Aspasie

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Aspasie, copie d'un original hellénistique, musée Pio-Clementino
Aspasie, copie d'un original hellénistique, musée Pio-Clementino

Aspasie (en grec ancien Ἀσπασία / Aspasía), née en Asie mineure (Milet) dans la seconde moitié du Ve siècle av. J.-C. est la compagne de Périclès, auquel elle donne un fils, Périclès le Jeune, né en 447 av. J.-C.. C'est aussi une femme brillante qui s'attire le respect de la plupart des grands hommes de son temps : Périclès au premier chef, mais aussi Socrate.

Les sources la concernant sont tardives, ou émanent de sources dont la sincérité est difficile à évaluer : soit il s'agit d'adversaires politiques de Périclès, soit d'auteurs comiques, qui font profession de railler les politiques de leur cité. Il est donc difficile de distinguer la réalité du personnage d'Aspasie de l'attaque indirecte contre Périclès.

Sommaire

[modifier] Biographie

Originaire de la riche cité de Milet, en Asie mineure, fille d'un dénommé Axiochos[1], Aspasie décide, sans que l'on sache pourquoi, de s'installer à Athènes.

Elle devient alors hétaïre, c'est-à-dire courtisane de haut rang, recherchée autant pour ses talents intellectuels que pour ses attraits physiques. Plutarque, qui écrit au Ier siècle ap. J.-C., indique qu'elle tient une maison close de haut vol, formant de jeunes courtisanes au métier et attirant chez elle, grâce à sa grande culture, hommes politiques et philosophes[2]. Son nom (ἀσπάσια / aspásia signifie « la bienvenue ») serait ainsi un nom professionnel. Elle enseigne l'art oratoire et politique à certaines femmes et quelques hommes faisaient partie de son auditoire tels que Sophocle ou encore Phidias. Plutarque la compare à la courtisane ionienne Thargélia, « très belle, gracieuse et fort habile en même temps[3]. » Socrate et ses disciples fréquentent ainsi sa maison et ses admirateurs amènent même à leurs conversations leurs épouses légitimes, contrairement à la tradition athénienne selon lesquelles les femmes de la haute société ne doivent pas sortir de chez elles.

Périclès s'éprend d'elle et en fait sa maîtresse vers 445, — sa femme légitime et lui ayant divorcé cinq ans auparavant. Il eut de cette longue liaison un enfant, Périclès le Jeune, qu'il fit inscrire comme citoyen, malgré ses propres lois restreignant la citoyenneté aux enfants de deux citoyens. Il est difficile de savoir quelle est la nature exacte de leur relation : selon certains auteurs, Aspasie est la concubine (παλλακή) de Périclès ; selon Diodore le Périégète (FGrH 372 f 40), elle est sa femme légitime (ἄκοιτις).

Socrate arrachant Alcibiade des bras d'Aspasie, Jean-Baptiste Regnault, 1785
Socrate arrachant Alcibiade des bras d'Aspasie, Jean-Baptiste Regnault, 1785

Si toutes les sources font d'Aspasie une hétaïre, il faut accepter cette affirmation avec prudence. En Grèce antique, le moyen le plus commode pour attaquer un adversaire politique est de mettre en doute ses mœurs. Ainsi l'orateur Timarque (cf. Contre Timarque) et le tyran sicilien Agathocle sont-ils accusés de s'être prostitués dans leur jeunesse. Faire d'Aspasie une hétaïre revient également à mettre en avant son statut de métèque : comme telle et comme femme, elle n'est pas supposée se mêler aux affaires des hommes, comme la philosophie ou la politique. Pour l'ensemble de ces raisons, certains auteurs remettent en cause le fait même qu'Aspasie ait été courtisane[4]

Quoi qu'il en soit, l'influence d'Aspasie sur Périclès est attestée à la fois par les auteurs comiques et par Platon : celui-ci, dans son Ménéxène (§ 235 sq.), fait même de la courtisane le véritable auteur du Discours sur les morts du Péloponnèse – Plutarque tempère la remarque en notant que la première partie du discours est « écrite sur le ton de la plaisanterie ». Son influence semble même avoir été politique : on lui attribue à l'époque la responsabilité de la guerre contre Samos, déclarée en 440 pour aider Milet, sa cité natale[5]. Aristophane, dans ses Acharniens (v. 524–531), lui fait même endosser la responsabilité de la guerre du Péloponnèse :

« Mais il y a la gourgandine Simaitha : de jeunes fêtards éméchés font une virée à Mégare, et l'enlèvent. Les Mégariens prennent ça très mal, la moutarde leur monte, et ils enlèvent, en représailles, deux pensionnaires de la maison d'Aspasie. Et alors, c'est l'origine de la guerre : elle a éclaté entre tous les Grecs, à cause de trois catins. Et alors, courroux de Périclès : notre Olympien lance éclairs et tonnerres, met la Grèce en marmelade.[6] »

Aspasie représente en effet une cible facile pour les auteurs comiques : on la surnomme Déjanire, Omphale ou Héra. Plutarque rapporte des vers de Cratinos nettement insultants à son égard :

« Et Sodomie alors enfante pour Cronos,
Cette Héra-Aspasie, la pute aux yeux de chienne. »

Autoportrait de Marie Bouliard, comme Aspasia, 1794
Autoportrait de Marie Bouliard, comme Aspasia, 1794

On l'accuse également de procurer des jeunes filles à Périclès. Sans doute en réponse à ces attaques, Plutarque insiste au contraire sur l'amour qui unit l'aristocrate à la courtisane : « chaque jour, dit-on, en quittant la maison puis en y revenant, au sortir de l'agora, il la prenait dans ses bras, en la couvrant de baisers » (XXIV, 9).

Après les premiers revers de Périclès durant la guerre, ses ennemis espèrent l'atteindre par le biais d'Aspasie en attaquant cette dernière pour impiété — on vise par là les conversations philosophiques qui se tiennent dans sa maison. Le poète comique Hermippos mène l'accusation et Périclès doit user de toute son influence pour la faire acquitter.

À la mort de Périclès, en 429, elle prend pour protecteur le marchand de moutons Lysiclès, qui parvient, semble-t-il, à jouer un rôle politique à Athènes, grâce à Aspasie.

[modifier] Sources

[modifier] Notes

  1. Plutarque, Vie de Périclès, XXIV, 3 ; Diodore le Péripatéticien, FGrH 372 f 40.
  2. Ibid., XXIV, 5
  3. Les passages de Plutarque sont issus de la traduction d'Anne-Marie Ozanam pour Gallimard, 2001.
  4. C'est le cas de Nicole Loraux dans « Aspasie, l'étrangère, l'intellectuelle », in La Grèce au féminin, 2003, p. 133-164.
  5. Milet et Samos sont alors en guerre pour la possession de Priène. Les Samiens sont près de l'emporter lorsqu'Athènes prétend imposer son arbitrage. Devant le refus samien, Périclès, à la tête de la flotte, prend la ville, renverse son oligarchie et prend les oligarques en otage. Après son départ, les Samiens se révoltent et il doit reprendre la guerre.
  6. Extrait de la traduction de Victor-Henry Debidour pour Gallimard, 1965.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Danielle Jouanna, Aspasie de Milet, Fayard, Paris, 2005 (ISBN 221361945X).
  • Nicole Loraux, « Aspasie, l'étrangère, l'intellectuelle », La Grèce au Féminin, Belles Lettres, coll. « Histoire », Paris, 2003, p. 133-164, (ISBN 2-251-38048-5).
  • Claude Mossé, La Femme dans la Grèce antique, Complexe, Bruxelles, 1999 (1re édition 1983) (ISBN 2-87027-409-2).

[modifier] Lien externe

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