Toucouleurs

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Toucouleurs

Alpha Sega, interprète toucouleur et ses sœurs
(Mission Borgnis-Desbordes au Soudan en 1882)
Population totale env. 800 000
Populations significatives en Sénégal, Mauritanie, Mali
Langue peul
Religion islam
Groupes ethniques relatifs Peuls

Les Toucouleurs ou Haalpulaaren ou foutankobé (foutanké au sing.), constituent un peuple d’Afrique de l'Ouest vivant principalement dans le nord du Sénégal où ils représentent 10 % de la population, dans la vallée du fleuve Sénégal, en Mauritanie et au Mali.

Même s'ils sont souvent présentés comme un groupe ethnique, il ne s'agirait pas, selon l'écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, d'une ethnie, mais plutôt « d'un ensemble culturel assez homogène (islamisé et foulaphone, c'est-à-dire parlant peul) »[1].

Sommaire

[modifier] Histoire

Femmes toucouleures du Boundou (gravure de 1890)
Femmes toucouleures du Boundou (gravure de 1890)
Icône de détail Article détaillé : Empire toucouleur.

Les Toucouleurs seraient originaires de l'ancien royaume de Tekrour. Leur nom français est une déformation du nom de ce royaume. Les Toucouleurs sont issus de métissages entre Peuls et Sérères, mais ils se sont aussi mélangés à d'autres ethnies : Wolofs, Bambaras, Maures, etc. Les Toucouleurs ont créé l'État du Fouta-Toro avec les Peuls, ainsi que le royaume du Boundou au Sénégal. On trouve également quelques familles toucouleurs au Fouta-Djalon.

El Hadj Oumar Tall a fondé un empire toucouleur au XIXe siècle sur une partie de l'actuel Mali. Animistes à l'origine, les Toucouleurs ont été convertis à l'islam par les commerçants musulmans arabo-berbères venus commercer avec l'empire du Wagadou, au XIe siècle. Ils ont participé à la guerre sainte que les Almoravides menaient contre l'empire du Ghana.

[modifier] Population

Proches des Peuls, ils s'en différencient essentiellement par leur sédentarité. Les Toucouleurs sont en très grande majorité musulmans. Ils sont à l'origine de l'islamisation du Sénégal, avec les Mandingues. La langue parlée est le peul du Fouta-Toro. Ils se nomment eux-mêmes Haalpulaaren, ce qui signifie « qui parle le pulaar », la langue peul. Leur langue présente toute fois de légères différences avec d'autres dialectes de la langue peul.

Mêmes si les méthodologies ont été différentes, plusieurs enquêtes permettent de tenter une évaluation du nombre de Toucouleurs au Sénégal. En 1921, un recensement en dénombre 146 657[2], soit 14,22% de la population totale. Pour 1948, un annuaire de l'AOF estime leur nombre à 194 500, soit 9,90%[3]. Des statistiques de 1960 portent leur nombre à 422 000[4], soit 13,6%. Au recensement de 1976, les Toucouleurs sont 523 990[5], soit 10,6%. Lors de celui de 1988 ils ne sont pas décomptés séparément, mais réunis aux Peuls et aux Laobés (Haalpulaaren) pour former un groupe de 1 572 510 personnes[6], soit 23,2%. On constate qu'au fil des années la proportion des Toucouleurs tend à diminuer. Cette tendance, partagée avec les Sérères et les Mandingues, pourrait s'expliquer par la wolofisation croissante du pays[7].

[modifier] Les castes

De type patriarcal, la société toucouleure est très fortement hiérarchisée en douze castes réparties en trois classes.

Marabout toucouleur (aquarelle de l'abbé Boilat dans Esquisses sénégalaises, 1853)
Marabout toucouleur (aquarelle de l'abbé Boilat dans Esquisses sénégalaises, 1853)

La caste supérieure, appelée Toorobbê, est constituée par les chefs religieux et les marabouts.

Toujours dans la classe supérieure, mais en dessous des Toorobbé, se trouvent les Sebbe, qui représentent la classe des soldats. Ils sont d'origines ethniques très diverses, mais surtout wolofs. Ils sont eux-mêmes divisés en plusieurs sections, mais il n'y a pas de hiérarchie entre elles. Les Sebbe wolofs sont les descendants des Farba qui ont régné sur le Fouta-Toro lorsqu'il était vassal du Djolof et avant sa prise par Koli Tenguella. C'est après cet événement que les Farba sont pour la plupart devenus soldats de Koli. Les autres Sebbe sont également pour la plupart les descendants des soldats de Koli Tenguella, souvent peulhs et mandingues.

Les Jaawambe font partie de la classe supérieure; ils sont les courtisans et les conseillers de la cour, ils portent souvent le patronyme Diaw, ils sont d'origine peulh.

Après la classe supérieure vient la classe des Nyenybe, équivalent des Nyenyo des pays wolofs. Ils sont divisés selon leur métier.

Les plus hauts dans la hiérarchie des Nyenybe sont les Subalbe. Ce sont les pêcheurs, ils sont souvent d'origine wolof et sérère. Ils sont très proches des Sebbe, car ils peuvent constituer la flotte guerrière. Ce sont les plus considérés des nyebybe.

Après eux viennent les Wayilbe, les artisans du fer, les forgerons et les bijoutiers, puis les Sakkebe, artisans du cuir. Eux-aussi sont d'origines diverses, mandingues, peulhs ou wolofs. Dans cette caste les patronymes Beye et Mbow sont fréquents.

Icône de détail Article détaillé : Laobes.

Les Laobes, artisans du bois, sont également d'origines diverses, mais les véritables Laobes sont d'origine peulh et portent souvent les patronymes Sow et Dioum, ceux de la légende peulh des trois frères Dicko expliquant l'origine des Laobes. Ils sont très indépendants, à tel point qu'on les considère souvent comme une ethnie distincte. Ils sont aussi nomades en ce qui concerne les Laobes worworbe qui pour certains voyagent avec les Peulhs dans leur transhumance pour leur fournir des matériaux. Ce sont ces Laobes que l'on retrouve chez les Wolofs et les Sérères où ils constituent également dans leur société la caste des artisans du bois.

  • Les Maabube : la classe des tisserands.
  • Les Buurnabe : la classe des potiers et des céramistes.
  • Les Bambado qui représentent les guitaristes, les musiciens, spécialistes des chants épiques et les guerriers. À la guerre, ce sont les porte-étendards. Ils sont d'origines diverses, mais les véritables Bambado descendent comme les Laobes des Peulhs. On les retrouve également dans la légende des trois frères Dicko. Ils portent souvent le patronyme Bah. Quelques Laobes, Wayilbe, et Maabube sont devenus Bambado.
  • Enfin, les Awlube, les griots, aussi appelés Gawlo, qui clôturent la classe des Nyenybe.

Les Jyaabe représentent la caste des esclaves. Ils se situent au plus bas dans la hiérarchie. Ils proviennent de toutes origines. On distingue les Jyaabe sottiibe représentant les esclaves affranchis, et les Jyaabe haalfabe qui eux sont demeurés esclaves. Il y a aussi les Diagodins qui sont les serviteurs les plus considérés des jyaabe.

Malgré leurs origines diverses, ils parlent tous le pulaar, et d'ailleurs seuls leurs patronymes indiquent leur origine ethnique. Cependant ils se reconnaissent tous comme Toucouleurs.

Entre les Toucouleurs et les Sérères, il existe un lien de cousinage, qu'on appelle la parenté à plaisanterie. Ce lien qui existe entre ces deux ethnies leur permet de se critiquer, mais aussi les oblige à l'entraide, au respect mutuel. Les Halpulaar appelent ce cousinage le dendiraagal.

Les toucouleurs sont reconnaisable, grace a leur chapeau conique, que les sérères, diolas et peulh portent aussi. Traditionnelement, les hommes se rasaient le crane et laisser poussé leur barbe qu'ils tailler en pointe, certains se tressaient les cheveux, et il y'avez une multitudes de coiffures. les femmes se coiffaient a la maniére des femmes wolofs, des coiffures tres complexes, et portaient toujours un léger voile par dessus la tete. Les toucouleurs pratique encore de nos jours, la scarification, souvent ils se font deux scarifices sur les tempes, autant les hommes que les femmes. Ils y avait aussi le tatouage des lévres pour les femmes, que les femmes de sakeebe, caste des travailleurs du cuir pratiquaient. L'excision des femmes est une pratique que les toucouleurs partage avec les mandingues, au sénégal, mali et mauritanie, mais avec les dispositifs de lutte contre cette pratique, elle se fait de moins en moins.

[modifier] Patronymes

Parmi les patronymes toucouleurs les plus courants, on trouve : Aw, Baro, Ba, Dème, Dia, Talla, Sy, Ly, Tall, Guisée, Kane, Baal, Dioum, hane, Thiam, Ka, Wane, Watt, Diallo. Les noms, Dia, Diallo, Dioum, Ka, Ba sont des noms d'origine peulh, mais portés par quelques Toucouleurs. Les noms Kane, Hane, Ly et Sy sont d'origine maure. Les noms constituant le véritable noyau toucouleur sont : Aw, Guissé, Tall, Talla, Deme, Thiam, Wane, Baal, Maal, Yock, Lo, Bousso. Il y a aussi le nom Gueladio, très porté aujourd'hui par des Toucouleurs, mais qui a son origine chez les Peuls. Le nom Sall est également très porté par les Toucouleurs, cependant beaucoup de chercheurs donnent à ce nom une origine peulh. Le nom Thiam incontestablement toucouleur. Porté par quelques Peulhs au Sénégal et au Mali, ce nom est aussi porté par beaucoup de Wolofs. Cela est dû aux migrations toucouleur en pays wolof, très accentuées pendant que la dynastie des Denianke de Koli Tenguella était au pouvoir au Fouta-Toro du milieu du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle. Il y a également les noms Thio, Wele, Thioub et Niane qu'on trouve à la fois chez les Toucouleurs et les Peulhs.

Chez les Toucouleurs, on peut trouver des personnes qui portent des noms de famille wolof (Ndiaye, Gueye, Mbaye), mandingue (Camara, Touré, Cissé), ou encore sérères (Diouf, Sarr, Sene). Cela s'explique notamment par le fait que la caste toucouleur des Toorobbé est très métissée. C'est la plus récente des castes toucouleurs, elle s'est formée au XVIIIe siècle avec Souleymane Baal. Celui-ci voulant une société n'obéissant plus au régime des castes, mais seulement aux lois de l'Islam, il absorba dans son parti tous les musulmans voulant adhérer à son idéologie, qu'ils soient wolof, peul, maure, sarakhollé, ou sérères. C'est ainsi que se créèrent les Toorobbé. On retrouve également cette absorption d'individus appartenant à d'autres ethnies dans d'autres castes toucouleurs, mais aussi dans d'autres ethnies du Sénégal comme chez les Wolofs par exemple. C'est la raison pour laquelle on trouve un si grand nombre de patronymes chez les Toucouleurs.

[modifier] Activités économiques

En général, les Toucouleurs traditionnellement pratique l'agriculture et l'élevage de chevaux, ils ont créé la race chevaline foutanké, née d'un croisement entre un mbayar[8], race locale du Sénégal en particulier des pays wolofs, sérères, et un naru-gor « cheval du fleuve », descendant des races barbes[9] et pur sang arabe. Les jeunes enfants toucouleurs apprenaient très tôt à monter à cheval, en vue de la guerre.

[modifier] Notes et références

  1. « Toucouleurs : peuple d'Afrique occidentale, vivant surtout au Sénégal et en Guinée (ancien royaume du Fouta Toro). Il ne s'agit pas d'une ethnie, mais d'un ensemble culturel assez homogène (islamisé et foulaphone, c'est-à-dire parlant peul) », Amadou Hampâté Bâ, « Vie et Enseignement de Tierno Bokar : Le Sage de Bandiagara », 1957
  2. Chiffres d'Iba Der Thiam cités par Makhtar Diouf, Sénégal. Les ethnies et la nation, NEAS, Dakar, 1998, p. 26
  3. Annuaire statistique de l'AOF, volume IV, tome I, p. 57, cité par M. Diouf, Les ethnies et la nation, op. cit., p. 26
  4. Démographie Africaine, novembre-décembre 1986, chiffres cités par M. Diouf, Les ethnies et la nation, op. cit., p. 27
  5. Démographie Africaine, mars-avril 1987, chiffres cités par M. Diouf, Les ethnies et la nation, op. cit., p. 27
  6. Chiffres cités par M. Diouf, Les ethnies et la nation, op. cit., p. 28
  7. M. Diouf, Les ethnies et la nation, op. cit., p. 29-30
  8. J. P. Dehoux, A. Dieng (École Nationale Supérieure d'Agriculture, Thiès (Sénégal) et A. Buldgen, « Le cheval Mbayar dans la partie centrale du bassin arachidier sénégalais », Bulletin d'Information sur les Ressources Génétiques Animales (FAO/PNUE), 1996, n° 20, p. 35-54
  9. La race barbe [1]

[modifier] Voir aussi

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur les Toucouleurs.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • (fr) Seynabou Cissé-Male, « L’émigration Toucouleur en Casamance : Exemple de trois villages de Balantacounda », Dakar, Université de Dakar, 1984, 72 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Babacar Coulibaly, « L’armée toucouleur, du Jihad omarien à la fin de l’Empire », Dakar, Université de Dakar, 1978, 180 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Abdoulaye Bara Diop, « L’Immigration Toucouleur à Dakar (enquête 1958-1959) », Dakar, Université de Dakar, 1962, 98 p. (Mémoire de Maîtrise géographie)
  • (fr) Abdoulaye Bara Diop, « Société toucouleur et migration (enquête sur l’immigration toucouleur à Dakar) », Dakar, IFAN-Univ. de Dakar, 1964, 309 p. (Thèse de 3e cycle, éditée en 1965)
  • (fr) Bassirou Diop, « Le rôle joué par les marabouts toucouleurs dans l’islamisation du Sénégal », Dakar, Université de Dakar, 1983 (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Gérard Kisyeti, « Recherches sur le commerce dans l’empire toucouleur : 1860-1890 », Dakar, Université de Dakar, 1980, 147 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Boubacar Ly, « L’honneur et les valeurs morales dans les sociétés ouolof et toucouleur du Sénégal. Étude de sociologie », Paris, Université de Paris I, 2 vol., 1966, 574 p. (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Yves Jean Saint-Martin, « L’empire toucouleur et la France. Un demi-siècle de relations diplomatiques (1846-1893) », Dakar, Univ. de Dakar, 1967, 482 p. (Thèse de 3e cycle publiée en 1968, Dakar, Publications FLSH, n°11)
  • (fr) Adama Yaya Sow, « Approche socio-historique de l’éducation en milieu toucouleur », Dakar, Université de Dakar, 1984, 180 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Yaya Wane, « Les Toucouleurs du Fouta Tooro (Sénégal). Stratification sociale et structure familiale », Dakar-IFAN-CNRS, 1966, 369 p. (Thèse de 3e cycle, publiée en 1969 dans Initiations et Études Africaines n° 25)