Démon de Maxwell

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le démon de Maxwell est un personnage imaginé originalement par James Clerk Maxwell pour mettre en défaut la seconde loi de la thermodynamique.

[modifier] Description

Dans une célèbre expérience de pensée, James Clerk Maxwell imagine une boîte, contenant un gaz, à deux compartiments (A et B) séparés par une porte P à l'échelle moléculaire. Le démon commande la porte. Le fonctionnement de la porte ne dépense pas d'énergie. Maxwell suppose, comme on commençait à l'admettre à l'époque, que le gaz est constitué de molécules en mouvement. Le démon est capable de déterminer la vitesse des molécules, et commande l'ouverture ou la fermeture de la porte en fonction de l'état des molécules.

À partir de là, l'expérience a plusieurs variantes.

Dans sa version originale, la température est supérieure dans le compartiment B à ce qu'elle est dans le compartiment A. Or la température est proportionelle à la vitesse quadratique moyenne des molécules. Le démon laisse passer du compartiment B au compartiment A les molécules de B plus lentes que la vitesse moyenne des molécules du compartiment A, et laisse passer de A à B les molécules de A plus rapides que la vitesse moyenne des molécules dans B. Résultat : la température dans B a augmenté tandis que celle de A est réduite : on a donc refroidi une source froide à partir d'une source chaude, ce que la seconde loi de la thermodynamique a justement pour objet d'interdire. On diminue donc l'entropie totale du système.

Dans une variante, le démon ouvre la porte aux molécules qui veulent entrer dans le premier compartiment (A), mais il ferme la porte à celles qui veulent sortir. Ainsi, les molécules passent spontanément, sans travail, de B vers A. Le démon augmente l'énergie à l'intérieur du compartiment A et la diminue dans le compartiment B : il serait dès lors possible en utilisant l'information que possède le démon (la reconnaissance des molécules et le tri sur cette base) de transformer de l'énergie cinétique d'agitation thermique en travail.

Les deux situations sont équivalentes, puisque le passage de la situation finale de la première expérience à celle de la deuxième est aisé.

[modifier] Levée du paradoxe

Selon un point de vue largement majoritaire, cette levée a été effectuée par le physicien Léon Brillouin.

Le démon, pour prendre les décisions de laisser passer ou de renvoyer une particule, est obligé de l'observer, donc d'utiliser l'information dont il dispose. La quantité d'information que cela représente est minime, mais si on passe au niveau macroscopique, avec 1023 fois plus de molécules, l'information ainsi utilisée par le démon de Maxwell, que l'on suppose non disponible par l'observateur macroscopique, est importante. La baisse d'entropie découlant de l'exploitation des informations accessibles au démon correspond alors exactement à la différence entre information accessible à l'observateur macroscopique et information accessible au démon. L'impossibilité, pour l'observateur macroscopique, de faire de même que le démon passe donc par l'hypothèse selon laquelle prélever l'information accessible au démon exigerait, pour un observateur macroscopique, de dégrader de l'énergie mécanique en chaleur pour un montant faisant perdre au moins autant d'information (chiffrée par l'entropie macroscopique) que ce que l'opération d'acquisition d'information est censée en faire gagner.

Léon Brillouin lève de façon similaire un paradoxe du même ordre, où le démon est remplacé par une simple roue à cliquet.

Par une argumentation similaire, on trouve une augmentation de l'entropie et la seconde loi de la thermodynamique est bien respectée.

Il est toutefois intéressant de résumer l'argumentation. Le respect du second principe de la thermodynamique (en gros, l'impossibilité de transformer de la chaleur en travail au cours d'un cycle monotherme) repose sur le fait que la quantité maximale d'information dont peut disposer un observateur sur un système isolé (dont il fait partie) est forcément inférieure à la quantité d'information nécessaire pour caractériser complètement l'état microphysique du système moins celle qui lui est inaccessible à condition de rajouter l'hypothèse selon laquelle cette quantité d'information inaccessible à l'observateur est obligatoirement supérieure ou égale à l'entropie macroscopique du système isolé considéré. On peut s'interroger sur le caractère de principe physique ou le caractère au contraire technologique de cette limitation.