Gorgias (Platon)

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Les dialogues de Platon
Dialogues socratiques : Socrate, les vertus,

les Sophistes

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Les Rivaux - Théagès – Épinomis
Minos - Clitophon

Sommaire

[modifier] Présentation de l'œuvre

Ce dialogue illustre la recherche socratique d'une science du bien : il s'agit de s'interroger sur la rhétorique, « l'art de bien parler » que Gorgias enseigne à ses élèves, et qu'il affirme être le meilleur de tous les arts exercés par l'homme. Seulement il va se retrouver à dialoguer avec Socrate, qui n'a pour fin que de trouver la vérité et de la partager, tout en visant et en faisant l'éloge d'une vie juste et bonne.

[modifier] Cadre du dialogue

[modifier] Les personnages

[modifier] Résumé

Socrate se rend avec son compagnon Chéréphon chez Calliclès, où le fameux sophiste Gorgias séjourne. Il veut l'interroger sur sa pratique, sur « ce qu'il est ». Polos, jeune et fougueux disciple de Gorgias, qu'il révère et veut dépasser à la fois, tente de répondre en une tirade fort pédante où il affirme que l'art de Gorgias est le plus beau de tous. Cette réponse ne satisfait pas Socrate qui interroge alors directement Gorgias.

Celui-ci lui répond qu'il est orateur et maître de rhétorique. Socrate, selon sa fameuse exigence qui consiste à rechercher la nature des choses, l'essence se cachant derrière le mot, va demander à Gorgias, représentant de la rhétorique, une définition de son art. Celui-ci va alors avoir les plus grandes difficultés à lui répondre. Il affirme que la rhétorique est l'art des discours. « Sur quoi portent ces discours ? » demande Socrate. Gorgias se prononce en disant que les discours de l'orateur apportent une conviction sur ce qui est juste ou injuste, en politique par exemple. Socrate va alors s'interroger sur le type de conviction qu'apporte la rhétorique. En distinguant la connaissance de la croyance, il amène Gorgias à dire que le rhéteur fait croire qu'une chose est juste ou injuste mais qu'il ne le fait pas savoir, qu'il ne l'explique pas, « par manque de temps » dit-il, par ignorance insinue Socrate. La rhétorique apporte donc de la persuasion, et non pas une conviction rationnelle étayée par des preuves logiques et cohérentes (ce qu'apporte à l'inverse la philosophie telle que l'envisage Socrate).

Cependant, la définition de la rhétorique n'avance guère. Socrate demande alors à Gorgias, au nom de l'assemblée, si la rhétorique relève un savoir précis et technique nécessitant un spécialiste en la matière ou si c'est une pratique qui ne se limite pas à un domaine bien précis mais peut répondre à n'importe quelle question. Il veut savoir en fait si la rhétorique est un art, ou si c'est seulement un savoir-faire technique, un « truc » ne nécessitant aucun savoir précis. Socrate voit la rhétorique comme une pratique sans valeur car elle n'apporte pas la vérité avec son langage (les rhéteurs se vantaient de pouvoir soutenir une thèse et son contraire avec la même intensité). En outre elle peut être dangereuse pour deux raisons : d'une part, elle peut manipuler l'opinion d'une personne ou d'une foule et s'en servir à sa guise, et parfois à mauvais escient comme l'avouera plus tard Gorgias ; d'autre part, l'enseignement du rhéteur est une « mauvaise nourriture » pour l'âme car elle n'apporte pas la vérité et le savoir rationnel mais un semblant de vérité, une apparence de cohérence sans bases solides, qui peut fausser la vertu de l'homme.

Socrate s'interroge aussi sur les thèmes abordés par la rhétorique : se limite-t-elle au juste et à l'injuste ? Ou peut-elle tout traiter ? Enfin, il lui demande quel bien apportera Gorgias à ceux qui suivront son enseignement de rhétorique et deviendront ses disciples. Il veut juger la pratique de l'orateur en terme de bien ou de mal, de beau ou de laid, de juste ou d'injuste (ce qui pour lui revient au même). La rhétorique est donc attaquée, sa valeur est remise en question, et Gorgias va donc devoir la défendre avec d'autant plus de virulence qu'il prend les questions de Socrate (pleines d'ironie, il est vrai) pour des attaques personnelles. Pour lui, le dialogue est un combat où il s'agit de polémiquer (du grec polemos, « le combat »), et d'abattre l'adversaire et sa thèse grâce à un beau discours, de l'esprit, et le soutien des spectateurs qui assistent au dialogue et qu'il s'agit de mettre de son côté.

Or pour Socrate le seul moyen de redonner du prestige à la rhétorique est que Gorgias parvienne à la définir, car qu'est-ce qu'un maître qui ne peut dire à ses élèves ce qu'il enseigne ? Mais Gorgias ne comprend pas cette exigence de la définition, et, se sentant attaqué, il annonce vouloir montrer au philosophe toute la puissance de la rhétorique. En fait, il s'intéresse plus aux effets de sa pratique qu'à son essence, ses qualités, ce qu'elle est. Il va montrer que l'orateur est tout-puissant car il peut commander aux autres. Socrate va s'interroger sur le bien de ce pouvoir, se demandant s'il est juste, et comparant l'orateur à un tyran.

Polos, qui va prendre le relais pour défendre la rhétorique, exaspéré que son maître Gorgias se laisse berner par les « trucs » de Socrate, qui pointe les incohérences de son discours et son incapacité à définir la rhétorique et à prouver qu'il s'agit d'un art, va continuer sur le thème de Toute-Puissance de la rhétorique si « divine ». Il affirme que l'orateur est libre car il fait ce qu'il veut. Grâce à la puissance de persuasion de sa parole, il peut dicter les décisions de la cité, aussi bien en politique qu'au tribunal, et ainsi, il peut décider du sort d'un homme, ayant la capacité de le faire condamner à mort s'il le désire. À la manière du tyran, il fait ce qu'il veut et n'est soumis à aucune contrainte qu'il ne puisse résoudre par un discours. Socrate lui rétorque qu'il a tort et que l'orateur n'est pas libre, car il ne fait pas ce qu'il veut mais ce qui lui plait. Pour Socrate, « Nul ne fait le mal volontairement ». Si l'orateur est mauvais, ce n'est pas l'action de sa volonté qui est choix libre, rationnel et réfléchi, mais l'effet d'une envie déraisonnable qui n'a pour source que l'ignorance du bien et la passion qui trouble l'âme de l'homme irrationnel.

C'est alors que Calliclès entre dans, le débat, et avec lui, Socrate a affaire à un adversaire d'une autre mesure. Non seulement, Calliclès maîtrise parfaitement la rhétorique, mais il a surtout cette fierté, cette assurance, cette persuasion qui ont manqué à Gorgias et à Polos, et Socrate loue la venue de cet adversaire providentiel. Il revendique sans vergogne les conséquences pour le moins radicales de ses positions et les proclame comme un défi à la face d'un ordre social pour lequel il n'a que mépris, qu'il considère comme inférieur à l'ordre naturel. Le débat change de ton et c'est maintenant l'affrontement entre Socrate et Calliclès, deux conceptions totalement antagonistes de la vie. Tout oppose ces deux hommes : leur vision de la justice, du pouvoir, du bonheur ; et à aucun moment, ils ne trouveront de terrain d'entente. Calliclès, excédé, incapable de l'emporter, finit par déclarer forfait, il « boude » et c'est alors dans une dernière étape Socrate qui continue seul et s'engage dans une magnifique plaidoirie mythique de sa vision de la seule vie acceptable, une vie tout entière consacrée à la recherche du bien.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Liens Internet