Honoré Beaugrand

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Honoré Beaugrand (24 mars 1848 - 7 octobre 1906) fils de Louis Beaugrand, dit Champagne, navigateur, et de Marie-Josephte (Joséphine) Marion, était un journaliste canadien, né dans le village de St-Joseph-de-Lanoraie, au Québec. Débuta ses études au Collège de Joliette et fit un bref noviciat chez les Pères de Saint-Viateur. Comme jeune diplômé de l'école militaire il joignit les forces militaires françaises sous le général Bazaine au Mexique appuyant l'infortuné empereur Maximilien du Mexique et retournant avec ces troupes en France après la chute de Chapultepec et l'exécution de Maximilien. Après quelques mois il déménagea à La Nouvelle-Orléans en 1868 et devint journaliste. Subséquemment il écrivit pour des journaux américains à Saint Louis, Boston et Fall River, Massachusetts. Le 5 octobre 1873, il épousa à l’église méthodiste St Paul de Fall River, Massachusetts, Eliza Walker (1854–1934), et ils eurent une fille, Estelle (1881–1918) ; décédé le 7 octobre 1906 à Montréal.

Il est devenu franc-maçon en 1873.

En 1875, il lance à Boston le journal La République dont la publication se poursuit à Fall River. Il y précise ses opinions politiques et religieuses: il se dit «franc-maçon très avancé, libéral admirateur enthousiaste des principes de la Révolution française et partisan de la déclaration des droits de l'homme». Ce déiste anticlérical affirme pratiquer «ce que bon lui semble, la constitution américaine ne reconnaissant pas de religion d'État».

En 1878, il s’établit à Ottawa et fonde le Fédéral, qui durera jusqu’en septembre 1878. Un mois plus tard, Beaugrand est à Montréal, où il lance encore des journaux : d’abord un hebdomadaire satirique, le Farceur, puis, en février 1879, à la demande du Parti libéral, un quotidien promis cette fois au plus brillant avenir, La Patrie, dont il demeurera propriétaire jusqu’en 1897. Ce journal cessa sa publication en 1957, après 78 ans. Ce journal qui exprime les thèmes du libéralisme sera une grande réussite commerciale et fera sa fortune.

La chasse galerie, Illustration de Henri Julien (1852-1908) Musée du Québec
La chasse galerie, Illustration de Henri Julien (1852-1908) Musée du Québec

Il s'est fait un nom comme reporteur et écrivain politique, et en 1885 reçut la croix de la Légion d'honneur française. Il écrivit de nombreux contes, dont La Chasse-Galerie (1891).

Il fut maire de Montréal de 1885 à 1887. Il se distingue par ses interventions en faveur de la vaccination obligatoire lors de l’épidémie de petite vérole. Épidémie qui aurait fait 3164 victimes.

Il participe en 1897 à la fondation de la loge maçonnique montréalaise L’Émancipation, de tendance radicale, et reste proche par la suite des milieux anticléricaux.

Sommaire

[modifier] L'affaire Riel et l'épidémie de variole

Lorsque les troupes du 65e bataillon rentrent à Montréal après avoir vaincu les Cris qui sont les alliés des métis, lors de la rébellion du Nord-Ouest, le maire Beaugrand multiplie les hommages et préside un grand banquet en l'honneur des militaires. Les magasins anglais de la métropole exposent le portrait du général Middleton qui vient d'assiéger pendant 30 jours Batoche, le quartier-général de Louis Riel et Gabriel Dumont où une centaine de Métis insurgés ont été vaincus. La Ville décrète le 25 juillet fête civique afin de rappeler cette «grande» victoire...

Plus les jours passent, plus la campagne pour empêcher la pendaison de Riel s'amplifie. Entre-temps l'épidémie de variole devient une question fort préoccupante. Dans un climat survolté par l'affaire Riel, la plupart des journaux anglophones réclament des mesures coercitives comme l'isolement des malades et la vaccination obligatoire et ils ne se gênent pas pour traiter les Canadiens français d'arriérés et de malpropres.

Une partie de la presse francophone dénonce ces mesures autoritaires perçues comme une agression à l'endroit des Canadiens français. La Gazette, le Star et le Herald multiplient les provocations à l'endroit des francophones. Des manifestants vont briser les vitres du Herald lorsque ce dernier attribue l'épidémie à la malpropreté de la population francophone.

En septembre, 30 personnes par jour succombent à la maladie; le conseil municipal décrète la vaccination obligatoire. Des médecins vont de porte en porte pour vacciner mais le public refuse de les recevoir. Le conseil municipal hésite à prendre d'autres mesures. C'est alors que le propriétaire-éditeur de The Gazette, Richard White, et l'éditeur du Star, Hugh Graham, multiplient les provocations et attaquent les autorités municipales. Appuyés par les hommes d'affaires, White et Graham conduisent des délégations à l'Hôtel de ville. Finalement Graham est nommé à la tête d'un comité d'isolement des malades et White devient le responsable d'un comité de vaccination.

L'affrontement

Dans ce contexte de guerre ethnique et précisément au moment où l'agitation en faveur de Riel s'amplifie, ces nominations ne sont pas très heureuses. Quand Mgr Taché obtient un sursis d'un mois pour permettre aux avocats de Riel de porter sa cause en appel au Conseil privé, des émeutes contre la vaccination et la quarantaine éclatent. Les 28 et 29 septembre, la foule assiège le Bureau de santé du faubourg de l'Est et y met le feu. La foule va chahuter le Herald. On y brise les vitres et on va menacer les maisons des médecins vaccinateurs dont celle de l'ex-maire Hingston. Le chef de police est blessé; c'est le propriétaire du journal The Gazette, Richard White, qui demande l'intervention des troupes. Le maire Beaugrand, alité, souffrant d'asthme, court à son bureau et consigne 600 militaires. Dans une déclaration, il invite les citoyens à ne pas sortir le soir et à ne pas gêner l'action de la police.

Des manifestations reprennent malgré la proclamation du maire. Les cavaliers sont accueillis par des jets de pierre dans l'Est. Dans la semaine du 26 septembre au 2 octobre, la variole cause 400 décès. C'est la panique. Beaugrand, approuvé par la presse anglophone, accepte d'imposer l'isolement des malades et la vaccination. La police doit accompagner chaque médecin vaccinateur. Le maire franc-maçon et anticlérical est contraint de solliciter l'appui de l'Évêché. Mgr Fabre accepte de faire lire au prône une note engageant les fidèles à se laisser vacciner et un circulaire du Bureau de santé expliquant le caractère inoffensif de la piqûre. Pour donner l'exemple, il se fait vacciner deux fois. Montréal est mis en quarantaine: les commerces ferment, les théâtres sont déserts, les rues vides.

Le 22 octobre 1885, mauvaise nouvelle: le pourvoi de Louis Riel est rejeté. Le comité de défense de Riel réclame maintenant un examen mental par une commission de médecins. Il obtient un autre sursis jusqu'au 10 novembre. Les journaux anglais sont furibonds alors que L'Étendard et La Presse accentuent la campagne pour sauver Riel.

En novembre, un incident déclenche une émeute: un ouvrier francophone, père de famille, résiste arme à la main à un employé du bureau de santé venu chercher son enfant malade et le conduire à l'hôpital. Devant cette situation, le maire Beaugrand lance une intervention policière massive et prend la tête des opérations, bravant la population hostile à cette agression d'un domicile. Le fils aîné à l'intérieur tire des coups de feu. Au moment où la maison est prise d'assaut, un des enfants malades meurt. Les journaux francophones s'emparent de cette affaire: Beaugrand est accusé d'avoir causé cette mort par ses brutalités et par cette violation de domicile. Le débat autour de la vaccination prend l'allure d'un conflit ethnique, même si le groupe de médecins anti-vaccinateurs comprend aussi bien des anglophones que des francophones.

Pendant ce temps, dans tous les foyers, on prie pour Riel! L'exécution est remise au 16 novembre. Même le Herald finit pas demander grâce pour Riel devant la pression populaire. Après une ultime démarche de Joseph-Adolphe Chapleau, Riel est pendu le 16 novembre sur décidion du conseil des ministres conservateurs d'Ottawa. L'indignation est générale au Québec. Le 22 novembre, se tient au Champ-de-Mars la plus importante assemblée publique réunissant 50 000 personnes venues entendre Honoré Mercier et Wilfrid Laurier. Des portraits de Riel apparaissent aux vitrines des magasins de l'Est. Mercier prend la tête du mouvement, annonce la formation d'un parti national réunissant libéraux et conservateurs pour venger Riel. Les ex-maires Beaudry et Coursol répudient le gouvernement conservateur et appuient Honoré Mercier. Par contre, le maire Beaugrand s'oppose à Mercier dont il dénonce la coalition avec les conservateurs-ultramontains.

Même si le maire Beaugrand a perdu des partisans dans l'affaire de la vaccination, elle lui a valu le soutien des milieux d'affaires anglophones. Ces derniers, alliés aux libéraux, l'appuient pour sa réélection. Il l'emporte par 5 055 voix contre 3 100 en février 1886. L'année sera plutôt tranquille. L'heure est à la reprise économique. Une nouvelle génération d'hommes d'affaires canadiens-français s'affirme et songe à créer une Chambre de commerce francophone, distincte du Board of Trade, ce qui se réalisera l'année suivante.

Après avoir abandonné la mairie en 1887, il partagera son temps jusqu'à sa mort en 1906 entre les voyages, l'écriture et l'animation de diverses sociétés culturelles. En conformité avec ses volontés, il a été incinéré et ces cendres ont été enterrées près de celles de sa femme protestante, au cimetière Mont-Royal à Montréal dans la section F3 [1].

Une rue de Montréal et une station du métro de Montréal ont été nommées en son honneur.

Beaugrand apparaît pour son biographe François Ricard comme «l'une des figures les plus attachantes de la fin du XIXe siècle: exilé volontaire dans sa jeunesse, homme de culture dans son âge mûr, il incarne à sa manière, dans le paysage idéologique et culturel de son temps, une `modernité' que la critique et l'histoire ont jusqu'ici tendance à ignorer ou mal évaluer». Se situant dans une optique plus avant-gardiste et «universelle», Beaugrand a sans doute été incompris de ses compatriotes qui le voyaient comme un bourreau (l'affaire de la vaccination) même s'il avait raison et, peut-être même comme un renégat face à ses compatriotes nationalistes dans l'affaire Louis Riel.

[modifier] Œuvres

  • La Chasse-galerie et autres récits (Nouvelles publiées en volume pour la première fois en 1900.)
  • Anita : souvenirs d'un contre-guérillas
  • Jeanne la fileuse
  • Contes canadiens
  • Les feux-follets
  • Lettres de voyage : France, Italie, Sicile, Malte, Tunisie, Algérie, Espagne
  • De Montréal à Victoria par le transcontinental canadien
  • Six mois dans les Montagnes-Rocheuses : Colorado, Utah, Nouveau-Mexique

[modifier] Notes

  1. Brian Young, Une mort très digne:l'histoire du cimetière Mont-Royal, Montréal, McGill-Queen's University Press, 2003, p. 140, 191 et 234)

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