Approximant de Padé

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L'approximant de Padé est une méthode d'approximation découverte par Henri Padé. Il a deux domaines d'application notables : l'arithmétique des nombres réels, et le développement en série des fonctions analytiques d'une variable.

Sommaire

[modifier] Approximants de Padé d'un nombre réel

La logique de l'approximation de Padé réside dans le fait que l'on peut approcher n'importe nombre réel positif par sa partie entière — maigre résultat. Cependant, l'inverse de la partie fractionnaire est à son tour un réel plus grand que 1, qui peut subir le même traitement. Par récurrence, on obtient ainsi une suite de fractions, qui sont, dans un certain sens, les meilleures approximations rationnelles du nombre choisi, en ce sens que l'erreur commise est inférieure à l'inverse du carré du dénominateur, contrairement à ce qui se passe si l'on se donne arbitrairement un dénominateur, auquel cas l'erreur commise est seulement inférieure à l'inverse du dénominateur lui-même.

On appelle en général l'approximation de Padé «développement en fractions continues», c’est-à-dire en fait itérées, et on l'écrit sous la forme symbolique suivante:

a=n_1+\cfrac{1}{n_2+\cfrac{1}{n_3+\cfrac{1}{n_4+\ldots}}}

Il est facile de reconstituer l'approximant d'ordre k par simples opérations sur les fractions.

Bien entendu, si a est lui-même un nombre rationnel, le développement s'arrête sur lui, car à ce moment, on trouve une partie fractionnaire nulle que l'on ne peut inverser.

[modifier] Approximants de Padé d'une fonction analytique

[modifier] Définition

Comme dans le cas de l'approximation de Padé d'un nombre réel, l'approximation de Padé d'une fonction analytique f(z) donnée par son développement en série consiste à trouver des fractions rationnelles qui approchent la fonction donnée, c'est-à-dire qui ont le même développement limité jusqu'au maximum possible compte tenu des degrés de leur numérateur et de leur dénominateur. On obtient ainsi la «table de Padé», notée souvent par f[m,n](z), m et n étant les degrés respectifs du numérateur et du dénominateur.

A moins que l'on ait des informations sur le comportement à l'infini de la fonction à approcher, on considèrera en général la diagonale principale f[k,k] de la table. Si on sait que le comportement à l'infini est en zn, on considèrera plutôt la parallèle f[k+n,k] à la diagonale principale, afin d'avoir dès l'abord le bon comportement asymptotique.

[modifier] Illustration

Si l'on a par exemple le développement en série

f(z)=a_0+a_1z +a_2z^2 +a_3z^3+\ldots

on obtiendra les approximants de Padé diagonaux successifs par l'itération des opérations suivantes :

  • Retrancher le terme constant de f(z) — ce qui est analogue à retrancher la partie entière dans le cas arithmétique.
  • Diviser par le premier terme de la série restante
  • Inverser le résultat

Comme pour les approximants de Padé des réels, il est clair que la table de Padé se termine au-delà d'un certain degré pour le numérateur et d'un certain degré pour le dénominateur quand on l'applique à une fonction rationnelle.

[modifier] Cas de l'exponentielle

Soit la série entière de l'exponentielle :

\exp z = \sum_{k=0}^\infty \frac{z^k}{k!} = 1+z+\frac{z^2}{2}+\frac{z^3}{6}
+\frac{z^4}{24}+\ldots\,

\exp z = 1+z(1+z/2+z^2/6+z^3/24+\mathcal{O}(z^4))

(1+z/2+z^2/6+z^3/24+\mathcal{O}(z^4))^{-1} = 1-z/2+z^2/12+\mathcal{O}(z^4)

=1 -z/2 (1-z/6 +\mathcal{O}(z^3))

En s'arrêtant ici, on obtient :

\exp_{[1,1]}z=1+z/(1-z/2)=\frac{1+z/2}{1-z/2}\,

Mais on peut continuer avec

(1-z/6 +\mathcal{O}(z^3)^{-1}=1+z/6+z^2/36+\mathcal{O}(z^3)

=1+z/6(1+z/6+\mathcal{O}(z^2))=1+(z/6)/(1-z/6+\mathcal{O}(z^2))

et par suite

\exp _{[2,2]}z=1+z/(1-(z/2)/(1+(z/6)/(1-z/6))\,

\exp _{[2,2]}z=\frac{1+z/2+z^2/12}{1-z/2+z^2/12}\,

Il est amusant de constater sur cet exemple bien particulier que l'échange entre numérateur et dénominateur est équivalent au changement de signe de z, comme pour \exp\, z = \exp\, (z/2)/\exp\, (-z/2).

Il faut cependant bien souligner que le numérateur de l'approximant de Padé n'est pas en général le développement limité de exp(z / 2).

Le calcul ainsi que la démonstration de la fraction rationnelle exp[p+1,p](z) est proposé dans l'article Fraction continue pour établir l'irrationalité de e. Un calcul analogue est proposé pour la fonction tangente, il permet d'établir l'irrationnalité de π.

[modifier] Convergence des approximants de Padé

En fait, la convergence des approximants de Padé ne ressemble pas du tout à celle des séries entières. Dans le cas de l'exponentielle, on sait calculer analytiquement tant la forme de la fraction continue que celle des approximants :

\exp z=1+
\cfrac{z}
      {1-\cfrac{\frac{z}{2}}
               {1+\cfrac{\frac{z}{6}}
                        {1-\cfrac{\frac{z}{6}}
                                 {1+\cfrac{\frac{z}{10}}
                                          {1-\cfrac{\frac{z}{10}}
                                                   {1+\cfrac{\frac{z}{14}}
                                                            {1-\cfrac{\frac{z}{14}}
                                                                     {1+\dotsb}}}}}}}}

et on dispose d'une expression du numérateur[1],[2]

\exp_{[n,n]}z=\frac{-P_n(z)}{P_n(-z)}

avec:

P_n(z)= \pi^{-\frac{1}{2}}z^{n+\frac{1}{2}}\exp (z/2) K_{n+\frac{1}{2}}(z/2)

K est la fonction de Hankel modifiée[3]

Les zéros de Pn ont tous leur partie réelle négative. Asymptotiquement, ils sont sur un arc homothétique dans le rapport n d'un arc de courbe fixe dont les extrémités sont sur l'axe imaginaire. Leurs parties imaginaires se répartissent à intervalles sensiblement égaux à π[2],[4]

[modifier] Conclusions

L'intérêt des approximants de Padé de fonctions analytiques est que leur domaine de convergence n'est en général pas identique à celui de la série entière qu'ils approchent au voisinage de 0. Ceci est dû notamment à leur capacité à «avaler» les pôles, qui bloquent la convergence des séries entières.

L'inconvénient évident est que, comme pour tous les prolongements analytiques, celui réalisé par les approximants de Padé est numériquement extrêmement instable. Il est rare qu'on puisse le faire analytiquement (voir la complexité des formules ci-dessus), et il faut une excellente technique numérique pour y aboutir.

[modifier] Notes

  1. O.Perron : Die Lehre von den Kettenbrüchen - Chelsea, New York, (1950), p. 433
  2. ab E.B.Saff & R.S. Varga, «On the zeros and poles of Padé approximants to ez. III» dans Numer. Math. 30 (1978), pp. 241-266
  3. G.N. Watson A treatise on the theory of Bessel functions Cambridge University Press, London & New York, (1944), p. 201
  4. Kathy A. Driver, & Nico M. Temme, « Zero and pole distribution of diagonal Padé approximants to the exponential function » dans Quaestiones Mathematicae 22 (1999), pp. 7-17 disponible en preprint sur le site du CWI néerlandais (en) :
    http://db.cwi.nl/rapporten/abstract.php?abstractnr=729
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