier après la victoire de la gauche aux élections de mai 1936.

Début mai, la Generalitat a fixé le programme des Olimpiada Popular, et en juin le Comité d'organisation de Barcelone envoie les invitations officielles. La cérémonie d'ouverture est fixée au 19 juillet 1936.

6 000 athlètes appartenant à 22 pays différents s'inscrivent alors. Les délégations les plus nombreuses sont celles des Etats-Unis, des Pays-Bas, de Belgique, de Tchécoslovaquie, du Danemark, de la Norvège, de la Suède et de l'Algérie, tandis que les équipes allemandes et italiennes sont composées d'exilés politiques. La plupart des sportifs sont membres d'associations et de clubs sportifs syndicaux ou bien de partis de gauche; peu appartiennent aux comités sportifs publics ou olympiques.

On décide d'utiliser l'infrastructure hôtelière construite pour l'Exposition internationale de 1929 et le Stade de Montjuïc (qui est l'actuel Estadio Olímpico Lluís Companys) est censé abriter les compétitions.

[modifier] Le Front Populaire en France

En France, la droite et les ligues fascistes soutiennent les JO de Berlin, tandis que le PCF prend officiellement parti pour les Olympiades populaires. Les épreuves qualificatives se tiennent le 4 juillet 1936 au stade Pershing à Paris, en compagnie du secrétaire d'Etat aux sports et aux loisirs, Léo Lagrange. Mil deux cents athlètes s'inscrivent alors pour ces Olympiades antifascistes. La même semaine, le ministre des transports Pierre Cot, André Malraux, Léo Lagrange et d'autres leaders du Front populaire participent à Garches (Yvelines) à une journée de soutien aux Olympiades et contre les JO racistes de Berlin.

Mais le gouvernement Blum décide finalement de refuser les subventions aux participants et aux partisans des Olympiades de Barcelone, les frais étant à la charge des délégations et des athlètes. En outre, Blum inscrit un débat à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale, où il dispose sans peine de la majorité parlementaire. Un député communiste déclare alors: "Aller à Berlin, c'est accepter une sorte de complicité avec les bourreaux, c'est river les fers aux pieds des victimes, et c'est couvrir leurs plaintes que de chanter en choeur, avec le maitre du Reich, l'hymne à la gloire du sport." Pourtant, le 9 juillet, le vote concernant la participation de la France aux JO de Berlin a lieu. La droite vote évidemment "pour", tandis que l'ensemble de la gauche, y compris le PCF, s'abstient - sauf Pierre Mendès France, qui vote contre.

[modifier] La tenue des Olympiades et le pronunciamento militaire

Blum ou non, les Olympiades auront bien lieu. Dès le 14 juillet, les sportifs se dirigent vers Barcelone, chaque arrêt dans les gares sert de prétexte à des manifestations spontanées, on chante L'Internationale... Les derniers participants, ne parlant la plupart ni espagnol ni catalan, arrivent le 18 juillet au matin. Dans la nuit du 18 au 19, les premiers coups de feux éclatent à Barcelone en riposte au pronunciamento du général Franco. Bien que la plupart des sportifs restent dans leurs hotels dans la journée du 19, certains descendent dans la rue et participent à l'offensive contre les militaires. Quelques uns sont blessés ou tués. Le calme revient sur la ville le lendemain, et le 23 juillet, Jaume Miravitlles, secrétaire du comité exécutif des Olympiades populaires de Barcelone, annonce l'annulation des jeux. Le lendemain, les premières colonnes de miliciens partent en direction de l'Aragon.

Le gouvernement Blum donne alors l'ordre aux délégations de revenir immédiatement, affrétant deux paquebots partis de Marseille. Le Front populaire français leur demandent même 150 francs pour "frais de rapatriement". Mais plusieurs athlètes décident de rester sur place: "Nous étions venus défier le fascisme sur un stade et l'occasion nous fut donnée de le combattre tout court." Emmanuel Mincq, footballeur juif polonais d'Anvers, rejoint le Bataillon "Thälmann" et deviendra l'un des dirigeants de la Brigade Dombrosky. Il restera en Espagne jusqu'en 1939, puis fera la tournée des camps en France (Argelès, Le Vernet, Gurs...) Certains défileront sur le Paseo de Gracia avec la colonne Durruti, d'autres intègrent les colonnes du POUM ou de la CNT (colonne Ortiz).

Pris en tenailles entre les radicaux et les communistes, le Front populaire français renonce à aider les Républicains et pratique une "politique de non-intervention", en fermant les frontières et en interdisant à Lluis Companys de participer à un meeting unitaire en faveur de l'Espagne républicaine. Pendant ce temps là, Hitler et Mussolini envoient des chars et des hommes lutter pour le franquisme. Blum, lui, offre des ambulances. En août 1936, les athlètes français défilent à Berlin "bras tendu", en faisant le salut olympique, qui fut souvent mal interprété comme un salut nazi, alors que les délégations anglaises et états-uniennes détournent la tête devant la tribune d'Hitler.

[modifier] Sport et propagande

Jusqu'au Front populaire, le sport est dénoncé à gauche comme une activité bourgeoise et réactionnaire. Mais il devient après un élément central, le Front populaire l'utilisant comme préparation militaire et patriote, tandis que Georges Barthélémy, député de la SFIO, en arrive meme à déclarer que le sport contribue à "l'amélioration des rapports entre le capital et le travail, donc de l'élimination du concept de la lutte des classes"; c'est aussi "un moyen d'arrêter la dégénérescence physique et morale de la race". D'autres anarchistes (Sébastien Faure, P. Robin, F. Ferrer...) le considèrent comme un élément indispensable à l'éducation de l'individu.

[modifier] Références

  1. Chiffres fournis par Wally Rossel, in 1936. Les Olympiades Populaires, pp.5-8 du Monde libertaire hors-série du 13 juillet au 14 septembre 2006

[modifier] Voir aussi