Maqâm

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sommaire

Le maqâm — en arabe مقام, en turc makam, en azéri mugham, en ouzbek maqôm, en ouighour muqâm — est à la fois un système musical général et ses applications particulières.

Le mot maqâm signifiait le lieu où se jouait la musique ; par la suite, il désigna la modalité au Machrek. Maqâm signifie littéralemment "station", d'une échelle mélodique en l'occurrence. Il a aussi le sens de "rang élevé" et désigne un modèle transcendant.[1]

Avant l'adoption du terme maqâm, on utilisait dans les régions arabophones diverses appélations : saout (صوت) qui veut dire voix ou son, naghma (نغمة) qui veut dire mélodie ou tab'e (طبع) qui veut dire "nature" dans le sens de caractère. Comme pour les râgas dans la musique indienne, les maqâmat sont associés aux 4 éléments, au jour et à la nuit et avaient chacun un caractère.

Il s'agit d'une organisation des échelles mélodiques[2]. A la différence du système des "gammes" (majeures, mineures...) telles qu'on les conçoit et les utilise en Occident, le maqâm est plus qu'un système d'intervalles car il organise les intervalles entre chaque notes ainsi que les cheminements à l'intérieur de cette "échelle" modale, sur plusieurs octaves. Sur ce point, le maqâm se rapproche beaucoup du système des râgas dans la musique classique indienne.

S'il est virtuellement possible d'imaginer une infinité de déclinaisons sur ce principe, quelques dizaines seulement sont régulièrement utilisées et posssèdent un nom. Il s'agit là du deuxième sens du maqâm, qui correspond à la définition d'intervalles et de parcours mélodiques singuliers, obéissant à des règles mathématiques et esthétiques. Nous pouvons alors désigner chaque système d'intervalles et de parcours par un nom qui lui est propre et s'y réfère : Hijaz, Husseinî, Bayati ...

De nombreux maqâms, à la différence des échelles occidentales "tempérées" (chaque intervalle est égal sur la base arbitraire de 11 intervalles sur une octave naturelle), possèdent des intervalles avoisinant le 3/4 de ton. Concrètement, cela reviendrait à définir un intervalle supplémentaire entre le si et le do par exemple, en plaçant une nouvelle note : le si ouj. Nous pourrions alors jouer cet intervalle (et cette note) et obtenir une "couleur" particulière correspondant à l'une de grandes "familles" de maqâm.

L'origine diverses des maqâms et l'utilisation de systèmes non tempérés (en musique arabe on a adopté en 1932 au 1er Congrés de la musique arabe le système ¼ de ton) fait que certains maqâms ont des noms différents parce que leurs toniques sont différentes, alors qu'ils ont la même structure.

Chaque maqâm possède une couleur, un sentiment particulier, une nature. Les compositions basées sur ces maqâms constituent la base de la musique savante, urbaine. On retrouve les principaux modes du maqâm dans la musique populaire, mais de façon généralement moins élaborée.

Ce système modal complexe se décline ainsi du Maghreb à la Chine, et constitue un corpus théorique d'une grande richesse, celui de la musique savante ou "classique".

Issues d'un tronc musical commun remontant au XIVe siècle, trois branches représentent aujourd'hui les principales déclinaisons de ce système modal qu'est le maqâm :

  • le dastgâh persan (Iran) et le mugham azéri
  • le maqâm arabe
  • le makam ottoman (Turquie)

On prendra garde toutefois à noter que le maqâm arabo-turc est devenu extrèmement modulant, changeant de tonalité toutes les cinq ou dix mesures parfois, alors que le dastgâh iranien est resté parfaitement tonal comme le râga indien.

[modifier] Structures

Le maqâm est composé de plusieurs sous-ensembles de 3, 4 ou 5 notes (tricorde, tétracorde ou pentacorde) appelés "genres" (ajnas) ou "noeuds" ('uqud : ce dernier terme étant réservé aux pentacordes). Ces genres sont des types variables de groupes de notes portant des noms bien référencés, formant les familles de maqâms. C'est le 1er genre d'un maqâm qui détermine sa famille. Ainsi les maqâms commençant par le genre Bayati appartiennent à la famille Bayati, même s'il module ensuite dans d'autres genres, en changeant de tétracordes.

[modifier] Tempérament

Bien que utilisant les mêmes maqâms (même nom et même structure), les musiciens des différentes contrées n'utilisaient pas les mêmes hauteurs (fréquences) pour les mêmes notes. Ceci a été mis en évidence lors du 1er Congrés de la musique arabe en 1932[3] Plus tard, des expériences menées par le musicien Salah El Mahdi (1966) [4] ont montrés que des altérations étaient utilisées pour abaisser ou augmenter le ton de :

  • 2/10 de ton
  • 3/10 de ton
  • 4/10 de ton

De nos jours, pour des raisons pratiques, les altérations sont arrondies au ¼ de ton le plus proches et on n'utilise que deux altérations pour représenter le demi-bémol et le demi-dièse.

[modifier] Armure

Il n'y a pas de consensus sur la façon de placer les altérations constitutives du maqâm sur l'armure et ceci pour deux raisons principales :

  • Les maqâms sont eux-mêmes formés de genres et les altérations ne sont pas les mêmes d'un genre à l'autre.
  • Les musiques utilisants les maqâms sont essentiellement orales et l'utilisation de la notation du solfège n'a commencée qu'à la fin du XIXe siècle et sans coordination entre les différentes régions.

Ci-dessous les différentes façons de faire — dans ce qui suit, les demi-bémols (resp. demi-dièses) observent le même ordre que les bémols (resp. dièses), on ne parlera donc que de bémols ou de dièses.

  • Aucune règle : les altérations sont posées dans le désordre en mélangeant dièses et bémols.
  • Les altérations constitutives des deux premiers genres sont placés sur l'armure. L'ordre adopté est le même que dans le solfège classique[5]. Il y a deux conventions :
    • Les bémols sont mélangés aux dièses (ce qui ne se fait pas dans le solfège), les bémols précédant toujours les dièses.
    • Selon le cas, soit les bémols sont placés sur l'armure et les dièses apparaissent comme des altérations accidentelles soit c'est le contraire.

Exemple : Le Maqâm Hijaz dans les différentes notation :

Notation libre (aucune altération sur l'armure)
Notation bémols et dièses mélangés
Notation bémols seuls

[modifier] Maqâm arabe

[modifier] Genres

  • Tricordes  : Ajam, Jiharkah, Sikah, Mustaar
  • Tétracordes : Bayati, Busalik, Hijaz, Kurd, Nahawand, Rast, Saba, Zamzama
  • Pentacordes : Athar Kurd, Nawa Athar, Nikriz
Ajam (terme qui désigne "ce qui n'est pas arabe") tricorde commençant avec Mi\flat
Image:Arabic maqam jins ajam.jpg
Bayati tétracorde commençant avec Ré
Image:Arabic maqam jins bayati.jpg
Hijaz tétracorde commençant avec Ré
Image:Arabic maqam jins hijaz.jpg
Kurd tétracorde commençant avec Ré
Image:Arabic maqam jins kurd.jpg
Nahawand (du nom d'une ville perse) tétracorde commençant avec Do et qui correspond au 1er tétracorde du Do mineur
Image:Arabic maqam jins nahawand.jpg
Nikriz pentacorde, commençant avec Do
Image:Arabic maqam jins nikriz.jpg
Rast (en perse : principal) tétracorde, commençant avec Do
Image:Arabic maqam jins rast.jpg
Saba tétracorde, commençant avec Ré
Image:Arabic maqam jins saba.jpg
Sikah (du perse Se-gah qui veut dire 3ème son) tricorde, commençant avec Mi
Image:Arabic maqam jins sikah.jpg

[modifier] Familles

  • Ajam : Ajam, Jiharkah, Shawq Afza
  • Bayati : Bayati, Bayati Shuri, Husseini
  • Hijaz : Hijaz, Hijaz Kar, Shadd Araban, Shahnaz, Suzidil, Zanjaran
  • Kurd : Kurd, Hijaz Kar Kurd
  • Nahawand : Farahfaza, Nahawand, Nahawand Murassah, Ushaq Masri
  • Nawa : Athar Athar Kurd, Nawa Athar, Nikriz
  • Rast : Mahur, Nairuz, Rast, Suznak, Yakah
  • Saba : Saba, Saba Zamzam
  • Sikah : Bastanikar, Huzam, Iraq, Mustaar, Rahat El Arwah, Sikah, Sikah Baladi

Liste des gammes et modes

[modifier] Formes

Voici les formes de compositions ornant un maqâm :

[modifier] Rythmes

Aaraj 5/8 - Aghar Aqsaq 5/8 - Aqsaq 9/8 - Awfar 19/4 - Awis 11/8 - Ayyub 2/4 - Dawr Hindi 7/8 - Dawr Al Kabir 28/4 - Dharafat 13/8 - Fakhit 20/4 - Fikra 15/4 - Frankajin 24/4 - Hazaj 22/4 - Jurjina 10/8 - Katakufti 8/8 - Khush Rank 17/8 - Malfuf 2/4 - Maqsum 4/4 - Masmudi Kabir 8/4 - Masmudi Saghir 4/4 - Mudawwar 12/4 - Muhajjar 14/4 - Mukhammas 16/8 - Mukhammas Turki 32/4 - Murabbaa 13/4 - Nawakht 7/4 - Nawakht Hindi 16/8 - Nim Dawr 18/8 - Nim Oyun Havasi 11/8 - Nim Rawan 9/4 - Sadah Duyek 16/8 - Samai Ta'er 3/8 - Samai Thaqil 10/8 - Shanbar Halabi 24/4 - Shanbar Kabir 48/4 - Shanbar Masri 48/4 - Sinkin Samai 6/4 - Sittatu Ashar 32/4 - Turrah 21/4 - Wahda 4/4 - Wahda Mukallafa 2/4 - Warshan Arabi 32/4 - Yuruk Samai 6/8


[modifier] Makam turc

[modifier] Formes

Voici les formes de compositions ornant un maqâm :

  • Aranağme
  • Beste
  • Gazel
  • Kâr
  • Köçekçe
  • Medhal
  • Oyun Havası
  • Pesrev
  • Semai :
    • Ağır Semai
    • Yürük Semai
    • Saz Semaisi
  • Şarkı
  • Taksim
  • Türkü

[modifier] Rythmes

Les rythmes turcs (usul) sont l'héritage des rythmes ottomans eux-mêmes liés à ceux de l'Asie Centrale ; ils se subdvisent en :

Usuls mineurs (moins de 16 temps)  : Aksak (9) - Aksak Semai (10) - Avfer (9) - Ayin Devr-i Revanı (Mevlevi Devr-i Revanı) (14) - Bektasi Devr-i Revanı (13) - Ceng-i Harbi (10) - Devr-i Hindi (7) - Devr-i Turan (7) - Frenkçin (12) - Düyek (8) - İkiz aksak (12) - Lenk Fahte (10) - Mürekkep Nim Sofyan (6) - Müsemmen (8) - Nim çember (12) - Nim Evsat (13) - Nim Sofyan (2) - Oynak (9) - Raks Aksağı (9) - Raksan (15) - Şarkı Devr-i Revanı (13) - Semai (3) - Sofyan (4) - Tek vurus (11) - Türk Aksağı (5) - Yürük Semai (6)

Usuls majeurs (plus de 16 temps) : Beste Devr-i Revani (26) - Çehar (124) - Çenber (24) - Çifte Düyek (16) - Darb-i Fetih (88) - Darb-i Hüner (38) - Devr-i Kebir (28) - Durak Evferi (21) - Evsat (26) - Fahte (20) - Fer' (16) - Frengi Fer (28) - Hafif Berefsan (32) - Havi (64) - Hezeç (22) - Muhammes (32) - Nim Berefsan (16) - Nim Devir (18) - Nim Hafif (16) - Nim Sakil (24) - Nim Zencir (60) - Remel (28) - Sakil (48) - Türki Darb (18) - Zencir (120)

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Jean During, Musiques d'Asie Centrale, Actes Sud, 1998.
  2. Il existe plus de 120 modes appelés maqamat (pluriel de maqâm). Le terme et le concept sont communs aux musiques persane, arabe et turque. Dans la musique persane, le maqâm ou dastgâh est caractérisé par trois notes : la note témoin (shâhed) base de la progression mélodique, la note variable (moteqayyer) dont la hauteur varie au cours du mouvement et la note d'arrêt sur laquelle se fonde toute interruption de la musique. La note d'arrêt final est suivie d'un motif (foroud) servant à revenir à l'intonation initiale.
  3. On a donné le La a plusieurs joueurs de qanûn de renommée et on leur a demandé d'accorder leurs instruments. Le résultat montre des différences notamment pour les notes comme Mi ou Si
    .
  4. Les expériences consistaient à analyser les spectres de fréquences d'enregistrements de musiciens de renommée de différents pays. Cette approche ne laissait aucune place à la subjectivité. Les résultats ont été représentés lors du séminaire du Goethe-Institut tenu en 1968 à Bayrouth, Liban. 6 symboles ont été ajoutés pour représenter les altérations.
  5. si-mi-la-ré-sol-do-fa pour les bémols et fa-do-sol-ré-la-mi-si pour les dièses