Établissage

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L'établissage désigne un mode de production économique proto-industriel qui s'est répandu à partir du XVIIIe siècle dans la région du Jura suisse, en particulier dans les Montagnes neuchâteloises. Il concernait principalement la production horlogère. Selon l'historien David Landes, « le système de l'établissage, dans le Jura, était presque aussi ancien que l'industrie horlogère elle-même »[1].

Sommaire

[modifier] Le principe de l'établissage

L'établissage consiste à produire un bien (des montres) en divisant la travail de fabrication en petites unités spécialisées et indépendantes et à réunir l'ensemble des pièces au dernier moment pour la finalisation du produit. Ce qui permet une division très fine des tâches, en laissant à l'entrepreneur toute liberté dans la détermination du cahier des charges et à l'exécutant la possibilité de se spécialiser dans l'opération qu'il maîtrise le mieux. Dans le Jura où il s'est développé, l'établissage avait un autre avantage : permettre le travail à domicile et sa libre répartition au sein des familles. Pour une bonne partie des horlogers jurassiens, l'horlogerie était ainsi une activité à temps partiel qui se substituait au travail principal durant l'hiver[2].

« On n'observe pas d'entreprise industrielle proprement dite [à La Chaux-de-Fonds] avant les années 1880. L'établisseur, qui se fait parfois aussi appeler négociant en horlogerie ou fabricant d'horlogerie, domine ce système de division du travail organisé selon le modèle proto-industriel classique de Mendels[3]. Intermédiaire entre le marché et la production, l'établisseur commande à un réseau très dense de sous-traitants, eux-mêmes organisés selon des logiques hiérarchisées de sous-traitance, les diverses parties constitutives d'une montre (boîte, mouvement, cadran, parties de mouvements, etc.) qu'il fait assembler dans ses ateliers, parfois appelés comptoirs, et qu'il écoule ensuite sur divers marchés. Toutefois, les fabricants d'horlogerie ne sont pas tous établis à un même niveau hiérarchique dans le système de l'établissage. Certains d'entre eux n'ont pas un accès direct au marché et travaillent pour d'autres négociants et fabricants qui leur commandent certains produits finis dont ils se chargent de la vente. Si, dans le cadre de l'établissage, on observe de nombreux ateliers juridiquement indépendants et donc une multiplicité de patrons horlogers, ces derniers ne sont pas tous situés à un niveau égalitaire. »
    — Pierre-Yves Donzé, Les Patrons horlogers de La Chaux-de-Fonds, p. 19-20

[modifier] Autres formes de production

L'établissage des Montagnes neuchâteloises était également pratiqué dans la Vallée de Joux. Il s'oppose aux cabinotiers genevois qui formaient de petites entités économiquement indépendantes de quelques horlogers. Ceux-ci étaient plutôt bien payés et formaient - y compris à leurs yeux - une sorte d'aristocratie de la classe ouvrière.

[modifier] Évolution de l'établissage

L'établissage sera attaqué avec toujours plus de force à partir de la seconde moitié du XIXe siècle par une nouvelle forme de division du travail : l'industrialisation à l'américaine, avec mécanisation des opérations, machinisme, taylorisation, etc. Les premiers à se lancer dans l'aventure de l'industrialisation devront faire face à une vigoureuse oppposition et finiront par s'installer en des contrées plus propices. Ainsi, les fondateurs de la future firme Omega quitteront La Chaux-de-Fonds et s'installeront dans la ville de Bienne dans le canton de Berne, entraînant un mouvement d'extension de la production horlogère vers le plateau suisse. En 1922, La Chaux-de-Fonds ne connaîtra qu'une seule entreprise employant plus de 200 ouvriers[4].

[modifier] Notes

  1. David S. Landes, L'Heure qu'il est, p. 364
  2. La marque de prestige Blancpain joue ainsi à fond la carte « hivernale » de l'horlogerie : boutique transformée en chalet suisse, illustrations des brochures publicitaires, etc.
  3. Franklin F. Mendels, Industrialization and Population Pressure in XVIIIth Century Flanders, Université du Wisconsin, 1969
  4. Pierre-Yves Donzé, Les patrons horlogers de la Chaux-de-Fonds, p. 188

[modifier] Sources

  • Pierre-Yves Donzé, Les Patrons horlogers de La Chaux-de-Fonds. Dynamique sociale d'une élite industrielle (1849-1920), Edition Alphil, Neuchâtel, 2007, ISBN 978-2-940235-34-6 ;
  • Laurence Marti, L'invention de l'horloger. De l'histoire au mythe de Daniel Jeanrichard, Éditions Antipodes & Société d'Histoire de la Suisse romande, Lausanne, 2003, ISBN 2-940146-36-5 ;
  • David S. Landes, L'Heure qu'il est. Les horloges, la mesure du temps et la formation du monde moderne, Gallimard, 1987 ;
  • Marco Richon, Omega Saga, Fondation Adrien Brandt en faveur du patrimoine Omega, Bienne, 1998 ISBN 978-2-88380-010-6 ;

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

  • Article Omega sur le site worldtemps.com, présente une brève définition du « comptoir d'établissage »