Joachim Peiper

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Joachim Peiper
Surnom : Jochen
Naissance : 30 janvier 1915
Berlin, Allemagne
Décès : 13 juillet 1976 61 ans)
Traves, France
Origine : Allemagne Allemagne
Grade : SS-Standartenführer
Service : 1933 - 1945
Conflits : Seconde Guerre mondiale
Distinctions : Croix de fer
Famille : marié, trois enfants

Joachim Peiper (né le 30 janvier 1915 à Berlin - décédé le 13 juillet 1976 à Traves, en France) était un officier de la division blindée 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler. Lieutenant-colonel lors de l'offensive des Ardennes en décembre 1944, il fut condamné à mort pour crime de guerre par le tribunal militaire américain de Dachau en 1946 essentiellement pour le massacre de Baugnez commis par le Kampfgruppe dont il avait le commandement. Libéré en décembre 1956, il se retire en France à la fin des années 1960 pour y trouver la mort dans l'incendie criminel de sa villa.


Sommaire

[modifier] Les premières années

Joachim Peiper est issu d’un famille bourgeoise, qui comporte deux autres fils, Hans-Hasso et Horst. Son père est capitaine dans l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale et combat notamment en Afrique du Sud-Ouest et en Turquie. Joachim Peiper fait ses études secondaires inférieures à la Goethe-Oberrealschule. Attiré par la carrière des armes, il rejoint la Hitlerjugend début 1933, puis la SS en octobre de la même année.

Début 1935, il intègre la Junkerschule de Braunschweig (école d'officiers SS). Untersturmführer (sous-lieutenant) en avril 1936, il est affecté à la 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler. D'avril 1938 à août 1941, il est détaché à l'état major du Reichführer SS Heinrich Himmler[1], un passage que Himmler estime nécessaire dans la carrière d'un officier à potentiel[2]. En 1939, il est promu Oberscharführer. C'est durant cette période qu'il rencontre Sigurd, une des secrétaires d' Himmler, qui deviendra son épouse et avec qui il aura trois enfants, Heinrich, Elke et Silke.
L'appartenance de Peiper au NSDAP est controversée. Si les archives du parti nazi montrent que Peiper fut inscrit début mars 1938[2], son numéro d'affiliation (5.508.134) n'apparaît cependant pas dans les états d'ancienneté de la SS (Dienstaltersliste) ; Joachim Peiper a toujours nié avoir été membre du NSDAP, version confirmée par le père de celui-ci. Cette controverse peut sembler secondaire au regard de la déclaration faite par Peiper en 1967 à un journaliste itlalien, dans laquelle il affirme : « J'étais un nazi et je le suis resté ».

[modifier] Sur le front, au sein de la Waffen-SS

[modifier] De la campagne de France à l'opération Barbarossa

Au printemps 1940, il demande une affectation sur le front. Obersturmführer (lieutenant) à la tête d'une compagnie de la LAH (la 10e KP), il effectue la campagne de France. Ces combats, en particulier ceux de Flandres où il participe à la prise d'une batterie d'artillerie anglaise installée sur les collines de Wattenberg, lui valent la Croix de fer première classe[1]. Il réintègre ensuite son poste auprès d'Himmler jusqu'en août 1941
Après le début de l'opération Barbarossa, il rejoint le front russe où il combat en qualité d’Hauptsturmführer (capitaine) à la tête du 2e régiment de Panzergrenadiers (fusilliers motorisés). Fin février 1943, près de Kharkov, son unité perce les lignes soviétiques pour dégager la 320e Division d’Infanterie encerclée avec 1500 blessés et assure aux ambulances un chemin de repli jusqu'aux lignes allemandes[3]. Le mois suivant, les têtes de pont qu'il réussit à former permettent à la Wehrmach d'attaquer Kharkov. Il perce le front ennemi pour s'emparer de Bielgorod. Ces faits d'armes lui valent la Croix de Chevalier de l’Ordre de la Croix de Fer qu’il reçoit en mars 1943[1]. Les Soviétiques accuseront Peiper et ses troupes d'avoir sans raison incendié deux villages et massacré leurs habitants[réf. nécessaire]. Un bataillon de la division commandé par Pieper, se « distingue » en février 1943 par l'emploi de lampes à souder lors des atrocités perpétrées contre la population civile dans la région de Karkhov[4].Pour ce qui est des incendies, Peiper a déclaré :« Nos véhicules avaient l'habitude d'attaquer à pleine vitesse, toutes armes en action. Comme les maisons russes étaient coiffées de chaume, il était inévitable qu'elles prennent feu durant la bataille. Il n'était en aucun cas nécessaire que les hommes descendent des véhicules pour mettre le feu aux maisons avec des lance-flammes »[5].

[modifier] Le massacre de Boves

La 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler est ensuite envoyée en Italie pour deux mois pour participer au désarmement des forces italiennes qui viennent de capituler suite au débarquement allié. Cantonné dans le Piémont près de la ville de Cuneo, il est confronté aux partisans qui capturent deux de ses hommes dans le village de Boves.[6].
Selon le récit de Joachim Peiper, son unité n'a commis aucun massacre de civils. Envoyée à la recherche de deux sous-officiers capturés par les partisans et emmenés dans les monts Bisalta qui entourent la cité de Boves, où les resitants sont particulièrement actifs, une section de son unité tombe dans un embuscade. En venant au secours de celle-ci, Peiper et ses hommes son accueills par des tirs nourris, suite auquel Peiper ordonne à l'artillerie mobile d'ouvrir le feu, ce qui déclenche des incendies. La section d'artillerie mobile reste ensuite à Boves pour détruire les armes et munitions qui s'y trouvaient encore[5].
Selon Faustino Dolmazzo, l'avocat des partisans italiens, à l'arrivée de Peiper à Boves, les Allemands mandatent deux italiens ,dont le curé, pour demander la libération des deux sous-officiers, Peiper promettant l'absence de représailles . Après que les deux hommes aient été libérés vers 15h, « toutes les maisons furent incendiées, [y compris]les maisons isolées, [dans] la localité de Rivoira et l'agglomération de Boves et 22 personnes de sexe masculin furent tuées au moment où elles essayaient de fuir. En général, c'étaient des vieux, des malades, c'est-à-dire des retardataires, parce que la majorité des habitants de Boves, quand ils ont vu arriver les Allemands, s'étaient enfuis ». Les deux émissaires « conduits à travers Boves pour qu'ils assistent à l'incendie des habitations et ensuite furent tués dans une cave(...). Leur corps ont été retrouvés là, le lendemain, mais non reconnaissables parce qu'ils avaient été carbonisés, c'est-à-dire qu'il y eut une tentative de la part des SS de maquiller le meurtre de ces émissaires (...) en rendant méconnaissables les cadavres. Ils ont cependant pu être identifiés : don Bernardi à cause des prothèses dentaires que lui avait faites quelque temps auparavant le médecin de Boves, aux clés de la sacristie qui étaient dans sa poche. Ces cadavres étaient réduits à presque soixante centimètres »[7].
Pour les historiens de métier, spécialistes reconnus de la matière, la conclusion est claire. Selon Steffen Prausser « le 19 septembre 1943, le premier massacre de civils, qui coûta la vie à 23 personnes à Boves dans le Pièmont, montre déjà la brutalité et la disproportion avec lesquelles certaines unités, dites unités d'élite, réagirent à des pertes minimes »[8], analyse argumentée partagée par Lutz Klinkhammer, pour qui « le massacre de Boves est l'archétype des crimes de guerre commis en Italie » [9] et par Jean-Luc Leleu, qui mentionne également le massacre de Boves au nombre des crimes de guerre commis par des unités de la Waffen-SS[10].

[modifier] Retour sur le front russe

A l'automne 1943, son unité est à nouveau sur le front russe, rattaché à la division Das Reich, et Peiper, nommé Sturmbannführer (commandant) en novembre, ayant reçu le commandement du 1er Régiment de Panzer SS (qu'il commandera jusqu’à la fin du conflit), effectuera de nombreux combats de nuit contre les Soviétiques durant l'hiver. Son unitée blindée joue un rôle essentiel dans le blocage de l'offensive soviétique dans le secteur de Jitomir où les il pénètre assez profondément à l'arrière des lignes ennemies pour investir quatre états-majors de divisions. Ces combats lui valent la Croix de Chevalier avec feuilles de chênes en janvier 1944[6].
Après quelques semaines dans la province flamande du Limbourg au printemps 1944, il se trouve sur le front de Normandie ou il lutte dans le secteur de Caen et Argentan pour finalement, échapper à l'encerclement anglo-américain de la Poche de Falaise.

[modifier] La bataille des Ardennes

A l'automne, ce sont les combats sur la Westwall, suivi de l'offensive des Ardennes en décembre[11]. Peiper « avait acquis durant ces années un considérable degré de maturité et son renom n'était plus à faire au sein de l'armée allemande »[12]. Il a « été spécialement sélectionné par Adolf Hitler pour conduire la pointe avancée de la 1ère Division Panzer SS. Sa route de marche avait aussi été choisie par le Führer, mais lorsque Peiper en prit connaissance,il la décrivit comme étant juste adaptée pour des vélos et non pour des tanks »[12]. Remarque à laquelle le chef d'état-major de la 6e Armée, Fritz Krämer, répondit :« Peu importe ce que vous ferez et comment vous le ferez. Tout ce qu'on vous demande, c'est d'arriver à la Meuse le troisième jour, fut-ce même avec un seul panzer rescapé »[12]. Son Kampfgruppe (groupement tactique), fortement armé, s'était vu assigner la mission de percer les lignes américaines et de se ruer vers la Meuse afin d'y établir une tête de pont. Dès le départ, les retards vont s'accumuler. D'une part, les troupes parachutistes chargées d'opérer la percée intiale vont perdre une journée à la réaliser et, d'autre part, la colonne motorisée de Peiper progresse lentement dans les embouteillages à l'arrière du front. Il en résulte que ce n'est que peu avant l'aube du 17 décembre que Peiper va enfin pouvoir passer à l'offensive. Bousculant les restes des premières lignes américaines, il va rapidement s'emparer de Honsfeld et de Büllingen où il met la main sur un petit dépôt d'essence allié. De là, il poursuit sa route sur l'itinéraire qui lui est assigné, dont il devra toutefois dévier peu avant d'atteindre Ligneuville car les chemins de traverse qui lui sont assignés se révèlent impraticables. Ce détour l'oblige à passer par le carrefour de Baugnez où son avant-garde se heurte à une colonne américaine d'observateurs d'artillerie qui sera neutralisée après un bref engagement. Poursuivant sur sa route, il franchit Ligneuville pour atteindre les hauteurs de Stavelot, sur la rive gauche de l'Amblève et à mi-chemin de son objectif, au soir du deuxième jour de l'offensive. Alors que la ville n'est défendue que par de maigres troupes alliées et aurait pu être facilement prise le jour même, de façon incompréhensible, il va tergisverser er reporter son assaut à l'aube du lendemain, perdant un temps précieux qui permet aux Américains de se réorganiser. Après de violents combats, son Kampfgruppe parvient à franchir dans la matinée du 18 décembre le pont sur l'Amblève et à poursuivre son avance vers Trois-Ponts où une mauvaise surprise l'attend. Les troupes américaines ont pu se resaisir et faire sauter les ponts sur l'Amblève et la Salm, ponts qui devaient lui permettre de progresser par une voie directe vers son objectif la Meuse. Tout au long de la journée du 18, les troupes américaines du génie vont s'ingénier à faire sauter devant lui tous les ponts qu'il aurait pu utiliser pour gagner son objectif, l'enfermant ainsi dans la vallée encaissée de l'Amblève en aval de Trois-Ponts. En outre, profitant du temps plus clair, plusieurs raids de chasseurs bombardiers alliés vont s'en prendre à sa colonne étirée sur près de vingt kilomètres. De nombreux véhicules de son groupement seront détruits ou gravement endommagés sans compter que des portions de son itinéraire seront rendues impraticables, compliquant et ralentissant encore la progression de son groupement. Pire, il va en outre négliger d'assurer ses arrières, ce qui permettra aux troupes américaines de reprendre et de détruire le pont sur l'Amblève à Stavelot, coupant ainsi Peiper de la seule voie de ravitaillement possible pour les munitions et, surtout, l'essence dont il manque. Nonobstant ces avatars, il poursuit son avance jusqu'à Stoumont avant d'être contraint par la résistance des troupes que les Américains on pu mettre en travers de sa route, de se replier sur La Gleize où, à bout de carburant, il contient six jours durant les contre-offensives américaines. Privé d'approvisionnement, sans contact avec les autres unités allemandes, il est contraint, le 24 décembre, de saboter ou abandonner ses véhicules et faire retraite à travers bois pour échapper à l'encerclement et la capture[13]. Sur les 5 000 hommes qui l'accompagnaient au départ, seuls 800 parviendront à rejoindre les lignes allemandes[réf. nécessaire].
Selon certaines sources, lors des briefings précédant l’opération, Peiper aurait clairement déclaré qu’il ne fallait pas faire de quartier, ne pas faire de prisonniers et ne manifester aucune pitié envers les civils belges[14].

[modifier] Le massacre de Baugnez

Le massacre de Baugnez n'est pas un acte isolé. Avant celui-ci, à Honsfeld , des éléments de son groupe tuent de sang-froid plusieurs dizaines de prisonniers américains[15],[16] ; un autre massacre de prisonniers de guerre américains est rapporté à Bullange (Bullingen).[15],[16],[17].


Après le massacre de Baugnez, de nouveaux massacres de prisonniers américains sont encore rapportés à divers endroits. Ainsi, des membres de sa troupe tuent au moins huit autres prisonniers américains à Ligneuville[17],[18]. Enfin, de nouveau massacres de prisonniers seront à nouveau évoqués à Stavelot, Cheneux, La Gleize et Stoumont les 18, 19 et 20 décembre[17]. Enfin, le 19 décembre 1944, dans la région comprise entre Stavelot et Trois-Ponts, alors que les Allemands essayent de reprendre le contrôle du pont sur l'Amblève à Stavelot, essentiel pour que les renforts et les approvisionnements puissent atteindre le Kampfgruppe, les troupes de Peiper se rendent coupables de massacres qui entraînent la mort de plus de 131 civils, dont de nombreux femmes et enfants[15],[17],[19],[20].

[modifier] Derniers combats

En janvier 1945 , on ajoute les glaives à sa Ritterkreuz et il est nommé Obersturmbannführer (lieutenant-colonel). De retour sur le font de l'Est où son régiment doit s'opposer à l'avance soviétique, à l'Ouest du Danube. Il est nommé Standartenführer (colonel) et livre les derniers combats au pied des Alpes avant d'être capturé par les Américains[11].

[modifier] L'après-guerre

[modifier] Le procès du massacre de Baugnez

Suite à la capitulation des armées allemandes, les Américains vont collecter dans divers camps de prisonniers les hommes du Panzergruppe Peiper en vue de les faire comparaître devant un tribunal militaire. Ils sont accusés d'avoir « laissé une trainée de sang d'un bout à l'autre de leur chemin ». Le kampfgruppe Peiper est en effet la seule unité à qui sont imputés des crimes de guerre au cours de la bataille des Ardennes[21].L'acte d'accusation collectif (unique pour les 74 accusés) présente la liste d'une dizaine de lieux où entre 538 et 749 militaires américains et 90 à 110 civils belges auraient été tués sans raison. Peiper n'est pas accusé d'avoir personnellement perpétré ces meurtres, mais d'avoir été le donneur d'ordres. Pour ce qui est de l'accusation centrale, celle du meurtre illégal de 74 ou 83 prisonniers au carrefour de Baugnez, il a d'ailleurs « de son propre aveu, appris le massacre le lendemain »[22]. Lui-même y voyait le résultat d'une confusion où ses hommes auraient inconsidérément tiré sur le groupe, probablement pour stopper une tentative d'évasion[23]. Emprisonné à Freising, en Autriche, Joachim Peiper a une première entrevue, le 25 août, avec un enquêteur américain, le lieutenant Guth. Selon Peiper, celui-ci l'informe du processus en cours et de l'état de son dossier : aide de camp de Himmler, il aurait été le seul à conserver son intégrité personnelle; sa réputation d'officier de chars et sa loyauté de soldat seraient incontestées; le rapport du major Mac Cown [qui fut son prisonnier] montrerait sous un jour favorable son comportement durant l'offensive des Ardennes; cependant, l'opinion publique américaine exigerait un coupable du massacre et il était considéré comme le responsable; sa tête était condamnée; il pouvait cependant épargner ses hommes en reconnaissant être entièrement responsable des meurtres. Le lendemain, c'est un autre officier, le capitaine Fenton, qui lui annonce que les choses allaient mal pour ses hommes et que son silence aggravait leur situation. L'officier SS accepte alors de fournir un récit des évènements selon ses souvenirs[24].
Transféré au centre d'interrogatoire de Oberurse pour sept semaines, il est « confronté, sans résultat, avec les survivants américains ». Puis, ce furent cinq semaines en isolement cellulaire au camp pour suspects de crimes de guerre de Zuffenhausen. L'officier interrogateur, le lieutenant Perl, lui précise qu'il est « l'homme le plus haï d'Amérique et que le public exigerait [sa] tête, [qu'une] malchance particulière résiderait dans le fait que, parmi les victimes du "carrefour", on avait trouvé le fils d'un sénateur et celui d'un industriel influent. Les pères en colère auraient fait beaucoup de bruit et mobilisé la presse. Ainsi, un "incident militaire" serait devenu un "incident politique" que l'on ne pouvait plus ignorer »[24]. Selon Peiper, celui-ci acceptait la proposition de Perl (reconnaissance de la responsabilité des actes reprochés) à la condition qu'un notaire américain et un allemand puissent être témoins de l'engagement à garantir l'impunité de ses soldats, ce qui lui fut refusé[24].
Il fut enfin transféré à la prison de Schwäbisch-Hall pour trois mois d'interrogatoires et de confrontations. Dans les aveux des accusés, qui constituaient les pièces maîtresses de l'Accusation, les soldats et sous-officiers accusaient les officiers d'avoir donné les ordres pour tuer les éventuels prisonniers et s'accusaient mutuellement d'avoir procédé à ces exécutions, les officiers subalternes avouaient que les ordres avaient bien existé, Peiper enfin, acceptait la responsabilité des actes de ses subordonnés et avouait que les ordres venaient de lui.
Parmi les 9 accusés à venir à la barre des témoins -selon la procédure judiciaire américaine qui autorise ce genre de témoignage- Joachim Peiper se rétractait, dénonçant, comme le firent deux autres accusés, des aveux qui lui auraient été extorqués. Le tribunal n'accorda cependant pas plus de valeur à ce témoignage qu'à celui du major Mac Cown, très favorable à l'accusé dont, avec une centaine d'hommes, il avait été le prisonnier à La Gleize[25]. Le colonel Rosenfeld, référent légal du tribunal, suggéra que l'officier américain avait quelque peu collaboré avec l'ennemi[26]. L'avocat qui dirigeait la défense, le colonel Willis M. Everett, échoua à faire admettre que la procédure des enquêtes et du procès avait été entâchée d'irrégularités graves. Le 9 mai 1946, le statut de prisonniers de guerre des accusés était formellement abrogé. Avec 42 autres co-accusés, Joachim Peiper fut condamné à mort le 16 juillet.
Suite aux actions successives -jusqu'à la Cour Suprême des États-Unis- menées par Everett qui voyait dans ce procès « la plus grosse farce imaginable »[27] , et à la médiatisation en Allemagne et aux États-Unis des accusations portées contre les enquêteurs et le tribunal américains, les peines furent suspendues d'exécution. Le 20 mars 1948, le général Clay, faisant fonction de juge suprême (la procédure ne prévoyait pas de procès en appel) confirmait la condamnation à mort de Peiper (avec 11 autres) et ordonnait l'exécution pour le 20 mai. Le secrétaire d'état aux Armées, Kenneth G Royall, en ordonne la suspension le 19 mai. Le juge Simpson ayant, en septembre 1949, conseillé la commuation des peines capitales en peines de prison, le général Handy les commue au 31 janvier 1951. En 1954, la peine de prison à perpétuité de Peiper était réduite à trente cinq années[28]. Après avoir passé quatre ans et demi dans le quartier des condamnés à mort, Joachim Peiper sera le dernier à être libéré, le 22 décembre 1956.

[modifier] La version de Peiper

Le 5 juin 1948, dans le quartier des condamnés à mort de la prison de Landsberg, Joachim Peiper faisait une déposition sous serment -reprenant, en une meilleure rédaction, l'essentiel de son témoignage lors du procès[29]- dans laquelle il décrit les sept mois d'incarcération et d'interrogatoires qui précèdent le procès[24] dont les trois mois passés à Schwäbisch-Hall, décisifs dans l'obtention de ses aveux.
D'après cette déposition, fin janvier 1946, le major Fenton lui ordonne de rédiger un résumé de sa défense que « le ministère public refuse de remettre à [son] futur défenseur ». « On utilisa ma signature pour tromper mes officiers, en leur lisant en même temps un texte imaginaire dans lequel je reconnaissais tous les crimes prétendus ». Début mars, il fut conduit devant le lieutenant Perl qui lui rapporta que« tous les hommes et officiers avouaient leur culpabilité, les généraux inclus(...) J'étais à présent le dernier [à n'avoir pas avoué]. Il dépendrait uniquement de mon attitude que des représailles fussent prises contre ma famille et que je sois livré à la Russie(...). Le jour suivant, on me déclare que, dans un ordre du jour de l'armée, il y avait un article selon lequel des prisonniers devaient être fusillés dans des cas militaires de force majeure. On me confronte ensuite avec 6 à 8 de mes officiers qui le confirmèrent(...)[lesquels] me firent en entrant une impression hallucinante d'hommes entièrement brisés [et] croître pour la première fois en moi des doutes quant à la constance de la camaraderie du front(...). Le suivant qui me fut présenté était mon aide de camp, le capitaine Gruhle. Lui aussi confirma de manière précise l'ordre en question(...). A cette époque, je ne savais pas que la déposition de Gruhle avait pour base un aveu que j'aurais fait et qu'on lui avait soumis (...). De nouveau avec le lieutenant Perl, je commençais à douter de ma mémoire et j'eus le sentiment de me trouver dans le labyrinthe d'un asile d'aliénés. Monsieur Perl me montra alors des dépositions écrites signées par les généraux Dietrich, Priess, Mohnke dont je connaissais les signatures (...). D'après les paragraphes qu'il me lut, tous reconnaissaient la parution de l'ordre en question et confirmèrent pleinement les explications orales de Gruhle (...). J'ignorais que les dépositions qui m'avaient été montrées (...) étaient fausses et que les généraux ne se trouvaient pas encore à Schwäbisch-Hall, ma déposition devant servir de base à leur capture (...). lors de l'interrogatoire suivant, on me fit savoir que (...)j'aurais personnellement ordonné et accompli de nombreuses exécutions individuelles.(...)Gruhle et Hillig auraient déjà avoué. Comme j'ignorais absolument de quoi il s'agissait, on appela Gruhle. [il] déclara que j'avais donné l'ordre à Hillig d'exécuter un prisonnier de guerre(...). Je ne pouvais savoir que l'on avait soumis à hillig un faux 'statement' dans lequel je le chargeais de nombreuses exécutions individuelles(...). A partir de ce moment, toute la suite m'était complètement indifférente. Voila qu'était brisée la dernière valeur sauvée de l'énorme faillite, valeur qui résidait dans la camaraderie. je ne sentais qu'un profond dégoût psychique et physique contre mon aide de camp, Perl et tout l'entourage(...) ma capitulation psychique s'en suivit ». Autre expression de la Fidélité, la Camaraderie est si un concept si fondamental chez Peiper qu'il avait, ppour qualifier sa relation avec son épouse, dit :« Sigi est ma meilleure camarade »[2].
L'officier SS décrit par ailleurs la matérialité d'une mise en condition psychique : « On laissait ma cellule éclairée la nuit et on me dérobait le sommeil nécessaire par des dérangements systématiques(...). Sans compter le fait que je devais, comme officier prisonnier de guerre, porter les pantalons de prison rayés, toute la journée se passait en humiliations conscientes et organisées. Parfois, lors de l'interrogatoire de mes hommes, monsieur Thon [l'interprète] portait mes décorations de guerre, alors que le Lt colonel Ellis s'était engagé sur l'honneur à les remettre à mon épouse ». Peiper ajoute :« j'étais trop fier et probablement trop présomptueux pour marchander(...). Fidèle à mon passé de soldat, je considérais ces mouvements de brasse dans cette mare pleine de boue, lâches, insensés et indignes de ma personne »
Joachim Peiper rapporte enfin avoir été confronté au « survivant du "carrefour" et témoin principal du Procureur général, le Lt Lary(...)[qui) me reconnut également du premier coup d'oeil comme responsable du "carrefour". Il soutint même que j'avais tiré deux fois sur lui avec un pistolet à cinq mètres de distance ».
Pour ce qui est des sévices physiques, Peiper expose « avoir été, à son arrivée, le 3 décembre, placé dans une soi-disant cellule de condamné à mort, non chauffée », où il resta une semaine « dépouillé de ses effets personnels et de ses vêtements ». « suite à une plainte introduite auprès du Lt colonel Ellis, [il fut] transféré dans une cellule de l'hôpital(...) lorsque les symptômes d'un début de pneumonie apparurent ». Il finit ainsi :« Durant le trajet qui me conduisait aux interrogatoires, on me passait un capuchon sur la tête. Ces bonnets (...) étaient intérieurement souillés de sang coagulé et répandaient une odeur nauséabonde ». Ces trajets étaient l'occasion de reçevoir des coups anonymes.

[modifier] Retour à la vie civile

A sa libération, Joachim Peiper était recruté par le constructeur d'automobiles Porsche à Frankfurt. Ce recrutement avait été fait en connaissance de cause, à la condition qu'il reste un emploi subalterne. Or, à l'occasion de la vacance temporaire d'un poste de direction, il avait été envisagé d'y placer Peiper, ce que le syndicat refusa[30]. Il entre alors chez Volkswagen, à Stuttgart où il occupe rapidement un poste de responsable de la promotion des ventes. Mais en 1968, il est assigné par un juge italien : deux ex-Partisans, dont le député communiste de Cunéo, avaient effectué des recherches et déposé plainte devant le tribunal de Stuttgart, l'accusant d'avoir massacré une vingtaine ou trentaine de civils. Bien qu'ayant bénéficié d'un non-lieu, "faute de preuves", l'ex-officier décide de quitter une RFA qu'il qualifie de « société en faillite »[5] pour s'établir à Traves dans la Haute-Saône. Après avoir été conseillé en publicité, il travaille désormais à la traduction d'ouvrages militaires, employé par la maison d'édition Press-verlag à partir de 1972[31]. En juin 1976, il est reconnu par un résistant communiste de la région. Des tracts dénonçant sa présence sont distribués le 21 juin dans Traves. Le lendemain, l'Humanité le désigne à l'attention de l'opinion publique dans un article interpelant les autorités politiques :« mais que fait le Préfet pour faire cesser cette présence scandaleuse? ». Peiper est accusé d'appartenir à un réseau secrêt d'entre-aide d'anciens SS. Il s'en suit une campagne médiatique nationale et Peiper reçoit des lettres de menace. Alors que les autorités politiques, sous la pression médiatique, et négociant avec une FNDIRP désireuse d'intenter un procès -que l'ex-officier risquait de gagner-, envisagent de ne pas renouveler son permis de séjour, le maire de Traves ayant accepté de donner un avis défavorable[32]. Le 13 juillet, vers 1h du matin, sa maison est incendiée par des coktails molotov. On retrouvera dans les vestiges un cadavre carbonisé qui lui sera attribué sans autre forme de preuve[33].
Peiper, qui avait épousé le 26 septembre 1939 une secrétaire de Himmler, Sigurd, laissait un fils, Hinrich, vivant aux États-Unis, et deux filles, Elke et Silke.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • (fr) Roger Martin, L'affaire Peiper, 173p., Editions Dagorno, 1994. ISBN 2-910019-07-1. Contient quelques extraits mineurs de la déclaration de Peiper, avec des coupures non signalées, p.81-83.
  • (fr) André Moissé, Les affaires Peiper. L'énigme du colonel S.S. de Traves - Les Mystères de l'Est, 241p., éditions L'Est Républicain, 1988. ISBN 2-86955-042-6. p.9-48.
  • (fr) Gerd J. Gust Cuppens, Massacre à Malmédy ? Ardennes : 17 décembre 1944, 160p., éditions Heimdal, 1989.
Excellente bibliographie, p.157-159, mais contenu à la limite du révisionnisme
  • (de) Ernst-Günther Krätschmer, Die Ritterkreuztrager der Waffen-SS, 440p., Plesse-Verlag, 1955.
  • (en) James J. Weingartner, Crossroads of death, 274p.,University of California Press, 1979, ISBN 0-520-03623-9.
  • (en) James J. Weingartner, A peculiar crusade, 257p., New York University Press, 2000, ISBN 0-8147-9366-5.
  • (en) Jens Westemeier, Joachim Peiper, 240p., Schiffer Publications, 2007 (réédition de 1996). ISBN 978-0-7643-2659-2
  • (en) Patrick Agte, Jochen Peiper, 670p., Ed.J.J. Fedorowicz, 1999, ISBN 0-921991-46-0
  • (en) Gordon Williamson, Loyalty is my Honor, 192p., Brown Books, 1995, ISBN 1-897884-12-5

[modifier] Radio

  • Deux émissions de l'émission radio de France Inter Rendez-vous avec M. X ont été consacrées à Joachim Peiper.

[modifier] Lien externes

[modifier] Notes et références

  1. abc Krätschmer, p182-186
  2. abc Westemeier,p.35 et suiv.
  3. Gerd J Gust Cuppens - "Massacre à Malmédy? Ardennes 17 Décembre 1944
  4. J.L. Leleu, op. cit., p. 1072
  5. abc Williamson,p.156 et suiv.
  6. ab Martin, p.45-54
  7. Martin, p.50-51
  8. Steffen Prausser, Les crimes de guerre allemands en Italie, in Gaël Eismann et Stefan Maertens (dir.), Occupation et répression militaires allemandes, 1939-1945, Autrement, coll. Mémoires/Histoire, Paris, 2006, p. 96
  9. Lutz Klinkhammer, Zwischen Bündnis und Basatzung. Das nationalsozialistische Deutschland und die Republik von Salo, Tübingen, Max Niemeyer, 1993, p. 423
  10. Jean-Luc Leleu, La Waffen-SS. Soldats politiques en guerre, Paris, Perrin, 2007, p. 1072
  11. ab Cuppens, p.148-154
  12. abc Henri Rogister, Histomag'44 HS n°01,p.3 http://www.criba.be/
  13. Martin,p.71-73
  14. Malmedy Massacre, Richard Gallagher, Paperback Library, 1964, p. 110-111
  15. abc Noël 44 : la bataille d'Ardenne / Charles B. MacDonald. - Bruxelles : Pire, 2004 - ISBN 2-87415-468-7
  16. ab United States Army in World War II, The European Theater of Operations, The Ardennes: Battle of, by Hugh M. Cole - Office of the Chief of Militiary History, Department of the Army, Washington, D.C., 1965 pp. 260 et suiv. – [1]
  17. abcd Review and recommandation of the deputy judge advocate for war crimes, 20 octobre 1947, pp. 4 à 22 - [2]
  18. The Brave Innkeeper of "The Bulge" – Toland, John – Coronet Magazine, décembre 1959 – [3]
  19. Stavelot, Belgium, 17 to 22 December 44, écrit par Capt John E. Kent, C.R.I.B.A. [4]
  20. Sad souvenirs or life of the people of Stavelot during the winter of 1944-1945, écrit par Guy Lebeau, C.R.I.B.A., [5]
  21. Ch. Mac Donald, op. cit.
  22. Martin,p.77
  23. Martin,p.77
  24. abcd Greil, p.45-58
  25. Weingartner,Crossroads of death,p125-129
  26. Weingartner,A peculiar crusade,p.86
  27. Weingartner,A peculiar crusade,p.109
  28. weingartner,Crossroads of death,p.238
  29. Weingartner,Crossroads of death,p.129-132
  30. Martin,p.129-131
  31. Martin,p.132-133
  32. Martin,p.33
  33. Martin,p.154