Yves Dandonneau

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L'affaire Yves Dandonneau est une histoire d'escroquerie à l'assurance-vie, qui a eu lieu le soir du 6 juin 1987 au lieu-dit Le Col de l'Homme Mort, dans l'Hérault. Elle pourrait être le sujet d'un roman policier, tant elle paraît invraisemblable.

Sommaire

[modifier] Les faits

Ce soir-là, sur le chemin vers Seille, circule une Austin Metro rouge. A l'intérieur se trouvent Daniel Blouard, le conducteur, et son ami Yves Dandonneau. Soudain, l'Austin percute un rocher sur le bas-côté et s'immobilise sur la droite. Blouard est indemne et marche de longues minutes dans l'obscurité afin de trouver du secours pour venir en aide son ami, blessé et resté dans la voiture, et tombe sur une maison habitée. Les secours sont appelés et arrivent peu de temps après. En attendant, Blouard paraît tendu et ne cesse de répéter qu'il craint que la voiture ne prenne feu. Effectivement, lorsque les pompiers se rendent sur place, la voiture est en flammes. Ceux-ci s'attaquent au feu et découvrent un tronc humain, celui de Dandonneau, complètement carbonisé.

Après constatation du décès et la réalisation du certificat de ce décès par un médecin, Marie-Thérèse Héraut, la compagne de Dandonneau, et Danièle Simonin, la secrétaire de ce dernier, viennent reconnaître le corps, qui sera incinéré selon la volonté du défunt, rapportée par Héraut. Très "prudent", Dandonneau avait contracté, quelques mois auparavant, huit assurances-vie, toutes au bénéfice de sa compagne, pour un total de 11.900.000 FF (1.800.000 €).

[modifier] L'enquête

Les premières constatations font état d'un "accident mortel", mentionné dans le rapport des gendarmes. La cause de l'incendie serait un court-circuit des phares.

Blouard est interrogé le lendemain, suite à son entrée aux urgences de l'hôpital, la veille. Il raconte les raisons qui les ont amenés, lui et Dandonneau, à circuler sur ce chemin sinueux et avec peu de visibilité, et conclut qu'il s'agit d'un banal accident de la route. Les gendarmes ne vérifient pas les dires et se contentent de cette déposition, et ce malgré un élément plutôt étrange : Blouard était infirmier, et il est curieux qu'il ait laissé son ami inconscient dans une voiture qui risquait de prendre feu. Les gendarmes demandent à un garagiste de mettre la carcasse de la voiture à l'abri pour expertise, car, à y regarder de plus près, l'accident comporte quelques bizarreries, confirmées par le garagiste. Une des compagnies d'assurance dépêche un agent sur place afin de faire constater l'accident, suite à certains doutes. Il apparaît que, sans l'intervention de cet homme, il n'y aurait pas eu d'affaire Dandonneau. Les gendarmes acceptent de lui faire lire le rapport d'accident, puis il mène sa propre enquête sur l'épave de la voiture et le lieu de l'accident. Il relève les éléments suivants :

  • la voiture roulait en seconde, ce qui implique que la vitesse était basse (la vitesse basse a été confirmée par Blouard dans sa déposition)
  • il n'y a qu'un seul obstacle sur le chemin, et le conducteur l'a percuté (manque de chance ?)
  • la voiture est entièrement calcinée, il ne reste plus que l'ossature métallique, ainsi que des os, calcinés eux aussi

Les autres compagnies envoient elles-aussi quelqu'un pour expertiser l'accident. L'une d'elles, Gan Assurances, flairant l'arnaque, décide d'engager une procédure par le biais de son avocat. Un expert de l'ALFA (brigade anti-fraudes) est envoyé sur place. Il y relève d'autres éléments étranges :

  • le chemin est en ligne droite, le rocher est disposé de telle manière qu'à moins de se "jeter dessus", il parait impensable qu'un conducteur normalement constitué ne puisse pas l'éviter
  • aucune trace de freinage n'est présente
  • il existe une route bien dégagée et beaucoup plus facile d'accès que le chemin qu'ils ont emprunté

Les diverses expertises vont porter leur fruit, et le 18 novembre 1987, les gendarmes ouvrent une enquête sur ce qui se révèlera être l'affaire Dandonneau. Deux jours plus tard, deux femmes et un homme à l'air louche se présentent à la Poste du 15e arrondissement de Paris et désirent retirer 1.800.000 FF (275.000 €) en espèces. A la sortie du bureau de Poste, les trois individus se font interpeller par les gendarmes, alertés par les employés de la Poste : il s'agit de Marie-Thérèse Héraut, compagne de Dandonneau, Danièle Simonin, la secrétaire de Dandonneau, et le mari de cette dernière. Afin de mieux les pister, ceux-ci sont relachés et la nouvelle juge d'instruction ordonne une nouvelle expertise de la voiture, six mois après les faits. Les résultats confirment l'écartement de la thèse de l'accident, car ils montrent que la température est montée très rapidement dans le véhicule : des traces de plomb sont retrouvées dans l'habitacle, ce qui signifie qu'on a aspergé la voiture d'essence. D'autre part, des restes d'os sont retrouvés et une partie de mâchoire est reconstituée, puis comparée avec les radiologies dentaires de Dandonneau. Les experts en sont désormais certains : Dandonneau n'est pas le mort brûlé dans l'Austin, et ce que l'on pensait être une escroquerie se transforme en assassinat.

Parallèlement, la compagne de Dandonneau reçoit la visite de l'assureur de la voiture, qui visiblement, n'est au courant de rien. Elle lui confie qu'elle et son compagnon projetaient d'acheter un catamaran. Ancien policier, l'assureur mêne sa propre enquête et retrouve l'armateur. En l'interrogeant, il apprend que 4 personnes venaient souvent en visite ces derniers temps, dont un certain Bernard Depenne, en réalité Yves Dandonneau qui s'est fait refaire le visage et a changé d'identité. Les gendarmes se rendent chez l'armurier avec des photos de Dandonneau, qui le reconnaît formellement : Dandonneau est donc bien vivant.

Des mises sur écoute permettent de localiser la maison de "Bernard Depenne", et un matin, les gendarmes procèdent à son interpellation au domicile. Dandonneau, réfugié dans la salle de bain, tente de se faire passer pour Depenne, puis pour un certain François Meunier, mais voyant qu'il était acculé, abdique, et dénonce ses complices en région parisienne. En quelques heures, tout le monde est sous les verrous.

[modifier] Une escroquerie finement montée

Une nuit, Dandonneau confie à sa compagne qu'il a contracté des assurances-vie et qu'il souhaite procéder à une grande escroquerie en se faisant passer pour mort, et en substituant le cadavre d'une autre personne à la place du sien. Pour cela, il s'entoure de :

  • sa compagne et sa secrétaire, qui seront chargées d'encaisser les assurances-vie
  • Daniel Blouard, infirmier dépressif en proie à des problèmes divers ; la première idée était de subtiliser un cadavre dans l'hôpital où il travaillait, mais il y renonce
  • François Meunier, un ex-cuisinier qu'il appâte par l'argent : il devra lui trouver un SDF afin qu'il prenne sa place dans l'accident ; il trouve la victime dans un bar de Sarcelles, un dénommé Joël

La veille de l'accident, Dandonneau et Blouard emmènent Joël en ballade, lui faisant croire qu'ils iront sur la tombe de Georges Brassens, son chanteur préféré. Arrêtés à une station, les deux hommes tentent de droguer Joël : vin, bière, médicaments, mais rien n'y fait. Le lendemain, ils l'emmènent en pique-nique, durant lequel ils augmentent les doses de médicaments. Joël sombre dans un coma éthylique, les deux compères se paient un repas dans un restaurant. A leur retour, Joël est semble-t-il déjà mort. Ils l'attachent dans la voiture, la précipitent contre un rocher, l'arrosent d'essence et y mettent le feu. La compagne de Dandonneau n'avait plus qu'à identifier le corps grâce à un morceau de tissu retrouvé dans le véhicule et encaisser l'argent.

[modifier] L'heure des comptes

Le procès de l'affaire Dandonneau s'ouvre le 30 juin 1992 devant les assises de Montpellier. Les parties sont :

  • l'accusation : les compagnies d'assurance et Geneviève Kontz, dernière compagne en date de Joël (si elle n'avait pas été présente, Joël n'aurait pas été représenté)
  • la défense : Yves Dandonneau, Daniel Blouard, Marie-Thérèse Héraut, François Meunier, Danièle Simonin

Au deuxième jour du procès, le président des assises fait la une de la presse : il s'est livré à diverses interviews. Dans un journal, la phrase suivante apparaît : "Il (Dandonneau) percevait un salaire de 20.000 à 70.000 FF par mois. Il a choisi le pire dans une machination diabolique. La justice humaine va passer par là." Les avocats de la défense crient au scandale et dénoncent le manque d'impartialité du président. Ce dernier, la mort dans l'âme, se voit obligé de renvoyer l'affaire.

Le procès reprend trois mois plus tard, avec un nouveau président. La principale difficulté est de savoir qui de Dandonneau ou de Blouard est l'assassin de Joël.

Les peines sont les suivantes :

  • 20 ans de réclusion criminelle pour Yves Dandonneau, évitant la perpétuité, peut-être à cause de son enfance difficile, peut-être parce que l'on ignore s'il est l'assassin de Joël
  • 14 ans de réclusion criminelle pour Daniel Blouard ; il bénéficie du même doute que pour Dandonneau, mais il est allé jusqu'au crime, sans y être forcé par qui que ce soit
  • 9 ans de prison pour François Meunier, qui, il le jure, ignorait le sort réservé à Joël, mais n'a rien fait pour empêcher Dandonneau une fois au courant
  • 4 ans avec sursis pour chacune des deux femmes, accusées uniquement de complicité d'escroquerie

[modifier] Anecdotes

  • Au cours du procès, l'avocat de Geneviève Kontz a centré sa plaidoirie sur la vie de Joël, étant chargé de raconter quel homme extraordinaire il a été, et il termina par un morceau de la Chanson pour l'Auvergnat de Georges Brassens.
  • Geneviève Kontz a tenu que les accusés ne soient pas trop sévèrement punis, car Joël vivait comme un marginal, et il détestait les forces de l'ordre et la justice.
  • Avec les jeux des remises de peine, Yves Dandonneau est libre depuis 2001. Arrêté en 1988, il aura passé 13 ans derrière les barreaux.

[modifier] Voir aussi

Faites entrer l'accusé