Zone morte

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Privés d'oxygène, des organismes meurent, et leur décomposition amplifie le déficit en O2
Privés d'oxygène, des organismes meurent, et leur décomposition amplifie le déficit en O2

Les zones mortes (marine dead zone pour les anglo-saxons) sont des zones hypoxiques (déficitaires en oxygène dissout) dans l'environnement aquatique (mers, océans, estuaires, grands lacs, mares, etc.). Les études conduites en Baltique et aux États-Unis depuis la fin des années 1990 montrent que nombre poissons dont on pourrait penser qu'ils puissent facilement les fuir y perdent rapidement connaissance et meurent asphyxiés sur le fond. Dans certains cas, certains poissons semblent pouvoir échapper à la mort, mais les crustacés tels que homards, langoustes, langoustines, crabes ou crevettes se déplacent trop lentement pour échapper à l’asphyxie. Quand aux moules, huîtres et autres organismes fixés, ils sont condamnés. Les coraux et de très nombreux animaux coloniaux meurent, et leur putréfaction contribue à accentuer le phénomène.


Des zones mortes sont observées de plus en plus souvent, et sur des surfaces de plus en plus grandes. La plus vaste zone morte repérée en 2003 (parmi 150 environ) atteignait selon l'ONU 70 000 km² environ. Ces zones ont des impacts de plus en plus importants sur la pêche et les écosystèmes.

Sommaire

[modifier] Définitions

Exemple de phénomène d'hypoxie, puis anoxie, la nuit dans un fjord allemand
Influence de la salinité sur certains phénomènes d'hypoxie, puis d'annoxie, ici dans un fjord allemand
Ce type d'estuaire, presque fermé et abrité du vent et des vagues, est naturellement propice aux phénomènes d'hypoxie et de zone morte (Baie de San Antonio), Texas, États-Unis. (Noter la turbidité de l'eau)
Ce type d'estuaire, presque fermé et abrité du vent et des vagues, est naturellement propice aux phénomènes d'hypoxie et de zone morte (Baie de San Antonio), Texas, États-Unis. (Noter la turbidité de l'eau)

Il existe des zones naturellement anoxiques dans les grands fonds marins, ou au fonds de grands lacs là où l'eau est stratifiée et immobile.
En mer Noire profonde, une zone morte existe et persiste ainsi sans doute depuis des millénaires.
Dans le passé lointain de la planète, lors des grandes catastrophes bio-géologiques marquées par des extinctions majeures, des zones anoxiques semblent avoir été en jeu, mais à des échelles bien plus vastes et durables (durant plusieurs millions d'années parfois), occasionnant pertes très importantes (jusqu'à plus de 80 % des espèces vivantes de la planète).

La notion de « zone morte » désigne aujourd'hui des zones anormalement anoxiques ; suffisamment appauvries en oxygène pour tuer par asphyxie tout ou partie de la faune marine (en particulier les animaux fixés et les crustacés et animaux peu mobiles). Dans tous les cas identifiés à ce jour, le phénomène a ou semble avoir pour origine directe ou indirecte des activités humaines.
Ces phénomènes peuvent durer toute l'année, quelques heures ou quelques jours. Le plus souvent, ils durent quelques mois dans l'année, avec un pic au milieu de l'été (juillet dans l'hémisphère nord).

L’oxygène dissous est exprimé en pourcentage du seuil de saturation, lequel varie selon la température, la pression et la salinité de l’eau, et indirectement selon l'agitation et la stratification des couches d'eau.

  • La plupart des espèces dites « supérieures » ont besoin d’une eau riche en oxygène, à au moins 80 % du seuil de saturation.
  • On dit qu'il y a hypoxie lorsque l’oxygène dissous n’est présent que pour 1 à 30 % de son seuil de saturation dans l’eau ; les formes de vies naturellement présentes dans un milieu oxygéné sont alors perturbées ou tuées. Sous la barre des 30 % du seuil de saturation, la plupart des poissons fuient la zone quand ils le peuvent ou meurent, la décomposition de leur cadavre contribuant à encore consommer l'oxygène dissous restant).
  • Le stade d’anoxie est atteint quand l’oxygène dissous est totalement absent. Toutes les formes de vie dites « supérieures » disparaissent alors au profit de bactéries primitives et d'organismes fongiques. Certains poissons peuvent « piper » l’air en surface. D'autres organismes munis de poumons ou pouvant respirer en surface par la peau survivent à une brève période d’anoxie (quelques minutes à quelques heures), mais ils peuvent néanmoins mourir des suites du manque de nourriture ou des toxines produites par la décomposition des organismes dans les zones devenues anoxiques ou très appauvries en oxygène. (La décomposition de la nécromasse en l'absence d'oxygène est en effet une source de toxines pour le milieu ; toxine botulique par exemple, mortelle pour l’Homme au millionième de gramme).

[modifier] Ampleur du phénomène

Un rapport de 2004, repris dans le rapport GEO 2003, présenté aux ministres à l'ONU en 2004 identifie près de 150 « dead zones » dans le monde.
Klaus Toepfer (directeur exécutif du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) notait à cette occasion que si certaines de ces zones sont de superficie réduites (moins d’un kilomètre carré), d’autres sont devenues très vastes, la plus grande atteignant 70 000 km² !.
Le nombre et la taille de ces zones augmentent chaque décennie au moins depuis les années 1970. Les scientifiques en comptaient en 2003 listé près de 150 majeures dans les mers de la planète, chacune traduisant très probablement des phénomènes graves de dystrophisation marine. Dans certains cas, comme en mer Baltique, en quelques dizaines d'années, voire en une seule décennie, toutes les formes de vie supérieure ont disparu, au profit de bactéries très primitives proches de celles qui vivaient il y a plusieurs milliards d'années, avant l'apparition de la vie sur les terres émergées. Une interdiction de la pêche dans tout ou partie de la Baltique a été évoquée, mais ne semble pas actuellement politiquement envisageable. La Commission HELCOM tente avec d'autres de limiter ce phénomène à la source en limitant les apports d'engrais et de nutriments sur terre et en étudiant le problème des munitions immergées.

[modifier] Causes du phénomène

Dans un premier rapport[1] pour l'ONU, les experts ont identifié comme première cause les apports de fertilisants agricoles et les apports de nutriments et matière organique induits par la dégradation et l'érosion croissante des sols agricoles ou déboisés, dans un contexte d'agriculture de plus en plus intensive. Le rapport OSPAR 2002 sur l'état de santé des écosystèmes pointe plus particulièrement l'Azote comme responsable.
Ces apports contribuent à augmenter la DCO (Demande chimique en oxygène) et la DBO (Demande biologique en oxygène) bien au-delà de ce que le milieu peut fournir la nuit à partir des réserves d'oxygène dissous dans l'eau, et parfois de jour tant l'eau est chargée de matières consommant de l'oxygène.
Mais tout apport important de matières organiques (inondation/crues, boue de curage, mobilisation de sédiments par exemple par la construction d'un port, par une carrière sous-marine, ou plus simplement par le chalutage..) dans un milieu aquatique est susceptibles d'entraîner une raréfaction de l'oxygène dans le milieu, d’autant plus que la mobilité horizontale et surtout verticale (thermocline) de l’eau est basse, c’est-à-dire là où les masses d'eau sont stratifiées (dans les fjords par exemple) et lorsqu’elles le sont.

En mer, des phénomènes locaux et saisonniers d’appauvrissement en oxygène existent naturellement localement à des périodes de l’année ou l’eau se stratifie (été, automne, lors de la formation d’une thermocline). Mais les apports anthropiques les aggravent considérablement. Des données danoises citées par OSPAR montrent que dans les eaux stratifiées du Kattegat, où un déficit grave en oxygène est fréquemment mesuré, c'est la charge en azote qui a le plus d’impact sur ce phénomène. L'Agence danoise de protection de l'environnement a calculé qu’une diminution de 50 % de la charge réelle d'azote aboutirait à une diminution de près de 50 % de la durée des phénomènes d'anoxie dans ces zones.

Pour la zone OSPAR, des anoxies graves sont constatées dans de nombreux estuaires, baies et fjords, dans la mer des Wadden, le Kattegat et l'est du Skagerrak.

L’export en mer de sédiments de curage portuaire, fluvial ou d'estuaire a également un impact : On a ainsi constaté, aux époques de stratification, dans l'estuaire extérieur de la Clyde et dans la baie de Liverpool des anoxies temporaires, toutes deux imputables à l'immersion de boues issues de curage[2].

Divers facteurs aggravent ces effets ;

  • pollutions diverses, principalement industrielles, urbaines et automobiles.
  • Le manque de réseaux de collecte et d'épuration des eaux usées dans les régions densément peuplées participe sans doute aussi au phénomène, mais ne peut expliquer à lui seul la répartition de ces zones.
  • Dans certaines régions du monde, les taux d’azote dissout dans les pluies augmentent également fortement (notamment depuis l’usage de l’épandage d’engrais azotés liquides sur les champs). De même les pluies acides solubilisent plus de nutriments, qui sont emportés à la mer ou dans les lacs. Les grandes inondations sont également plus fréquentes, souvent pour des causes humaines (pratiques agricoles, remembrements, perte de matière organique des sols et imperméabilisation croissante des surfaces habitées). La combinaison de ces trois phénomènes accélèrent les apports de matières eutrophisantes en mer.
  • La turbidité augmente alors, au point d'empêcher les rayons solaires de pénétrer l'eau. La photosynthèse planctonique est inhibée et ni les Ultra-violets solaires, ni l'oxygène ne jouent plus leur rôle de "désinfectant" naturel.
  • Divers pollutions, dont par les pesticides, les métaux lourds, les hydrocarbures et localement de polluants chimiques issus de l'immersion de déchets peuvent exacerber le phénomène en inhibant également la photosynthèse et/ou en tuant un grand nombre de plantes ou d'autres organismes.
  • Localement, un lien possible et plausible avec l'impact de fermes marines aquacoles a été évoqué et est plausible.
  • L'utilisation de boules d'amorces riches en matière organique par les pêcheurs en eau douce fermée ou à courant lent est également une cause majeure d'eutrophisation et d'anoxie des eaux non superficielles ;
  • Enfin, une nouvelle cause possible ou additionnelle, non citée par le rapport de l'ONU, mais décrite par la commission OSPAR pourrait être explorée, en Baltique notamment ; il s'agit de possibles impacts différés de l'immersion massive dans le passé de munitions conventionnelles et chimiques.
    En effet des millions de munitions non utilisées ou non explosées (dont chimiques) ont été jetées en mer depuis la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Un rapport adressé en 2005 par les États-membres à la Commission OSPAR a listé pour la première fois (avec cinq ans de retard) 148 sites officiellement reconnus par les États-membres de la convention OSPAR comme zones de décharge sous-marine de munitions. Trente de ces zones ont exclusivement reçu des armes chimiques, et trois sont déclarées avec un contenu « inconnu ». Il se trouve que les zones connues d'eutrophisations et certaines zones mortes majeures (en Manche/mer du Nord et Baltique notamment) coïncident avec des zones importantes d'immersion ou avec les zones qui seraient touchées par leur panache de diffusion s'il y avait fuite de toxiques. Si certains obus et munitions ont commencé à fortement se dégrader et/ou à fuir, le cuivre et les métaux lourds qui les composent, ainsi que les toxiques de combat que certains contiennent pourraient localement être impliqués dans la mort du plancton et d’autres organismes. Des études (HELCOM) ont montré une augmentation nette de certains polluants (arsenic par exemple) à proximité de certains dépôts (en mer Baltique par exemple), alors que dans d'autres cas (Zeebrugge) pas ou peu de traces ont été décelées, mais dans une zone à fort courant. Mais les obus se dégradent et l'impact des toxiques qu'ils contiennent est très difficile à modéliser. Du phosphore peut être présent dans certaines munitions, et des nitrates composent une grande partie de l'explosif des douilles de nombreux types de munitions immergées depuis un siècle. Les photographies prises sur certains sites montrent des douilles rongées et aujourd'hui vides, qui laissent supposer que leur contenu a bien été solubilisé dans la mer. (Voir l'article Munition immergée pour plus de détails)
En 1995, des experts réunis par l'OTAN avaient prévenu que les obus commenceraient probablement à fuir vers 2005. Mais si d'importants efforts sont fait en Russie et au Canada notamment pour dépolluer des décharges militaires, aucune mesure de récupération ne semble avoir a été tentée en mer. Deux raisons en sont le coût et les risques induits par de telles opérations, et le manque d'unités industrielles capables de détruire et décontaminer ces matériels en grande quantité.

[modifier] Effets sur la reproduction des poissons

Non seulement certains animaux qui survivent ont un poids anormalement bas, mais ils se reproduisent mal ou pas du tout.

Il était délicat de différentier l’impact du manque d’oxygène des impacts éventuels des pesticides, métaux ou de la turbidité parfois associés aux zones mortes, mais on sait maintenant que l’hypoxie a chez les poissons et d’autres organismes des impacts sur la reproduction (diminution de la taille des organes reproducteurs, du nombre d’œufs et de l’infertilité), et que des phénomènes hormonaux peuvent être en cause.

Une étude[3] de l'université du Sud-Est de la Louisiane a porté sur des killies (petits poissons rivulidae Cyprinodontidae très résistants et faciles à élever en aquarium). Ils ont été étudiés dans 3 baies alimentées par des estuaires de fleuves côtiers du littoral du Golfe du Mexique. Les chercheurs ont constaté chez les killies exposés à l'anoxie dans ces estuaires une forte diminution du poids et de la taille des organes reproducteurs quand ils vivaient dans des eaux dont les taux d’oxygène n’étaient que de 1 à 2 parties par million (ppm), et ceci à partir de 3 heures par jour passées à vivre dans cette eau.

- Les gonades masculines présentaient une taille inférieure de 34 à 50% que celles de poissons de la même espèce et du même âge vivant dans une eau normalement oxygénée (6 à 8 ppm).
- Les ovaires des femelles étaient moitié moins grands que ceux des femelles vivant dans une eau normalement oxygénée, avec un nombre d'œufs en moyenne sept fois inférieur à la normale .

L'université du Texas[4] a, en Floride, étudié le Micropogonias undulatus (Atlantic croaker en anglais). C'est un poisson commun dans la Baie de Pensacola, baie relativement fermée et protégée des vents, partiellement isolée de la mer par un isthme et une île qui forme un cordon au sud de la baie. Cette baie reçoit dans sa partie en amont, les eaux de 3 petits estuaires situés au nord-est de la ville de Pensacola). Elle connait chaque année des conditions d’hypoxie les mois d’été.
Aucun des poissons exposés à un déficit en oxygène dans l'estuaire ne s’est reproduit à l’époque prévue, ni même plus tard.
L’étude a conclu en 2004 que c’était en raison du manque d’œuf viables chez les femelles, et faute de sperme mature chez les mâles[5],

Pour vérifier que le simple manque d'oxygène pouvait interférer avec le succès reproductif, des poissons ont été élevés en laboratoire en condition hypoxique. Ils ont effectivement produit des taux anormalement bas d’hormones sexuelles, ce qui peut également expliquer la taille anormalement petite des organes reproducteurs observée chez les poissons vivant dans les zones d'hypoxie .
L'hypoxie favorise la surexpression de deux gènes impliqués dans la production d’un protéine produite en conditions légèrement asphyxiantes (HIF ou « hypoxia-inductile factor »). En condition hypoxique, la protéine HIF s’apparie chez ces poissons avec une autre protéine (l’ARNT). Ensemble, elles se lient à l'ADN cellulaire pour y activer certains gènes qu’on suppose utile pour une meilleure survie de l’animal.
Lorsque la teneur de l’eau en oxygène est normale, l’ARNT se combine avec l'œstrogène pour activer certains gènes. Or, des cellules cultivées en conditions hypoxiques en tubes à essai ne réagissent plus à l'œstrogène ; la protéine HIF semble rendre l’ARNT indisponible. Il ne peut plus interagir avec l’œstrogène ce qui inhibe le processus normal de la reproduction[6].

[modifier] Mécanismes de formation d'une zone morte

  • L'hypothèse la plus consensuelle est que les nutriments d'origine agricole, industrielle et issus des transports, ainsi que des déchets apportés en mer par les fleuves ou les pluies ou qui y ont été directement immergé durant des décennies s'accumulent, se concentrent ou stagnent dans des conditions et zones particulières. Là, une forte eutrophisation conduit à une dystrophisation et donc à un état d’anoxie qui finit par éloigner et/ou tuer toutes les espèces supérieures dont poissons, crustacés et coquillages nécessaire à la survie d’une part importante de la population humaine. Les herbiers marins sont également dans ces zones totalement mortes.
    Les seuils d'hypoxie varient légèrement selon les région (l'oxygène se dissout mieux dans l'eau froide, et les poissons des régions chaudes ont des besoins parfois moindres en oxygène. On estime généralement qu'il y a hypoxie (chronique, accidentelle ou saisonnière) quand les taux d'oxygène dissous chutent sous les 2 ou 3 milligrammes/litre (mg/L), la normale pour un littorale variant de 5 à 8 milligrammes/litre. Hormis quelques poissons disposants de poumons ou respirant par la peau (anguille), la plupart des poissons ont des difficultés respiratoires en-dessous de 5 mg/L.
  • La situation peut brutalement basculer d'une situation apparemment saine et stable vers la mort des écosystèmes les plus riches et complexes, en quelques années parfois.
    Des phénomènes complexes liés aux apports de fonte de neige au printemps et aux différences de température et salinité qui en résultent jouent probablement localement (en Baltique par exemple) aussi un rôle mal compris.
  • La zone morte peut être éloignée de la zone d'où provient la surabondance de nutriments ou le polluant responsable. Le rapport OSPAR QSR 2000 estime que de l'eau enrichie en nutriments et en matière organique peut ainsi être transportée des côtes sud de l'Angleterre et du littoral français de la mer du Nord vers les eaux norvégiennes où elles pourraient être en (grande ?) partie responsable de l'eutrophisation du Skagerrak (zone profonde de la Baltique).
  • Phénomènes localement liés aux changements climatiques ?
    Au large du littoral du Cap Perpetua (Oregon), une zone morte a été observée chaque année de 2002 à 2005 et confirmée en 2006 (sur environ 300 milles carrés) puis en 2007. Elle concerne une importante colonne d'eau. Des grands crustacés meurent dans les casiers de pêche. Sur les plages la mer dépose les cadavres de nombreux animaux morts asphyxiés, dont quantité de crabes. Et pour la première fois, mi-2006, de très faible teneur en oxygène étaient également enregistrées dans les eaux côtières jusqu'au large de Washington. Des records d'anoxie ont été mesurés à à 180 pieds de fond (jusqu'à 0.46 millilitre d'oxygène dissous par litre), mais aussi à des profondeurs intermédiaires ; 1 millilitre d'Oxygène dissous par litre d'eau, à 45 pieds (sachant que les poissons et de nombreuses espèces s'asphyxient en dessous de 1,4 ml/L).
    Un robot sous marin a filmé mi-2006 un véritable cimetière de crabe morts et un tapis de vers en décomposition» à proximité des récifs de Perpetua au sud de Newport, alors que les pêcheurs rapportaient la présence d’un nombre exceptionnellement élevé de rockfishs qui semblent avoir fui la zone morte - dans des secteurs où ils sont habituellement absents. Une nouvelle vidéo en mai 2007 a montré que les rockfishs étaient revenus, mais pas les animaux moins mobiles (concombre de mer, actinie, etc.)
    L’été 2006, une étude portant sur 12 miles carré a mis en évidence un taux d’oxygène 6 fois inférieur à la normale dans cette zone. La situation était encore plus grave en 2006, avec une zone morte qui s’est pour la première fois étendue du sud de l’Oregon à l’extrémité de la péninsule olympique de Washington (soit près de 300 milles), touchant également le sanctuaire marin de l’Olympic Coast National Marine Sanctuary.
    Dans ce cas précis, l’apport local et massif d’eutrophisants agricoles semble hors de cause, et s’il ne s’agit pas de nitrates perdus par des déchets ou munitions immergées, la seule explication semble être une conjonction particulière entre trait de côte, changement de l'intensité et de la synchronisation des vents côtiers (changements prévus par les modèles mathématiques du changement climatique dans cette zone) et courants particuliers.
    Il semble que vents et courants font remonter du fond une quantité inhabituelle d'eau riches en nutriments, mais très pauvre en oxygène qui forme une vaste zone morte au large. Puis en été, depuis 2002, une configuration également inhabituelle de vents et courants poussent cette masse d'eau vers la côte où elle asphyxie la faune[7], [8]. Ces eaux dopent la croissance du plancton, provoquant un bloom planctonique et une dystrophisation grave du milieu lorsque ce plancton meurt asphyxié. Les chercheurs n'ont pas pu mettre en évidence de lien avec des cycles tels qu'El Niño. Le public est invité à contribuer à l’étude du phénomène en fournissant des informations sur les mortalités observées.
  • La température et/ou la salinité sont des co-facteurs qui jouent; d'abord parce que l'eau tiède perd naturellement son oxygène et ensuite par ce que les variations de température et de densité peuvent conduire à des stratification de couches de températures différentes, certaines pouvant durablement rester très appauvries en oxygène.
    Ce phénomène vaut pour certains lacs. Par exemple, le Lac artificiel du barrage EDF de Petit-saut en Guyane, qui a noyé des millions d'arbres présente une couche superficielle d'eau douche normalement oxygénée (sur 3 m d'eau environ) où tout paraît normal, au dessus d'une masse d'eau très appauvrie où la vie est beaucoup plus réduite.

[modifier] Réversibilité

Si le phénomène est temporaire, et qu'il ne se reproduit pas tous les ans, une certaine résilience écologique semble a priori possible[9]. Elle sera facilitée par la présence de continuités écologiques et la proximité de zones riches en biodiversité (noyaux de recolonisation, qui peuvent par exemple être des réserves naturelles sous-marines). Néanmoins, le « retour à la normale » demandera du temps ; un temps variable selon la richesse antérieure et la sensibilité du milieu, selon son degré d'insularité écologique et selon l'ampleur et la durée du phénomène de zone morte, car une fois que la source de nutriments est maîtrisée, il faut aussi le temps que les excès d'azote et de phosphore soient "recyclés" ou 'dilués' par l'écosystème, ce qui est plus long pour le phosphore que pour l'azote.
D'autre part, dans les cas les plus graves, le patrimoine génétique et écologique perdu, qui constitue un élément essentiel de la biodiversité l'est définitivement. D'autres individus et colonies, éventuellement appartenant à d'autres espèces viendront remplacer ceux qui ont disparu, en commençant par les espèces pionnières et celles qui se déplacent facilement. Si la zone morte était autrefois un haut-lieu de biodiversité abritant par exemple les derniers échantillons de certaines espèces endémiques, ces-dernières ne réapparaîtront pas.
Enfin, la réversibilité n'est possible que quand on peut intervenir sur la source du problème, ce qui n'est pas le cas lorsque comme en Orégon, les causes semblent lié à des changements de grande ampleur, de type "climatiques".

[modifier] Situation en 2004

Les zones mortes sont « la grande menace du XXIe siècle pour les stocks de poissons » titrait un communiqué de l’ONU émis à Nairobi le 29 mars 2004 lors de la Huitième session extraordinaire du Conseil d’administration du PNUE et le Forum ministériel mondial sur l’environnement.
Les écologues et gestionnaires de ressources halieutiques sont particulièrement préoccupés par la mer Baltique et le golfe du Mexique où, malgré quelques améliorations locales, la situation globale ne cesse de se dégrader depuis les années 1980.

[modifier] Localisation

Des phénomènes locaux de déplétion de l’oxygène ont existé dans la période historique avant l’arrivée des engrais de synthèse. Ils semblent induits par des aléas météorologiques exceptionnels, de grands déboisements ou des pics d’érosion après incendies..
Ainsi des traces « fossiles » d’organismes tolérants aux faibles teneur en Oxygène de l’eau ont été détectés dans les sédiments récents, en aval de l’estuaire du Mississippi, indiquant que quatre événements hypoxiques y ont eu lieu avant l'arrivée des engrais chimiques. La datation de ces évènements mémorisés par les sédiments semble dans ces quatre cas correspondre aux records historiques de crue du fleuve, enregistré par des instruments de Vicksburg (Mississippi)[10].

Les premières zones mortes ont été localisées dans les années 1970 aux États-Unis (avec notamment la baie de Chesapeake) et en mer Baltique, dans le Kattegat, puis en mer Noire et dans le nord de la mer Adriatique. Leur nombre a été initialement sous-estimé car on les a recherché que dans les pays riches et uniquement là où elles avaient déjà des impacts économique évidents sur la pêche. Celle du golfe du Mexique, très pollué par les eaux du Mississippi qui draine le Middle West agricole a été très étudiée et l'est encore, pendant que d’autres zones naissaient ou étaient découvertes.
Depuis, d’autres zones mortes d'ampleur et durée annuelle variables ont été recensées par dizaines dans les fjords scandinaves, en Amérique latine, en Chine, au Japon, en Australie du sud-est, et peut-être en Nouvelle-Zélande ; Ce dernier pays est peu peuplé (4 millions d'habitants) mais il a été fortement déboisé, il a développé un élevage localement intensif de moutons, il connaît une pêche intensive au large (poissons de grands fonds en particulier) et il connaît des problèmes locaux de carrière, décharges, pollution et d’épuration des eaux usées, mais ces problèmes le touchent à une échelle bien moindre, rapportée à sa surface, que les autres pays riches, ou en développement (Chine, Inde..). Son environnement marin est réputé être parmi les plus épargnés de la planète, d'autant que ce pays n’utilise a priori que peu de nitrates et pollue faiblement par le phosphore. Néanmoins, pour des raisons encore mal comprises, on note aussi que les eaux de surface de la zone sub-antarctique contiennent de l'azote et du phosphore à des taux aussi élevés voire plus qu’au large de l’Europe (Voir cartes NOAA). Certains auteurs estiment qu’on ne peut pas encore parler de zones mortes pour ce pays, mais de simples blooms (efflorescences alguales)[11], [12]. Le dernier rapport de l’ONU n’a d’ailleurs pas inclus la Nouvelle Zélande dans les régions touchées. L'ONU dans son Programme[13] de protection de l'Environnement marin contre les apports anthropiques encourage un monitoring et un traitement volontaire de la pollution par les nitrates (Exemples).

Des zones de baisse de concentration en oxygène ont également été récemment détectées dans l'est de l’Océan pacifique tropical et dans le nord de l'Océan indien, a priori dans des zones où la circulation de l’eau est trop faible pour rapidement remplacer l'oxygène consommé par les espèces vivantes ou par la demande biologique en oxygène (Voir par exemple Pickard et Emery[14] et NOAA.

[modifier] Impacts économiques

Ils n'ont pas été évalués, mais semblent considérables pour la pêche. L'hypoxie est par exemple jugée responsable de l'effondrement des populations de crevettes dans le Golfe du Mexique, de crustacés de homard (le crustacé vendu le plus cher) dans le Kattegat (Norvège) et d’une réduction générale de la ressource halieutique en mer du nord, et plus encore dans les mers fermées (mers Noire et Baltique).
À titre d'exemple encore, en aval de l’estuaire du Mississipi, les pêcheurs de Louisiane se plaignent en 2006-2007 de l’extension de la « dead–zone du Golfe de Mexico » (Sa surface a doublé en 12 ans ; de 1985 à 2997). Comme les chercheurs qui l’étudient, ils estiment qu’il y a un lien entre les records d’anoxie de juillet 2007 et les records de surface plantées en maïs (En 2007 : la plus vaste surface de maïs (généralement OGM) jamais plantée aux États-Unis l’a été « grâce » aux détaxations et subventions aux agrocarburant et en particulier à l’éthanol. Cette politique vise à rendre le pays moins dépendant des importations de pétrole, et à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Le maïs OGM est cultivé avec des engrais azoté, traité avec des quantités croissantes d’Atrazine (désherbant), et il émet la toxine Bt dans sa rhizosphère (Bt susceptible d’être lessivé par les pluies sur les sols sensibles à l’érosion). Comble d’ironie, cette zone morte dont la taille en 2007 atteint la surface de l’État du New Jersey, émet d’importantes quantité de gaz à effet de serre (Méthane, Dioxyde de carbone ; que les agro-carburant étaient justement sensés réduire)
En Juillet 2007, les chercheurs craignaient voir cette zone morte atteindre plus de 22 100 km2. La plupart des poissons y meurent ou la fuient, et les crevettes autrefois abondantes y meurent asphyxiée. En juillet 2007 Nancy Rabalais, pilote de l’équipe de chercheur du « Louisiana Universities Marine Consortium » qui étudie cette zone ; estimait que les engrais azoté utilisés pour ce maïs sont en grande partie au moins responsables de cette extension, et elle note que « si ceci se produisaient au milieu du pays, les gens seraient outragés».
La filière pêche est la plus directement affectée : elle est en Louisiane la seconde en importance pour les États-Unis (derrière l'Alaska). Elle produisait les premiers tonnages de crevette, huîtres et écrevisses (selon les statistiques officielles), mais le nombre de pêcheur de crevette a dans cet état chuté de 40 pour cent de 2001 à 2007.
Depuis 1990, après un pic de 46,9 millions de kg, les débarquements de crevette brune en Louisiane et au Texas ont régulièrement décliné, au fur et à mesure que la zone d'hypoxie augmentait[15].
De plus, là où les crevettes survivent, elles sont de taille plus petite. La taille moyenne des crevettes (en fait mesurée par leur poids moyen) a chuté de 23 pour cent en 10 ans (de la fin des années 1980 aux années 90) dans cette région. Une « Task force » associant l’EPA (Agence de protection de l'environnement des États-Unis) et des scientifiques, des agences d'état et des agences fédérales s’est fixé en 2001 un objectif de réduction de la taille de cette zone à 2.000 milles carrés, mais les recommandations de ce groupe sont peu suivie, dans un contexte qui incite les agriculteurs à planter sans précautions (ce maïs n'est pas alimentaire, et les primes aux raffineurs, distributeurs et détaillants de carburant sont très incitatives ; crédit d'impôt sur chaque litre d'éthanol mélangé à l'essence. La promotion de l’éthanol par le gouvernement de GW Bush et tous les états (subvention de l’Alabama en l’occurrence) n’a jamais été aussi intense qu’en 2007. (Source principale[16])

[modifier] Perspectives

Les écologues et l'ONU craignent en 2004 l’émergence ou l’aggravation de ce type de problème en Asie, Amérique latine et Afrique, à cause de la croissance rapide de l’industrialisation et de l’agriculture intensive. Le réchauffement global pourrait également contribuer au phénomène via l’augmentation des précipitations, et la hausse des températures marines. Le choléra, certaines formes de botulisme ou d’autres maladies pourraient être favorisés par ce phénomène, qui par ailleurs par les émissions de CO2 et de méthane qu’il provoque contribue à l’effet de serre.

[modifier] Engagements internationaux

Conventions internationales ; Des accords géographiques (OSPAR, HELCOM) incitent à étudier ces situations, mais aussi à y remédier.

Exemples
  • Un accord sur le Rhin en Europe visait une diminution de 50 % des taux d’azote apportés en mer, mais en 2004, il n’avait été réduit que de 37 %.
    Aux États-Unis, on craint que les subventions aux agrocarburants se traduisent par une utilisation accrue d'engrais azotés et phosphatés.
  • En Europe, en 1998, l'OSPAR a adopté une stratégie de lutte contre l'eutrophisation (Numéro de référence OSPAR 1998-18), incluant l'objectif de : « combattre l'eutrophisation dans la zone maritime d'OSPAR » pour « parvenir à et maintenir un milieu marin sain où les phénomènes d'eutrophisation ne se produiront pas. » Le calendrier OSPAR, prévoyait de rétablir une situation normale avant 2010.
  • Les pays baltes sont engagés par la convention HELCOM à réduire la pollution de la mer Baltique.
  • Directives européennes : La directive-cadre sur l'eau et la directive Nitrate devraient contribuer à réduire à la source les polluants eutrophisants marins, puisqu'elles incluent dans leur champ d'action et dans leurs objectifs tant les eaux douces que salées et saumâtres avec l'objectif de retrouver un bon état écologique des eaux. L'application de la directive nitrate a été très difficile, notamment les premières années avec les critères d'établissement de zone vulnérable qui n'ont pas été respectés dans certaines régions d'agriculture intensive (Nord de la France par exemple), mais son application semble s'améliorer, avec de premiers effets visibles.

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[modifier] Notes et références

  1. Document (publié avec deux ans de retard), intégré dans le rapport GEO 3 sur l'état de la planète en 2004
  2. http://www.ospar.org/qsr/qfc4.pdf Commission OSPAR 2000 Bilan de santé 2000 (QSR, Quality Status Report, chap. IV) ; Commission OSPAR, Londres. 108 + vii pp. portant sur cinq régions de l’Atlantique du Nord-Est : Région I, eaux arctiques ; Région II, mer du Nord au sens large ; Région III, mers celtiques ; Région IV, golfe de Gascogne et côtes ibériques ; Région V, Atlantique au large. Rapport OSPAR, p 63 (Voir)
  3. Landry, C.A., S. Manning, and A.O. Cheek. 2004. Hypoxia suppresses reproduction in Gulf killifish, Fundulus grandis. e.hormone 2004 conference. Oct. 27-30. New Orleans
  4. Institut des sciences de la mer d'Austin
  5. Murphy, Thomas, et al. 2004. Modeling the effects of multiple anthropogenic and environmental stressors on Atlantic croaker populations using nested simulation models and laboratory data. Fourth SETAC World Congress, 25th Annual Meeting in North America. Nov. 14-18. Portland, Ore. Abstract.
  6. 2004( Johanning, K., et al. 2004. Assessment of molecular interaction between low oxygen and estrogen in fish cell culture. Fourth SETAC World Congress, 25th Annual Meeting in North America. Nov. 14-18. Portland, Ore. Résumé)
  7. présentation de la zone morte qui fait face au « Cap Perpetua ». Ce cas est étudiée par un consortium scientifique « PISCO » (Partnership for InterdisplinaryStudies of Coastal Oceans), avec l'aide de l’OSU, l’ODFW, le NOAA et l’université de Washington)
  8. Article du New York Times du 06 aout 2006 et Communiqué de l'État de l'Oregon du 07-26-06 (31 juillet 2007)
  9. Mee, Laurence. "Reviving Dead Zones", Scientific American, novembre 2006. Retrieved on December 9, 2006.
  10. Osterman, L.E., et al. 2004. Reconstructing an 180-yr record of natural and anthropogenic induced hypoxia from the sediments of the Louisiana Continental Shelf. Geological Society of America meeting. Nov. 7-10. Denver Résumé.
  11. Taylor, F.J., N.J. Taylor, J.R. Walsby 1985. A bloom of planktonic diatom Ceratulina pelagica off the coastal northeastern New Zealand in 1983, and its contribution to an associated mortality of fish and benthic fauna. Intertional Revue ges. Hydrobiol. 70: 773-795
  12. Morrisey, D.J. 2000. Predicting impacts and recovery of marine farm sites in Stewart Island New Zealand, from the Findlay-Watling model. Aquaculture 185: 257-271.
  13. Portail Internet du Programme de protection de l'Environnement marin contre les apports anthropiques
  14. (Pickard, G.L. and Emery, W.J. 1982. Description Physical Oceanography: An Introduction. Pergamon Press, Oxford, 249 pp.. / Voir page 47)
  15. Étude du NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) 2001, de Roger Zimmerman et James Nance
  16. Article du Bloomberg : Dead Zone Is Price Gulf Coast Pays as Farms Cash In on Ethanol
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