Utilisateur:Xhienne

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.


« Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites,
mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire
 »

Cette phrase que l'on prête à Voltaire, un autre encyclopédiste, reflète bien la façon dont j'avais interprété le mot libre dans « Wikipédia, l'encyclopédie libre », phrase que l'on lit partout. Ce sentiment était conforté par l'un des principes fondateurs de Wikipédia : la neutralité de point de vue, voulant que tous les points de vue soient représentés, et non seulement celui de la majorité.

« Libre » ne signifiait évidemment pas pour moi que chacun pouvait écrire ce qu'il voulait mais évoquait plutôt une notion d'indépendance vis à vis d'une quelconque autorité ou lobby et signifiait qu'un sujet peu traité, pour quelque raison que ce soit (censure, mépris, indifférence, oubli, etc.), aurait sa place ici, nonobstant le rejet d'une majorité bien pensante.

Grave contre-sens ! Comme actuellement précisé en haut de la page d'accueil, libre ne signifie que « librement redistribuable » et fait donc allusion à un (très louable) modèle de redistribution (GFDL) plutôt qu'à une (encore plus louable) indépendance éditoriale.

Le fait est que, face aux abus de toute part, les règles qui président à la publication se durcissent au fur et à mesure des exceptions qui déplaisent. Au départ on demandait à des articles scientifiques de présenter des références extérieures afin de ne pas passer pour un travail inédit. Ça n'a pas suffi et on a exigé plus : la publication dans des revues à comité de lecture. Mais malgré cela, il reste encore des articles qui dérangent, alors on envisage d'être plus sévère : des publications dans des revues à haut facteur d'impact, telles Nature ou Science. La couleur est clairement affichée : il faut que le travail soit « reconnu comme "intéressant" par la communauté scientifique ».

À première vue, tout cela peut sembler sensé mais le raisonnement est douteux et ses conséquences m'inquiètent. Ces mêmes critères qui permettent de ne plus se gratter la tête pour effacer des articles dérangeants ont leur double tranchant : malgré des recherches sérieuses, les théories valides mais minoritaires, les phénomènes rares, les maladies orphelines n'auront bientôt plus leur place car non considérés par la science officielle. Peu à peu Wikipédia fait le jeu des puissants et devient lisse. Est-ce vraiment là l'esprit des débuts ?

Pire, les adversaires d'une théorie, d'une idée ou d'une personne ont une arme de choix : le retrait pour cause de confidentialité, avec tout l'arbitraire qu'un tel argument comporte. Si ce n'est pas cité dans Nature, ou si ce n'est pas dans Google, on demande la suppression. Et on l'obtient ! Même des articles qui satisfont aux critères de sourçabilité, de vérifiabilité et de publication préalable dans des revues à comité de lecture finissent par être supprimés manu militari, tombant sous le coup de la non-notoriété. Bref, dans le doute, on n'essaie même plus de rectifier l'article, on efface sans considération pour les heures de travail qu'il a fallu pour le rédiger.

Avec de telles méthodes, si Wikipedia avait existé il y a 40 ans, Hannes Alfvén et ses théories n'auraient fait l'objet d'aucun article jusqu'à ce que la communauté wikipédienne découvre avec embarras qu'on lui attribue un prix Nobel. Je cite les propos d'Hannes Alfvén :

«  When I describe the [plasma phenomena] according to this formulism most referees do not understand what I say and turn down my papers. With the referee system which rules US science today, this means that my papers are rarely accepted by the leading US journals.  »

Si une théorie qui a été publiée sur une revue à comité de lecture ne mérite pas un article, comme c'est le cas aujourd'hui, j'ose à peine imaginer le jour où des africains voudront déposer dans cette encyclopédie une culture ancestrale transmise essentiellement oralement. Ils risquent de passer plus de temps à se battre pour le maintien de l'article qu'à sa rédaction proprement dite.

Alors, si comme moi il y a ici une atmosphère qui vous dérange, prenez l'air et jetez un œil à d'autres projets wikimedia plus respecteux du travail d'autrui : le wiktionnaire, wikilivres ou plus simplement la version anglophone de Wikipedia qui fait la part plus belle aux idées alternatives. Ça vient sans doute du fait qu'il y a là-bas un gars qui a du bon sens ET qui est influent ; un gars qui a dit un jour :

«  I consider it a moral imperative for our overall mission that we will not bend our principles of freedom, of the freedom of speech, of a commitment to inclusiveness and neutrality, to meet any possible demands of any government anywhere. We are a _free_ encyclopedia, with all that entails.  »

... ce qui finalement me semble pas mal rejoindre l'idée que je me faisais du mot « libre » au sens d'indépendance éditoriale. Dommage que les français parlent si mal anglais. — Xavier, 20 octobre 2006 à 03:54 (CEST)