Arthrite goutteuse

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Arthrite goutteuse
CIM-10: M10.0-M10.4, M10.9

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La goutte Dessin humoristique de James Gillray (1799).
La goutte
Dessin humoristique de James Gillray (1799).

La goutte est une maladie liée au métabolisme de l'acide urique. Cette maladie évolue en fonction des taux d'uricémie (taux d'acide urique dans le sang).

L'adjectif s'y référant est goutteux.

Sommaire

[modifier] Historique

La goutte est une maladie ancienne, décrite dès l'époque romaine. La confirmation diagnostique n'est cependant faite que lorsqu'on retrouve des cristaux d'urates caractéristiques dans des tissus conservés jusqu'à nos jours. C'est le cas en particulier sur un doigt momifié de Charles Quint conservé au monastère Royal San Lorenzo de l'Escurial et examiné au microscope[1]

[modifier] Physiopathologie

Cristal d'urate dans du liquide synovial
Cristal d'urate dans du liquide synovial

La goutte est plus fréquente chez les hommes. Elle est due à une cristallisation d'acide urique. Son origine est multiple. D'une part, il est le déchet formé par la dégradation des purines. En temps normal, elles sont synthétisées à partir du ribose-5-phosphate qui est transformé au bout de plusieurs réactions en acide inosinique, porteur d'un noyau purique. Cet acide entrera alors dans un cycle long qui conduit à la synthèse d'adénine ou de guanine, composants de l'ADN. Ces derniers pourront être dégradés plus tard en xanthine, puis, grâce à la xanthine oxydase, en acide urique, que le rein élimine dans les urines. Comme la synthèse d'acide inosinique dépasse largement les besoins de l'organisme, il existe aussi un cycle court où cette molécule est directement dégradée en xanthine. La goutte peut provenir d'un emballement du cycle court qui aboutit à un excès d'acide urique dans le sang.

D'autre part, il peut provenir de la dégradation des nucléotides puriques (adénine et guanine) présents dans les cellules. Cela explique pourquoi une goutte peut se déclencher lorsque de nombreuses cellules sont détruites, par exemple pendant un traitement anticancéreux. Enfin, les nucléotides puriques présents dans l'alimentation subissent le même sort que ceux de l'organisme. C'est pourquoi la goutte est plus fréquente chez les bons vivants, qui consomment beaucoup d'aliments riches en purines (viande, crustacés, etc.).

Il existe une maladie génétique rare, le syndrome de Lesch-Nyhan, où le déficit d'une enzyme, l'hypoxanthine-guanine-phosphoribosyltransférase, conduit également à un emballement du cycle court, mais de façon plus sévère. Ce syndrome apparaît dans l'enfance et est caractérisé par une maladie goutteuse et un retard mental ainsi qu'une tendance à l'automutilation.

Cependant, les gouttes par excès de production d'acide urique ne représentent qu'une minorité. La plupart du temps, le taux élevé de cette substance dans le sang (hyperuricémie) est dû à une insuffisance rénale, le rein n'étant plus capable d'éliminer correctement les déchets. Souvent, une crise de goutte est déclenchée par la prise d'un médicament (notamment un diurétique). Celui-ci entre en compétition avec l'acide urique : Le rein ne peut pas éliminer les deux substances à la fois, car elles ont des propriétés chimiques semblables. Du coup la quantité d'acide urique éliminé diminue et il s'accumule dans le sang.

Lorsque l'hyperuricémie devient importante, l'acide urique risque de précipiter sous forme de cristaux. Cela se produit au niveau des articulations, surtout les plus froides et les plus soumises à des traumatismes microscopiques, c'est-à-dire principalement le gros orteil.

[modifier] Terrain

La goutte est plus fréquente chez l'homme et augmente en fréquence avec l'âge. Elle touche près de 1% de la population.

Même si elle est étroitement liée avec l'hyperuricémie, la présence de cette dernière ne rend pas obligatoire la crise de goutte.

Elle est plus fréquente chez les personnes obèses ou avec une consommation d'alcool excessive (essentiellement chez les buveurs de bières, probablement par la richesse en purines du breuvage) et parfois une alimentation riche en triperie (rognons rouges). Elle serait également plus fréquente chez les consommateurs de fructose que cela soit sous forme de sucre ou de fruits[2].

[modifier] Clinique

[modifier] La crise de goutte

La fluxion goutteuse se présente par une douleur soudaine et vive et par l'enflure d'une articulation. Elle n'atteint en général qu'une articulation par crise et d'abord les orteils, mais aussi parfois les chevilles, les talons, les genoux et les poignets. Cette douleur qui se déclenche souvent la nuit, est insomniante et empêche tout contact avec l'articulation (même avec les draps du lit). La crise inaugurale de la maladie touche généralement le gros orteil.

Sans traitement, elle se guérit en une semaine mais avec une forte probabilité de récidive dans l'année qui suit (62%). Chez les personnes âgées, l'atteinte peut se faire sur plusieurs articulations à la fois.

[modifier] Tophus

Les tophus sont les dépôts d'urates de sodium dans le tissu sous-cutané. Il se forme des agrégations d'urates qui donnent des nodules blanchâtres durs de la peau, ces dépôts sont insensibles et peu symptomatiques. Ils siègent typiquement en regard d'articulations ayant souffert d'arthrite goutteuse et aussi : sur le pavillon de l'oreille, les faces postérieures des coudes, les doigts etc.

[modifier] Diagnostic

Le diagnostic est bien souvent évident sur la description de l'atteinte articulaire et il n'est pas alors besoin de pousser plus avant les explorations.

En cas de doute, l'analyse des cristaux dans le liquide de ponction de l'articulation atteinte fait le diagnostic.

Le taux sanguin d'acide urique (uricémie) peut diminuer, voire se normaliser, durant la crise et un dosage normal n'exclut donc pas le diagnostic.

[modifier] Complications

Lorsque la cause de la goutte, l'hyperuricémie n'est pas traitée, la maladie devient chronique. Les dépôts de cristaux d'acide urique deviennent de plus en plus nombreux. C'est alors que l'on peut constater la présence de tophus. Cependant, les cristaux se déposent aussi au niveau des articulations, ce qui provoque une destruction du cartilage et des os avec des douleurs à chaque mouvement, et surtout au niveau du rein, où ils sont responsables d'une évolution vers l'insuffisance rénale, qui fait toute la gravité de la maladie. L'acide urique peut également précipiter dans l'urine, sous la forme de calculs (lithiase urinaire), qui bloquent les voies urinaires et y déclenchent des spasmes très douloureux (colique néphrétique).

[modifier] Prévention

Une équipe de chercheurs de l'université de la Colombie-Britannique (Vancouver) et de l'école de santé publique d'Harvard (Boston) a mis en évidence début 2007 que ceux qui boivent le plus de café ont moins de risque que les autres d'avoir des crises de goutte [3]. Le risque de goutte serait inférieur de 40% chez les personnes buvant 4 à 5 tasses de café par jour et de 61% au-delà. L'effet est encore plus marqué chez les hommes qui ne prennent pas de diurétiques, un autre facteur de risque de développer cette maladie. Chez ces derniers, la consommation de 6 tasses de café ou plus est associée à une diminution de 70% du risque de goutte.

Une autre étude [4] a montré que ceux qui boivent 4 à 5 tasses de café par jour ont un taux moyen d'acide urique inférieur de 0,26 mg/dl en moyenne par rapport à ceux qui n'en boivent pas du tout.

[modifier] Traitement

Il y a deux vecteurs de traitement pour la goutte:

  • réduire le taux d'acide urique dans le sang,
  • soulager la douleur des crises d'arthrite de goutte.

[modifier] Traitement de la crise fluxionnaire

La plupart du temps, c'est le soulagement de la douleur qui est le traitement principal. On utilise alors des anti-inflammatoires non stéroïdien (comme l'indométhacine), et les antalgiques simples (paracétamol). Boire beaucoup d'eau peut bien évidemment aider à diminuer l'acide urique. Appliquer de la glace localement (30 minutes 4 fois par jour) soulage aussi la douleur[5].

La colchicine est employé fréquemment en France mais beaucoup moins dans les pays anglo-saxons en raison de ses effets secondaires (diarrhée...)

D'autres traitements, quoique non vérifiés médicalement, peuvent soulager le patient durant une crise:

  • bicarbonate de soude: 1/2 cuillère à thé dans un verre d'eau, toutes les 2-4 heures
  • cerises: grâce à ses propriétés anti-oxydantes et sa haute teneur en anthocyanine, un anti-inflammatoire naturel
  • vinaigre de cidre de pomme: 2 cuillères à thé de vinaigre et 2 cuillères à thé de miel dans un verre d'eau semblent aider durant une crise en changeant le pH du sang.

[modifier] Traitement de la maladie goutteuse

Le régime diététique est encouragé avec une nourriture pauvre en purines:

  • éviter les abats, les anchois, les consommés, les fruits de mer, les asperges, les épinards, les légumineuses.
  • consommer de préférence : cerises, céleri, fraises, bleuets, produits laitiers faible en gras, pain (sans farine blanche), thon, saumon.

Un amaigrissement est souhaitable ainsi qu'une diminution significative de la prise d'alcool.

Lorsque les crises sont trop fréquentes, il faut alors réduire le taux d'acide urique dans le sang. Le médicament le plus prescrit est alors l'allopurinol. Depuis 2005, on dispose également du febuxostat. D'autres traitements peuvent être indiqués, incluant les corticostéroïdes.

[modifier] Traitement de l'hyperuricémie majeure

Le traitement hospitalier de l'hyperuricémie majeure (dans le cadre de chimiothérapie) emploie l'uricozyme.

[modifier] Référence

  1. (en)The Severe Gout of Holy Roman Emperor Charles V, J Ordi, P Alonso, J de Zulueta, J Esteban, M Velasco, E Mas, E Campo, P Fernández, New Engl J Med, 2006,355,516-520
  2. Choi HK, Curhan G, Soft drinks, fructose consumption, and the risk of gout in men: prospective cohort study, BMJ, 2008;336:309-312
  3. Hyon K. Choi, Walter Willett, Gary Curhan, Coffee consumption and risk of incident gout in men: A prospective study, Arthritis & Rheumatism, Volume 56, Issue 6, Date: June 2007, Pages: 2049-2055.
  4. Hyon K. Choi, Gary Curhan, Coffee, tea, and caffeine consumption and serum uric acid level: The third national health and nutrition examination survey, Arthritis Care & Research, Volume 57, Issue 5, Date: 15 June 2007, Pages: 816-821.
  5. Schlesinger N et coll., Local ice therapy during bouts of acute gouty arthritis, J Rheumatol 2002