École néoclassique

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L’école néoclassique est un courant de pensée économique qui naît dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle se fonde sur trois postulats :

  • les agents sont rationnels, leurs préférences peuvent être identifiées et quantifiées,
  • les agents cherchent à maximiser leur utilité, tandis que les entreprises cherchent à maximiser leur profit,
  • les agents agissent chacun indépendamment, à partir de l'information dont ils disposent.

L'idée de « valeur utilité » (la valeur de la marchandise provient de l'utilité subjective propre à chaque individu) est une rupture avec la « valeur travail », inaugurée par les classiques anglais puis reprise par Marx. C'est l'utilité qui détermine la valeur.

L'école néoclassique, dans son effort de formalisation mathématique, préfigure la naissance de la microéconomie.

La théorie néoclassique est l’héritière de l’école marginaliste ; elle a été appelée « néo-classique » par un de ses adversaires – Thorstein Veblen – qui voulait ainsi se moquer d’elle ; curieusement, ce nom lui est resté, il a même été adopté par ses partisans. Elle est l’exemple le plus achevé de l’individualisme méthodologique[1].

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Événements fondateurs

Les oeuvres fondatrices du courant néoclassique par les trois pères fondateurs du mouvement sont :

Il y a apparition de manière simultanée de trois écoles dites « originaires » (Écoles de Cambridge, de Lausanne et de Vienne), bien que les différents économistes ne se soient apparemment jamais rencontrés, et n'aient échangé aucun élément de leurs recherches respectives.

Il existe néanmoins des différences importantes entre ces trois approches. Carl Menger s'est notamment opposé vigoureusement à Léon Walras quant à la conception même de la discipline économique et en particulier l'usage des mathématiques, à tel point qu'il est quelque peu abusif d'inclure la tradition autrichienne dans l'école néoclassique.

[modifier] Le cadre historique

Le contexte est donc celui du tournant de la révolution industrielle (on parle parfois de deuxième révolution industrielle) mais aussi du triomphe du scientisme. La perspective historique est de construire l’économie politique sur de nouvelles bases.

Tout d’abord, il s’agit de s’adapter à la réalité économique (Jevons utilise le calcul marginal pour étudier la tarification des chemins de fer). « Le travail, une fois qu’il a été dépensé, n’a pas d’influence sur la valeur future d’un objet : il a disparu et est perdu pour toujours ». La théorie est donc compréhensible dans le cadre des crises récurrentes au XIX°.

Il y a une remise en cause des théories de la répartition des économies classiques fondées sur l’existence de classes et la position de ces classes les unes par rapport aux autres. Léon Walras veut construire une science capable de distinguer dans l’activité humaine ce qui est le résultat des activités proprement économiques (concurrence) et ce qui relève de la morale. La science économique (≠ économie politique) ne doit s’occuper que de ce qui permet de comprendre l’activité humaine pour construire une « économie pure » dont l’essence est que la valeur d’échange prend le caractère d’un fait naturel. Elle évacue ainsi les problèmes de justice sociale (objet d’un autre combat).

La pensée néo-classique se fonde sur une analyse marginaliste et cherche donc à donner une légitimité scientifique à l’économie, à la fonder sur de nouvelles bases. Elle part donc d’une analyse microéconomique et agrège les comportements individuels, à la différence des classiques et de Marx. Ce formalisme mathématique soulève l’enjeu scientifique et politique des mathématiques en économie. De plus, les partisans de ladite théorie préfèrent souvent parler à son propos de « la » théorie économique, comme on dit « la » physique ou « la » biologie, car pour eux la théorie néoclassique est la seule à avoir un statut scientifique en économie (notamment en raison de l’usage intensif qu’elle fait des mathématiques)[1].

[modifier] Le marginalisme

Les néoclassiques vont introduire une forte mathématisation dans leurs théories, et notamment un usage massif de dérivées (utilité marginale, productivité marginale...). Cet usage est fortement critiqué par Carl Menger et les autrichiens, pour qui l'économie ne peut être que qualitative. Au moment où cette démarche rencontre des critiques, Léon Walras écrit dans l'une de ses correspondances : « l’introduction de la mathématique dans l’économie politique est une révolution scientifique… »[2].
Les dérivées approximent les variations « à la marge » des grandeurs économiques. C'est pourquoi on parlera parfois de marginalisme. Le marginalisme redéfinit la valeur d'un bien et modifie l'évaluation de son utilité. Prenons le célèbre exemple du diamant et du verre d'eau. La valeur d'un diamant est bien supérieure à la valeur d'un verre d'eau, bien que son utilité soit discutable. Cependant, si l'on raisonne en terme de valeur marginale, on se rend compte que le dernier diamant vaudra a coup sur beaucoup moins que le dernier verre d'eau disponible sur Terre. On voit ainsi que le marginalisme permet de mieux appréhender la valeur des biens et services.

Cette innovation méthodologique, selon J. Schumpeter, ne caractérise pas l’essentiel de la démarche néoclassique. Il écrit à propos: « On n’en vient bientôt à considérer que le marginalisme était le trait distinctif d’une école particulière : mieux encore on lui prétend une connotation politique…En bonne logique, il n’y a rien qui justifie cette interprétation. Le principe marginal est, en soi, un outil d’analyse ; on ne peut éviter de l’utiliser dès lors qu’advient l’époque de l’utiliser. Marx aurait eu recours sans la moindre hésitation s’il était né cinquante ans plus tard. Il ne peut pas plus servir à caractériser une école d’économistes que l’usage du calcul ne permet de caractériser une école ou un groupe des savants en mathématiques ou en physique »[3].

[modifier] Libéraux ?

L'école néoclassique est fréquemment considérée comme essentiellement libérale. Toutefois, son libéralisme est tempéré par une volonté d'encadrer la concurrence pour imposer les conditions de la concurrence dite « pure et parfaite ». Certains auteurs comme Oskar Lange ont même utilisé les thèses néoclassiques pour prôner un contrôle étatique de l'économie, où le jeu du marché serait remplacé par la planification centralisée reposant sur un calcul d'optimisation.

[modifier] L'analyse néoclassique

La science économique est la science des comportements calculés. Tous les âges de la vie peuvent être l’objet d’un calcul économique. L’analyse est faite en termes de marché. Les prix sont des informations par rapport auxquelles les individus fixent leur comportement (« signaux »). Les prix doivent donc être établis sans biais pour être les plus efficaces possible dans l’ajustement : tout est prix. Le rôle de la monnaie est controversé :

Les premiers auteurs néoclassiques adoptent l'idée de la neutralité de la monnaie (la monnaie n’affecte pas la production, le revenu réel, l’investissement, l’épargne ou les prix relatifs). Fisher reconnaît qu’il ne fait « qu’apporter une restauration et une amplification de la vielle théorie quantitative de la monnaie » avec son équation (1911) : MV = PT (M = masse monétaire, V = vitesse de circulation de la monnaie, P = niveau général des prix, T = volume des transactions).

L'analyse néoclassique démontre aussi (à partir des postulats fondateurs) que les mécanismes du marché jouent un rôle régulateur qui conduit à un équilibre optimal du système économique. Pour les néoclassiques, les crises économiques sont liées à des événements extérieurs qui perturbent le bon fonctionnement du marché (interventions publiques, chocs pétroliers...), ces crises se résolvant d'elles-mêmes en situation de concurrence pure et parfaite. La croissance semble acquise, mais il y a une montée de l'insatiabilité d'où la notion d'équilibre. On n'est plus dans un cadre dynamique comme chez les classiques.

Parmi les principaux représentants de l'école néoclassique, citons : William Stanley Jevons, Léon Walras, Vilfredo Pareto et Alfred Marshall.

Les écoles contemporaines ayant continué les travaux des néoclassiques comprennent les monétaristes (dont Milton Friedman) et la « Nouvelle économie classique » (dont Robert E. Lucas), et la synthèse néo-classique.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références et notes

  1. ab Bernard Guerrien, Dictionnaire de l’analyse économique, La Découverte, 2002, p. 374
  2. Lettre à E.de Foges, 3/5/1891. A. Samuelson, Les grands courants de la pensée économique, PUG, 1990, p.133
  3. J. Schumpeter, Histoire de l’analyse économique, Paris, Galimard, 1983, Tome 3, pp.169-170