Feuillets d'Hypnos

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[modifier] Présentation

Recueil de poésie composé par René Char en 1946.

Les Feuillets d'Hypnos ont été écrits entre 1943 et 1944, alors que René Char était dans la Résistance. Ils sont dédiés à Albert Camus.

Les poèmes prennent la forme de courtes notes, de fragments poétiques au nombre de 237. Certains ressemblent à des maximes, d'autres font référence aux actions des Résistants, entre souffrance et espoir.

Les Feuillets d'Hypnos ont ensuite parus dans le recueil Fureur et mystère, entre Seul demeurent (1945) et Le Poème pulvérisé (1947).

[modifier] La Résistance

Les Feuillets d'Hypnos sont profondément ancrés dans le contexte de la Résistance, c'est pourquoi la situation historique et personnelle de René Char est un élément essentiel pour comprendre cette oeuvre. Il est possible de détailler la part de la Résistante dans les Feuillets d'Hypnos sous deux angles : celui d'une écriture conditionnée par la Résistance, et celui d'une écriture sur la Résistance.

En effet, l'écriture, d'un point de vue presque purement formel ici, du recueil est gouvernée par les conditions particulières de la situation du poète. La situation de René Char l'oblige en effet à être en permanence sur ses gardes, et bien entendu à changer souvent de base d'opérations. L'écriture ne peut donc pas prendre en ampleur. « J'écris brièvement. Je ne puis guère m'absenter longtemps. S'étaler conduirait à l'obsession. L'adoration des bergers n'est plus utile à la planète. » (31)

De ce fait, l' esthétique fragmentaire des Feuillets s'explique en partie par cette situation : le poète est obligé d'écrire brièvement. Cette brièveté impose la densification du langage, la part importante de l'implicite dans l’œuvre. Cette part importante de l'implicite laisse la liberté au lecteur de faire (ou non) le lien avec la situation d'écriture, de développer lui-même le sens de l'oeuvre.

« Epouse et n'épouse pas ta maison. » (34) : ainsi, si l'on relie ce fragment à la situation d'écriture, on peut supposer qu'il fait référence aux mouvements continus des Résistants au sein du maquis.

Dès lors, ces allusions à la brièveté pose en arrière-fond la situation même de Résistance. Au-delà d'une écriture poétique conditionnée par la Résistance, le lecteur a alors accès à une écriture poétique sur la Résistance. Le poème décrit la situation de la Résistance, à la fois sous le rapport de l'engagement fort, mais aussi sous le rapport d'un rude quotidien.

« La France a des réactions d'épave dérangée dans sa sieste. pourvu que les caréniers et les charpentiers qui s'affairent dans le camp allié ne soient pas de nouveaux naufrageurs ! » (24) : Un tel fragment relate la situation politique, presque stratégique, avec laquelle le Résistant doit composer dans son action.

« Je vois l'homme perdu de perversions politiques, confondant action et expiation, nommant conquête son anéantissement. » (69) : Ce fragment révèle une prise de position philosophique, qui sous-tend l'engagement du poète dans la Résistance.

« François exténué par cinq nuits d'alertes successives, me dit : « J'échangerais bien mon sabre contre un café ! » François à vingt ans. » (89) : Le fragment sert ici à traduire les dures réalités de la condition de Résistant.

Il ne faudrait pas cependant assimiler les Feuillets à un noir pessimisme, à une peinture réaliste et sans espoir de la condition de la Résistance. Il s'agit à la fois de dire le vrai et d'exprimer des idéaux, ceux qui sont propres à la Résistante ou propres aux poètes, qui sont appelés à se réaliser. C'est le sens du double combat poétique et armé.

« Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté. » (237)

[modifier] Citations

« Je me fais violence pour conserver, malgré mon humeur, ma voix d'encre. Aussi est-ce d'une plume à bec de bélier, sans cesse éteinte, sans cesse rallumée, ramassée, tendue et d'une haleine, que j'écris ceci, que j'oublie cela. Automate de la vanité. Sincèrement non. Nécessité de contrôler l'évidence, de la faire créature. » (194)