Noumène

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Sommaire

[modifier] Définition et premières occurrences

Le noumène (du grec « nooumena », réalité intelligible, mot dérivé de « noûs » ou « noos », intelligence, esprit, pensée, soit comme principe, soit comme faculté) est un terme employé à l'origine par Platon pour désigner les « Idées », c'est-à-dire la réalité intelligible (par opposition au monde sensible), accessible à la connaissance rationnelle. Au contraire, chez Emmanuel Kant, auquel le terme de « noumène » est le plus souvent renvoyé, il s'agit de tout ce qui existe et que la sensibilité ne peut atteindre, restreignant par là les prétentions de la raison quant à la connaissance. « Noumène » est parfois considéré comme synonyme de chose en soi, faisant référence aux faits tels qu'ils sont absolument et en eux-mêmes, par opposition au terme de phénomène, faisant référence à ce qui est connaissable.

[modifier] Ding an sich : Noumène chez Kant

Pour comprendre le concept de noumène chez Kant, il faut considérer la définition qu'il donne de la philosophie dans « Les rêves d'un visionnaire expliqués par les rêves de la métaphysique » (1766) : la connaissance des limites de la raison. Dans la « Critique de la raison pure » (1781/87), Kant tente de répondre à la question : que puis-je savoir ? Pour y répondre, il va entreprendre une vaste « critique » (du grec « krinein », séparer, distinguer, qui donnera : discriminer) de la raison dans ses prétentions à la connaissance. L'originalité de Kant réside dans son renversement du problème de la connaissance : notre connaissance des objets dépend du sujet connaissant au moins autant que des objets à connaître. « Les objets se règlent sur notre connaissance » (préface de la seconde édition de la « Critique de la raison pure »). Connaître, c'est organiser au moyen de notre sensibilité et de notre entendement ce qui est donné dans l'expérience, ce qui nous apparait. Nous ne connaissons le monde qu'à travers le prisme de notre structure mentale. Donc les choses telles qu'elles sont « en elles-mêmes », au delà de leur réalité phénoménale, nous ne pouvons les connaître. Le concept de noumène a le sens négatif de limite (C.R.P. p229, voir bibliographie). Cependant, Kant conserve un sens positif au noumène qui, s'il ne peut être connu, joue un rôle régulateur dans un souci d'unité et sert de postulat (Dieu, l'âme, la liberté) à la raison pratique (morale).

[modifier] Noumène chez Husserl

Dans la perspective de Husserl, le noumène n'est effleurable qu'aux confins de l'intelligence, lorsque l'agitation des mots et des concepts cesse, lorsque l'intelligence à l'état pur n'est qu'intuition silencieuse, ou lorsque les mots ne sont plus des mots et alors toute tentative d’accéder au monde nouménal relève davantage de la poésie et de l’art.

Les phénomènes, sont les « objets » tels qu'ils nous apparaissent : matériels (tables, mur, livre) ou immatériels (les faits, les émotions, les pensées), ils ont un début et une fin, ils sont définissables.

Le noumène est la réalité intemporelle, indéfinissable, telle qu'elle est, on peut au mieux la percevoir, sans jamais pouvoir la décrire avec des mots ou la cerner à l'aide de concepts.

[modifier] Polémique entre Kant et Hegel

Contrairement à Kant, Hegel estime que s'il n'est pas possible - par nature - de faire l'expérience de la chose en soi ou de la Totalité (Philosophie), cela n'exclut pas de pouvoir utiliser le concept de chose en soi, donc d'en faire un objet ayant un statut particulier dans la théorie de la connaissance en philosophie. C'est même le point de départ de son étude de la religion (en tant que savoir du noumène) dans la Phénoménologie de l'Esprit

La remarque de Spinoza qui énonce « le concept de chien n'aboie pas » montre bien que le concept d'une chose et la chose elle-même ne sont pas douée des mêmes propriétés : l'un appartient à l'ordre logique, l'ordre existe, se meut dans l'Être. Donc, si la chose en soi renvoie à quelque chose dont on ne peut faire l'expérience, pour l'exercice philosophique (spéculatif), le concept de chose en soi a bien une réalité dans l'ordre de la pensée.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, PUF, 7e éd. Quadrige 2004 (noté C.R.P. dans l'article)

Ferdinand Alquié, La critique kantienne de la métaphysique, PUF, 1968

Alexis Philonenko, L'Oeuvre de Kant : la philosophie critique, tome 1, J. Vrin, 1993

Roger Verneaux, Critique de la « critique de la raison pure » de Kant, Aubier Montaigne, 1972