Inn-Yang Low e.h.

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Artiste international né à Singapour et travaillant en Suisse. Maître de la représentation des dragons chinois. Il réalise d'immenses toiles au sol en peinture directe à l'acrylique ou à l'encre.

Sommaire

[modifier] Bref parcours

Innyang Low e.h. voit le jour à Singapour, où il devient très tôt orphelin. Son grand-père, médecin chinois et dessinateur de dragons venu de Taïwan, désire lui donner la meilleure éducation possible et l'emmène dans un monastère bouddhiste. Près de six mois de voyage seront nécessaires pour atteindre le monastère situé au nord du Tibet. Au terme de ce long périple, ils rejoignent enfin le temple mais Inn-Yang, fragilisé par un si long voyage, souffre d'une fièvre sévère. Il sera sauvé de justesse par les moines. La vision survenue à cette époque conditionnera son destin : »La première chose que j’ai vue lorsque les portes du temple se sont ouvertes est une sculpture de dragon. Ma fièvre a alors tout de suite cessé !». Le dragon prendra ainsi une importance essentielle dans son œuvre: « Le dragon m’ a donné la force d’un gardien tout au long de ma vie». Son grand-père regagne Taïwan. Alors qu’ Inn-Yang se trouve dans le monastère, il dessine continuellement sur le sable avec un bambou la forme du dragon jusqu’à ce que son image devienne claire et vivante dans son esprit. Durant le voyage, son grand-père lui avait d'ailleurs déjà transmis l’art de saisir le mouvement des animaux.

En 1964, il entre à l’Académie des Arts Nan Yang Mai Chong à Singapour. Il y étudie l’art traditionnel chinois, la calligraphie mais aussi la peinture à l’huile. Désireux de découvrir le monde, il visite ensuite plusieurs pays dont l’Italie et les États-Unis. Déjà fasciné par le mouvement du pinceau et de l’énergie dans la calligraphie et les arts martiaux, Inn-Yang entre en contact avec Grand Foster, roboticien américain. Il se passionne également pour le travail de Jim Henson, créateur du Muppet show.

Après de nombreuses expositions en Asie et la réalisation de sculptures monumentales, il part pour la Californie où il enseigne à l'Académie Fountain West Six. C'est en 1980 qu'il entre pour la première fois en contact avec la Suisse. Fasciné par le relief montagneux du Valais, il projette de s'y établir. Après un nouveau départ pour les États-Unis et la Floride, il réalise plusieurs installations géantes pour de grandes entreprises. De retour en Europe, il remporte la médaille d’argent quatre années consécutivement à l’Académie nationale Européenne des Arts de Belgique.

En 1996, il est engagé comme doyen, professeur d’art cinétique, effets spéciaux et calligraphie à l'École professionnelle des arts contemporains (EPAC) en Suisse, fondée et dirigée par Patrizia Abderhalden, dont le département bande dessinée a été fondé par Grzegorz Rosinski. Désireux de faire partager son expérience internationale et soucieux du rôle de médiateur que l'art peut jouer au niveau mondial, il fonde en 1997 l'association internationale Blue Pearl, artistes sans frontières pour la paix. Une année plus tard, pour faire honneur à l’amitié qui le lie à Frank Popper et Aline Dallier, célèbres théoriciens et critiques d’art parisiens, Inn-Yang Low lance l’idée d’un forum Art et Science sur le thème du virtuel. Ce forum est organisé en 1999 à l'Institut universitaire Kurt Bösch. Invité à Paris en 2000, il réalise plusieurs performances sur le parvis de la Bastille. Dans une gestuelle proche des danses sacrées bouddhistes et taoïstes, il peint un dragon géant à l’encre sur tissu de 20 mètres ainsi qu'une peinture gestuelle de dragon sur toile. En 2001, il réalise en Suisse une grande performance sur la place de la Pierre-à-voir à Saxon. Le tissu posé au sol mesure 16 mètres sur 20 mètres. L'œuvre est terminée en deux heures et demie. De nombreux projets d'exposition sont prévus pour les années à venir.

[modifier] Inn-Yang et le mouvement: texte de Frank Popper, professeur des universités, Paris

Peut-on considérer que le mouvement représente pour la vie, la démarche et les ambitions d'Inn-Yang le mot-clé par excellence ?

Il est indéniable que l'itinéraire physique, qui le mène de l'Extrême-Orient en Europe via l'Amérique, ait structuré non-seulement sa vie mais aussi ses activités artistiques et spirituelles. Son parcours géographique, émaillé d'épisodes dramatiques ou cocasses, trouve une correspondance artistique à chaque moment de son évolution. Ainsi, le voyage entrepris très jeune, qui le mène de Singapour au Nord du Tibet, est l'occasion d'apprendre à dessiner et saisir le mouvement des animaux. Accueilli dans un monastère et formé en philosophie, arts martiaux et médecine traditionnelle, il pratique également la calligraphie, art du mouvement gestuel d'une grande richesse.

De retour à Singapour, et pendant sa fréquentation de l'Académie des Arts, il découvre la différence fondamentale entre l'art occidental conçu en vue de la réalisation pondérée d'une œuvre, le plus souvent statique, et l'art oriental qui fait porter l'emphase sur le mouvement et le geste spontané. D'où l'option d'Inn-Yang de s'engager dans une création mettant en valeur le mouvement et l'énergie du corps.

Par la suite, Inn-Yang, en tant que moine itinérant, est envoyé aux États-Unis où il apprend, auprès d'un marionnettiste célèbre, la robotique et l'animation qui lui permettent d' exercer son goût pour les danses sacrées chinoises et tibétaines et, en général, pour toutes les manifestations artistiques liées au dynamisme et au mouvement Plus tard, il réalisera lui-même, toujours aux États-Unis, une animation géante et enseignera les effets spéciaux dans une école professionnelle.

Lors d'un autre déplacement qui l'amène en Europe et d'abord à Londres, Inn-Yang se consacrera à la peinture abstraite mais la force du mouvement et le geste du calligraphe dominent toujours dans ses œuvres. En Italie, il découvre les marbres de la Renaissance où le mouvement des corps est rendu de manière expressive; il y trouve également un grand dynamisme dans les rapports humains et, plus généralement, dans la vie quotidienne du peuple italien, ce qui exercera une influence certaine sur ses propres options artistiques.

C'est au cours de l'un de ses nombreux périples autour du monde que, survolant par avion les Alpes valaisannes, Inn-Yang décide de s'y fixer pour la seule raison que le relief montagneux, aperçu à travers le hublot, évoque la forme d'un dragon ! Cet épisode montre comment le thème du dragon chinois, mythique et légendaire, va de plus en plus venir nourrir son imagination cinétique, dans laquelle tradition et mouvement, réel et virtuel, se confondent.

La constante préoccupation d'Inn-Yang avec les différentes manifestations du mouvement dans des domaines artistiques très variés mais voisins aboutira, lors de son établissement en Suisse, à assurer son identité singulière d'artiste et d'enseignant cinétiste. Grâce à son expérience de la vie, accumulée lors de ses divers déplacements géographiques et son appartenance à la fois aux esthétiques orientale et occidentale, Inn-Yang devient une figure à part dans l'univers de l'art cinétique.

Ses œuvres ou projets répondent à la fois à la tradition cinétique qui se veut annonciatrice de l'art technologique et virtuel et, d'autre part, au courant cinétique qui met l'accent sur l'énergie vitale.

Peut-être faut-il préciser que l'art cinétique, dans cette première acception du terme, comprend surtout des œuvres tri-dimensionnelles en mouvement réel, telles les machines et les mobiles, ainsi que des œuvres luminocinétiques combinant le mouvement avec la lumière artificielle. Mais j'aimerais insister sur le fait que l'art cinétique ne se réduit pas à tout ce qui bouge, qui tourne, ou qui cahote; c'est un art qui se caractérise par une quatrième dimension, temporelle, à l'instar du cinéma, de la musique et de la danse; cela Inn-Yang l'a bien compris. Enfin, si l'on inclut dans le terme d'art cinétique, au sens large, les œuvres contraignantes du mouvement virtuel, également appelé art optique ou Op art, on se rapproche de la deuxième acception du terme qui met l'accent sur les allusions aux forces cosmiques présentes dans les œuvres de certains artistes du XXe siècle (par exemple Vantongerloo, Wols etc.). Dans cette perspective, l'art cinétique apparaît comme une manifestation esthétique où l'espace, le temps et l'énergie sont révélés grâce au mouvement. Il en va de même des spéculations cinétiques, topologiques et cosmiques d'Inn-Yang qui lui permettent de s'approprier des espaces quasi illimités. Son vaste projet pour la petite ville et le lac d'Orta dans le Nord de l'Italie, intitulé "Orta, espace légendaire", a comme objectif d'investir l'endroit pour y créer un espace onirique à l'aide de moyens artistiques actuels. Si ce projet avait la chance de se concrétiser, Orta et son lac, lieu sacré selon une légende mystique, devraient servir de thème à un spectacle cinétique étonnant, appuyé par une technologie avancée.

"La Route de la Soie", un autre projet d'Inn -Yang, consiste en une combinaison de mouvements géographiques matériels et de mouvements culturels et spirituels. En effet, la route historique de la soie qui, par différentes voies parallèles, menait de la Chine orientale et de la Mongolie aux Empires byzantin et romain, était considérée comme le lieu de rencontre privilégié entre l'Est et l'Ouest. II en reste d'importants vestiges architecturaux et plastiques appartenant à des civilisations et religions diverses dont Inn-Yang s'est inspiré pour édifier ce projet artistique qui témoigne d'un nomadisme hautement spirituel.

Le jeu entre mouvements traditionnels, mouvements virtuels et mouvements mystiques se retrouve dans d'autres œuvres et projets d' Inn-Yang, par exemple dans ses œuvres sur papier ou sur toile comme La Dame de l'Esprit, ou encore dans ses huiles sur toile, très expressives et gestuelles, issues de la calligraphie chinoise, ce qui ne les empêche pas de pouvoir être visionnées sur Internet. Je citerai encore, créées par Inn-Yang à l'occasion d'un forum scientifique et pédagogique, qui s'est tenu à Sion en 1999, une série d'œuvres d'art optique et calligraphique, d'inspiration asiatique, ainsi qu'une installation intégrant des rappels du mode de vie chinois traditionnel. Toutes ces œuvres sont fortement marquées par le désir de l'artiste d'établir des correspondances entre formes d'art orientales et occidentales.

Inn-Yang, grand voyageur spirituel et artistique, peut être considéré comme le protagoniste d'une multiculturalité dynamique actuelle et prospective.

Frank Popper Paris, août 2001

[modifier] Inn-Yang et la Performance : texte d'Aline Dallier, professeur des universités, Paris

Le parcours artistique d' Inn-Yang suit la tradition taoïste des errants lettrés qui, refusant de s'appuyer sur des recettes éprouvées, circulaient à travers la Chine pour se plonger dans la nature afin de mieux affirmer leur indépendance sans contraintes, tout en poursuivant la pratique traditionnelle des grandes familles de la peinture chinoise qui va des paysages à la peinture de fleurs, d'insectes et d'animaux sauvages et domestiques, parallèlement à la calligraphie et à la peinture de mandalas. Inn-Yang possède une solide maîtrise de ces différents genres picturaux avec, en plus, une spécificité, celle d'être devenu le maître de la représentation du dragon, animal fabuleux vénéré de tous les Chinois.

Contrairement au dragon de la religion chrétienne qui est un monstre redoutable, un double de Satan, que chacun se doit de terrasser s'il veut sauver son âme, tout comme le fit l'archange Saint-Michel bien souvent représenté dans la peinture occidentale, de la Renaissance au XIXe siècle, le dragon chinois est le symbole de l'être parfait, de l'incessante transformation de toutes choses et de la diversité des espèces, puisque déjà en lui-même il réunit la tête d'un chameau, les cornes d'un cerf, la queue d'un serpent, les écailles d'une carpe, les serres d'un aigle, les oreilles d'une vache, le ventre d'une huître et les pattes d'un tigre.

Selon les canons de sa représentation qui furent fixés entre 206 av. J.-C. et 220 ap. J.-C., le dragon doit être peint à l'aquarelle ou à l'encre, sans croquis préparatoire mais en conformité avec une image clairement pré-inscrite dans le mental. Seul le souffle vital guide le pinceau du peintre qui se garde de toute tentation de prouver son habileté. Tout cela, Inn-Yang le respecte de près. Comme il est d'usage, il peint ses dragons à l'aquarelle ou à l'encre sur papier mais il y apporte une touche contemporaine en employant des techniques additionnelles comme la photographie polaroïd ou l'aérographie ainsi que des couleurs plus vives sur des fonds géométriques hérités de la peinture constructiviste occidentale. Toutefois, le dessin du dragon lui-même est toujours réalisé d'un seul geste. Inn-Yang souligne que si l'image mentale et le souffle viennent à lui manquer, il préfère s'abstenir et aller se ressourcer dans la nature, plus exactement aller à la pêche - une activité où tout te corps, en mouvement arrêté, favorise le vide médiateur.

Mais Inn-Yang n'est pas seulement un peintre de dragons traditionnels ou réactualisés. C'est aussi un cinétiste et un performer Comment s'est-il intégré, en apparence si facilement, à ces deux formes d'expression artistique contemporaines ? En ce qui concerne le cinétisme, nul doute que la calligraphie qu'il pratique depuis l'enfance l'ait conduit à penser le mouvement physique, mécanique et électrique comme étant au cœur même de l'art. En ce qui concerne la performance, elle présente en commun avec le cinétisme de placer le corps de l'artiste et celui du spectateur-participant au centre du phénomène artistique tout en minimisant l'importance de l'objet d'art conventionnel, pour des raisons tant spirituelles que sociales.

Si l'on regarde du côté des précédents de la performance comme tendance de l'art actuel, on trouvera tout d'abord le rituel tribal et, entre autres, les Passions du Moyen-âge, les chansons de geste ainsi que, toutes proches de nous, les manifestations mi-sauvages mi-improvisées des Surréalistes et des Dadaïstes, à Zurich autour de 1915 et à Paris dans les années 1920. Un ensemble d'artistes, peintres, graphistes, costumiers, chorégraphes, danseurs, musiciens et poètes participaient à ces manifestations avec le désir commun de parvenir à l'œuvre totale et ouverte, disponible pour un large public, à l'encontre de l'objet d'art conventionnel.

Toutefois, le genre de la performance proprement dit ne s'applique aux artistes plasticiens que depuis 1960-70 environ, bien que, par exemple, en France, Georges Mathieu se soit distingué dès le début des années 1950 par une démarche plastique essentiellement gestuelle, d'une expression graphique proche de la calligraphie qu'il pratiquait devant le public. L'artiste revendiquait l'absence de préméditation des formes et des gestes, la nécessité d'un état second de concentration et la primauté accordée à la vitesse d'exécution. Tout comme Inn-Yang, Mathieu entendait substituer à la forme fermée le devenir de l'énergie vitale libérée par l'acte même de peindre. Il faut dire que, peintre et philosophe de formation, Mathieu poursuivait une voie spirituelle proche du bouddhisme On pourrait citer d'autres exemples, notamment les action-painters américains des années 1960, surtout Jackson Pollock, pour qui la toile vint à apparaître comme une arène offerte à leur action plutôt qu'un espace à reproduire, à analyser ou à recréer. On pourrait évoquer aussi le groupe de créateurs du Black Mountain College, aux États-Unis, composé de plasticiens, de poètes et de musiciens dont John Cage qui, au début des années 1960, lancèrent le happening qu'ils voyaient comme un art soumis, à l'égal de la vie, au hasard, à l'aléa et à l'action non préméditée - ce qui n'exclut pas la force de l'idée et de l'image mentale. Là encore, il est intéressant de souligner que John Cage qui fit équipe avec des danseurs et des peintres et qui se servit souvent du I-Ching comme point de départ à ses compositions musicales aléatoires, vivait sur la côte Ouest des États-Unis, face au Japon, et qu'il était féru de philosophie bouddhiste.

Ces quelques rappels rapides à propos de Mathieu, Pollock et John Cage, parmi d'autres, nous montrent qu'en se consacrant à la performance, Inn-Yang n'a pas cédé, comme on pourrait le croire, à l'influence de l'Occident. II semble, en effet, que les interactions entre Orient et Occident soient difficilement démêlables dans la performance et qu'elle présente même une forte similitude avec l'activisme bouddhiste. De plus, si l'on retient que la performance est le plus souvent une manifestation pluridisciplinaire qui intègre les arts plastiques, la musique et la danse, on s'aperçoit qu' Inn-Yang devait y être de longue date prédestiné puisque peintre et calligraphe, il est aussi un musicien et un magnifique chanteur, probablement doublé d'un merveilleux danseur. À ce propos, sa biographie nous apprend que les danses chinoises du lion et du dragon ainsi que les danses sacrées tibétaines sont pour lui le lieu d'un art total du mouvement, soit en quelque sorte une performance avant la lettre, au double sens du terme, en anglais comme en français du XVIIe siècle, qui signifie accomplissement de l'être et accomplissement d'une œuvre.

Lorsqu'à Pans, au cours de l'été 2000, dans le cadre du Grand Marché de l'art contemporain, Inn-Yang s'est livré, entouré du public, au tracé du symbole graphique de son dragon, chacun retenait son souffle tandis que celui de l'artiste soutenait le rythme de ses gestes amples, rapides et précis: travail des mains et des bras du peintre et de l'instrumentiste, travail du tronc, des jambes et des pieds du judoka ou du danseur qui témoignent d' une haute discipline et plus encore, de la part de l'artiste, d'une volonté inébranlable de faire le lien, par le biais d'un symbole graphique fort comme le dragon, entre l'idée et l'image, entre la pensée et l'action.

Aline Dallier Paris, août 2001

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