Discuter:Georges Rabol

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Je me permets d'ajouter ceci à ce qu'a écrit le précédent intervenant: = Georges Rabol "était" ce qui est écrit plus haut et tellement plus encore. On l'a souvent qualifié de musicien cross over, s'appuyant sur ses origines "caraïbe". Je dirais plutôt qu'il était simplement un interprète exceptionnel et un compositeur et arrangeur particulièrement inspiré.

Fou de Bach (ahhhh, sa sicilienne!), il se jouait des étiquettes et était également capable de rentrer en "transs" (et nous aussi) lorsqu'il interprétait Piazzola. Tout récemment, j'ai assisté au concert de Martha Argerich à pleyel (Georges Rabol l'aimait tout particulièrement), concert autour de Bach. Elle avait invité quelques uns(unes) de ses amis(ies) à improviser autour de ce génial compositeur. Elle acheva ce concert en compagnie de Gidon Kremer et de Andrei Pushkarev et nous offrit un arrangement sur un thème de Piazzola. Il me prit de rêver que Georges fût parmi eux... Qui eut imaginé, voici quelques années, pareil programme à Pleyel! Improviser sur Bach (domaine longtemps réservé à Loussier et son trio)...Même Keith Jarrett sépare encore son répertoire d'impro. et celui des grands compositeurs qu'il interprète. Il a fallu toute la notoriété (et le talent de Martha Argerich aussi bien entendu) pour imposer cela.

Je crois ne pas m'avancer en disant que Georges Rabol a heurté, en son temps, la convenance toute (pré)fabriquée et soulevé le coeur mal accroché de quelques critiques et musicologues lorsqu'il commença une carrière classique tout en abordant d'autres répertoires considérés comme plus légers, jazz, tango argentin, compositions personnelles et audacieuses, (comme le surprenant Baroque jazz trio enregistré chez Saravah http://www.sefronia.com/album/Baroque-jazz-trio.html ou encore plus tard ces deux grands albums "ALCHIMIE" chez Epervier, AENAON chez CBS ). De là à considérer qu'un pianiste de couleur n'avait qu'à s'en tenir à ces "légèretés digressives", le pas fut vite franchi. Le sérail était encore bien (mal) gardé et ne s'aventurait pas n'importe quel musicien sans montrer patte blanche (!). Celles de Georges avaient le méritant talent et l'audacieuse ambition d'avoir la bougeotte et elles étaient en couleur...Dieu Merci!

D'ailleurs, je ne pense pas qu'il faille attribuer ses aventures musicales et musiciennes à ses seules origines mais plus précisément à son intelligence de la musique, sa curiosité jamais étanchée. Il pratiquait son art majeur à la manière d'un Prince voyageur. Bernard Gavoty disait de lui: qu'"il n'y a pas d'âge pour l'excellence", alors tout juste sorti du conservatoire, ou bien encore en parlant de ses mains (magnifiques): "les mains du Bon Dieu". Je les ai vu danser dans des répertoires si variés. Tant de fois, j'ai vu Georges pareil à un enfant devant son instrument noir ébène (Un Pleyel de concert grand modèle aux basses volcaniques), je l'ai tant entendu travailler et travailler encore son piano... je l'ai vu si souvent en récital ou en concert, offrir, offrir et offrir encore et en être généreusement remercié par des applaudissements éloquents... puis s'effondrer de fatigue ensuite.

Bach, Schuman, Franck, Brahms, Gottschalk, Saumell, Cerventes, Rameau (qu'il aimait tant), Couperin (ses barricades mystérieuses, quelle interprétation il en faisait!), Liszt, Piazzola, Gershwin, Chopin, Mozart, Chabrier et tant d'autres...tous ces compositeurs ont eu assurément la chance d'être passés sous ses mains de Bon Dieu. D'une modestie surprenante, il savait rentrer dans une oeuvre comme personne, et en l'apprivoisant, nous l'offrir en grand, en majeur, en inoubliable. Je me souviens de Michel Bouquet l'écoutant les yeux fermés, une sourire angélique sur les lèvres, dessiné, assis en coulisse alors que Georges se mettait en doigt sur Brahms dont il préparait un prochain récital... Je me souviens d'un Jean Christophe Averty se déhanchant d'admiration et de compliments à la maison de la Radio alors que Georges passait du clavecin aux grandes orgues puis au piano en trois tours de "fesses"... Je me souviens de Michel Legrand dans de nombreuses séances d'enregistrement de musiques de films, de Georges Delerue, de catherine Lara le prenant dans ses bras au Châtelet alors qu'il dirigeait l'orchestre symphonique des "Romantiques", de François Rauber (magnifique monsieur), de Pierre Louki, du directeur des trottoirs de Buenos Aires, et tant d'autres moments musicaux. Roland Petit, Serge Gainsbourg, René de Obaldia, Luis Bunuel, Manu Dibango, Claude Lelouch, Claude Villers avec lesquels il a collaboré à divers titres, compositeur, arrangeur, acteur! ou encore ces gens de radio qui l'appréciaient tout particulièrement et qui l'invitaient régulièrement, Emmanuel Gaume, Roland Dhordain, jean michel damian, Isabelle Dhordain...

Je n'oublie évidemment pas Frédéric Lodéon, Misha Maiski, Gérard Caussé, Ami Flamer, Ivry Gitlis, Alain kremski et tous les autres musiciens qui aimaient partager avec lui des moments musicaux sur scène ou en privé. Enfin, Yolanta skura, fondatrice du label Opus 111 (aujourd'hui NAIVE) qui le produisit alors qu'il venait de découvrir des partitions inédites de Louis Moreau Gottschalk et qu'il fut le premier en France (et même en Europe) à nous offrir de découvrir ce compositeur étonnant et virtuose. Yves Riesel avec lesquel ils partageait cette intelligence de la musique, et qui lui fit enregistrer Chabrier et Piazzola... Tous ces êtres savent à quel point Georges était un musicien à part.

Je pense enfin à ses très proches, Bernadette, Jean Philippe, et Mireille qui, en toutes circonstances, l'ont accompagné, aimants.

Je me souviens de sa gaité et de ses rires inoubliables, sa générosité.

Je n'oublie surtout pas que j'ai eu le bonheur insensé et le réel privilège de croiser la route d'un homme rempli de musique et de musicalité, un être immense. Tout en pesant mes mots, et s'il n'en restait qu'un seul, je choisirais "Grâce", pour ce qu'il offrit à la musique, à toutes les musiques, pour les moments qu'il me fit partager, pour ce qu'il fut et reste pour moi.

B.R --Bachaddicted 3 mars 2007 à 14:15 (CET)