Zog Ier

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Ahmed Zogu ou Ahmed Bey (Ben) Zogulli (8 octobre 1895 - 9 avril 1961) est un homme politique albanais, président de l'Albanie à partir du 31 janvier 1925, puis roi sous le nom de Zog Ier ou Zogu Ier, du 1er septembre 1928 au 8 avril 1939.

Sommaire

[modifier] L'héritier

Né en Albanie centrale, le 8 octobre 1895 à Burgajet, Ahmed Zogu est le fils d’un puissant chef de clan albanais de la région du Mati. Sa mère, Sadije Toptani, descendait d’une riche famille de propriétaires terriens. Ses quatre sœurs cadettes devinrent toutes princesses royales, l'une d'elle épousa l'un des derniers représentants de la Sublime Porte.

[modifier] Jeunesse

Zogu est envoyé à Istanbul où il y fait ses études au Lycée de Galatasaray. Mais en 1911, il revient prématurément à la suite du décès de son père, auquel il doit succéder au poste de gouverneur. Durant la Guerre des Balkans, Zogu repousse les Serbes et soutient l’indépendance proclamé par Ismail Qemali.

Partisan du prince Guillaume de Wied (le nouveau souverain choisi par les grandes puissances), il combat durant la Première Guerre mondiale, au côté des Austro-Hongrois. Cependant, ces derniers le trouvent gênant… Il est vrai que Zogu profite surtout de la situation pour occuper les territoires voisins.

Pour s’en débarrasser sans se mettre à dos la famille Zogu, les Autrichiens le nomment colonel d’une petite troupe et l’envoient à Vienne. Là-bas, Zogu se fait arrêter et est retenu jusqu’à la fin de la guerre. Envoyé à Rome, il est rapatrié en Albanie en 1919.

Ahmed Zogu
Ahmed Zogu

[modifier] Ministre

L’Albanie, depuis son départ était resté une monarchie mais sans son monarque. Guillaume de Wied, parti en exil, est représenté par le Haut Conseil.

Dès son retour au pays, Zogu se lance dans la politique. En 1920, il mate une rébellion, empêchant ainsi son oncle Essad Pacha Toptani, d’accéder au trône ; cet acte lui vaut d’être nommé ministre de l’Intérieur. C’est ainsi qu’il occupera ce poste durant quatre ans.

Tout en devenant gouverneur de Shkodër de 1920-1921 il est promu général et commandant en chef de l’armée de 1921-1922. Pendant cette période, il est membre du parti dominant la vie politique du pays, le « Parti populaire ».

Ces deux années sont aussi très marquées par les moyens répressifs qu’utilise Zogu pour combattre le désordre.

[modifier] Répression

Ses méthodes extrémistes sont désapprouvées par plusieurs membres de son parti, en particulier par Mgr Fan Noli, Luigj Gurakuqi (un héros national assassiné en 1925 par les partisans de Zogu) et Avni Rustemi qui forment en opposition le « parti démocrate » de gauche-libérale.

En 1922, Zogu devient premier ministre et change de parti : il rejoint les conservateurs d’extrême droite du « parti progressif ». Ce changement de position soudain est dû à ses fiançailles avec la fille de Shefqet Verlaci, le chef du parti.

[modifier] Assassinat politique

La tension entre les deux partis est telle que, le 23 février 1924, Zogu échappe de peu à un attentat au parlement, et n'est que légèrement blessé. Peu après un scandale financier éclate, qui l’oblige finalement à démissionner le 5 mars 1924. Il est remplacé par son « futur » beau-père, Shefqet Verlaci.

Zogu, irrité, fait assassiner en représailles, le 22 avril, un député de l’opposition, Avni Rustemi. Cet acte provoque l'indignation de tous et une insurrection dirigé par Mgr Fan Noli renverse en un mois le gouvernement. Zogu et ses alliés se réfugient alors en Yougoslavie, où depuis Belgrade, ils obtiennent l’aide du gouvernement yougoslave. En effet ces derniers craignent que le gouvernement de Fan Noli sympathise avec l’URSS. Ainsi, six mois après, le 23 décembre 1924, Zogu envahit le pays et reprend le pouvoir.

Suite à ce coup d’État, la totalité de ses opposants s’exilent ou sont arrêtés.

[modifier] Présidence

Le Président Zogu
Le Président Zogu

Zogu a désormais le champ libre pour tous ses projets. Ainsi il proclame la République et est élu Président le 31 janvier 1925, pour un mandat de sept ans. Il fait voter une constitution le 7 mars 1925, lui donnant de très larges pouvoirs, commençant ainsi son règne de dictateur. En un an, il interdit les partis, arrête tout opposant au régime, instaure la censure et fait régner l’ordre à l’aide d’une solide gendarmerie.

Après avoir soudoyé les seigneurs féodaux, Zogu peut enfin se lancer dans la modernisation et l’européanisation du pays. Il abolit progressivement le servage et le port du voile, réforme l’administration, instaure l’égalité devant l’impôt et l’idée d’une nation émerge enfin chez le peuple.

[modifier] « L’aide » italienne

Malgré tout, l’Albanie a plusieurs siècles de retard à rattraper et les moyens financiers manquent. Zogu ouvre donc ses frontières aux capitaux étrangers et immédiatement l’Italie fasciste propose son aide. Cette dernière crée et finance dès mars 1925 la Banque nationale d’Albanie, accordant d’importants prêts vitaux pour le pays. Dans ces conditions, le 27 novembre 1926, Zogu signe avec Mussolini, un traité de statu quo politique et territorial donnant à l’Italie une suprématie incontestée sur l’Adriatique. Ce dernier se voyant ainsi le droit d’intervenir militairement en Albanie à la demande de Zogu.

La Yougoslavie vit en la signature de cet acte, une possibilité d’agression de la part des Italiens et se brouilla alors avec l’Albanie et l’Italie. Commence alors, entre la Yougoslavie et l’Italie, une surenchère d’alliances qui amène finalement, le 22 novembre 1927, au deuxième traité de Tirana. Ce second pacte, présenté comme un traité d’alliance offensive et défensive entre les deux pays, visait à la préparation de l'établissement d'un prochain protectorat sur l'Albanie. Zogu, réticent, se voit obligé de signer.

Le Roi Zog
Le Roi Zog

[modifier] Zog Ier, roi des Albanais

Le 1er septembre 1928, après avoir modifié la constitution, Ahmed Zogu s’autoproclame roi des Albanais sous le nom de Zog Ier, supprimant son prénom jugé trop musulman.

En devenant roi, Zog légitime son pouvoir et peut enfin se lancer sur la voie de la modernisation sans qu’aucune opposition ne se manifeste.

Ainsi, il instaure dès 1929 un code civil, un code pénal et un code commercial, éradique la féodalité et proclame l’Albanie, pays laic. Il établit le suffrage universel et développe à travers tout le pays : des infrastructures, des routes, des écoles, des hôpitaux…

En 1930, il entame aussi une réforme de l’agriculture, mais devant les réticences des grands propriétaires, principaux soutiens de Zog, cette action se solde sur un échec.

[modifier] Rupture

N’ayant plus besoin du soutien de son ancien chef de parti, Shefqet Verlaci, Zog qui était fiancé avec sa fille en profite pour rompre. Son ancien « beau-père » n’a plus qu’une idée en tête : tuer Zog. À tel point qu’en 1931, le roi échappe à un attentat à Vienne. Après cet événement, Zog s’entoure d’une garde rapprochée, évite au maximum de se montrer à la foule, et craignant d’être empoisonné, surveille étroitement les cuisines.

Dans ces conditions, le roi s'ennuie. Il passe alors ses journées à jouer au poker et à fumer des cigarettes parfumées (environ 150 par jour) ; plus de 10% du budget national servira à entretenir la cour.

[modifier] L’emprise italienne

La crise de 1929 n’épargne pas l’Albanie, et le jeune État est de plus en plus sous l’hégémonie de l’Italie. Zog, pour contrebalancer l’influence italienne, avait gardé, au grand dam de Mussolini, des officiers britanniques dans sa gendarmerie. Ce dernier, ne supportant pas cet affront, prit prétexte des intérêts non-payés en 1932 et 1933 pour exiger le renvoi des Britanniques et la nomination d'officiers italiens à leur place.

Il tente aussi d’imposer une union douanière donnant ainsi aux Italiens, le contrôle des entreprises nationales. Zog refuse, et cherche désespérément l’aide de pays voisins. Il signe alors en vitesse des traités avec la Yougoslavie et la Grèce, et nationalise dans un dernier espoir l’enseignement, dirigée en grande partie par des prêtres italiens.

Mais en vain… Le 22 juin 1934, Mussolini envoie la marine italienne faire une démonstration navale à Durres. Zog n’a plus d’autre choix que de se soumettre.

Le Duce lui fait alors signer son traité de mainmise sur l’économie albanaise par des sociétés italiennes. Le montant total des investissements italiens atteindront dès lors les 280 millions de francs-or alors que le budget albanais ne dépassera pas la barre des 28 millions. L’Albanie n’est plus qu’une colonie italienne.

[modifier] Les dernières années du roi

Zog devient petit à petit un « fantoche » mais régnant toujours en véritable despote « éclairé ». Ainsi il donne le droit de vote aux femmes en 1937. Néanmoins le contrôle italien sur le pays l’irrite et Zog renforce le caractère dictatorial de son régime, le rendant très impopulaire.

Le 27 avril 1938, Zog se marie avec Géraldine de Nagy-Apponyi, fille d’un comte hongrois et d’une Américaine. La nouvelle Reine a vingt ans de moins que le roi. Et ils n’auront qu’un fils unique, Léka Zogu, né le 5 avril 1939 à Tirana.

[modifier] L’invasion « romaine »

En mai 1938, le gendre et ministre des Affaires étrangères de Mussolini, le comte de Ciano, lui conseille vivement d’envahir l’Albanie. Cette action prévue pour le printemps 1939, aura pour but le début de la reconstruction de l’ancien empire romain. Le roi Zog « ayant eu vent » de l’affaire, s’informe auprès de l’état-major italien qui le rassure. Il est vrai que Mussolini est plutôt indécis.

Ciano, de son côté, essaie d’avoir le soutien du Premier ministre yougoslave en l’achetant, mais le prince Paul, régent du jeune Pierre II, apprend la nouvelle et le renvoie le 4 février 1939. Le roi Zog est maintenant persuadé du sort qui l’attend. Et le 25 mars 1939, Mussolini envoie un ultimatum. Le souverain, abandonné par l'élite politique du pays, tente alors de gagner du temps avec une contre-proposition qui ne sera même pas examinée. Et sans qu’aucune intervention internationale, ni même de la part de la SDN, ne se fasse, l’Albanie qui ne comportait qu’une armée de 4500 soldats, est envahie par 40 000 soldats italiens le 7 avril 1939.

Ces derniers furent d'abord acclamés par le peuple comme les libérateurs d’un despote qui régna durant quatorze ans. Mais peu à peu le roi commença à être regretté. Il avait cherché à faire de l'Albanie un pays moderne, occidental mais son caractère ne lui permit pas d'envisager une résistance aux Italiens autrement qu'en jouant la carte de la dureté transformant ses velléités démocratiques en un diktat autocrate pourtant bien répandu à l'époque et notamment dans les Balkans. Contraint à l'exil, il laisse un pays en voie de modernisation, avec des hôpitaux, des écoles, des ateliers, des hospices, des routes praticables, la laïcité et l'égalité des femmes avec les hommes.

[modifier] L'exil

L’invasion de l'Albanie cinq mois avant la Seconde Guerre mondiale oblige Zog à s'exiler. Il s’enfuit donc avec toute sa famille en Grèce puis voyage à travers l’Europe essayant d’échapper aux forces de l’Axe. Il s’installe finalement en Angleterre où il forme un gouvernement en exil.

Fin 1944, l’Albanie est libérée par les communistes qui refusent son retour au pays. Il quitte donc l’Angleterre pour l’Égypte où il espère trouver un soutien des souverains musulmans, en vain. En 1951, il achète un manoir à New York où il veut y installer sa cour de 115 membres ; mais il n’obtiendra que vingt visas et y renonce.

Un vague espoir apparaît en avril 1952. La CIA souhaitant se débarrasser du régime communiste albanais, prévoit un plan visant à remettre sur le trône Zog. L’opération, suite à une fuite, est un véritable désastre et l’affaire sera étouffée. Zog se retire alors sur la Côte d'Azur, où il y vit, ruiné et fatigué. Il meurt le 9 avril 1961, à l’hôpital de Suresnes. Bon nombre d'Albanais, dans le pays mais aussi partout en Europe et en Amérique, souhaitent le retour des cendres du souverain à Tirana[réf. nécessaire]. De plus en plus de réclamations se font dans ce sens. Zogu est inhumé dans le cimetière parisien de Thiais.

[modifier] Anecdote

En 1939, Hergé dessine une nouvelle aventure de Tintin, Le sceptre d’Ottokar. Cette bande dessinée a pour cadre deux pays balkaniques imaginaires, la Syldavie et la Bordurie. Pour dessiner le roi syldave, Hergé s’inspire de Zog et des Balkans.

[modifier] Bibliographie

  • L'Aigle des Balkans. Zog Ier, Roi D'Albanie. Biographie romancée du Roi Zog, de Jean-Luc Tourenne, Paris, Ed. Sensei, 2002, (ISBN 2-8483-8000-4)
  • Géraldine, reine des Albanais. Biographie de l'épouse du Roi Zog, de Joséphine Dédet, Paris, Ed. Critérion, 2002, (ISBN 2-7413-0148-4)
  • Albania in the Twentieth Century, A Historia: Volume I : Albania and King Zog, Independence, Republic and Monarchy, 1908-39 par Owen Pearson, London, Centre for Albanian Studies in association with I.B Tauris Publishers, 2006, (ISBN 1-84511013-7 )

[modifier] Notes et références