Haut fourneau

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Un haut fourneau est un four à combustion interne, destiné à la fabrication de la fonte à partir du minerai de fer. Cette fonte est par la suite affinée par chauffage (décarburation) ce qui permet de produire de l'acier et des dérivés ferreux.

Sommaire

[modifier] Historique

Représentation d'un haut fourneau au XVIIIe siècle (Manuel de la métallurgie du Fer, Tome 1, par Adolf Ledeburg, édition française traduite par Barbary de Langlade revu et annoté par F.Valton) Ces deux coupes d'un fourneau de section octogonale ont été réalisées en 1716 pour le physicien  Réaumur. Conservées dans ses papiers, avec d'autres planches et documents, elles sont finalement publiées dans les planches de l'Art des forges et fourneaux à fer, par Gaspard de Courtivron et Étienne Jean Bouchu, en 1761. Sur la coupe en haut à gauche (fig. 79), on distingue un soufflet et sur la coupe en haut à droite, le trou de coulée (fig. 80)
Représentation d'un haut fourneau au XVIIIe siècle (Manuel de la métallurgie du Fer, Tome 1, par Adolf Ledeburg, édition française traduite par Barbary de Langlade revu et annoté par F.Valton) Ces deux coupes d'un fourneau de section octogonale ont été réalisées en 1716 pour le physicien Réaumur. Conservées dans ses papiers, avec d'autres planches et documents, elles sont finalement publiées dans les planches de l'Art des forges et fourneaux à fer, par Gaspard de Courtivron et Étienne Jean Bouchu, en 1761.
Sur la coupe en haut à gauche (fig. 79), on distingue un soufflet et sur la coupe en haut à droite, le trou de coulée (fig. 80)

Au cours du XIVe siècle, la force hydraulique est appliquée pour la ventilation des foyers ou bas fourneaux utilisés pour extraire le fer du minerai. L'utilisation de roues à aubes ou à godets en remplacement de la force humaine permet d'augmenter la puissance des vents. Ceci permit l'augmentation de la hauteur des fours jusqu'à atteindre quatre à cinq mètres. Avec un fourneau de cette hauteur et les températures permises par les nouveaux soufflets, le fer une fois réduit se combinait au carbone, produisant de la fonte, dont la température de fusion (environ 1200°) est nettement inférieure à celle du fer pur. On obtenait donc de la fonte liquide au bas du fourneau, et non plus la loupe de fer pâteux qu'il fallait jusque là extraire du fourneau pour l'amener à forger.

Le lieu et la date précise d'apparition des hauts fourneaux ne sont pas encore établis avec certitude ; ils semblent avoir été connus au XIVe siècle dans la région de Liège ; des structures fouillées en Suède et datée du XIIIe siècle pourraient également être des fourneaux de ce type. Ils se généralisent au XVe siècle dans la plus grande partie de l'Europe du Nord.

La conséquence majeure de la production de fonte est que les hauts fourneaux peuvent fonctionner en continu, la fonte étant périodiquement coulée, alors que le bas fourneau doit être arrêté pour extraire la loupe qui s'y est formée. Au XVIIIe siècle, la durée d'allumage des hauts fourneaux allait généralement de cinq à neuf mois en fonction de la disponibilité de l'énergie hydraulique ; ils étaient rechargés par le gueulard en charbon de bois, minerai et castine (un additif calcaire permettant une meilleure évacuation des impuretés sous la forme d'un laitier) ; la fonte était coulée une à deux fois par jour.

En 1709 a lieu la première coulée au coke au Royaume-Uni à Coalbrookdale (Shropshire) par Abraham Darby (16781717). Le coke remplace le charbon de bois dans l'alimentation du fourneau ; il est produit par désouffrage de la houille. Le procédé au coke est perfectionné par le fils et petit fils de Abraham Darby (qui s'appellent également Abraham Darby). Cependant, la fonte produite de cette manière est dans un premier temps impropre à l'affinage (décarburation pour produire du fer forgé), ce qui explique qu'à cette époque l'utilisation du coke ne se généralise pas. En 1760, le Royaume-Uni ne compte que dix-sept hauts fourneaux au coke et ce n'est qu'en 1780 que son usage se généralise.

En France, les premiers essais au coke n'ont lieu qu'en 1769 à Hayange (aujourd'hui dans le département français de la Moselle) avant que soient construits, sous la direction du Britannique William Wilkinson, les hauts fourneaux au coke du Creusot. Cette production peine cependant à concurrencer la production traditionnelle au charbon de bois : elle ne la dépasse qu'en 1853, à la faveur de l'explosion de la demande due au développement du chemin de fer. En 1860, encore un tiers de la fonte française est produite dans des hauts fourneaux au charbon de bois.

Au XIXe siècle l'utilisation du coke provoque un changement radical dans la technique. La hauteur des hauts fourneaux atteint trente mètres. Les soufflets sont remplacés par des pistons en fonte actionnés par la vapeur.

En 1828, le Britannique Neilson à l'idée de chauffer les vents (air injectés dans le bas du haut fourneau). En 1829, il réalise la première machine industrielle qui chauffe l'air à 150°C (à Clyde, au Royaume-Uni). Ceci permet d'économiser un tiers du charbon par rapport au procédé de l'époque. Le procédé est rapidement adopté. En 1870, les Britanniques Cooper et Whitwell mettent au point un procédé utilisant les gaz chauds et combustibles rejetés par le haut fourneau pour chauffer les vents.

Du point de vue du lexique, on peut dire que l'histoire du mot devance en quelque sorte l'histoire de l'objet. On rencontre en effet haut fourneau dès le XVe siècle. Mais jusqu'au XIXe siècle, cette appellation côtoie régulièrement d'autres appellations comme fourneau, fourneau à fer, fourneau de fusion, grand fourneau, fourneau élevé, etc. Ces noms renvoient tous à un fourneau de coulée par opposition au bas fourneau à loupe. Mais les hauteurs, qui varient de 5 à 20 mètres, ne jouent aucun rôle. Dans les relevés nombre de fourneaux sont plus hauts que des hauts fourneaux. Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle, que l'objet rejoint le nom. Comme l'écrit Roland Eluerd : "Poli par quatre siècles d'histoire, le nom haut fourneau pouvait devenir le pur symbole de la modernité, superbe présent du passé au vocabulaire d'une sidérurgie où le fourneau, dressé à plus de quarante mètres, véritable signal de l'entreprise, deviendrait incontestablement le haut fourneau." (Les Mots du fer et des Lumières, Paris, Champion, 1993, p. 192).

[modifier] Capacités et production

A titre indicatif, en 1806, la production de fonte dans un haut fourneau est de 4 tonnes/jour, en 1850 elle passe à 15 tonnes/jour. En 1974, le haut fourneau 4 d'Arcelor Dunkerque, avec ses 14 m de diamètre au creuset (ce diamètre est la donnée la plus significative pour juger la capacité) s'adjuge le record européen. Il peut fournir plus de 10 000 tonnes de fonte par jour.

Cependant, aujourd'hui, la plupart des hauts fourneaux, ont une taille légèrement plus petite, même si chaque rénovation d'un creuset est généralement une opportunité pour augmenter sa taille. Un diamètre de 11 m pour une production journalière de 6 400 t/jour est caractéristique d'un gros haut fourneau moderne. Ce tonnage correspond bien aux capacités des outils situés en aval, à l'aciérie.

Parallèlement à l'augmentation de la taille, l'abandon des minerais pauvres, comme la minette lorraine, a permis, à dimension égale, de quasiment doubler la production d'un haut fourneau.

Parmi les coproduits issus d'un haut fourneau, on peut citer :

Il faut aussi mentionner le haut fourneau comme un outil de production du manganèse. Actuellement, 30 % de la production de manganèse est issu de cette filière (le reste étant élaboré au four électrique).

[modifier] Constitution et fonctionnement

Les différentes parties du haut fourneau
Les différentes parties du haut fourneau
  • La cuve, de forme cylindrique élargie dans le 1/4 de sa base, est constituée de briques réfractaires soutenues par une armature extérieure de poutrelles métalliques.
  • Le chargement s'effectue par le haut (minerai de fer, déchets ferreux, coke ou « Charbon »).
  • La récupération de la fonte s'opère par coulée au bas du four.
  • Une injection d'air est effectuée au plus large du four, afin d'entretenir la combustion du charbon, permettant ainsi la fusion de tous les éléments.
  • A l'opposé du point de coulée de la fonte on opère une coulée de laitier, récupération des déchets de la fusion, ou scories.
  • La température est variable en fonction de la hauteur dans la cuve (de haut en bas):

Compte tenu de la forte présence de carbone au cours du processus, le produit obtenu est un alliage fer-carbone de type fonte (taux de carbone supérieur à 2.1 %).

[modifier] Les réactions chimiques

Le haut fourneau est un réacteur chimique, dont le fonctionnement à contre-courant (les gaz montent alors que la matière solide descend) lui assure un excellent rendement thermique.

[modifier] Réactions globales

Le principe est de réduire par le monoxyde de carbone les oxydes de fer présents dans le minerai de fer métal.

Production de l'agent réducteur CO (monoxyde de carbone) :

La réaction globale est la suivante :

\mathrm{C + \frac{1}{2} O_2 \longrightarrow CO} (a)

Compte tenu de l'excès de carbone et de la température, il y a conversion de la totalité de l'oxygène en monoxyde de carbone.

Il est en fait produit par la succession des deux réactions suivantes :

\mathrm{C +  O_2 \longrightarrow CO_2} (b)

puis

\mathrm{C +  CO_2 \longrightarrow 2CO} (c) (réaction de Boudouard)

À partir de là, la réaction de réduction des oxydes de fer est la suivante :

\mathrm{Fe_2O_3 +  3CO \longrightarrow 2Fe + 3CO_2} (d)

Le coke a donc deux fonctions :

  • par combustion, il produit l'agent réducteur (a) par combustion notamment en sortie des tuyères. La réaction est fortement exothermique, on atteint des températures de 2200°C.
  • Il consomme le dioxyde de carbone (CO2) produit par la réduction des oxydes de fer (c) pour régénérer l'agent réducteur (CO) des oxydes de fer.

[modifier] La réduction des oxydes de fer

Les oxydes de fer se réduisent suivant la séquence suivante :

\mathrm{Fe_2O_3 \longrightarrow Fe_3O_4 \longrightarrow FeO \longrightarrow Fe}

L'enchainement de température au niveau de la cuve sont les suivants (en partant du haut de la cuve en fonction de la température :

  • T > 320 °C
    \mathrm{3Fe_2O_3 +  CO \longrightarrow 2Fe_3O_4 + CO_2} (e)
  • 620°C < T < 950°C
    \mathrm{Fe_3O_4 +  CO \longrightarrow 3FeO + CO_2} (f)
  • T > 950°C
    \mathrm{FeO +  CO \longrightarrow Fe + CO_2} (g)

dans le bas de la cuve, il y a régénération de CO par la réaction de Boudouard (c) à une température d'environ 1 000 – 1 050°C.cv

[modifier] Voir aussi

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Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur les hauts fourneaux.

[modifier] Liens externes