Affaire des ballets roses (1959)

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L'affaire dite des "ballets roses" est une affaire de mœurs qui défraya la chronique en France en 1959.

Sommaire

[modifier] Révélation

L'affaire débuta avec la parution dans le quotidien Le Monde daté du 10 janvier 1959, d'une brève informant de la mise sous mandat de dépôt, quelques semaines auparavant, d'un policier accusé de détournement de mineures. Le 23 janvier, l'hebdomadaire politique Aux écoutes du monde étoffa l'information avec un écho intitulé « la « petite folie du Butard » : le policier aurait avoué avoir organisé des parties fines entre des personnalités et des mineures en divers endroits de la région parisienne, dont le Pavillon de Butard. Or, ce pavillon de chasse situé tout près de Paris, dans la forêt de Fausses-Reposes, était alors mis à la disposition du président de l'Assemblée nationale.

[modifier] André Le Troquer

La lettre qu'adressa publiquement au directeur de l'hebdomadaire l'homme politique André Le Troquer pour opposer aux « allégations publiées un démenti sans réserve, catégorique, absolu » [1]donna une nouvelle dimension à ce fait divers. En effet, André Le Troquer, 74 ans, mutilé de la guerre de 14 où il avait perdu un bras, député SFIO de la Seine de 1936 à 1942 et de 1946 à 1958, avocat courageux de Léon Blum lors du procès de Riom, résistant proche du général de Gaulle dont il fut ministre à la Libération, et enfin dernier président de l'Assemblée nationale de la IVe république (de janvier 1956 à juin 1958), était une figure de la vie politique. Il fut bientôt inculpé, ainsi qu'une dizaine d'hommes âgés et fortunés ; des directeurs de magasins des beaux quartiers ou de restaurants chics, un coiffeur de l'avenue Matignon, deux policiers[2], etc., membres du « Tout pourri » pour reprendre l'expression du Canard enchaîné[3].

[modifier] Les faits

L'enquête établit que l'ex-policier de la DST (il était en disponibilité) avait trois ans durant piégé des jeunes filles (la plus jeune aurait eu 14 ans et les plus âgées 20 ans selon certaines sources[4], 12 et 18 ans selon d'autres[1][5], alors que la majorité civile était à 21 ans et la majorité sexuelle à 15 ans) en leur proposant de rencontrer des hommes qui pourraient, grâce à leurs relations, favoriser leur carrière artistique. Fournies en alcool et en marijuana, elles exécutaient pour un public d'amateurs des spectacles érotiques dont certaines chorégraphies étaient imaginées par une artiste peintre, ex-actrice, alors compagne d'André Le Troquer (d'où le nom de « ballets roses »).

[modifier] Le procès

A l'issue du procès, le 10 juin 1960, vingt deux des vingt trois prévenus furent condamnés. L'organisateur, Pierre Sorlut, écopa de cinq ans de prison ferme. D'autre peines de prison furent prononcées, ainsi que des amendes. Quant à André Le Troquer, le tribunal ne lui tint rigueur, ni d'avoir prétexté une machination politique destinée à le salir, ni d'avoir accueilli ces parties fines dans un palais de la République : tenant compte d'un « long passé de services rendus » et ne voulant pas « accabler un vieil homme », il ne lui infligea qu'un an de prison avec sursis et 3000 francs d'amende[6], condamnation confirmée en mars 1961.

[modifier] Les rumeurs

De nombreuses rumeurs entourèrent cette affaire, qui allèrent d'une participation plus active des notables aux chorégraphies jusqu'à des orgies sado-masochistes organisées dans le Palais Bourbon. Aujourd'hui encore, l'expression "ballets roses" renvoie communément à des pratiques autrement criminelles, mettant en scène des réseaux pédophiles, des viols, voire des meurtres. D'autre part, le fait que Pierre Sorlut ait été, durant l'année où il travailla officiellement pour la DST, le chauffeur de son directeur, le gaulliste Roger Wybot, a alimenté la thèse d'une machination destinée à perdre le socialiste Le Troquer. Son retentissement fut atténué par une actualité chargée, qu'il s'agisse, sur le plan politique, de la guerre d'Algérie, ou, sur le plan judiciaire, de l'affaire Lacaze.

[modifier] Notes et références

  1. Le Monde, 30 janvier 1959
  2. Le Monde, 5 février 1959, 6 février 1959, 11 février 1959
  3. Le Canard enchaîné, 4 février 1959
  4. Le Monde, 1er février 1959
  5. Patrick Pesnot, Rendez-vous avec X, «Les ballets roses», France Inter, 22 décembre 2007
  6. Le Monde, 11 juin 1960