Nuit et brouillard

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Les directives sur la poursuite pour infractions contre le Reich ou contre les forces d’occupation dans les territoires occupés (Richtlinien für die Verfolgung von Straftaten gegen das Reich oder die Besatzungsmacht in den besetzten Gebieten) sont un décret du 7 décembre 1941 signé par le maréchal Wilhelm Keitel et ordonnant la déportation pour tous les ennemis ou opposants du Reich, dans le cadre de dispositions dites « Nuit et brouillard » (en allemand « Nacht und Nebel », NN). En application de ce décret, toutes les personnes représentant un danger pour la sécurité de l'armée allemande (saboteurs, résistants) seraient transférées en Allemagne et disparaîtront dans le secret absolu.

Sommaire

[modifier] Contexte

Les dirigeants nazis considéraient que les résistants de pays qui avaient signé un armistice avec l'Allemagne[1], ou capitulé, n'étaient pas protégés par les Conventions de La Haye (Première conférence de La Haye en 1899 et Seconde conférence de La Haye en 1907), qui, rappelons-le, définissaient des devoirs non seulement envers les membres des armées nationales, mais envers tous les belligérants qui portaient les armes ouvertement et respectaient eux-mêmes les lois et coutumes de la guerre[2].

Dans un premier temps, le pouvoir nazi condamne à une peine de prison temporaire ou aux travaux forcés à vie

  • les prisonniers politiques jugés subversifs qu'il faut rééduquer pour les ramener dans l'orthodoxie nazie
  • les chefs de la résistance des pays européens occupés.

Le 7 décembre 1941, toutefois, le chef des SS Heinrich Himmler fait parvenir ces instructions à la Gestapo :

Après mûre réflexion, la volonté du Führer est de modifier les mesures à l'encontre de ceux qui se sont rendus coupables de délits contre le Reich ou contre les forces allemandes dans les zones occupées. Notre Führer est d'avis qu'une condamnation au pénitencier ou aux travaux forcés à vie envoie un message de faiblesse. La seule force de dissuasion possible est soit la peine de mort, soit une mesure qui laissera la famille et le reste de la population dans l'incertitude quant au sort réservé au criminel. La déportation vers l'Allemagne remplira cette fonction.[3]

Le maréchal Wilhelm Keitel publie une lettre qui dit explicitement :

A. Les prisonniers disparaîtront sans laisser de trace
B. Aucune information ne sera donnée sur leur lieu de détention ou sur leur sort.
[3]

Les NN, Nuit et brouillard, sont majoritairement des Français, des Belges et des Hollandais. Ils sont généralement arrêtés au milieu de la nuit et rapidement acheminés dans une prison à des centaines de kilomètres où ils sont soumis à des interrogatoires et à la torture, pour finir dans les camps de concentration de Natzweiler ou de Gross-Rosen, du moins s'ils ont la chance d'avoir survécu.

[modifier] Origine de l'expression

Selon certains, Nacht und Nebel fait référence à l'opéra de Wagner L'Or du Rhin, dans lequel Alberich, coiffé du casque magique, se change en colonne de fumée et disparaît tandis qu'il chante « Nuit et brouillard, plus personne. » (« Nacht und Nebel, niemand gleich. »).

En fait, « bei Nacht und Nebel » était, dès avant l'existence de cet opéra (1869), une expression allemande courante pour dire « à la faveur de la nuit »[4].

Selon certains historiens, « Nacht und Nebel » serait une interprétation surajoutée (éventuellement par les nazis eux-mêmes) à l'abréviation NN de Nomen Nescio, utilisée en allemand (et en néerlandais) pour désigner une personne qu'on ne veut pas ou ne peut pas nommer. Tel aurait été le sens dans lequel l'administration des camps aurait d'abord utilisé les lettres NN[5].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

  • Nuit et Brouillard, documentaire d'Alain Resnais sur la déportation dans les camps de concentration et d'extermination.
  • Nuit et Brouillard, chanson de Jean Ferrat sur la déportation dans les camps de concentration et d'extermination.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Voir par exemple le point 10 de l'armistice du 22 juin 1940 entre la France et l'Allemagne: « Art. 10. — Le gouvernement français s’engage à n’entreprendre à l’avenir aucune action hostile contre le Reich allemand avec aucune partie des forces armées qui lui restent ni d’aucune autre manière. Le gouvernement français empêchera également les membres des forces armées françaises de quitter le territoire français et veillera à ce que ni des armes ni des équipements quelconques, ni navires, avions, etc., ne soient transférés en Angleterre ou à l’étranger. Le gouvernement français interdira aux ressortissants français de combattre contre l’Allemagne au service d’États avec lesquels l’Allemagne se trouve encore en guerre. Les ressortissants français qui ne se conformeraient pas à cette prescription seront traités par les troupes allemandes comme francs-tireurs. » Consultable sur le site de l'université de Perpignan et sur Wikisource
  2. « Article Premier. Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s'appliquent pas seulement à l'armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes: 1°. d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés; 2°. d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance; 3°. de porter les armes ouvertement et 4°. de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre. » (Premier article de la Convention de La Haye de 1907. En ligne.)
  3. ab Le décret Nuit et brouillard
  4. Mozin's Hand-Wörterbuch, revu par Hölder, 1e partie, Stuttgart et Augsbourg, 1858, art. Nebel, p. 300.
  5. François Delpech, « La persécution nazie et l'attitude de Vichy », Historiens et Géographes, revue de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie de l’Enseignement Public (APHG), n° 273, mai - juin 1979. En ligne sur le site du Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah. D'après Jean-Luc Bellanger, « Comment les NN sont-ils devenus ' Nuit et Brouillard ' ?  », Le patriote résistant, février 2005 (rééd. d'un article publié dans la même revue en septembre 1995), on trouve dès le 25 novembre 1942 l'expression « Nacht und Nebel-Erlass » (« ordonnance Nacht und Nebel ») pour désigner l'ordonnance de Keitel, mais l'ordonnance elle-même ne contient ni l'abréviation « NN » ni les mots « Nacht und Nebel ».