Tyrrell P34

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La Tyrrell P34
La Tyrrell P34

La Tyrrell P34, également désignée sous le nom de Tyrrell six roues est une monoplace de Formule 1 engagée par l'écurie britannique Tyrrell Racing en championnat du monde de Formule 1 en 1976 et 1977. Unique modèle à six roues à avoir couru en championnat, même si d'autres écuries firent rouler des prototypes en essais privés, la P34 a connu son unique heure de gloire à l'occasion du GP de Suède 1976 lorsque ses pilotes Jody Scheckter et Patrick Depailler réalisèrent un doublé.

Sommaire

[modifier] Historique

La Tyrrell P34 a été conçue par l'ingénieur britannique Derek Gardner, créateur des monoplaces de l'écurie Tyrrell depuis que l'écurie a acquis le statut de constructeur en 1970. Il lance courant 1975 le projet d'une monoplace à six roues, concept auquel il réfléchit depuis plusieurs années. En troquant les deux roues avant pour 4 roulettes directrices d'un diamètre de 10 pouces soit 25,4 centimètres (contre 13 pouces pour la concurrence), il espère augmenter la surface de contact des pneus avec le sol et donc l'adhérence en courbe tout en diminuant la surface frontale de résistance à l'air. Suivant la codification traditionnelle des Tyrrell, la nouvelle monoplace aurait du recevoir le nom de Tyrrell 008 mais elle conservera définitivement le nom de code temporaire de Tyrrell P34 que lui avait donné Gardner (P34 pour Project 34 puisque c'était son 34e projet technique)

[modifier] 1976: première saison encourageante

Jody Scheckter sur la P34 au GP d'Allemagne 1976. A noter l'apparition sur le cockpit de vitres en plexiglas afin de permettre aux pilotes de voir leurs roues.
Jody Scheckter sur la P34 au GP d'Allemagne 1976. A noter l'apparition sur le cockpit de vitres en plexiglas afin de permettre aux pilotes de voir leurs roues.

Les essais privés réalisés fin 1975 puis début 1976 s'étant avérés concluants, l'écurie lance la P34 en compétition en 1976. Elle fait son apparition à l'occasion du Grand Prix d'Espagne, quatrième manche de la saison, aux mains du pilote français Patrick Depailler, (son équipier Jody Scheckter ne recevant la sienne qu'au Grand Prix suivant en Belgique), qui est contraint à l'abandon non sans s'être préalablement qualifié à une belle troisième place. Même si les pilotes se plaignent d'un problème récurrent de sous-virage, la voiture peinant à s'inscrire dans les courbes, le potentiel de la P34 se confirme lors des courses suivantes : en Belgique, Scheckter se classe 4e, puis à Monaco, Scheckter et Depailler entourent le vainqueur Niki Lauda sur le podium. Le succès intervient de la plus éclatante des manières au Grand Prix de Suède, pour la quatrième sortie de la P34, qui se révèle particulièrement à l'aise dans les grandes courbes d'Anderstorp : parti de la pole position, Scheckter remporte la course tandis que Depailler assure le doublé. Malgré un bon niveau de performance (six autres podiums suivront durant la suite de la saison), les pilotes Tyrrell ne rééditeront pas leur exploit et sont le plus souvent dominés par Ferrari et McLaren. En permettant à l'écurie Tyrrell de se classer à la 3e place du championnat du monde des constructeurs, et à ses pilotes de terminer respectivement 3e et 4e du championnat des pilotes, la P34 peut être considérée comme une semi-réussite ou un semi-échec : elle s'est régulièrement montrée à la hauteur des meilleurs voitures du plateau mais il ne s'agit pas non plus de la révolution tant attendue par l'équipe. Plusieurs défauts ont affecté sa compétitivité, notamment un manque de finesse aérodynamique et donc une vitesse de pointe insuffisante en ligne droite. Le double système de freinage rendu nécessaire par le double train avant a également était source de plusieurs soucis.

Du côté des pilotes, les avis sont partagés : Depailler reste enthousiasmé par le concept mais son coéquipier Scheckter, malgré sa victoire en Suède, pense que Tyrrell s'est engagé dans une voie sans issue et ne croit pas en l'avenir de la "six roues". Ce sentiment motive d'ailleurs en partie son départ en fin de saison en direction du Walter Wolf Racing.

[modifier] 1977: deuxième saison ratée

La Tyrrell P34, dans sa version de 1977.
La Tyrrell P34, dans sa version de 1977.

Pour la saison 1977, Tyrrell sort une version évoluée de la P34, baptisée P34-B, qui se distingue par une aérodynamique profondément remaniée et de nouvelles couleurs, conséquence de la signature d'un partenariat entre Tyrrell et la First National City Bank. Censée confirmer les promesses de la saison précédente, elle va s'avérer être un retentissant échec et donner raison à Scheckter. Mauvaise répartition des masses, mauvais travail des pneus (Goodyear n'a fait pas évoluer de manière spécifique les petits pneus avants, dont le comportement n'est plus en adéquation avec celui des pneus arrières) sans compter un moteur Cosworth à la fiabilité douteuse, tout est réuni pour une saison catastrophique. Du côté des pilotes, si Depailler fait ce qu'il peut pour sauver l'équipe du naufrage et continue à pleinement s'impliquer dans le développement de la voiture, son nouvel équipier, le pourtant très réputé Ronnie Peterson, peine à se montrer à son meilleur niveau et semble le plus souvent décontenancé par le comportement particulier de sa monture. Les deux hommes parviennent finalement à décrocher quatre podiums (trois pour Depailler, un pour Peterson) mais l'écurie recule à la sixième place dans la hiérarchie des constructeurs.

En fin d'année, Tyrrell annonce renoncer au concept de F1 six roues, choix motivé en partie par un constat d'échec à l'issue de deux années globalement décevantes, mais aussi par la volonté de Goodyear de ne plus concevoir des pneus aux dimensions spéciales pour la seule écurie Tyrrell. Quant à Derek Gardner, comme il l'avait annoncé en cours d'année, il quitte le sport automobile en fin de saison, laissant le soin à son remplaçant Maurice Philippe de concevoir la Tyrrell 008 appelée à disputer le championnat du monde 1978.

[modifier] Résultats

[modifier] Autres F1 à six roues

Dans la foulée des débuts prometteurs de la Tyrrell P34, deux autres équipes (March et Ferrari) lancèrent des projets de monoplace à six roues. Quelques années plus tard, Williams s'y essaya à son tour.

La March 2-4-0
La March 2-4-0

Le deuxième projet à se concrétiser fut la March 2-4-0, conçue fin 1976 par Robin Herd sur la base d'une March 761. Contrairement à la Tyrrell, les deux roues supplémentaires étaient placées à l'arrière, faisant de la 2-4-0 une voiture à quatre roues motrices. Les six roues étant de même taille, March s'évitait l'emploi de pneus spéciaux, une des contraintes qui précipita la fin de la Tyrrell P34. En proie à d'importances difficultés financières, March ne fut jamais en mesure de développer cette voiture qui participa à quelques séances de démonstration (au cours desquelles, en raison d'insolubles problèmes de transmission, seules deux des six roues étaient véritablement motrices) et même aux essais libres du GP de Brésil 1977 sous le nom de code classique de March 771, avec Ian Scheckter au volant. Certains estiment d'ailleurs que cette "six roues" n'était rien d'autre qu'un coup marketing monté par le rusé président de March (Max Mosley) afin d'attirer des commanditaires.

En 1977, Ferrari se lança à son tour dans la conception d'une six roues. Comme la March, la Ferrari 312T6 avait quatre roues à l'arrière, à cette importante différence près qu'elles étaient montées sur un même axe, à la manière de certaines Auto Union d'avant-guerre. Testée à Fiorano au cours de l'été 1977 par Niki Lauda et Carlos Reutemann, elle n'apporta guère satisfaction et le projet fut enterré.
Peu de temps après, Ferrari laissa filtrer dans la presse un projet de monoplace de Formule 1 à huit roues baptisé 312T8 (un concept qui n'était pas dérivé de la T6 puisque de manière plus classique, les huit roues étaient placées sur quatre axes différents, deux à l'avant, deux à l'arrière). Le projet ne dépassa pas le stade du croquis et était à mi-chemin entre le gag et l'exercice de style destiné à stimuler l'imagination des ingénieurs.

Dans le courant de la saison 1982, l'écurie Williams lança la FW08D. Cette monoplace reprenait le même concept que la March 2-4-0, (quatre roues motrices arrière). Le pilote titulaire Keke Rosberg ainsi que le pilote essayeur Jonathan Palmer réalisèrent quelques tests durant l'année mais le développement de la voiture fut arrêtée lorsque la FIA décida d'interdire les F1 à 4 roues motrices à compter de la saison 1983. La FIA enfoncera le clou peu de temps après en stipulant qu'une F1 a obligatoirement quatre roues, dont seulement deux sont motrices et deux directrices.