Denis Buican

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Denis Buican (Dumitru Buican-Peligrad selon son nom d'origine roumaine), né le 21 décembre 1934 à Bucarest, comme fils de Dumitru Peligrad, est un français d'origine roumaine et un écrivain bilingue, biologiste, philosophe et historien des sciences.

Pionnier de la radiogénétique en Roumanie (ses premières études portent sur l'influence de l'électricité sur la vie des plantes), ingénieur agronome (1956), docteur en génétique (1961), puis professeur à l'Université de Bucarest, il combat les théories de Lyssenko, imposées dans les démocraties populaires à partir de 1948 (ses laboratoires sont détruits à trois reprises et lui-même banni de l'université à la fin des années 1950). Dans son premier livre, publié en roumain en 1969, Biologie générale, génétique et amélioration, Denis Buican n'hésite pas à s'attaquer au lyssenkisme officiel. Fuyant la dictature communiste, il s'installe à Paris en 1969, à l'occasion d'un congrès international. Naturalisé français en 1972, il entreprend une œuvre d'historien et de philosophe des sciences, matérialisée par sa thèse d'État (1983), Histoire de la génétique et de l'évolutionnisme en France, première véritable histoire de cette science entreprise en France. En 1989, son livre La révolution de l'évolution obtient un Grand Prix de l'Académie française. En 1997, il préside la section "Biologie et sciences médicales" du XXe Congrès international d'Histoire des Sciences (Liège).

Professeur d'histoire des sciences à l'Université Paris X-Nanterre (1983-2003), il est l'auteur d'une nouvelle théorie de l'évolution, la théorie synergique de l'évolution. Il a également élaboré une nouvelle théorie de la connaissance, la biognoséologie.

Ecrivain de langue roumaine et française, Denis Buican a publié plusieurs recueils de poèmes, d'une sensibilité originale, proches des oeuvres de Lucian Blaga et de Tudor Arghezi. Hantés par le néant, ces courts poèmes, très denses, s'ouvrent sur un univers qui n'est pas sans rappeler celui du philosophe Cioran.

Sommaire

[modifier] Biologiste et théoricien de l'évolution

Après l'invasion de la Roumanie par les troupes de l'Union soviétique (23 août 1944), Dumitru Peligrad est placé en résidence surveillée, mais refuse de se soumettre aux contrôles de police réguliers. Même s'il appartient à une catégorie sociale jugée "malsaine" par le régime communiste d'alors, le jeune chercheur mène de brillantes études à l'université de Bucarest. Il fonde en 1955 le premier laboratoire de radiobiologie de Roumanie et devient ingénieur agronome l'année suivante. Combattant sans relâche les théories lyssenkistes (ce qui vaut à son laboratoire d'être détruit à trois reprises, en 1956, 1960 et 1962...), il poursuit ses recherches sur la résistance au froid et l'hétérosis (ou vigueur hybride) chez les hybrides de Zea mays (le maïs). Ses travaux, qui font l'objet d'une première thèse de doctorat ès-sciences naturelles soutenue à Bucarest en 1961, seront complétés et exposés dès son arrivée en France dans une seconde thèse, soutenue cette fois devant la Faculté des Sciences de Paris en 1970.

Théoricien de la biologie, Denis Buican a développé un nouveau modèle, la théorie synergique de l'évolution, qui actualise et complète la théorie synthétique : la sélection naturelle mise en évidence par Darwin ne s'appliquant qu'au phénotype, certains phénomènes (comme les mutations létales) n'étant pas suffisamment pris en compte, il introduit "une notion nouvelle dans le processus héréditaire et évolutif : la pré-sélection génotypique", qui peut-être définie "comme l'opération naturelle qui élimine à priori, au niveau du génotype, toute combinaison génétique ou toute mutation impropre à la survie de celui-ci" (La révolution de l'évolution, 1989). S'inspirant de la théorie des systèmes de Ludwig Von Bertallanfy, la théorie synergique envisage une sélection multipolaire, capable de jouer à tous les niveaux du vivant (de l'atome à l'homme).

[modifier] Philosophe et historien des sciences

Professeur invité à la Sorbonne (1969-1974), maître-assistant à l'Université de Dijon (1974-1980) puis à Paris I (1980-1983), Denis Buican enseigne la philosophie et l'histoire des sciences biologiques, tout en préparant une thèse d'Etat sur l'histoire de la génétique en France sous la direction de Jacques Roger.

Philosophe des sciences, il redéfinit notamment la place du hasard dans l'évolution, en se démarquant des positions de Jacques Monod : au-delà du hasard absolu postulé par le prix Nobel, il prône un "hasard orienté" (qu'il baptise du nom d'"orthodrome évolutif") et envisage dès cette époque ("Hasard, nécessité et logique du vivant", La Nouvelle Revue française, 225, 1971) les possibilités offertes par les manipulations génétiques - que confirmeront les premiers travaux de génie génétique réalisés en 1974. Denis Buican a aussi conçu une nouvelle théorie de la connaissance, la biognoséologie, qui tente de dépasser la distinction kantienne entre les phénomènes et les noumènes (ces "choses en soi" qui échapperaient selon Kant à l'investigation humaine) : s'appuyant sur les données de l'éthologie et les progrès de la biologie moléculaire, il envisage des "noumènes relatifs", qui permettraient d'appréhender une réalité probable.

Historien, s'appuyant sur le modèle épistémologique de Thomas Kuhn (La structure des révolutions scientifiques, 1962), il envisage l'introduction de la génétique en France comme une "course à obstacles" : la science de l'hérédité ne s'y impose qu'en 1945, non sans résistances de la part des biologistes eux-mêmes, pour la plupart attachés au néolamarckisme. Il consacre également un essai, L'éternel retour de Lyssenko (1978) à l'interprétation du lyssenkisme : dénonçant les thèses du philosophe Dominique Lecourt (auteur d'un Lyssenko publié en 1976), lequel déniait au marxisme toute responsabilité dans l'émergence puis le triomphe sous Staline des thèses lyssenkistes, il démontre au contraire que les racines du lyssenkisme se retrouvent dans le messianisme et le déterminisme de Marx et Engels.

Devenu professeur à Nanterre en 1983, Denis Buican a consacré l'essentiel de ses recherches à l'histoire du darwinisme, de l'évolution et de la génétique, qu'il développe dans de nombreuses synthèses.

[modifier] Un homme libre

Sans illusion sur les démocraties occidentales, qu'il ne considère pas comme véritablement démocratiques et qualifie volontiers de "démagogies policières et ploutocratiques", il plaide au contraire pour une société ouverte, méritocratique, fondée sur le principe de la séparation et du contrôle réciproques des pouvoirs (Montesquieu), le respect de la valeur individuelle et l'égalité des chances. Probabiliste, il souhaite que la société permette à chacun de développer pleinement ses virtualités héréditaires. Très critique vis-à-vis du système universitaire français, dont il dénonce volontiers le clanisme, il considère qu' "une société, en même temps équitable et performante, a besoin d'un système d'enseignement sélectif et même micro-sélectif capable d'offrir à tout un chacun, du berceau jusqu'au tombeau, la possibilité de se développer sans discrimination aucune, de classe ou de race, de religion ou de coutumes, jusqu'où son patrimoine héréditaire le permet" (L'université, vache folle et sacrée de la République , Paris, F.-X. de Guibert, 2004, p. 127).

[modifier] Œuvres

[modifier] Epistémologie et histoire des sciences

  • En collaboration avec Bogdan Stugren, Biologie générale, génétique et amélioration, Bucarest, Editions didactiques et pédagogiques, 1969 (en langue roumaine).
  • L'Éternel Retour de Lyssenko, Paris, Copernic, 1978 (traduit en italien, Armando Armando, 1983).
  • Sur-Être ? Hérédité et avenir de l'homme, Paris, Serge Fleury, 1983.
  • Histoire de la génétique et de l'évolutionnisme en France, Paris, PUF, 1984. Préface de Pierre Chaunu.
  • La Génétique et l'Évolution, Paris, PUF, Que sais-je?, 1986, rééd., 1993 (traduit en portugais, éditions Europa-America, 1987).
  • Génétique et Pensée évolutionniste, Paris, SEDES, 1987.
  • Darwin et le Darwinisme, Paris, PUF, Que sais-je?, 1987, rééd., 1994 (traduit en portugais - Brésil -, éditions Zahar, 1990, en turc, Ilev, 1991 et en chinois, 1999).
  • Lyssenko et le Lyssenkisme, Paris, PUF, Que sais-je?, 1988.
  • La Révolution de l'évolution, Paris, PUF, 1989. Préface de Pierre Chaunu (traduit en roumain, éditions scientifiques, 1994).
  • L'évolution et les évolutionnismes, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1989; réédité sous le titre Le Darwinisme et les Évolutionnismes, Paris, Frison-Roche, 2005.
  • L'Explosion biologique, La Garenne-Colombes, Editions de l'Espace européen, 1991.
  • Charles Darwin, Paris, Critérion, 1992 (traduit en italien, Armando Armando, 1996, en roumain, éditions All, 1999).
  • Mendel et la Génétique d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Critérion, 1993 (traduit en roumain, éd. All, 1997).
  • Biognoséologie. Évolution et révolution de la connaissance, Paris, Kimé, 1993 (traduit en roumain, éd. All, 1993).
  • Jean Rostand, le patriarche iconoclaste de Ville d'Avray, Paris, Kimé, 1994.
  • Histoire de la biologie. Hérédité-Evolution, Paris, Nathan, 1994 (traduit en espagnol, Acento editorial, 1995, en grec, éd. Savalas, 1996, en portugais, éd. Europa-America, 1996).
  • Évolution de la pensée biologique, Paris, Hachette, 1995.
  • L'Évolution aujourd'hui, Paris, Hachette, 1995.
  • Éthologie comparée, Paris, Hachette, 1995.
  • L'Évolution, la grande aventure de la vie, Paris, Nathan, 1995.
  • L'Évolution et les théories évolutionnistes, Paris, Masson, 1997.
  • Dictionnaire de biologie. Notions essentielles, Paris, Larousse, 1997 (traduit en roumain, Univers enciclopedic, 2001, en portugais, Circulo de lettores, 2002).
  • (ed. avec D. Thieffry): Proceedings of the XXth International Congress of History of Science (Liège, 20-26 July 1997). Biological and Medical Sciences, Turnhout (Belgium), Brepols Publishers, 2002.
  • L'Épopée du vivant. L'évolution de la biosphère et les avatars de l'homme, Paris, Frison-Roche, 2003 (traduit en roumain, CD Press, 2004).
  • L'odysée de l'évolution, Paris, Ellipses, 2008.

[modifier] Essais

  • Dracula et ses avatars de Vlad l'Empaleur à Staline et Ceaucescu, La Garenne-Colombes, Editions de l'Espace européen, 1991.
  • Les métamorphoses de Dracula. L'histoire et la légende, Paris, Le Félin, 1993.
  • L'Université : vache folle et sacrée de la République, Paris, François-Xavier de Guibert, 2004.
  • Viata sfartecata între Rasarit si Apus. Memorii (Vie écartelée entre l'Est et l'Ouest. Mémoires), Bucarest, CD Press, 2007.

[modifier] Oeuvres littéraires

  • Arbre seul (poèmes), prix Cino del Duca, Paris, Pierre-Jean Oswald, 1974.
  • Lumière aveugle (poèmes), Paris, Editions Saint-Germain-des-Prés, 1976.
  • Mamura (poèmes), Bucarest, Editura Demiurg, 1993.
  • Spice. Poèmes anciens et nouveaux, Bucarest, Editions CD Press, 2006.

[modifier] Bibliographie sur Denis Buican

  • Cédric Grimoult, "Histoire d'une pensée scientifique, historique, philosophique : Denis Buican et la biosphère", Organon (Varsovie), 34-2005, 217-238.

[modifier] Voir aussi

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