Histoire de la gravitation

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La loi de la gravitation universelle est énoncée par Newton en 1687.

Le mot grave veut dire lourd, pesant, en grec. Pour Aristote, un corps lourd rejoint son « lieu naturel » qui est le centre de la Terre. Au XVIIe siècle, Galilée (1564-1642), Kepler (1571-1630) et Newton (1642-1727) furent les premiers en étudiant « la chute des graves » à fonder la mécanique dite classique.

Sommaire

[modifier] Galilée

Dès que Galilée énonce (vers 1602, publiée dans les Dialogo (1630)) sa loi de la chute des corps, plusieurs problèmes se posent :

Le champ de gravitation n'est pas uniforme : Galilée sait que la Terre est ronde et que la gravité attire vers le centre de la Terre.

Galilée n'a aucune conscience du fait que la Lune tombe sous l'effet de la même force. Il existe un monde sublunaire et un monde céleste : dans son dialogue sur les deux grands systèmes du monde, celui de Tycho Brahé et celui de Copernic, il a choisi Copernic et affirme que les cieux ne sont pas "fixes" et que les comètes traversent toutes les sphères des fixes. Il s'occupe essentiellement de la pesanteur terrestre ;

Son premier problème est de comprendre pourquoi 1kg de plomb tombe comme 2kg de plomb (nonobstant la résistance de l'air, bien sûr). Son raisonnement est très subtil. Plutôt que de le reprendre, examinons un problème similaire : la chute ralentie d'un pendule simple : le mouvement de 2 pendules identiques, placés côte à côte est évidemment exactement le même (identité des causes : identité des effets). Lions, "par la pensée", les deux masses : rien n'est changé ; et pourtant c'est bien un pendule de 2kg qui se balance maintenant. C'est un argument du même type qu'utilise Galilée : le mouvement d'un pendule ou de n'importe quelle chute ralentie sans frottement est indépendant de la masse ponctuelle qui glisse (en translation) le long de la courbe.

Il y a donc deux faits remarquables dans l'énoncé de Galilée :

  • le moins important auquel pourtant on attache le plus d'importance : la hauteur varie comme t², ou ce qu'a "vérifié" Galilée : la vitesse moyenne est la moitié de la vitesse finale (identique du point de vue mathématique cf. chute libre ,cinématique).
  • le plus important : l'indépendance de la masse, quels que soient les corps. Ce fait d'expérience est le principe de base de la relativité générale : le Principe d'équivalence.

Il n'est pas si facile de le tester avec précision et depuis Galilée, les expériences n'ont jamais cessé, avec de plus en plus de raffinements (balance d'Eotvos,...).

[modifier] Descartes

L'autre savant important au début de ce XVIIe siècle est René Descartes.

Il va tout à la fois obscurcir et éclairer le débat. Éclairer car , avec sa géométrie, il relègue définitivement le monde métaphysique. Son optique géométrique en est une excellente illustration.

Par contre, il trouve décevant le Discorso (1638) de Galilée, car Galilée ne cherche pas "les causes". En tout cas, il va énoncer sa théorie de la gravitation en termes de "tourbillons" et le XVIIe n'aura de cesse de voir des tourbillons partout.

En tout cas, la notion d'action instantanée à distance est une idée folle, et elle le restera pour longtemps.

Seul progrès réel, son énoncé de la quantité de mouvement, que Huygens réécrira dans ses lois du choc : si un système est isolé, la variation de quantité de mouvement du sous-système 1 est l'opposée de celle de son complémentaire S2.

"Il ne restera plus qu'à " diviser par l'intervalle de temps pour avoir le Principe Fondamental de la Dynamique (Newton,1687) , qui ne dit pas autre chose.

[modifier] de Galilée à Newton

Koyré a fait la liste de ceux qui ont contribué à la loi de la chute des corps au XVIIe.

Il faut bien comprendre qu'il y a deux corpus différents : l'astronomie avec les lois de Kepler , et la chute libre sur Terre.

Dès que la troisième loi paraît(1619, "harmonice Mundi"), toute personne capable de faire un raisonnement de scaling est capable d'avoir une idée de la force de gravitation. Mais ce genre de raisonnement existe peu encore. En fait il faut attendre la loi de Huygens sur la force centrifuge , le fameux a = v²/R = ω2R , pour avoir grâce la loi de Kepler :ω2R3 = cste, a ~1/R².

Newton déclare avoir fait ce raisonnement en 1665-1666 durant la peste de Londres. Et avoir eu l'intuition dite de la "pomme": parabole pour exprimer qu'il eût l'idée de relier lois de Kepler et loi de Galilée, astronomie et pesanteur. cela aurait dû lui donner a(Lune)= g/(60)². Mais ce n'est pas ce qu'il trouva ( essentiellement dû aux mauvaises données de l'époque). Et puis ? De toute façon, il aurait dû montrer que l'attraction de la Terre se réduisait à celle d'un point matériel situé en son centre ; or, ce résultat il ne le possédera qu'en 1684-1685 ( théorème dit de Newton-Gauss), soit 20 ans plus tard.

Pendant toute cette période de 70 ans , la mécanique n'a cessé de se développer. Koyré ne note pas moins d'une dizaine d'acteurs sur la seule chute libre et l'éventuelle déviation vers l'Est, un problème qu'avait sous-estimé Galilée , mais que Mersenne voulait qu'on résolve.

[modifier] Newton et Hooke

L'idée que g(z) décroisse avec l'altitude est dans l'air du temps dès 1660 (création de la Royal Society). Halley est allé à Sainte-Hélène ; Richer à Cayenne. Le secrétaire de la Royal Society, Robert Hooke, reçoit, via le président Oldenbourg, des dizaines de courriers. L'un d'eux concerne une communication de Wren sur le phénomène d' Horrock : les tables de la Lune sont plus exactes si l'on écrit que Terre et Lune tourne autour d'un point G qui lui même tourne selon les lois de Kepler autour du Soleil. Hooke connaît bien la notion de centre de masse et une semaine après, publie un discours assez général d'où il ressort que la loi de la gravitation est universelle et serait en 1/r².

Mais Wren ne s'en laisse pas compter et demande une démonstration. Hooke est incapable de la fournir.

A quelques années de là, Hooke pose à Newton la question du mouvement de la Terre. Newton renvoie une lettre assez désabusée, où il explique la déviation vers l'Est, mais cette lettre contient une bavure. Hooke, ravi de cette aubaine, publie que Newton s'est trompé. Et c'est la fameuse lettre de réponse que Newton envoie ( mouvement dans un champ central g(r) = g0 , Nov 1679) qui déclenche la suite des évènements.

Halley veut savoir si Newton connaît la réponse à : les lois de Kepler impliquent-elles une force de gravitation en 1/r² ? Il la lui pose en Juillet 1684 . Newton répond évasivement : oui , mais c'est dans des vieux papiers. Décembre 1684, la réponse arrive : c'est le de Motu . mais Newton demande à Halley de le garder par devers lui, car dit Newton, j'ai d'autres idées pour compléter ce que j'ai dit. Donnez-moi du temps.

L'affaire est entendue. Hooke aura beau revendiquer la paternité de la découverte, il est clair pour tout le monde que seul Newton aurait pu écrire les Principia, en 2 ans : ils seront publiés en 1687.

Une hypothèse époustouflante est que l'action à distance est instantanée. Newton lui-même se refuse à commenter ce fait : je ne feins pas d'hypothèses ; ce qui veut dire : je ne m'explique pas les causes de ce fait. Mais tout colle avec cette loi !

Tempête des cartésiens en France. Même Huygens se prononce contre dans un livre tragi-comique (1790). Le temps de réception des travaux de Newton en France et en Allemagne sera très long (presque 30 ans). Mais les cercles éclairés se rallient à Newton, peu à peu . Certes la loi laisse pantois.

[modifier] de Newton à Einstein

De 1687 à 1915, bien des tentatives seront faites pour corriger cette loi. En vain.

Bien au contraire, la loi entre les charges électrostatiques (de Coulomb) sera copiée sur celle de Newton ; puis celle entre les masses magnétiques, corrigée par l'inexistence de monopôle magnétique.

Néanmoins , sous l'impulsion de Faraday , les lignes de champ remplaçant les antiques tourbillons de Descartes reprennent du service, en particulier avec la notion de "flux coupé". Faraday demande à Maxwell de parachever son travail, et Maxwell se précipite pour écrire son ouvrage et couper l'herbe sous le pied de l'école allemande (Weber, Riemann, Helmholtz, Lorenz). Ainsi le champ électromagnétique ne se propage pas instantanément. L'électrodynamique de 2 charges doit tenir compte du "temps retardé".

Nul doute que cela ait influencé Einstein dès 1905. Au moment où il écrit sa majestueuse relativité générale, on sait en astronomie qu'il existe un fait qui intrigue : malgré toutes les corrections d'erreurs systématiques, le mouvement du périhélie de Mercure reste inexpliqué: il subsiste une précession de 43" d'arc par siècle.

Ses équations sont très sophistiquées, mais de beauté simple. Elles introduisent la notion de temps retardé aussi. Il applique la légère correction à la loi de Newton dans le cas du problème de Mercure : merveille, il trouve 43" d'arc par siècle. Il prévoit aussi que la lumière doit tomber : Eddington le vérifiera en 1920 (avec une précision bien maigre).

[modifier] après Einstein

Les dix équations d'Einstein n'ont pas le temps d'être étudiées par une communauté assez étoffée. Car le temps est à l'électrodynamique, et à l'atome : de Rutherford (1909), de Bohr (1913): le monde scientifique est bien plus pressé de comprendre enfin le microcosme, éclairé par la constante de Planck. Entre 1924 et 1930, un coin du voile est soulevé : physique de la matière et partant toute la chimie est enfin expliquée sur des bases solides : la mécanique quantique est née. Ses progrès en physique du solide donneront le transistor, puis le microprocesseur, puis les réseaux, puis les GSM et Internet.

Il est clair dans ces conditions que la relativité générale reste à l'étiage.

Revivifiée par l'école anglaise (Penrose et Hawking), par les observations du rayonnement fossile (Penzias et Wilson), par le rayonnement gravitationnel des binaires (Holse et Taylor), par l'existence des trous noirs et des mirages gravitationnels, la théorie de la gravitation perdure et on essaie de la tester sur Terre (projets Ligo et Virgo, ...). Les calculs sont très durs, mais avec les logiciels, on progresse.

Mais surtout, on essaie de la quantifier : la théorie de la gravité quantique résiste à des centaines de chercheurs ; le rêve de l'unification des forces est encore, en 2005, un rêve.

[modifier] Voir aussi

Bibliographie succincte:

  • Chandrasekhar : "Newton's Principia",OUP,1995
  • Hawking : "Sur les épaules des Géants",Dunod,2003
  • Koyré : "études galiléennes"
  • Koyré : "études newtonniennes"
  • Koyré : "la chute des corps de Galilée à Newton"
  • Newton : "de la gravitation" , les belles lettres,1985,isbn 2 251 34 502 7
  • Zéro  : les théories vérifiables, 2005
Autres langues