Addio (Christophe Looten)

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Addio est un octuor de violoncelles composé en 2004 par Christophe Looten. Écrit pour le Conjunto Ibérico, Addio est le second octuor de violoncelles du compositeur. Comme Nocturnal, il est dédié au Conjunto Ibérico et à son chef Elias Arizcuren. Addio a été créé par ses dédicataires, au Muziekgebouw d'Amsterdam, le 12 avril 2006 sous la direction de Bas Wiegers. L'œuvre dure 19 minutes.

Addio fait partie d'une série de quatre pièces sur le thème de la mort avec Threni (pour huit voix de femme, 5 trombones et enfant récitant : mort de l’innocence) , Stabat Mater (pour 4 voix a cappella : mort de Dieu) et Sind Blitze, sind Donner (pour grand orchestre : fin du monde).

L'œuvre se compose de cinq mouvements :

  • Sombre, froid, mystérieux et étrange
  • Doux et fluide
  • Energique et sombre
  • Being beauteous
  • Noir, brusque, hors d'haleine

Le compositeur écrit dans la notice de concert : « Addio n’est pas une pièce de « musique pure » mais, au contraire, une œuvre dramatique qui raconte, qui rend compte, qui parle : c’est une pièce autant à voir qu’à écouter. Addio part du silence noir et mystérieux pour s’achever dans une sorte d’angoisse froide : son cheminement est semblable à celui qui va d’une grotte creusée par la nature dans une roche humide à une petite pièce déshumanisée, sans fenêtre, violemment éclairée aux néons. Addio parle de la mort de l'art, annoncée en 1882, et qui s'accomplit aujourd'hui, sous nos yeux. Nous allons ainsi, partant des grognements primitifs, vers un sommet de beauté avant de vivre avec les musiciens la déchéance de cet art puis sa disparition. Le titre, Addio, est un signe, un code presque, qui signifie autant "adieu" que "à Dieu" ».

Comme toutes les œuvres de Christophe Looten, Addio est écrite en mode bi-pentaphonique et elle est tissée de références, d'allusions qui fondent le discours dramatique de la pièce. On peut citer les nombreux motifs grégoriens des premiers mouvements mais, surtout, la citation complète du Lamento della Ninfa, tiré du Huitième Livre de Madrigaux de Claudio Monteverdi. Ce madrigal, composé pour quatre voix et basse continue, constitue pour Looten un exemple de pure beauté musicale et il l'est d'autant plus que Monteverdi a écrit la Plainte de la Nymphe sur une basse obstinée de quatre notes descendantes. Beauté et science réunies pour chanter les "passions de l'âme". Looten a instrumenté ce madrigal pour huit violoncelles, ajoutant des voix ou des contrechants, si bien que la musique originale de Monteverdi ne se trouve modifiée qu'une fois — au milieu exact du madrigal — par une "bi-pentaphonisation" : un accord très looténien qui suspend le cours de la mélodie pendant quelques secondes. L'original monteverdien revient ensuite au premier plan, mais c'est alors pour être attaqué, détruit, corrodé et s'achever dans la désolation, à l'image du texte : "Ah taci, taci" ("Ah, tais-toi, tais-toi !").

Il est intéressant de noter que Looten a appelé ce mouvement Being beauteous. Ce titre est, encore une fois, caractéristique du compositeur qui considère sa musique comme un discours qui met "en œuvre" toutes les possibilités de la (ou de l'art) rhétorique. C'est, évidemment, le poème de Rimbaud auquel Looten a pensé et dont il cite lui-même quelques phrases :

« Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré ;
des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes.
(...) Et les frissons s'élèvent et grondent, et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels
et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté. »