Crise du disque

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La crise du disque qui s'est fait sentir depuis la fin des années 1970 en France, se caractérise par une baisse continue des ventes de ce média[1]. Ce phénomène, qui reste encore mal expliqué, est l'objet de nombreuses études. Tout au long de son histoire, l'industrie de la musique enregistrée a connu des crises relatives à d'importants changements structurels. L'avènement du disque compact a permis un temps de contrebalancer la chute des ventes du 33 tours[2].

Sommaire

[modifier] Le constat de la crise dans les années 2000

Les ventes de disque sont en recul depuis plusieurs années.

  • Le marché mondial : les ventes de disque auraient reculé de 10% en 2007 selon le syndicat mondial des producteurs de musique Ifpi[3].
  • Le marché français est entré plus tard dans la crise que les autres marchés européens, mais la chute est ensuite devenue très forte. Les ventes de disque auraient ainsi baissé de 17% en 2007 (marché de gros hors taxe) selon le SNEP[4],[3]. Ou de 19% (marché physique)[5]. C’est la plus forte chute d’Europe[5].

Début 2008, le quotidien économique français La Tribune écrit que « En cinq ans, le chiffre d’affaires de l’édition phonographique en France a perdu la moitié de sa valeur. »[6].

  • Le marché britannique : les ventes ont reculé de 10% en 2007[3].
  • Le marché des Etats-Unis : les ventes de disque ont reculé de 15% en 2007[4],[3]. En 2007, 48% des jeunes Américains n'ont pas acheté de CD, contre 38% un an plus tôt selon l'institut d'études NPD Group qui estime que 5 millions de consommateurs ont basculé dans la musique dématérialisée sur la période[7].

[modifier] Les causes de la crise

La chute du marché est attribuée, selon le quotidien français Le Monde en 2008, à « l’arrivée massive de nouveaux médias (téléphonie, Web, baladeurs numériques…) et les habitudes de gratuité acquises par les consommateurs. »[4].

Le syndical mondial des producteurs de musique Ifpi estime que, pour un téléchargement légal de musique dans le monde, il s’en produit 20 illégaux[3].

[modifier] Les conséquences de la crise

[modifier] La remise en cause de la production de nouveaux artistes

La crise du disque remet en cause la logique traditionnelle de cette économie qui est la suivante : « on produit à perte jusqu’au succès, en finançant les jeunes talents par les profits réalisés sur les vedettes, rendues captives par des avances conséquentes. »[4].

[modifier] Des fermetures de labels

Bien que le jazz soit moins touché que les genres plus populaires[8], l'un des labels de jazz et de musiques du monde le plus important de France, Label Bleu, a du arrêter toute production en juillet 2007[9], laissant des artistes comme Henri Texier ou Julien Lourau sans label et sans information quant au devenir de leurs bandes[9].

[modifier] Les stratégies face à la crise

Face à la crise, les producteurs de musique mettent en oeuvre plusieurs types de stratégies.

[modifier] La stratégie de la diversification (« stratégie 360 degrès »)

Cette stratégie prend en quelque sorte acte de la gratuité de la musique sur le net et cherche d’autres sources de recettes. Comme l’explique le quotidien français Le Monde en 2008, « puisque le support disque s’effondre, les entreprises de la filière musicale veulent exploiter les artistes comme des marques. Afin de dégager du profit, le producteur de disque devient à la fois éditeur, organisateur de concert, patron de salle, manager. »[4].

En plus de la musique, le producteur vend également des produits dérivés (tee-shirts, calendriers, badges), vend la musique pour des spots de publicité, des sonneries de téléphones, des concerts, etc.[6].

Comme l’explique le quotidien économique français La Tribune, « face au déclin du CD, le métier d’éditeur, qui gère les droits d’un catalogue de chansons cédés pour différentes exploitations (cinéma, publicité, compilations, illustration, sonnerie de téléphone…), apparaît depuis quelques années comme une garantie de revenus récurrents [6].

Quelques illustrations de la « stratégie 360° » :

  • Madonna a confié en 2007 la gestion de ses intérêts à la société Live Nation, au détriment de la major Warner Music[4],[6].
  • Paul MacCartney a choisi le label Hear Music, codétenu par la chaîne de cafés Starbucks[6].
  • En France, les labels Because Music et Naïve ont commencé à diversifier leurs activités[4]. Pour Because, « le CD permet de construire les actifs de la société et les tournées d’équilibrer les résultats. »[6].
  • Les majors ont également acheté des activités de diversification. Par exemple, Warner Music a racheté en janvier 2008 Jean-Claude Camus Productions (la société qui gère es tournée de Michel Sardou, Jean-Michel Jarre ou encore Johnny Hallyday)[4].
  • Universal Music a racheté BMG Publishing (édition musicale), la société Sanctuary (produits dérivés) et développe des activités de « management d’artistes » et de co-production de concert.
  • Selon son patron Pascal Nègre, en 2007, « plus de la moitié des profits d’Universal Music Group ne dépendant plus directement de la vente de CD[6].

[modifier] Les ventes au format numérique

Cette stratégie cherche à récupérer une partie des téléchargements de musique réalisés et de les transformer en téléchargement payant. Elle passe parfois par le financement de la musique gratuite par la publicité. Elle doit cependant avant tout trouver les moyens d’échapper à ce que les producteurs appellent la « contrefaçon » par la mise en place de techniques de protection sûres (DRM). Cette stratégie passe en particulier par des alliances avec les opérateurs de télécom.

En 2008, le cabinet d’étude Juniper Networks estime cependant que les recettes issues des téléchargement payants ne parviendront pas à compenser le déclin des ventes de CD avant l’année 2010[6].

En France, la première alliance entre un producteur de musique et un opérateur télécom a été passée entre Universal Music et Neuf Cegetel, basée sur une formule d’accès à la musique (et aux clips vidéo) gratuite et une autre payante en août 2007 Le Monde, 26 janvier 2008, idem. Les concurrents ont suivi : EMI Music a choisi l’opérateur Alice[4].

Dans le monde, les ventes légales de musique numérisées ont progressé de 40% en 2007, selon le syndicat mondial des producteurs de musique Ifpi, mais c’est insuffisant pour compenser la baisse des ventes de disques car le numérique ne représente que 15% des recettes de musique (2,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour le numérique en 2007)[3].

Ainsi, en 2007, 13% des ventes d’Universal Music en France ont été réalisées sous format numérique[5]. Pascal Nègre mise sur deux formes de vente de fichier audio numérique : le téléchargement à l’acte et surtout les abonnements.

Le format numérique permet en théorie de se passer de producteur et distributeur officiel. Le groupe Radiohead a ainsi pu, grâce à sa notoriété, laisser les internautes décider eux-mêmes du prix d’achat de leur dernier disque, In Rainbows[6]. L'abandon progressif des DRM et la facilité de distribution a également permis aux indépendants de réapparaître sur le marché grâce à des sites comme Airtist, Xtrib.com ou Hotzic.

Des « labels participatifs » se sont créés pour institutionnaliser cette méthode : Sellaband aux Pays-Bas ou Mymajorcompany en France[6].

[modifier] Une récupération accrue des droits

La stratégie d’Universal Music prévoit aussi d’une meilleure récupération des droits auprès des stations de radio (la rémunération des radios privées a été augmentée fin 2007-début 2008) et des lieux publics sonorisés (magasins, etc.)[5].


[modifier] La question des droits d’auteurs

La mise en place d’offres de téléchargement gratuite ou payante pose le problème des droits d’auteur pour les artistes. « Même si l’internaute a un accès gratuit à la musique, le producteur doit verser un montant minimum pour l’auteur », selon Catherine Kerr-Vignale, membre du directoire de la Sacem citée par Le Monde en 2008[4]

Sur le site Internet Deezer, les musiciens touchent une rémunération en fonction de la publicité[4].

[modifier] Le rôle de l’Etat en France

Un projet de loi, qui suit la mission de Denis Olivennes sur le sujet, vise à décourager le téléchargement illégal en France, notamment par l’envoi de messages d’avertissement ou même la coupure de l’abonnement à Internet[3],[6].

L’Etat français soutient, depuis 2006, les petits labels indépendants à travers un système de crédit d'impôt. Ce mécanisme aurait généré 3,2 millions d’euros de ressources chez ces sociétés, ce qui aurait permis, selon eux, de continuer à investir dans la création[10]. Fin 2007, une extension du crédit d'impôt a été adoptée par l’Assemblée nationale, ce qui devrait apporter 10 à 12 millions d’euros selon l’Upfi[3]. En janvier 2008, restait à attendre le feu vert de l’Union européenne.

L’Etat français verse également des avances aux industries musicales[3].

Les producteurs attendent également une baisse de la TVA sur le disque, un dossier qui se joue un niveau européen, après l’échec de la France à la réaliser seule en 2003[3].

[modifier] Notes et références

  1. Greffe, p. 152
  2. Pichevin, p.8
  3. abcdefghij Les Echos, 25-26 janvier 2008, page 29
  4. abcdefghijk Après la chute des ventes de disque, l’industrie musicale se recompose, in Le Monde, 26 janvier 2008, page 24
  5. abcd Pascal Nègre, in Les Echos, 25-26 janvier 2008
  6. abcdefghijk Les majors de la musique changent de disque, in La Tribune, 25 janvier 2008, pages 30-31
  7. Le Figaro Economie, 28 février 2008, page 26
  8. Jazzman n°142, Janvier 2008, p. 5
  9. ab Jazzman n°143, Février 2008, p. 48, 49, 50.
  10. Union des producteurs phonographiques indépendants (Upfi) in Les Echos, 25-26 janvier 2008

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes