L'Annonciation (Léonard de Vinci)

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L'Annonciation
Léonard de Vinci, vers 14721475
huile sur bois
98 × 217 cm
Galerie des Offices

L'Annonciation est un tableau de Léonard de Vinci est exposé à la Galerie des Offices de Florence. Il mesure 98 cm x 217 cm. Il est constituée de cinq planches encollées de 3,5 cm d’épaisseur dont la face arrière a été rabotée au XIXe siècle[1].

Sommaire

[modifier] Données historiques

La peinture provient du Monastère de Monte Olivetti, situé dans la campagne siennoise. Nous ne possédons aucun autre renseignement antérieur à son entrée à la Galerie des Offices (où elle est inventoriée pour la première fois en 1618). Les moines de Monte Olivetti y voyaient une œuvre de Domenico Ghirlandaio. Ruskin la considère comme « un Léonard précoce des plus authentiques et d’un intérêt extrême ». En 1907, Sydney Colvin rapproche l’étude d’un bras par Léonard (aujourd’hui au collège d’Oxford) de l’Annonciation des Offices, confirmant son attribution à Léonard.

Le tableau a été soumis à l’expertise de la radiographie. Celle-ci a révélé qu’à l’origine la tête de la Vierge était plus penchée, la main droite plus courte, son petit doigt n’était ni relevé, ni plié. De plus une chaîne à pendentifs ornait son front. Tous ces repentirs ont accrédité la thèse d’une œuvre de jeunesse d’un Léonard encore hésitant. On relève également sur le tableau des frottages à la main des couleurs, caractéristiques de la manière de Léonard. On le date en général à des années 1473-1475, alors que Léonard travaille toujours dans l‘atelier de Verrocchio.


[modifier] Analyse

La scène se déroule dans un hortus conclusus, un jardin clos symbole depuis le Moyen-Äge de la virginité de la Vierge, mais, signe de la conquête de l'espace par la perspective, le muret s'ouvre au niveau de la main de l'Ange sur un paysage idéalisé propre au Quattrocento avec ses plantations d’arbres contrôlées et régulières »[2], ici des pins et des cyprès.

Le pré fleuri est une allusion à la ville de Nazareth. Saint Jérôme avait donné pour étymologie à Nazareth l’hébreu netser signifiant fleur, Saint Bernard l’avait commenté et la Légende Dorée de Jacques de Voragine[3] l’avait popularisée : «Quant à Marie elle revint à Nazareth dans la maison de ses parents. Nazareth veut dire fleur. « Ainsi, dit Saint Bernard, la fleur voulut naître d’une fleur, dans une fleur, et dans la saison des fleurs. » Ce fut donc là que l’ange lui apparut. »

L’Ange Gabriel salue la Vierge Marie. Le lys blanc dans sa main gauche est considéré comme un symbole de la pureté de Marie. Entre l’Ange Gabriel et la Vierge, un lutrin, inspiré du sarcophage en porphyre et en marbre de Pierre 1er et Jean de Médicis dans la Vielle Sacristie (Sagresta Vecchia) de l’église San Lorenzo à Florence, par Verrocchio, le maître de Léonard. La Vierge fait face à l’Ange. Elle est surprise en train de lire la Bible. Son geste de la main gauche peut être interprété comme un signe de trouble (conturbatio) où elle serait « étonnée de l’altière et magnifique salutation de l’Ange »[4].

La construction derrière la Vierge avec son intérieur ouvert sur la jardin a pu évoquer la peinture flamande[5]. Léonard de Vinci a peint au centre du tableau un paysage : un port sur fond de montagnes, où il expérimente déjà son habileté « à  rendre les modifications de la couleur dans la nature à travers l’air et la lumière »[6].

[modifier] L’Annonciation du Louvre

L'Annonciation
Lorenzo di Credi, vers 14781485
détrempe sur bois
16 × 60 cm
Musée du Louvre

Le Louvre possède une variante de l’Annonciation de la Galerie des Offices. Elle a été acquise par Napoléon III en 1861, lors de la vente de la collection du marquis Campana »[7]. Elle est entrée au Louvre deux ans plus tard.

Elle constituait avec deux autres panneaux la prédelle d’un retable commandé à Andréa Verrocchio, le maître de Léonard, à la mort de l’évêque de Pistoia, Donato de Medicis. Cela explique sa petite taille, 16 cm x 60 cm.

Donato de Medicis est décédé en 1474. Un document nous apprend que le retable est déjà bien avancé en 1478-1479, et presque achevé en 1485[8]. On peut donc le dater de la fin des années 1470, avant l’Adoration des Mages. Dans la collection Campana, le tableau était attribué à Domenico Ghirlandaio. Le premier catalogue du Louvre l’attribue, lui, à Lorenzo di Credi, qui dirigea l’atelier de Verrocchio lorsque celui-ci partit à Venise pour la statue du Colleoni, puis à sa mort. En 1897, Giovanni Morelli y voit l’œuvre de Léonard de Vinci. Si l’attribution à Lorenzo di Credi reste largement majoritaire, Ottino della Chiesa[9] , Carlo Pedretti, [10] et Pietro C. Marani soutiennent toujours l’attribution à Léonard de Vinci.

Le dessin est assurément moins précis que dans l’Annonciation des Offices, la pose de la Vierge diverge : elle est penchée sur la droite. Françoise Viatte a donc suggéré un travail de Lorenzo di Credi « avec une intervention de Léonard dans certaines parties : les mains de la Vierge, les ailes de l’ange, très grandes, très travaillées dans le clair-obscur, dans les draperies des deux figures »[11].

[modifier] Notes et références

  1. Frank Zöllner Léonard de Vinci, tout l’œuvre peint et graphique, Taschen, 2003, p.216
  2. Christina Acidini Luchinat Le Jardin florentin au miroir des Arts Figuratifs dans Jardins des Médicis, édition française : Actes Sud / Motta, 1997, p. 40.
  3. Jacques de Voragine, L’Annonciation de Notre Seigneur, dans La Légende Dorée, , 1263-1273.
  4. Michaël Baxandall, l’œil du Quattrocento, p.83 où il rappelle les cinq états successifs de la Vierge au moment de l’Annonciation, tel que le décrit le prédicateur Fra Roberto, réflexion (cogitato), trouble (conturbatio), interrogation (interrogatio), soumission (humiliatio), mérite (meritato).
  5. en particulier, Pedretti, Leonardo, A Study in Chronology and Style, p. 29-31 et Kenneth Clark, Léonard de Vinci , 1967, le Livre de Poche p. 35-40.
  6. Ernst Gombrich Leonardo on the science of painting, 1982, in On the Renaissance, volume 4, p.36
  7. sur l’histoire de la collection Campana, voir Francis Haskell, Conservation et dispersion du Patrimoine artistique italien in l’Amateur d’art; 1977.
  8. Pietro C. Marani Léonard de Vinci, Une carrière de peintre, (édition française : Actes Sud / Motta 1999), p.67-68
  9. Ottino della Chiesa l’Opera complete di Leonardo, 1967
  10. Pedretti, Leonardo, A Study in Chronology and Style, p.29-30.
  11. Françoise Viatte, Annonciation, in Léonard de Vinci, Dessins et manuscrits, rmn 2003,p.47