Codex Mendoza

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Le Codex Mendoza, connu également sous le nom de Codex Mendocino, est un codex indigène du Mexique central. Il s'agit d'un ouvrage colonial réalisé vers 1541 - 1542, c'est-à-dire une vingtaine d'années après la conquête espagnole. Il tient son nom du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza, qui en était le commanditaire.

Codex Mendoza : conquêtes d'Itzcoatl
Codex Mendoza : conquêtes d'Itzcoatl

Avec ses images dessinées par un spécialiste indigène, puis annotées en espagnol, il s'agit d'un document clé pour la compréhension de la culture et de la société aztèque, pas seulement à cause de la rareté d'un tel ouvrage, mais aussi parce que les images ont été produites spécifiquement par un indigène, probablement Francisco Gualpuyogualcal. Il est à remarquer que le texte mentionne le fait que les informateurs indigènes n'étaient pas d'accord entre eux sur l'interprétation de certaines images.

L'ouvrage était destiné à Charles Quint. Son histoire est extraordinairement mouvementée. Le navire qui le transportait en Espagne, fut capturé par des pirates français. L'ouvrage fut ensuite acheté par le cosmographe français André Thévet, qui le vendit à un historien anglais. Il fait partie des collections de la Bodleian Library (Oxford) depuis 1654.

[modifier] Description de l'ouvrage

Détail de la premère page du Codex Mendoza
Détail de la premère page du Codex Mendoza

Réalisé sur du papier européen, il se compose de 72 pages d'images en style indigène, accompagnées d'un texte espagnol. Son format est de 32,7 x 22, cm. . Il est divisé en trois parties :

  • La partie I, 16 pages, est une histoire des Aztèques de 1325 à 1521 - de la fondation supposée de Tenochtitlan jusqu'à sa conquête par Cortés. Elle mentionne le règne de chaque souverain ainsi que ses conquêtes.
  • la partie II, 39 pages, fournit une liste des villes conquises par la Triple alliance aztèque et les tributs que celles-ci devaient fournir.
  • La partie III, 16 pages, est consacrée à la vie quotidienne des Aztèques.

Par sa richesse symbolique, la première page du Codex mérite une description détaillée. Cette page, qui décrit la fondation mythique de Tenochtitlan, constitue un véritable programme du manuscrit. Les glyphes représentant les années du règne du souverain mythique Tenoch (de «2 Maison» (1325) à «13 Roseau» (1375) forment le cadre de la page (qui n'apparaît pas sur l'image ci-contre). Le centre de la composition est occupé par un aiglé perché sur un cactus nopal en fleur qui jaillit d'une pierre. Cette image fait référence à une célèbre légende aztèque : alors que ceux-ci erraient à la recherche d'une terre, un aigle (qui représente leur dieu tribal Huitzilopochtli) leur aurait indiqué ainsi l'endroit où se fixer sur un îlot au milieu du lac Texcoco. Sur des représentations plus tardives, l'aigle tient un serpent dans son bec et cette image fait encore partie du drapeau national mexicain.

Blason du Mexique
Blason du Mexique

L'image est littéralement saturée de symbolisme. Le fruit rouge du cactus nopal, la figue de Barbarie, représente le cœur des victimes sacrifiées. Par ailleurs, la pierre d'où jaillit le cactus est elle-même associée à une légende à propos de la fondation de Tenochtitlan : au cours d'une bataille qui aurait eu lieu à Chapultepec, un chef ennemi appelé Copil aurait été tué par les Aztèques qui jetèrent son cœur dans le lac Texcoco. Transformé en pierre, il indiquerait l'endroit où se dresserait Tenochtitlan (du nahuatl «tetl» (la pierre)et «nochtli» (le fruit du cactus nopal). L'aigle se trouve au centre d'un carré formé d'une bande ondulée, qui représente le lac Texcoco, à l'intersection de deux bandes en forme de croix de Saint-André, qui délimitent quatre quadrants, qui représentent les quatre quartiers de Tenochtitlan. Cette disposition, qui a souvent été comparée à la première page du Codex Fejérváry-Mayer, montre la persistance à l'époque coloniale d'un concept fondamental des religions mésoaméricaines : la division du monde en quatre quartiers avec un axe central. L'image affirme que Tenochtitlan, symbolisée par l'aigle, est le centre du monde. Orientée ouest-est du haut vers le bas, elle montre le sens de la migration des Aztèques. Le bouclier de guerre qui se trouve sous l'aigle est un symbole de conquête. A droite de l'aigle se trouve un tzompantli, lui aussi hautement symbolique: les conquêtes aztèques ont pour but de fournir les victimes dont le sang assure la bonne marche du monde. L'image représente également dix personnages, parmi lesquels on distingue immédiatement à gauche de l'aigle le souverain éponyme Tenoch, reconnaissable à la fois à son glyphe «pierre-cactus» et à ses attributs, son siège et la volute qui s'échappe de sa bouche. Il est le tlatoani, «celui qui parle», c'est-à-dire le souverain. Le bas de la page (non visible sur l'image ci-dessus) représente les deux premières conquêtes des Aztèques, Colhuacan et Tenayuca. S'il faut en croire d'autres codex (le Codex Aubin et les Annales d'Aztlan, les Aztèques auraient été défaits ultérieurement par ces deux cités. On se trouve probablement face ici à une de ces manipulations de l'histoire dont les Aztèques sont contumiers. De façon plus générale, on peut dire qu'il n'existe pas de «point de vue indien». Les auteurs des codex ont pour but de glorifier leur cité. Dans le Codex Mendoza, c'est le point de vue tenochca/mexica, celui de Tenochtitlan-Mexico. Pour le comprendre, il faut s'arrêter un instant sur la politique du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza. Celui-ci ne dédaigne pas de s'appuyer sur l'ancienne aristocratie aztèque. Il rendra entre autres le gouvernement des indiens de Mexico à la famille de Moctezuma II avec le titre de tlatoani. On peut voir dans le codex Mendoza une concession à l'antique fierté de cette aristocratie.

Les deux premières parties du manuscrit s'inscrivent dans une dialectique centre-périphérie. La première partie de l'ouvrage n'est pas à proprement parler une histoire des Aztèques, mais une énumération des cités conquises par chaque souverain, représentées par des temples renversés en flammes. Si l'on excepte le règne de Tizoc, un souverain notoirement faible, le nombre de conquêtes augmente à chaque règne. A cette dilatation territoriale correspond dans la deuxième partie un mouvement centripète : le flux des tributs de la périphérie vers le centre.


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[modifier] Bibliographie

  • Codex Mendoza. Manuscrit aztèque; Commentaires de Kurt Ross; Seghers; 1978.
  • (en)The Essential Codex Mendoza; Frances F. Berdan; University of California Press; 1997; ISBN 0520204549
  • (en)Codex Mendoza: the mexican manuscript known as the Collection of Mendoza and preserved in the Bodleian Library Oxford.; James Cooper Clark; Waterlow, London 1938