Tour de Babel

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Babel.

La tour de Babel, dont la première mention fut faite par les Sumériens était, selon la Genèse, une tour que souhaitaient construire les hommes pour atteindre le ciel. Descendants de Noé, ils représentaient donc l'humanité entière et étaient censés tous parler la même et unique langue sur Terre, une et une seule langue adamique. Pour contrecarrer leur projet qu'il jugeait plein d'orgueil, Dieu multiplia les langues afin que les hommes ne se comprennent plus. Ainsi la construction ne put plus avancer, elle s'arrêta, et les hommes se dispersèrent sur la terre.

Cette histoire est parfois vue comme une tentative de réponse des hommes au mystère apparent de l'existence de plusieurs langues, mais est aussi le véhicule d'un enseignement d'ordre moral : elle illustre les dangers de vouloir se placer à l'égal de Dieu, de le défier par notre recherche de la connaissance, mais aussi la nécessité qu'a l'humanité de se parler, de se comprendre pour réaliser de grands projets, ainsi que le risque de voir échouer ces projets quand chaque groupe de spécialistes se met à parler le seul jargon de sa discipline.

Les récits de constructions que les hommes tentaient d'élever jusqu'au ciel ont depuis longtemps marqué les esprits, source d’inspiration pour bon nombre d’écrivains et d’artistes.

Sommaire

[modifier] Origine possible

L'histoire de la tour de Babel a réellement existé. Il s'agirait d'Etemenanki (« la maison-fondement du ciel et de la terre »), une ziggourat dédiée au dieu Mardouk à Babylone. Édifiée par la première dynastie babylonienne (-1894 à -1595), elle devait mesurer 90 mètres de hauteur. Cependant sa forme n'était pas circulaire. Les fouilles archéologiques du site de Babylone ont prouvé que cette ziggourat avait une base rectangulaire commune à la majorité de ces ziggourats. Cependant on peut se poser la question : « Pourquoi est-elle représentée comme une tour ? » La réponse la plus plausible reste celle de la confusion des peintres de l'époque : en effet, à 205 km au nord du site et 125 km au nord de Baghdad se trouve le minaret de la mosquée de Samarra, la tour Malwiya, qui n'est ni plus ni moins celle que l'on peut admirer dans la majorité des représentations de la tour de Babylone, sa forme unique, en spirale, a influencé de nombreux peintres et explorateurs. Cependant cette mosquée date du IXe siècle, et n'a donc vraisemblablement aucun lien avec la cité antique de Babylone.

[modifier] Version originale sumérienne

S'enorgueillirent jadis les habitants du grand Babylone et décidèrent de construire une tour de la terre jusqu'au ciel, d'entrer dans le palais des Anounnaks, de boire et de manger leur nourriture avec eux. Ils décidèrent de devenir les égaux des dieux. La tour grandit, s'élève vers les cieux, les gens se réjouissent. Cela ne fut pas au gré des dieux. Ils vinrent voir Mardouk et dirent : "Ô Mardouk, tu es le plus grand d'entre nous, regarde, combien les gens s'enorgueillissent ! Nous ne voulons pas les voir dans le ciel, leur place est sur terre, qu'ils y restent ! Aide-nous, Mardouk !" Mardouk réfléchit et jeta un puissant sort sur le grand lac près de Babylone. On puisait de l'eau à boire dans ce lac, on lavait les corps dans ce lac. Mais que se passe-t-il ?... Chacun qui boit ne serait-ce qu'une gorgée oublie sa langue ; il parle avec des mots incompréhensibles, les autres ne le comprennent pas ! Impossible de poser une pierre, d'apporter de la terre, d'édifier les murs ! Le chantier s'arrêta. Voyant cela, le magicien Shouroukkah tomba à genoux et pria : "Mardouk, ô Mardouk, pourquoi châties-tu les gens qui te sont fidèles ? Comment un époux comprendra-t-il son épouse, comment un fils répondra-t-il à son père, comment les sujets pourraient-il chanter la gloire de leur souverain ? Rends-nous la parole, aie pitié!" La bonne déesse Ishtar compatit avec eux et pria Mardouk de les pardonner. Et Mardouk fit en sorte qu'un poisson magique apparaisse dans le lac : celui qui le mange recommence à parler comme avant, il retrouve la parole. Les gens louèrent Mardouk, firent de la tour inachevée un temple à sa gloire, abandonnèrent les pensées coupables. Ceux qui ne voulurent manger les poissons babyloniens donnèrent naissance aux autres peuples, parlant des langues étranges et incompréhensibles.

[1]

[modifier] Texte français de la Bible

La tour de Babel est évoquée dans la Genèse, au chapitre 11, versets 1 à 9 :

[modifier] Traduction dans la Bible de Jérusalem

Tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l'Orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s'y établirent. Ils se dirent l'un à l'autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! »

Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c'est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c'est là qu'il les dispersa sur toute la face de la terre.

[modifier] Traduction courante

La Tour de Babel peinte en 1587 par Lodewyk Toeput. Le mythe judéo-chrétien lui impute la confusion des langues.
La Tour de Babel peinte en 1587 par Lodewyk Toeput. Le mythe judéo-chrétien lui impute la confusion des langues.

Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Chmunter , et ils y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : Allons ! Faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.

L'Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l'Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu'ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu'ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la Ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre.

[modifier] Autres sources

[modifier] Une interprétation protestante

la confusion des langues, Gustave Doré
la confusion des langues, Gustave Doré

Le passage de la tour de Babel - récit étiologique justifiant la diversité des langues et des peuples - marque la clôture du récit des origines qui s'étend à partir de Gen. I. Ce récit est jalonné par le péché, par « ses éruptions » : la chute, le récit de Caïn et Abel, le chant de Lemec, le déluge. Cependant une distinction, nous semble-t-il, doit être faite. Contrairement à la chute, au récit de Caïn et Abel et au chant de Lémec, qui stigmatisent des péchés ou des comportements individuels, les unions des anges qui susciteront le déluge et l'aventure de la construction de la tour de Babel sont des péchés ou des comportements collectifs. Dans ces deux cas, il s'agit d'évènements où l'humanité est comprise comme la communauté des fils d'Adam.

Au terme de l'histoire des origines, il s'agit donc de marquer le péché collectif d'une communauté humaine et d'en montrer la condamnation par Dieu. Une condamnation sans appel, sans intervention de la grâce. À partir de cette parole : « le Seigneur les dispersa sur la face de toute la terre », le récit de la tour de Babel et celui des origines s'ouvre à l'avenir au sens où la question de la relation entre les hommes et Dieu est posée.

(Conférez Von Rad, Théologie de l'Ancien Testament, vol. I, Genève, Labor et Fides, p. 146)

[modifier] Le Coran et la tradition musulmane

La sunna n'évoque pas explicitement le mythe de la Tour de Babel, ni la confusion des langues, ni l'existence d'une tour quelconque. Ce qui pourrait être considéré comme étant la Tour de Babel, est appelé en arabe « Palatinum » et plus communément « as-Sarh », dont la définition correspond à « une seule maison construite de façon solitaire et robuste, s'élevant hautement dans le ciel ; toute bâtisse haute étant un sarh ». Dans la Tradition, Babel est citée une fois, en occurrence au « Chapitre sur la prière dans les ruines et les lieux de douleur » de l'important recueil de traditions musulmanes : L'Authentique d'al-Bukhârî (194/810 - 256/870), en relation avec le refus d'Alî de prier sur des ruines : « On mentionne que 'Alî - que Dieu soit satisfait de lui ! - répugna à faire la prière dans les ruines de Babel. » Ces deux attestations, négatives, paraissent faire briller de la couleur de l'aversion le silence noir et réprobateur qui entoure Babel au cœur même de l'Islam. Remarquons à cet effet, que malgré la caractérisation de Babel comme lieu d'Ascension au Ciel, c'est de la ville sainte de Jérusalem que le Prophète Muhammad s'envole vers le Trône de Dieu lors de son voyage nocture al-Isrâ wa-l-Mi'râdj.

[modifier] Origine du nom

Babel vient du mot akkadien Bāb-ili (La porte du Dieu), Bāb voulant dire « porte » et il voulant dire « Dieu ». (décliné ili) Autre signification bab-'el (la cité de Dieu). On peut aussi y voir une onomatopée : cf babil.

Il se peut qu'elle fut aussi appelée ainsi en référence à « Babylone »

Pour Christian Dufour dans Entendre les mots qui disent les maux, le nom de Babel peut être "entendu" selon deux versions : soit Dieu éloigne le Verbe, soit l'intelligence approfondit le Verbe. Deux versions qui tendent à apparenter la langue unique au Verbe de Dieu.

[modifier] Apparitions et références

[modifier] Dans la littérature

  • La bibliothèque de Babel (1941) de Jorge Luis Borges : histoire d'une bibliothèque exhaustive
  • Babel, la Langue Promise, d'Alain-Abraham Abehsera, BibliEurope - Connectives, 1999 (essai sur la parenté universelle des langues avec l'hébreu biblique). ISBN 2-911398-34-3
  • L’homme qui a défié Babel : Ludwik Lejzer Zamenhof de René Centassi et Henri Masson, avant-propos de Louis Christophe Zaleski-Zamenhof, Éditions Ramsay ; ISBN 2-7475-1808-6 ; 2002.
  • Des tours de Babel de Jacques Derrida
  • Babel de Jean-Claude Francklin
  • Babel, la tour des hommes de Daniel Brentwood
  • Babel ou l'inachèvement de Paul Zumthor, éditions du Seuil
  • Le sacrifice interdit chapitre 3 de Marie Balmary éditions Grasset 1999.
  • La Tour de Babel chanson de Guy Béart
  • Tour de Babel chanson de Glenmor tiré de l'album "Hommage à Morvan LEBESQUE"

[modifier] Dans la peinture

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la tour de Babel.

Martin van Valckenborch (1535-1612), La Tour de Babel, huile sur bois 49,5 x 66,6 cm (Pinacoteca ; Sienne)

[modifier] Au cinéma

  • Dans le film Metropolis, une scène raconte l’histoire de la tour de Babel : son but, sa construction, les incompréhensions entre la main et la tête et sa fin. Dans une autre scène, un homme cherche à s'élever au dessus des autres par le biais d'un robot à l'apparence de petite fille, pouvant contrôler le monde du haut d'une tour appelée Ziggurat, faite à l'image de la tour de Babel.
  • Dans le film Alexandre de Oliver Stone, une scène montre la tour de Babel située à Babylone.
  • Le film d'Alejandro González Iñárritu, Babel fait référence au mythe en prenant appui sur les difficultés rencontrées par les hommes pour communiquer, alors qu'ils sont tous unis par la même humanité.

[modifier] Dans les films d'animation

  • La tour de Babel fait son apparition dans Nadia, le secret de l'eau bleue. Elle a été construite par les Atlantes mais celle-ci a également servi à leur destruction.
  • Dans Le Château dans le ciel, l'origine du château est peu connue mais le générique fait penser au thème des hommes qui ont voulu s'élever au rang des dieux (vie dans les nuages, puissance infinie qui peut faire le bien ou le mal suivant leur volonté) et qui ont été presque anéantis, les survivants ayant tout à réapprendre. Le lien est d'autant plus flagrant que l'un de ces châteaux apparaissant dans le générique ressemble fortement à la représentation de Pierre Bruegel.
  • Dans Patlabor, E. Hoba (en référence à Jéhovah) tente de saboter le projet Babylone en introduisant un virus qui cause l'apparition du mot "Babel" sur les écrans d'ordinateur et la folie des robots infectés par ce virus. Cette manoeuvre a pour but d'empêcher le retour de Dieu, censé punir l'homme, comme dans l'Ancien testament, suite au pharaonique projet Babylone.
  • On peut également l'apercevoir dans certains jeux vidéo comme Illusion of Time dans lequel un héros évolue a l'intérieur d'une tour ressemblant à la tour de Babel, dans Super Mario Bros. 3 où elle constitue un petit niveau dans le monde 5 qui justement est le monde du ciel.

[modifier] Dans la bande-dessinée

  • La Tour de François Schuiten et Benoît Peeters relate l'histoire d'un mainteneur dans une tour d'une taille démesurée, évoquant la tour de Babel.
  • Le tome 5 de la bande dessinée Universal War One est intitulé "Babel", en référence à la Tour de Babel dont l'histoire y est relatée.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Hubert Bost : Babel. Du texte au symbole. Ed. Labor & Fides, 1985, (ISBN 2830900359)
  • Jean Budillon : Babel. Etude biblique à partir de Genèse 11,1-9. Edité par l’Association LEKH-LEKHA, 1990
  • Paul Zumthor : Babel ou l’inachevement. Ed. du Seuil, 1997, (ISBN 2020262657)
  • Pierre Bouretz, Marc de Launay, Jean-Louis Schefer : La Tour de Babel. Ed. Desclée de Brouwer, 2003, (ISBN 222005165X)
  • Bluma Finkelstein : L’Héritage de Babel – Eloge de la diversité. Ed. L'Harmattan, 2005, (ISBN 2747584992)
  • Sylvie Parizet : Le defi de babel : Un mythe littéraire pour le XXIe siècle. Ed. Desjonquères, 2001, (ISBN 284321033X)
  • François Marty : La Bénédiction de Babel. Ed. Le Cerf, 1990 (ISBN 2204040371)
  • Gilbert Tournier : Babel ou le vertige technique. Ed. Fayard, 1960
  • Sous la direction de A. Reuter, JP. Ruiz : Retour de Babel, Itinéraires, Mémoires et Citoyenneté. Ed. Retour de Babel, Luxembourg, 2007 (ISBN 978-2-9599924-0-7)

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

  • [1] Site de l'exposition Retour de Babel, Itinéraires, Mémoires et Citoyenneté (avril à octobre 2007, Aciérie de Dudelange, Luxembourg). Elle revisite le mythe de la Tour de Babel en proposant une lecture plus sereine de la diversité culturelle. Elle fait comprendre le rôle fondamental des phénomènes migratoires dans le développement économique, social et culturel de nos sociétés.
  • [2]Livre de l'exposition Retour de Babel (avril-octobre 2007, Aciérie de Dudelange, Luxembourg).
  • Mini-exégèse sur la tour de Babel
  • La tour de Babel origine de toutes les langues

[modifier] Notes et références

  1. Source