Agent azurant

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Un agent azurant est une molécule qui absorbe les rayonnements électromagnétiques ultraviolets entre 300 et 400 nm de longueur d'onde et réémet ensuite cette énergie par fluorescence dans le visible entre 400 et 500 nm, soit les longueurs d'ondes entre le bleu-violet et le bleu-vert avec un maximum dans le bleu. Cette particularité a un intérêt lorsque l'agent est combiné à certains matériaux nécessitant ou recherchant une certaine blancheur. En effet, certaines fibres naturelles telles la cellulose ont tendance à absorber dans le bleu et ont par conséquent un aspect jaunâtre. Afin de corriger ce problème, un agent azurant peut être ajouté afin de compléter la gamme de lumière visible et de donner ainsi au matériau un « éclat de blancheur ». En effet, la couleur blanche vue par l'œil humain est une combinaison de toutes les longueurs d'ondes du visible.

Ce sont des molécules qui regroupent une multitude de composés également connus sous les noms d’azurant optique ou agent fluorescent.

Sommaire

[modifier] Historique

La première molécule identifiée comme ayant des propriétés azurants a été l’esculine, une molécule extraite du Marronnier d’Inde. Cette découverte a été faite par erreur par Krais en 1929 après avoir ajouté l’extrait contenant l’esculine à du lin et de la viscose dans le but de rendre ces textiles imperméables[1]. À la place, il remarqua une augmentation de la luminosité des fibres de ces textiles. Cependant, cet effet disparu rapidement après exposition à la lumière et au nettoyage. Le premier agent azurant à être utilisé industriellement a été le methylumbelliferone, un dérivé du coumarine.

Depuis, un nombre important d’agents azurant ont été créés pour être utilisés dans un grand nombre d’industries. Toutefois, seul un petit pourcentage de ces composés est utilisé de façon répandue. Malgré leur découverte à la fin des années 1920, l’utilisation de façon industrielle des agents azurants n’a commencé qu’au début des années 1940[2].

[modifier] Structure et familles principales

Les agents azurants tels qu’utilisés par les industries n’apparaissent pas de façon naturelle. Ce sont des molécules organiques synthétiques créées à partir de dérivés contenant des cycles aromatiques. De nos jours (2008), la grande majorité des agents azurants utilisés par les industries proviennent de deux groupes principaux de dérivés de stilbènes et contenant des groupements sulfonates. Ces groupes comprennent les distyrylbiphenyl (DSBP) et les dérivés de diaminostilbene (DAS)[3]. Quelques autres groupes incluent les dérivés de coumarines, les dérivés de pyrazoline, les dérivés de benzoxazole, les dérivés de naphthalimide et de pyrène. De la famille des stilbènes on retrouve trois molécules qui retiennent la plus grosse part du marché mondial. Il y a le DSBP, le DAS1 et le DAS2 ou 4,4’-bis[(4-(4-sulfoanilino)-6-bis(2-hydroxyethyl)amino-1,3,5-triazin-2-yl)amino]stilbene-2,2’-disulfonate.

Les agents azurants en général sont des composés qui sont relativement polaires à cause des groupements sulfonates qu’ils contiennent. C’est d’ailleurs cette propriété qui leur donne leur grande affinité pour les polysaccharides qui sont à la base de la structure de la cellulose[4]. Cette polarité est aussi attribuable à leur relativement bonne solubilité dans l’eau. Étant principalement des grosses molécules, elles sont également peu volatiles. Un bon agent azurant est incolore ou presque quand il n’est pas lié et une fois lié, n’absorbe pas dans le visible afin de ne pas retirer une des couleurs déjà présentes dans le matériel.

[modifier] Utilisation

Les principaux domaines où l'on retrouvent ces molécules sont dans les détergents, les papiers, les textiles et les plastiques mais l'on peut également retrouver ces molécules dans les cosmétiques et les peintures. Selon les sources consultées l'importance de leur utilisation varie aux alentours des pourcentages suivants :

  • ~50% dans les détergents. Ils sont ajoutés directement dans la poudre ou le liquide pour ensuite ce lier aux fibres lors du lavage,
  • ~30% dans les papiers. Ils sont incorporés lors de la fabrication,
  • ~15% dans les textiles. Ils sont incorporés directement sur les fibres des textiles neufs pour leur donner un bel éclat et donc les rendre plus attractifs pour le consommateur,
  • ~5% dans les plastiques. Ils sont incorporés durant la production pour diverses raisons.

Les agents azurants sont des molécules avec une bonne affinité pour la cellulose en plus d’être bien solubles dans l’eau. Ces atouts les rendent idéals à l'utilisation dans les détergents. Plus particulièrement, les molécules DSBP et DAS1 sont les plus couramment utilisées et se retrouvent principalement dans les détergents. En 1992, la production de ces deux molécules était estimée à 17 000 t/an mondialement dont 14 000 t/an de DAS1[5]. La teneur moyenne d’agents azurants dans les détergents n’est cependant que d’environ 0,15%. Pour ce qui est du DAS2, cette molécule est principalement utilisée dans les papiers, mais sa production est beaucoup moins importante.

[modifier] Aspect toxicologique et écotoxicologique

Les agents azurants ne sont peu ou pas toxiques. Ils sont difficilement biodégradables et leur potentiel de bioaccumulation est considéré comme étant négligeable. En raison de leur utilisation majeure dans les détergents, leur principal impact écotoxicologique devrait se situer au niveau des espèces aquatiques. Cependant, peu d'études ont été menées à ce jour sur l'impact chronique (effet aprés exposition a long terme) de ces molécules dans ce milieu. une étude effectuée sur les effets de toxicités chroniques de la DAS1 sur une espèce de Daphnie a identifié ces molécules parmi les candidats sur lesquels des études plus approfondies devront être menées[6].

[modifier] Impacts environnementaux

La plupart des études qui ont pu être consultées sur le sort environnemental des agents azurants ont été sur les deux molécules les plus utilisées soit le DSBP et le DAS1. Il est toutefois sensé de baser les impacts environnementaux sur ces deux molécules puisque celles-ci sont retrouvées en grande majorité dans l’environnement. Il faut cependant retenir que ces deux types de molécules réagissent légèrement différemment dans l’environnement donc il est important de ne pas les confondre. Pour les autres composés, il pourrait être supposé que leurs impacts éventuels sont beaucoup plus minimes comparé à ces deux autres molécules. Cependant, il est connu qu’en chimie de l’environnement il ne faut pas trop faire de supposition sur les impacts de certains composés à cause de la complexité de la matrice environnementale et ceci entraîne souvent des effets qui n’auront pas pu être prévus. Plus d’études sont donc nécessaire pour confirmer ce qui vient d’être présumé. Les agents azurants sont principalement retrouvés dans trois compartiments environnementaux, soit l’eau, les sédiments et les sols. À cause de leurs grandes tailles qui les rendent peu volatils, leur présence dans l’atmosphère est négligeable. Les études qui ont été menées à ce jour indiquent clairement que ces molécules ne sont pas ou peu biodégradables cependant elles sont sensibles à la photodégradation[7]. Cette photodégradation peut par la suite mener à la formation de composés qui sont eux biodégradables et ceci est particulièrement valide pour le DSBP comparativement au DAS1[8]. La sensibilité provient au niveau des liaisons doubles qui peuvent subirent des isomérisations de façons réversibles d’une forme trans à une forme cis.

Par exemple, pour le DSBP, la liaison peut passer de l’isomère (E, E) qui est la forme fluorescente à la forme (E, Z) qui ne l’est pas[9].

L’eau semble être la route principale qu’empruntent ces molécules pour se diriger vers l’environnement. Ceci est bien sûr à cause de leurs utilisations importantes dans les détergents mais d’autres sources telles que celles provenant des déchets des usines de papier ou des textiles sont aussi des possibles sources de contaminations. Au niveau des détergents, le pourcentage de liaison sur les vêtements varie grandement dépendamment du détergent et de la nature de l’eau (pH, température, etc…). On obtient donc des valeurs de liaisons aux fibres des vêtements qui varient entre 20 et 95%, le reste évidemment se retrouve dans les eaux usées. Ces eaux usées sont ensuite acheminées vers les centres d’épuration pour ensuite aboutir dans les lacs et les rivières. Au niveau des centres d’épuration, l’élimination de ces molécules dépend des différentes méthodes de traitements d’éliminations qu’elles adoptent. Plusieurs études démontrent que les molécules ont une bonne affinité pour les particules et donc, leurs principales formes d’élimination au niveau des centres d’épuration est dans les boues d’épurations. Selon une étude menée sur un centre d’épuration en Suisse[10], il a été démontré qu’entre 50 et 90% des agents azurants présents dans les eaux usées sont éliminés et se retrouvent principalement par la suite dans ces boues d’épuration. Cependant, il reste encore des endroits dans le monde, particulièrement dans les pays pauvres qui n’ont pas accès ou qui ont accès à des centres d’épuration peu efficace. Ceci mène donc à réflexion sur le sort des agents azurants dans ces endroits. En effet il est établi que la grosse majorité des détergents utilisent des agents azurants dans leur composition peu importe la qualité. La présence d’agents azurants dans les eaux usées de ces endroits du monde ne peut donc être ignorée. Malheureusement, les impacts environnementaux des produits chimiques sont généralement les derniers des soucis de ces pays donc, il important que les pays qui ont le pouvoir de procéder aux études nécessaires soient conscients des impacts à ces niveaux.

Pour les molécules qui ont échappé aux traitements des centres d’épuration, les prochaines destinations sont les lacs et les rivières. C’est à ce niveau que l’on peut prévoir le plus gros impact environnemental. En Suisse, l’étude de cinq rivières plus ou moins polluées ont démontrées des concentrations qui variaient entre 0,04-0,4 µg/L pour le DAS1 et 0,04-0,6 µg/L pour le DSBP. Des études similaires effectuées aux États-Unis sur 35 rivières ont quant à elles obtenues des concentrations qui variaient entre 0,06-0,7µg/L pour le DAS1[11]. Une fois dans les lacs et rivières cependant, ces molécules sont plus susceptibles à la photodégradation, en particulier au niveau des eaux de surfaces là où l’exposition à la lumière est optimale. Lors des analyses, il faut donc prendre en comptes les variations de saisons puisqu’il y aura plus de photodégradation dans les mois plus ensoleillés que pour les mois moins ensoleillés. Pour celles qui ne subissent pas de photodégradation, elles finissent par être déposées sur le fond de ces masses d’eaux et se retrouvent désormais dans les couches de sédiments. Cependant, une fois dans les sédiments elles ne peuvent plus être photodégradées et puisqu’elles sont peu biodégradables, elles ne font qu’accumuler et augmenter en concentration.

Pour ce qui est de leur destin dans les sols, deux sources principales peuvent être retenues. La première est celle de l’épandage des boues d’épuration. L’autre source est celle provenant des décharges. C’est là que se retrouvent les molécules qui n’ont pas été éliminées par la voie aqueuse. Dans cet exemple on retrouve les agents azurants utilisés dans les papiers, les plastics, les textiles, etc. Soit ces molécules se retrouvent entreposées telles quel pour ensuite être enfouies sous terre ou elles sont incinérées. Aucune des sources consultées n’a pu démontrer les effets chimiques d’incinération de ces molécules. Il est possible que cette incinération permette la destruction complète de ces molécules, ou elles peuvent donner lieu à des réactions qui les rendent toxiques ou même volatiles. Il est évident que des études plus approfondies sont nécessaires.

[modifier] Aspect analytique

Les méthodes chromatographiques sont les principales méthodes utilisées pour la caractérisation et la quantification des agents azurants. Une séparation par CCM (chromatographie sur couche mince) avec détection UV peut être effectuée pour déterminer la présence de ces molécules dans des échantillons. Pour leur quantification et caractérisation, la méthode de HPLC en mode échangeuse d’ion est la plus commune. Les méthodes de détections les plus courantes sont celles de la détection UV à diode-array (UV-DAD), la détection par fluorescence et finalement par la spectroscopie de masse (MS). Pour cette dernière méthode, les dérivés de stilbènes sont préférablement ionisés en mode négatif. Une étude[12] a même démontré qu’il est possible de coupler une détection par fluorescence après une irradiation postcolonne dans l’UV afin d'aider à éliminer les interférences présentes dans la matrice qui pourraient absorber dans l’UV aux mêmes longueurs d’ondes. Pour les échantillons environnementaux pour lesquels les concentrations sont souvent très faibles, une étape de préconcentration sur SPE (solid phase extraction) est habituellement employée[13]. Les problèmes principaux rencontrés lors des analyses sont au niveau de la séparation et de la quantification des différents isomères présents. Cependant, certaines études démontrent que ces problèmes peuvent être en parti corrigés par l’irradiation postcolonne[14]. La phase mobile est souvent constituée d’un mélange d’eau avec de l’acétonitrile ou du méthanol.

[modifier] Anecdotes

  • Les vêtements de l'armée ne doivent pas comporter d'agents azurants car cela les rendrait beaucoup plus visibles pour les personnes équipées de jumelles de vision nocturne,
  • Certains phares d'automobiles émettent dans les UV-A, ce qui améliore la visibilité de piétons ou cyclistes dont les vêtements comportent ces agents,
  • Ils ne sont jamais utilisés dans le papier des billets de banque, ce qui permet de détecter les faux avec une lampe UV,
  • Certaines études ont démontré l'utilité des agents azurants quand ils sont combinés à des virus utilisés pour la lutte biologique. Ils permettraient de protéger ces virus des rayons UV souvent destructifs et diminuent donc la quantité de virus nécessaire.

[modifier] Annexes

[modifier] Notes et références

  1. J. Preat et al., J. Molecular Structure : THEOCHEM, 808, 2007, 85-91
  2. J. B. Kramer; S. Canonica; J. Hoigné, Environ. Sci. Technol., 30, 1996, 2227-2234
  3. H. Waldhoff; R. Spilker, Handbook of Detergents, Part C: Analysis, CRC Press, 2005, Chap. 10
  4. T. Poiger ; F.G. Kari ; W. Giger, Environ. Sci. Technol., 33, 1999, 533-539
  5. J. B. Kramer; S. Canonica; J. Hoigné, Environ. Sci. Technol., 30, 1996, 2227-2234
  6. OECD; SIDS initial Assessment Report for SIAM 21, Fluorescent Brightener FWA-1, Washington, D.C; USA, 18-20 October 2005
  7. T. Poiger; J.A. Field; T.M. Field; W. Giger, Environ. Sci. Technol., 30, 1996, 2220-2226
  8. T. Poiger; F.G. Kari; W. Giger, Environ. Sci. Technol., 33, 1999, 533-539
  9. J.-M. A. Stoll; W. Giger, Anal. Chem., 69, 1997, 2594-2599
  10. T. Poiger; F.G. Kari; W. Giger, Environ. Sci. Technol., 33, 1999, 533-539
  11. J. B. Kramer; S. Canonica; J. Hoigné, Environ. Sci. Technol., 30, 1996, 2227-2234
  12. J.-M. A. Stoll; W. Giger, Anal. Chem., 69, 1997, 2594-2599
  13. H.-C., Chen; S.-P. Wnag; W.-H. Ding, J. Chromatogra. A, 1102, 2006, 135-142
  14. J.-M. A. Stoll; W. Giger, Anal. Chem., 69, 1997, 2594-2599

[modifier] Articles connexes