Uranium appauvri

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Batteries de centrifugeuses utilisées pour l’enrichissement de l’uranium.
Batteries de centrifugeuses utilisées pour l’enrichissement de l’uranium.

L’uranium appauvri est de l’uranium dont la composition isotopique comporte une faible abondance des isotopes légers, comprise entre 0,2 et 0,4 % de 235U (l'uranium naturel a une teneur de 0,7204 % en 235U). C’est un sous-produit des usines d’enrichissement de l'uranium et des centres de traitement du combustible usé.

Sommaire

[modifier] Propriétés

Les propriétés chimiques (en particulier la toxicité chimique) ne changent pas avec la composition isotopique.

[modifier] Activité radioactive

L’activité radioactive de l’uranium appauvri est inférieure à celle de l’uranium naturel, en raison de la moindre proportion d’isotopes légers 234U et 235U, dont la période radioactive est plus courte que celle de l’isotope 238U. Elle est en moyenne de 1,48·107 Bq/kg (dépendant de la teneur isotopique) ; celle de l'uranium naturel est de 2,54·107 Bq/kg (à titre de comparaison, la radioactivité naturelle normale d'un corps humain est d'environ 8 000 Bq et celle de la terre est de 500 à 5 000 Bq/kg). Tous les isotopes de l'uranium se désintègrent suivant un canal de désintégration α.

L’uranium naturel est relativement répandu dans l’écorce terrestre, notamment dans les terrains granitiques et sédimentaires. La concentration d’uranium dans ces roches est de l’ordre de 3 g/tonne.

Série de désintégration de l'uranium 238.
Série de désintégration de l'uranium 238.

La série de désintégration de l'238U montre la chaîne des désintégrations successives qu'un tel isotope va subir pour se transformer, avec le temps, en un élément stable, le plomb 206Pb. Chaque désintégration transforme l'isotope en un nouvel élément et voit l'émission d'une particule alpha (un noyau d'hélium) ou bêta (un électron).

[modifier] Production

L’usine d’enrichissement (en amont de la centrale nucléaire - pas de photo) reçoit de l’uranium (U3O8) en provenance de la mine d’uranium (1) ou bien d’une usine de traitement (4).
L’usine d’enrichissement (en amont de la centrale nucléaire - pas de photo) reçoit de l’uranium (U3O8) en provenance de la mine d’uranium (1) ou bien d’une usine de traitement (4).

L’uranium appauvri est un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium, en partant soit de l’uranium naturel, soit d’uranium irradié dans un réacteur nucléaire. Notamment, la proportion d’235U dans l’uranium contenu dans le combustible irradié de réacteurs à eau pressurisée reste encore très supérieure à celle de l’uranium naturel et il est économiquement intéressant de traiter ce combustible pour séparer, puis enrichir cet uranium « irradié ».

Inventaire mondial de l'uranium appauvri

Pays Organisation Stocks d'UA (tonnes) Date
É.-U. DOE 480 000 2002
Russie FAEA 460 000 1996
France Areva NC 190 000 2001
Royaume-Uni BNFL 30 000 2001
Allemagne URENCO 16 000 1999
Japon JNFL 10 000 2001
Chine CNNC 2 000 2000
Corée du Sud KAERI 200 2002
Afrique du Sud NECSA 73 2001
TOTAL 1 188 273 '
Source {en}: Projet WISE-Uranium

[modifier] Utilisation

L’uranium appauvri est à présent employé pour la quasi totalité des utilisations non nucléaires de l’uranium car ses propriétés physiques sont très voisines de celles de l’uranium naturel.

La masse volumique élevée (19 050 kg/m³) de l’uranium appauvri et son coût relativement peu élevé le font préférer aux autres métaux de densité voisine (iridium 22 650 kg/m³ ; osmium 22 610 kg/m³ ; platine 21 090 kg/m³ ; rhénium 21 020  kg/m³ ; or, 19 300 kg/m³ ; tungstène 19 250 kg/m³) pour certaines applications, malgré sa toxicité.

Il est également pyrophorique.

Parmi les principales applications:

  • lest pour quilles de bateaux de compétition;
  • blindages (pour les chars Abrams notamment);
  • composant de projectiles d'armes de guerre.

Autrefois, l’uranium servait de contrepoids dans les parties mobiles de la queue et des ailes d'avions, avant d'être supplanté dans cet usage dans les années 1980 par le tungstène.

[modifier] Actions des munitions à l'uranium appauvri

Obus perforant américain M829 ; la flèche (en blanc) est composée d’un alliage d’uranium.
Obus perforant américain M829 ; la flèche (en blanc) est composée d’un alliage d’uranium.

[modifier] Action mécanique

La densité élevée de l'uranium en fait un matériau de fabrication d’obus antichar, et notamment dans les « obus-flèches » utilisés lors de la première guerre du Golfe, la guerre du Kosovo ainsi que durant les premières phases de la Guerre en Irak (2003-2005).

Dans le cas d'un obus d’artillerie le « pénétrateur » est une barre filetée longue d'environ 25 cm, composée d'uranium appauvri, sans explosif et à la vitesse initiale élevée (de l'ordre de 1500 mètres par seconde). Lors de l'impact son énergie cinétique est dissipée sur une surface d'environ 40 mm, ce qui le pulvérise en ménageant un trou dans le blindage.

Certaines bombes anti-bunker sont soupçonnées d'utiliser des pénétrateurs à uranium appauvri[1].

[modifier] Action explosive

Le gaz formé explose, détruisant l'objectif et tuant leurs occupants éventuels.

[modifier] Action chimique

Les métaux lourds empoisonnent l'air.

[modifier] Action radioactive

Selon ses opposants, l'uranium appauvri est le cheval de Troie de la guerre nucléaire : il continue d'irradier et de tuer après les combats. Il est impossible de s'en débarrasser, et agit ainsi comme une bombe radiologique. Il se désintègre après 14 réactions successives en plomb 206Pb qui est stable.

Après la campagne du Kosovo en 1999, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a réclamé l’interdiction de la fabrication, des essais, de l'utilisation et de la vente d'armes à l’uranium appauvri afin de préserver les générations présentes et futures (Conseil de l’Europe 24/01/2001).

En outre, la directive 96/29/Euratom[3] dispose que tout produit dépassant une concentration de 10.000 becquerels par kilogramme doit être confiné. Or, bien que l'uranium appauvri ait une concentration 4000 fois supérieure à cette limite, il est toujours disséminé dans l'environnement par le biais de ces munitions.

Aux termes de la loi fédérale américaine, titre 50, chapitre 40, article 2302, les armes à uranium appauvri correspondent à la définition des armes de destruction massive pour deux de leurs trois critères.

[modifier] Corrélation avec le « syndrome de la guerre du Golfe »

Le rôle qu'a joué l’uranium appauvri dans le syndrome de la guerre du Golfe est sujet à polémique. Les différentes études faites à ce jour montrent des résultats contradictoires.

Un rapport écrit par un ingénieur pétrochimique irlandais, fait état d’une augmentation du taux de décès pour 1000 enfants irakiens de moins de 5 ans, qui passe de 2,4 en 1989 à 16,6 en 1993 et de cas de leucémies qui ont plus que quadruplé dans les régions où des projectiles contenant de l’uranium appauvri ont été utilisés. Même si la famine et le manque de médicaments liés à l’embargo imposé par le conseil de sécurité de l’ONU sont des facteurs d’augmentation de la mortalité infantile, cela n’expliquerait pas les leucémies.

Le docteur Richard Guthrie, expert en armement chimique à l’Université de Sussex au Royaume-Uni, argue que la preuve du lien entre l’utilisation d’uranium appauvri et les maladies natales ne peut être établie. Le gaz moutarde, utilisé par l’armée irakienne durant la guerre avec l’Iran, pourrait en être la cause. L’ypérite est également connue pour provoquer des cancers, des leucémies, et des malformations chez les nouveau-nés, même après une courte exposition. Les enfants des résidents d’Halabja, ainsi que ceux des vétérans iraniens de la guerre Iran-Irak, ont développé des cancers et des malformations natales. Ce second groupe n’a pas été exposé à l’uranium appauvri, mais souffre de ces maladies. Ce rapport ne prend pas en compte les vétérans des différentes guerres où l’uranium appauvri a été utilisé, et qui n’ont pas été exposés au gaz moutarde.

Une étude du journal de médecine New England Journal of Medicine, qui porte sur 34 000 bébés de vétérans de la guerre du Golfe[2], ainsi que le département chargé des vétérans Department of Veterans Affairs[3] n’ont trouvé aucune augmentation des risques de malformations du nouveau-né parmi les enfants engendrés par un vétéran de la guerre du Golfe.

Le centre de recherche médicale sur l’uranium (Uranium Medical Research Centre) aux États-Unis d'Amérique et Canada a publié une étude sur 27 vétérans de la guerre du Golfe[4] affichant les symptômes typiques du syndrome de la guerre du Golfe. Seuls ceux qui avaient des fragments d’uranium appauvri logés dans le corps avaient des traces d’uranium appauvri dans l’urine. L’étude du département des affaires des vétérans conclue que, pour cet échantillon, les vétérans qui avaient de l’uranium appauvri dans le corps ne présentaient pas de déficience des fonctions reproductrices et rénales.

L'uranium précipite rapidement dans l'air, ce qui limite en théorie l'étendue possible d'une contamination par des particules d'uranium. Certaines études controversées suggèrent que l'uranium serait plus volatile qu'il n'est généralement accepté[5].

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. [1][2]
  2. Étude portant sur 34 000 bébés de vétérans de la guerre du Golfe
  3. Étude réalisée par le département chargé des vétérans
  4. Étude réalisée par le centre de recherche médicale sur l’uranium (document PDF)
  5. Rapport des docteurs Chris Busby et Saoirse Morgan (en anglais) - janvier 2006