New Topographics

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New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape (Les nouveaux topographiques : photographies de paysages altérés par l’homme) est le titre d'une exposition charnière pour l’histoire de la photographie de paysage non seulement aux États-Unis mais pour tout le monde de l’art occidental. Cette exposition s’est tenue en 1975 à la George Eastman House, un musée international de photographie américain[1], sous la direction de William Jenkins. Plusieurs des photographes exposés participeront, directement ou indirectement, dix ans plus tard, à la Mission de la DATAR. Ces photographes engendreront également beaucoup d’émules autant en Amérique qu’en Europe, qui prolongeront l’esprit et les nouvelles approches conceptuelles et esthétiques du paysage proposées. En effet, tous les participants sont ou seront liés à l’enseignement supérieur en photographie. Cette évolution établira la suprématie américaine sur le marché de l’art photographique jusqu’à la fin des années 1990. New Topographics se trouve ainsi être au confluent d’une somme de d’indices et de tendances qui lui confèrent tout son intérêt historique.

[modifier] Participants à l'exposition et approche critique

Pour New Topographics William Jenkins avait sélectionné huit jeunes photographes américains (Robert Adams, Lewis Baltz, Joe Deal, Frank Gohlke, Nicholas Nixon, John Schott et Henry Wessel Jr.).

Il avait aussi invité le couple de photographes allemands Bernd et Hilla Becher, un an avant qu’ils ne commencent à enseigner à l’académie d’art de Düsseldorf. Ils y auront comme élèves, entre autres, les maintenant célèbres Andreas Gursky, Candida Höfer, Thomas Ruff, et Thomas Struth. En 1959 les Becher avaient commencé à photographier des structures industrielles en passe d’obsolescence (hauts-fourneaux, châteaux d’eau, etc.), un projet auquel ils travaillèrent pendant quarante ans. Leurs travaux avaient déjà été exposés aux États-Unis, ils les avaient intitulés Sculptures Anonymes. Ce titre n’est pas sans évoquer une des inspirations centrales du projet de William Jenkins : Edward Ruscha et la collection de livres d’artiste qu’il avait publiés dans les années 1960 dont entre autres Twenty-Six Gasoline Stations (1962), Various Small Fires (1964), Thirty-Four Parking Lots (1967). L’auteur n’est rien devant le sujet : la banalité du paysage urbain californien et la répétition des signes architecturaux de la modernité, leur similitudes liées à leur fonction, leur présence comme autant de signes de la civilisation américaine suburbaine et motorisée. Avec les écrits de John Brinckerhoff Jackson publiés dans sa revue Landscape et rassemblés dans, entre autres, Discovering the Vernacular Landscape (Yale, 1984), Ruscha est une des inspirations indéniables non seulement de Jenkins et de New Topographics, mais de la majorité des photographes de l’exposition.

Dans son introduction au catalogue de l’exposition, Jenkins écrit sur l’œuvre de Ruscha :

« His books of photographs […] possessed at once the qualities of rigorous purity, deadpan humor and a casual disregard for the importance of the images which even permitted the use of photographs not taken by Ruscha himself. The pictures were stripped of any artistic frills and reduced to an essentially topographic state, conveying substantial amounts of visual information but eschewing entirely the aspects of beauty, emotion and opinion. »

[Traduction : Ses livres de photographies possédaient à la fois les qualités d’une rigoureuse quête de pureté, d’humour pince-sans-rire, et de désintérêt nonchalant pour les images mêmes qui ont permis jusqu’à l’utilisation de photographies non prises par Ruscha lui-même. Ces images étaient dépouillées de tout artifice artistique superflu et réduites à un état de document essentiellement topographique. Elles transmettaient une quantité substantielle d’informations visuelles tout en s’abstenant de tout esthétisme, de toute expression d’émotion ou d’opinion.]

On ne peut sans doute s’empêcher, avec le recul, de commenter ces lignes en en soulignant ce qui peut passer pour des signes d’un enthousiasme quelque peu effréné, sinon naïf. La prétendue « absence de style » présentée en prémisses de cette exposition engendrera une approche non seulement politique mais également esthétique du paysage photographié inspirant plusieurs générations de photographes. Ce ne sont pas les prises de position et textes que Robert Adams et Lewis Baltz diffuseront ensuite qui démentiront ce dernier point.

Ce qui demeure certain cependant dans le cas de New Topographics, c’est le changement dans les préoccupations affirmées et les sujets choisis de la photographie de paysage américaine. On assiste à un virage à 180 degrés par rapport à une tradition essentiellement ancrée sur la côte ouest vantant le sublime des paysages des sierras, la preuve de la Destinée Manifeste du peuple immigré américain aux frais des autochtones amérindiens. En même temps les « équivalents », ces expressions photographiques d’émotions et d’états d’âmes recherchées dans le paysage dans le sillage d’Alfred Stieglitz (New York) sont aussi, en apparence, laissés de côté au profits de sujets urbains et péri-urbains. Tous, à l’instar de Robert Frank dans Les Américains, documentent les effets de la croissance rapide des villes américaines et de la montée de l’individualisme traduite notamment par l'usage accru de l’automobile particulière.

[modifier] Éléments de technique photographique

Le plan technique semble confirmer une objection au détachement et au déni de l’autorité de l’auteur annoncés par William Jenkins. La plupart des photographes (Adams, les Becher, Nixon et Shore) travaillent avec une chambre grand format, 20 cm x 25 cm, qui, si elle procure une richesse et une précision certaines n’en demeure pas moins l’outil de prédilection de la génération précédente d’artistes photographes d’Alfred Stieglitz à Edward Steichen en passant par Edward Weston, et Ansel Adams bien sûr. Leurs tirages sont au format 20 cm x 25 cm, toujours dans la même tradition. Deal et Gohlke photographient en moyen format carré pour des tirages respectivement de 32 cm x 32 cm et 24 cm x 24 cm (proche ici aussi du 20 x 25). Baltz, Schott et Wessel utilisent le format 35 mm. Cependant, Baltz emploie du Kodak Technical Pan, un film à très basse sensibilité donnant une grande précision de détails, comparable à celle obtenue avec des films de formats supérieurs et de sensibilité normale. Baltz, Schott et Wessel utilisent aussi du papier de format 20 cm x 25 cm pour leurs tirages. On est loin alors des tirages géants contemporains des Gursky, Struth, Misrach ou Burtynsky. Les tirages des dix participants exhibent tous une maîtrise du procédé photographique qui ne ressemble en rien à celle des images à but strictement documentaire. Tous excepté Stephen Shore travaillent en noir et blanc, ce qui n’empêche pas ce dernier d’utiliser le format 20 x 25, même en couleur.

[modifier] Notes et références

  1. http://en.wikipedia.org/wiki/George_Eastman_House
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