Nouvelle Vague

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La Nouvelle Vague est un mouvement cinématographique apparu en France à la fin des années 1950.

Le terme apparaît sous la plume de Françoise Giroud dans L'Express du 3 octobre 1957, dans une enquête sociologique sur les phénomènes de génération. Il est repris par Pierre Billard en février 1958 dans la revue Cinéma 58. Cette expression est attribuée aux nouveaux films distribués en 1959 et principalement ceux présentés au festival de Cannes de cette année là. C'est une campagne publicitaire du CNC qui va définitivement effacer le sens sociologique du terme pour l'appliquer plus strictement au cinéma.

Le coup d'envoi fut donné par Le Coup du berger, court-métrage de Jacques Rivette en 1956, mais le rejet du cinéma français officiel remonte en fait à la Libération et à la découverte enthousiaste, au lendemain de la guerre, du cinéma américain. La Cinémathèque puis la célèbre « revue à couverture jaune », d'André Bazin, les Cahiers du cinéma, servent d'école aux critiques qui vont bientôt s'emparer de la caméra.

Sommaire

[modifier] La nouvelle vague et les Cahiers du cinéma

L'histoire de la nouvelle vague est aussi l'histoire d'une relation ambiguë entre réalisateurs et critiques. En effet, la majeure partie des figures tutélaires du groupe, à l'image de François Truffaut, Jean-Luc Godard et Jacques Rivette, sont issus des cahiers du cinéma. A partir de 1952, une nouvelle génération de critiques apparaissent dans les pages de la revue (Godard au n°15, Truffaut n°21, Rivette n°23). Bientôt surnommée "jeunes turcs", ces critiques se caractérisent par leur assiduité à la cinémathèque et par leur véhémence.

Sous l'impulsion de François Truffaut, les "jeunes turcs" conçoivent la politique des auteurs. Ils prônent alors une posture critique consistant à attribuer à certains réalisateurs un statut d'auteur. Prétextant une volonté de cohérence, ils instituent cette politique au sein des cahiers[1]. Ainsi, un réalisateur ayant vu son premier film encensé dans les cahiers sera assuré de recevoir de bonnes critiques pour les films suivants analysant plus les récurrences thématiques et stylistiques que la qualité intrinsèque du film. Lorsqu'ils réaliseront leurs premiers longs métrages, ces critiques s'entre congratuleront, s'assurant ainsi d'un regard bienveillant de la revue pour les films suivants au nom de la cohérence de la ligne critique de la revue.

Rétrospectivement, cette pratique sera critiquée par certains auteurs, tel Guy Gauthier qui la qualifiera de "terrorisme critique"[2]. Cette collusion des réalisateurs et de la revue deviendra flagrante lors de la sortie du film Passion en 1982. En effet, à l'occasion de cette sortie, Jean-Luc Godard et les cahiers conviennent de coproduire un numéro des cahiers consacré au film, Godard verse même 50 000 Francs d'avance pour ce numéro spécial. Le film n'ayant pas été terminé a temps, l'accord n'est pas exécuté. Cependant, dans le numéro 336 des cahiers, Godard obtient 18 pages d'hagiographie dans lesquelles l'accord est mentionné ainsi que l'engagement des cahiers de rembourser à Godard "les bons comptes faisant les bons amis"[3]. La mention de cet accord provoque l'ire de certains critiques tels Mireille Amiel, qui, dans la revue cinéma écrira "j'ai honte pour Godard, pour la critique [...] Quelque chose me dit que ce n'est pas là le rôle de la critique, et que si une "coproduction" auteur/critique est choquant, elle l'est encore plus si elle est décidée avant même la vision du film"[4]. Par la suite, la politique éditoriale des cahiers sera amendée.

[modifier] Les réalisateurs associés

En 1958 ou 1959, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Claude Chabrol et Eric Rohmer, Pierre Kast, Jacques Doniol-Valcroze réalisent leurs premiers longs métrages. Ils sont issus tous des Cahiers du Cinéma. D'autres cinéastes partagent les mêmes valeurs, même s'ils ne sont pas issus de la critique comme Agnès Varda, Jacques Demy, Jean Rouch, Roger Vadim, Jacques Rozier, Claude Berri. Alain Resnais, qui patiente depuis 10 ans dans le court métrage réalise son étonnant Hiroshima mon amour. Louis Malle ne se définira jamais comme appartenant au mouvement (ou plutôt il s'estimera rejeté par les figures du mouvement). Maurice Pialat est lui aussi trop individualiste pour se reconnaître dans un quelconque mouvement et Claude Lelouch regrettera toujours d'avoir été mis à l'écart du mouvement. Jean-Pierre Melville tient un rôle un peu à part et fondateur dans cette famille, ayant été le grand frère respecté dont les jeunes réalisateurs ont voulu s'affranchir progressivement tout en prenant des conseils auprès de lui.

Sans être à l'origine du mouvement, de nouveaux réalisateurs se reconnaissent ensuite dans la lignée de la Nouvelle Vague. Ce sont principalement Jean Eustache, André Téchiné, Jacques Doillon et un peu plus tard Bertrand Tavernier, Claude Sautet, Michel Deville, Dominik Moll, Gilles Marchand, Yves Caumon, Philippe Ramos, Jean-Paul Civeyrac

À noter que le cinéma lettriste du début des années 1950 (notamment celui d'Isidore Isou et de Maurice Lemaître ) a sensiblement influencé cette Nouvelle Vague.

[modifier] Caractéristiques formelles et esthétiques

On voit apparaître une nouvelle façon de produire, de tourner, de fabriquer des films qui s'oppose aux traditions et aux corporations. L'invention du Nagra, magnétophone portable autonome, celle de la caméra 16mm Éclair 16 par André Coutant, légère et silencieuse, le goût des tournages en extérieur, imposent une nouvelle esthétique plus proche du réel. Cette rupture entre cinéma de studio et cinéma extérieur est mise en scène notamment dans La Nuit américaine de François Truffaut (1973) : dans une mise en abyme, le film nous montre la réalisation d'un film avec caméra sur grue et décalages (tournage d'une scène d'hiver en plein été, tournage d'une scène de nuit en plein jour, la fameuse « nuit américaine ») ; Ferrand, le réalisateur (incarné par Truffaut lui-même), admet que ce film est sans doute le dernier à être tourné de cette manière, sorte de testament de l'« ancien » cinéma et de manifeste de la « Nouvelle Vague ».

Par ailleurs, les réalisateurs brisent certaines conventions, notamment les conventions de continuité. C'est ainsi que dans À bout de souffle, Godard coupe les blancs dans un dialogue. Ou encore dans la Jetée (court métrage ayant inspiré L'Armée des 12 singes de Terry Gilliam), Chris Marker présente une sorte de diaporama, une succession d'images fixes avec un narrateur unique et un fond sonore léger. Il ne s'agit pas uniquement de rompre avec une tradition par provocation, mais bien de faire ressentir quelque chose de nouveau au spectateur, ou encore de représenter une face de la « réalité » : les souvenirs que l'on a d'un moment de sa vie sont partiels, tronqués, et lorsque l'on regarde un album photo, les souvenirs viennent dans le désordre avec des « sauts dans le temps ». Ceci sera repris notamment par Abel Ferrara dans des films comme Black Out et New Rose Hotel, que l'on pourrait qualifier de « films cerveau » (les images sont montées comme viennent les pensées, dans le désordre).

[modifier] Bilan

La nouvelle vague est apparue dans les années d’après guerre alors que des jeunes gens animés par un désir de cinéma aspiraient à une vie libre et sans convention. Le cinéma français de cette époque était relativement dépourvu de créativité et d'originalité, se contentant souvent d’être un simple support au roman. Les jeunes cinéastes de la nouvelle vague ont bousculé les règles en revoyant tous les fondements du cinéma. Ainsi, la règle de continuité n’est plus toujours respectée, le point de vue du spectateur est parfois pris en considération dans le film par le biais de regards caméra et interpellation du spectateur, des jeux de mise en abyme sur le cinéma questionnent les différents points de vue cinématographiques, de nombreux jeux d'arrêt sur image, de ralentis, de style saccadé sont également créés… Tout cela s'unit afin que le film rappelle sans cesse qu'il est un film, que c'est du cinéma. Un effet de réalisme s’instaure : le réalisateur ne cherche plus à tromper le spectateur avec du faux vrai mais à montrer la réalité du cinéma comme elle est, notamment, avec ses plans qui ne sont pas continus dans le temps comme pourrait le croire ou l’oublier le spectateur, avec ses acteurs qui ne sont là que pour être acteur d’un film et non acteur d’une histoire ou d’un scénario et avec ses décors qui n’existent que parce qu’ils ont un pouvoir symbolique que parce qu’ils ressemblent à la réalité. Ainsi, ce mouvement ne cherche pas à reproduire la réalité comme elle devrait être mais à montrer la réalité du cinéma comme elle est.

La Nouvelle Vague fut « une affaire de jeunes hommes désireux de donner au cinéma le statut d'un art à part entière, c'est-à-dire une vision du monde à un moment donné de son histoire et plus encore une "participation à un destin commun" »[5].

[modifier] Acteurs et actrices

L'arrivée d'une nouvelle génération d'acteurs (Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Jean-Pierre Léaud, Jeanne Moreau, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont, Brigitte Bardot, Alexandra Stewart, Anne Wiazemsky, Henri Serre…) et de techniciens comme Raoul Coutard ou André Weinfeld, le soutien d'une poignée de producteurs-mécènes (Georges de Beauregard, Pierre Braunberger, Anatole Dauman) furent aussi des éléments déterminants. Le cinéma français n'avait pas su renouveler ses acteurs depuis l'entre-deux guerres, et l'apparition de nouveaux visages permit notamment de toucher le jeune public.

  • Jean-Paul Belmondo incarne, grâce à la direction de Godard, le visage masculin de la Nouvelle Vague. Il est l’acteur type de ce mouvement de par son physique qui ne répond pas aux critères du jeune premier classique et par un jeu qui se veut très spontané et une diction qui sont plus proches du réel du spectateur de 1960. Ses rôles majeurs sont ceux de À bout de souffle, qui lui offre le statut d’acteur vedette, puis Une femme est une femme et Pierrot le fou.
  • Jean-Pierre Léaud incarne lui aussi les exigences des nouveaux metteurs en scène, avec un jeu souvent décalé, qui paraît gêné. C’est lui qui va incarner le grand personnage truffaldien d’Antoine Doinel. Chez Godard, il incarne le mal-être de la jeunesse d’avant 1968, aussi déboussolée que révoltée, à la recherche d’un idéal révolutionnaire et d’une vraie relation avec des jeunes femmes toujours insaisissables et incompréhensibles.
  • Bernadette Lafont, révélée par Truffaut dans Les Mistons, on la retrouve aussitôt dans les films de Chabrol et elle joue dans La Maman et la Putain de Jean Eustache. Comparée aux actrices des années cinquante, elle apporte une image plus moderne de la jeune femme méridionale à l’aise dans ses rondeurs physiques, naturelle, spontanée et populaire.
  • Jean Seberg, Anna Karina et leur relation avec Godard : Jean Seberg est l'héroïne de A bout de souffle ; contrairement aux actrices classiques, elle apparaît plutôt comme une « antifemme », ou un garçon manqué, avec ses cheveux courts et son allure androgyne. Mais c'est surtout avec Anna Karina que Godard va enrichir sa palette de rôles féminins. Son premier grand rôle est celui du Petit soldat. Elle tourne dans 7 films majeurs de Godard et même lorsque ce dernier dirige Brigitte Bardot dans Le Mépris, celle-ci porte, durant une séquence fameuse de film, une perruque brune qui n'est pas sans rappeler l'allure d'Anna Karina. De plus, comme Jean Seberg, Anna Karina contribue à prolonger l'attraction séductrice du français prononcé avec un accent étranger.

[modifier] Notes et références

  1. Histoire d'une revue, tome 1: à l'assaut du cinéma (1951-1959, p.153, Antoine De Baecque, (ISBN 2866421078)
  2. CinémAction, N°104: Flash-back sur la nouvelle vague, Nés de la vague, p.39 (ISBN 2-85480-983-1)
  3. in cahiers du cinéma n°336 Paris-Rolle-Paris en cinq temps
  4. in cinéma n°283/284, p.88
  5. Laurence Liban. Lire, décembre 1998

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

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[modifier] Lien externe