Théories de l'évolution

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Cet article présente les différentes théories de l'évolution d'un point de vue historique. Pour une présentation détaillée de la théorie synthétique de l'évolution, voir Évolution (biologie)


Le Cœlacanthe est une espèce souvent qualifiée de fossile vivant ou d'espèce intermédiaire. Il partage de nombreuses similitudes avec les ancêtres des vertébrés terrestres actuels, en particulier la présence de poumons.
Le Cœlacanthe est une espèce souvent qualifiée de fossile vivant ou d'espèce intermédiaire. Il partage de nombreuses similitudes avec les ancêtres des vertébrés terrestres actuels, en particulier la présence de poumons.

En biologie, les théories de l'évolution décrivent le processus par lequel les populations d'êtres vivants se modifient au cours du temps et donnent naissance à de nouvelles espèces.

Quoique l'idée d'évolution puisse déjà se retrouver chez certains philosophes grecs, ces théories ne se sont développées qu'à partir du XIXe siècle sous le nom de transformisme, principalement en opposition au fixisme qui postulait que les espèces restent semblables au cours du temps. Selon les ouvrages classiques ce serait Jean-Baptiste Lamarck qui le premier, aurait proposé une théorie selon laquelle les espèces évoluent et se diversifient du fait d'une tendance interne à la complexification contrecarrée par les circonstances extérieures. Or, dans son célèbre Muqaddima traduit plusieurs fois en français (sous le titre de Prolégomènes etc.), le savant musulman ibn Khaldun , (1332-1406) suggère déjà la transformation progressive et organisée du minéral vers le végétal, l'animal, le singe et finalement l'homme... Cependant le réel évènement fondateur de la théorie de l'évolution est considéré comme étant la publication en 1859 du livre de Charles Darwin, l'Origine des espèces ; les idées des prédécesseurs y sont conjuguées à l'observation de Malthus que la totalité d'une descendance ne peut survivre indéfiniment à chaque génération en raison de la limitation des ressources : c'est le principe de sélection naturelle parmi des individus naturellement variants. Pendant près d'un demi-siècle, les biologistes, mais aussi les paléontologues, se sont affrontés sur la validité puis sur le fonctionnement de l'évolution.

Depuis le milieu du XXe siècle, avec la théorie synthétique de l'évolution, l'évolution fait l'objet d'un large consensus scientifique sur ses fondements et ses mécanismes. À l'échelle des populations, l'évolution (ou microévolution) est ainsi actuellement définie comme le changement de la fréquence des allèles au sein d'un pool génétique, transmissible de génération en génération. Par extension, le terme recouvre l'ensemble des mécanismes biologiques qui font varier la fréquence et/ou le nombre des allèles. Par opposition, la macroévolution se réfère aux changements morphologiques, anatomiques et physiologiques des espèces au cours des temps géologiques.

Dans la biologie contemporaine, si l'idée que les espèces évoluent ne fait plus aucun doute, les détails des mécanismes qui permettent d'expliquer cette évolution font toujours l'objet de recherches et sont parfois au cœur de controverses scientifiques et médiatiques. La théorie de l'évolution se heurte également a une vive opposition de la part de certains milieux religieux fondamentalistes, notamment pour son incompatibilité avec une interprétation littérale de la Bible.

Sommaire

[modifier] L'évolution, faits et théorie

Une observation des êtres vivants révèle l'existence de nombreux points communs dans l'organisation anatomique, la physiologie (respiration, circulation, excrétion, reproduction) et la biochimie des organismes. Depuis l'Antiquité, l'homme a tenté de trouver un ordre dans la nature selon les ressemblances et les différences qu'il observait chez les animaux et les végétaux donnant naissance à diverses classifications phylogénétiques. Si certaines espèces se ressemblent beaucoup et d'autres moins, l'unité du vivant n'a guère été remise en cause ; elle a même été renforcée d'abord au cours du XIXe siècle par la découverte de la cellule, unité vivante de base de tous les organismes, puis au XXe siècle par la découverte de l'ADN comme support de l'hérédité commun à tout le vivant.

Le phénomène d'évolution permet d'expliquer ces ressemblances par l'existence de liens généalogiques entre toutes les formes de vie : les organismes se ressemblent parce qu'ils partagent des caractères hérités d'un ancêtre commun. Des faits observés dans plusieurs disciplines scientifiques corroborent cette théorie:

  • Faits anatomiques : les différentes espèces d'un embranchement, malgré des aspects extérieurs très différents, partagent un plan d'organisation invariable (tous les vertébrés ont une chaîne nerveuse dorsale et une tête vers l'avant du corps, par exemple). L'homologie des organes entre tous les membres d'un groupe biologique se retrouve à n'importe quel niveau de la classification. Par exemple, chez tous les mammifères, les membres sont organisés de la même façon : ceux d'une baleine, d'un lion, d'une chauve-souris ou d'un homme comportent les mêmes os, même si leur forme est très variable et qu'ils sont employés à des fonctions complètement différentes.
  • Faits biologiques : dans toutes les espèces, il existe une certaine variabilité (c'est-à-dire qu'on ne trouvera jamais, sauf cas exceptionnels, deux individus complètement identiques). Cette variation peut être de plus ou moins grande ampleur, mais elle montre en tout cas que les êtres vivants ne sont pas fixes. L'éventail de variations que présente une population vivante est le matériau de base avec lequel l'évolution pourrait construire des organismes de plus en plus différents. L'homme a d'ailleurs su très vite utiliser cette propriété à son profit, puisque les agriculteurs et éleveurs font évoluer par sélection dite artificielle des lignées de plantes et d'animaux pour les transformer, et cela depuis plus de dix mille ans[1]. On voit parfois directement des populations d'êtres vivants se transformer, en conditions expérimentales ou naturelles, pouvant être interprétées comme des spéciations en cours. L'acquisition de nouveaux caractères chez certains virus et bactéries a également été constatée pour être combattue, dans le cas de la résistance aux antibiotiques, ou au contraire utilisée, pour la capacité à digérer des composés synthétiques.
  • Faits génétiques : quels qu'ils soient, tous les êtres vivants fonctionnent sur les mêmes bases moléculaires (ADN, ARN, protéines…). Ils utilisent également le même code génétique. Les différences entre les espèces et les variations entre individus au sein d'une même espèce sont dues essentiellement à des différences dans la séquence des gènes et la structure des chromosomes, différences provoquées par des mutations et des réarrangements chromosomiques occasionnels. Ces évènements aléatoires, qui produisent des individus dont les gènes sont légèrement différents de ceux de leurs parents, sont certes rares et - comme une coquille qui se glisse dans l'impression d'un texte - plus souvent nocifs qu'utiles, mais suffisent pour introduire la variabilité, la source de l'évolution.

[modifier] Histoire des théories de l'évolution

Il faut rappeler au préalable que l'évolution dirigée par l'homme constitue un phénomène parfaitement connu des éleveurs depuis des millénaires : il avait été remarqué depuis longtemps que les animaux d'élevage héritaient dans une certaine mesure de caractéristiques de leurs parents et nul n'aurait songé à utiliser ses bêtes les plus malingres pour la reproduction. D'ailleurs, Darwin utilise de nombreuses observations issues de la sélection des plantes et des animaux en agriculture pour étayer ses idées. Néanmoins, jamais la sélection artificielle effectuée par l'homme depuis maintenant plus de dix mille ans sur certains animaux ou plantes domestiques n'a abouti à la création d'une nouvelle espèce ; seules ont été obtenues des variations autour du type original.

Il n'est question ici que de l'évolution naturelle des espèces laissées à elles-mêmes dans la nature et non de l'évolution par sélection artificielle telle qu'elle est pratiquée par l'homme.

Les détracteurs de l'évolution soulignent qu'elle n'est « qu'une théorie ». En fait il ne s'agit pas d'une théorie au sens commun mais dans le sens scientifique du terme[2]. Cela signifie qu'il s'agit d'un ensemble de connaissances basé sur quelques suppositions de départ, et développé par des démonstrations rigoureuses à partir de ces principes. Le développement de la théorie est toujours susceptible d'être complété, ou même corrigé sur certains points. En revanche il n'est pas correct de considérer l'ensemble de l'édifice comme une simple hypothèse, sauf à disposer d'arguments forts contre les mécanismes de base de la théorie, qui ont été vus lors d'expériences (mutations génétiques spontanées) et observés dans les milieux naturels (survie et reproduction du plus apte).

Si l'évolution darwinienne est l'objet d'un consensus au sein de la communauté scientifique, il n'en existe pas moins d'importants débats internes à la théorie, comme les débats entre les biologistes Stephen Jay Gould et Richard Dawkins à propos des équilibres ponctués et du gène égoïste[3]. Personne dans le milieu de la recherche ne considère la théorie aujourd'hui comme fausse, mais elle est ressentie comme encore incomplète - ce qui était déjà le point de vue de Darwin.

[modifier] Théorie pré-darwinienne

Ce sont chez les philosophes grecs qu'on trouve les plus anciennes traces d'explication de la diversité biologique que la Terre porte. Le présocratique Anaximandre, élève de Thalès de Milet, concevait déjà l'homme comme descendant du poisson. La vie vient de l'eau pour Anaximandre. Démocrite la considère comme un assemblage heureux d'éléments qui a pu perdurer de façon viable. Platon inscrit la vie dans deux mondes. Un monde réel, idéal impalpable et un monde illusoire perçu par les sens. Il a une vision statique de la biocénose que l'on qualifiera de fixiste. Son disciple Aristote classe le vivant sur une échelle de complexité: la Scala naturæ l'échelle de la vie. Mais comme Platon, Aristote défend une vision fixiste du monde vivant. La culture judéo-chrétienne notamment dans les récits de l'Ancien Testament reprend les visions fixistes des philosophes grecs. Selon le récit de la Genèse, Dieu a crée tout le vivant de la Terre, y compris l'homme qui est à son image. C'est d'ailleurs pour découvrir cet ordre divin que Carl von Linné le père de la taxinomie a mis en place la classification binomiale.

Si l'idée d'évolution est apparue au milieu du XVIIIe siècle avec Maupertuis et Buffon, la première théorie scientifique rendant compte d'un phénomène d'évolution des espèces dans le temps est attribué au naturaliste français Jean-Baptiste Lamarck. La publication, en 1809, dans Philosophie zoologique, de sa théorie transformiste tournant résolument le dos au fixisme entraîne d'ailleurs de virulents débats devant l'Académie des sciences. Lamarck y défend une théorie expliquant l'évolution des espèces par la transmission à la descendance de caractères acquis au cours de la vie d'un individu. Lamarck demeure comme le premier évolutionniste moderne. On lui doit notamment une des premières formulations des relations de parenté entre les grands groupes d'organismes.

[modifier] La théorie darwinienne originale

En 1859, Charles Darwin, naturaliste anglais, publie De l'origine des espèces. Il y reprend les idées de Lamarck tout en les critiquant et en les modifiant. Darwin ajoute surtout une foule de preuves en faveur de l'idée d'évolution (par transformation graduelle) et propose pour la première fois le mécanisme de la sélection naturelle ; mais il n'y remet pas en cause l'idée de l'hérédité des caractères acquis, citant même dans L'Origine des espèces les "effets cumulatifs du dressage" sur une lignée de chiens pointers.

Darwin propose d'ailleurs un modèle pour la transmission des caractères acquis sous le nom « d’hypothèse de la pangenèse » dans Les variations des animaux et des plantes sous l’effet de la domestication (1868). Son modèle ressemble à celui qu’avait proposé Maupertuis dans sa Vénus physique (1745) et son Système de la Nature, hormis l’utilisation de la récente théorie cellulaire ; sans reconnaître pour autant l’origine de ses idées. Darwin introduit aussi l'idée d'une sélection sexuelle qui permet notamment d'expliquer les cas étonnant de dimorphisme sexuel comme les couleurs chatoyantes des mâles dans certaines espèces. Enfin, Darwin insiste sur le fait que l'espèce humaine est elle aussi le produit de l'évolution par sélection naturelle et sexuelle dans son ouvrage La Descendance de l'homme et la sélection sexuelle.

[modifier] La génétique des populations

À la fin du XIXe siècle, le moine autrichien Gregor Mendel découvre les lois de la génétique avec ses expériences sur les pois[4]. En proposant un mécanisme pour l'hérédité, c'est-à-dire la transmission (au moins partielle) des caractères d'un individu à ses descendants. Toutefois, ses travaux ne seront pas diffusés et les découvertes de Mendel seront oubliées jusqu'à ce que des biologistes (Hugo de Vries, Carl Correns et Erich von Tschermak) au début du XXe siècle, les redécouvrent. Les lois de l'hérédité mendélienne apportent alors un soutien crucial aux idées de Darwin.

En 1910, le biologiste de Vries découvre les mutations génétiques. Ces modifications aléatoires du code génétique permettent d'expliquer la variabilité naturelle des caractères individuels, terrain sur lequel se fait la sélection darwinienne. Tout au long du XXe siècle, la génétique émergente viendra étayer les idées de Darwin. Dans les années 1930, des biologistes comme Thomas Hunt Morgan font beaucoup progresser la génétique, notamment grâce à l'étude des chromosomes de la mouche drosophile.

Ces mêmes années, le statisticien et généticien Ronald Fisher apporte d'importants développement mathématiques à la théorie de l'évolution en lien avec les mécanismes de sélection naturelle mais surtout sexuelle fournissant par exemple une explication au fait que les membres des deux sexes, mâles et femelles, sont aussi nombreux dans la plupart des espèces. Les résultats de Fisher donneront naissance à ce qu'on appellera la génétique des populations.

[modifier] Théorie synthétique de l'évolution

Dans les années 1940, quelques pionniers (Theodosius Dobzhansky, Ernst Mayr, George Gaylord Simpson et Julian Huxley) fondent la théorie synthétique de l'évolution (TSE). Comme son nom l'indique, celle-ci est destinée à synthétiser et à englober dans une vision d'ensemble les données accumulées séparément par la génétique, la biologie et la paléontologie. Simultanément, un embryologiste autrichien, Richard Goldschmidt, propose sa théorie du monstre prometteur.

[modifier] Théorie neutraliste et équilibres ponctués

Au cours des années suivantes, la TSE s'imposera dans le monde scientifique. Dans les années 1970, elle connaitra d'importants développements théoriques, parfois iconoclastes. Par exemple, la théorie neutraliste de l'évolution moléculaire proposée par le généticien japonais Motoo Kimura en 1970, repose sur l'idée que l'évolution, au niveau des gènes, doit au moins autant sinon plus au hasard (c'est-à-dire à une dérive) qu'à la sélection naturelle. En 1972, S. J. Gould et N. Eldredge publient leur théorie des équilibres ponctués destinée à combler ce qui est pour eux une faille de la TSE : les paléontologues (comme Simpson) affirmaient en effet que l'on devrait voir les espèces se transformer toujours très graduellement, et que l'on devrait donc trouver des fossiles correspondant à toutes les étapes de la spéciation. Cette thèse baptisée gradualisme phylétique peut se résumer sous l'expression répétée à plusieurs reprises par Darwin dans son Origine des espèces : "Natura non facit saltum" (La Nature ne fait pas de saut). A l'inverse, certains biologistes (comme Ernst Mayr) pensaient que les apparitions de nouvelles espèces correspondaient à des événements rares et ponctuels, que l'on peut représenter sous forme d'un escalier, les paliers étant pour les périodes où une population ne subit aucun changement et les sauts correspondant à une modification rapide des caractéristiques qui aboutissent sur quelques générations à une nouvelle espèce. Pour Gould et Eldredge, ce sont les biologistes qui ont raison ; les paléontologues auraient en fait mal interprété les fossiles. Le débat sera néanmoins ravivé avec la critique des paléontologues Simon Conway-Morris, Derek Briggs and Richard Fortey qui contredisent les interprétations de Gould sur les schistes de Burgess censés illustrer la thèse des équilibres ponctués. Leur analyse plus précise de ces fossiles montre certes une grande diversité anatomiques mais pas de quoi conclure qu'il y aurait là les traces d'un "saut" au moment de l'explosion cambrienne avec de nombreuses lignées qui auraient brutalement disparu du monde vivant tel que le prétendait Gould.

[modifier] Adaptationnisme

Au sein de la communauté scientifique, le débat concernant les théories modernes de l'évolution se porte donc sur le rôle que joue le hasard par rapport à la sélection naturelle. Les théories neutralistes ont ainsi été critiquées par des biologistes tenant d'un vision adaptationniste de l'évolution pour lesquels les pressions de sélection (naturelle et sexuelle) sont les principales forces dans l'évolution des espèces, le hasard ne jouant finalement que peu de rôle.

Les adaptationnistes s'appuient notamment sur les phénomènes de convergence évolutive par lesquels différentes espèces aboutissent à la même solution évolutive lorsqu'elles sont soumises au même problème adaptatif. Par exemple, les yeux des vertébrés et des céphalopodes sont très similaires alors même que l'ancêtre commun de ces taxons ne possédait pas de tels yeux. Les yeux de ces deux taxons sont donc des adaptations analogues au problème de la vision montrant, pour les adaptationnistes, que, malgré la diversité des espèces, les contraintes adaptatives sont suffisamment fortes pour contraindre la place laissée au hasard.

[modifier] Raffinements théoriques

Au cours des années 1960, William Hamilton poursuivra les travaux de Fisher. Il contribuera par exemple à la théorie de la reine rouge expliquant l'avantage de la reproduction sexuée en ce qu'elle permet de résister de façon plus efficace aux parasites.

En 1975, le biologiste Amotz Zahavi formulera le principe du handicap qui permet d'expliquer certaines formes impressionnantes de dimorphisme sexuel. Ce principe explique le fait que dans certaines espèces les mâles (en général) présentent des caractères exubérants car ce faisant ils montrent qu'ils sont capable de survivre malgré le handicap qu'inflige une telle exubérance (ils sont par exemple plus visibles des prédateurs). Les femelles ont donc intérêt à choisir pour leur progéniture un père qui a le handicap le plus fort et qui est donc le plus capable de dépasser ce handicap.

Au cours des années 1980, la théorie darwinienne se verra développée sous l'angle mathématique et statisique par des biologistes comme John Maynard Smith. Ce dernier s'inspirant de la théorie des jeux développée par le mathématicien John Nash, introduira le concept de stratégie évolutionnairement stable qui désigne le fait que lorsque plusieurs populations sont en compétition, celles qui dominent les autres vont se répandre tandis que celles qui sont dominées vont disparaître.

Maynard Smith collaborera aussi avec le biochimiste Eörs Szathmáry dans un travail de synthèse sur les transitions majeurs dans l'histoire de la vie intitulé comme l'apparition du code génétique, des eucaryotes, des êtres multicellulaires, ou encore l'apparition des sociétés humaines.

Enfin, en privilégiant l'approche simultanée des organismes, certains auteurs comme Leigh Van Valen, William Rice ou encore en France le biologiste Thierry Lodé[5] insistent sur les processus de coévolution et réfutent certains points de la théorie néodarwinienne . Dans sa théorie de la reine rouge, Van Valen postule que l'évolution résulte des interactions entre organismes et se poursuit perpétuellement, tandis que les théories du conflit de Rice et Lodé proposent que l'évolution résulte principalement des interactions antagonistes, et notamment du conflit sexuel.

[modifier] Approche évo-dévo : évolution et développement

Depuis les années 1980, les travaux visant à relier la génétique et l'embryologie apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de l'évolution biologique. Ces nouvelles approches réactualisent certains aspects de théories plus anciennes comme la théorie du monstre prometteur de Goldschmidt.

Ces travaux montrent en effet que les homologies observées au niveau des organismes se retrouvent aussi au niveau du développement. L'existence de gènes "chefs d'orchestre" quasi-identiques chez des espèces aussi diverses que les mouches, les souris et les humains, change la conception du rôle des gènes dans la construction de l'individu (l'ontogenèse) et dans les réorganisations anatomiques qui se produisent au cours de l'histoire évolutive (la phylogenèse). En plus de confirmer l'ascendance commune entre les espèces vivantes, ces découvertes montrent que de petites modifications dans la séquence génétique au niveau de ces gènes voire une simple différence dans la période pendant laquelle de tels gènes sont exprimés au cours de l'embryogenèse, peuvent avoir des effets très importants sur la morphologie de l'organisme. Cela montre que l'évolution ne consiste pas seulement à créer de nouveaux gènes par mutation mais aussi à changer la façon dont les gènes sont exprimés.

Parmi les autres découvertes de la biologie moléculaire, les mécanismes épigénétiques constituent une autre voie par laquelle de l'information peut être transmise "à côté" du seul code génétique. Ce type de transmission peut impliquer l'ADN, l'ARN ou les protéines ou les organites du cytoplasme cellulaire et peut être réversible ou non. L'un des processus épigénétiques les plus étudiés est la méthylation de l'ADN et son lien avec les modifications de la chromatine : ce mécanisme consiste en l'inactivation d'un gène par changement de la conformation de la chromatine du chromosome qui le porte. Ce changement rend le gène silencieux sans en affecter la séquence nucléotidique. Par conséquent, ce gène sera transmis "intact" mais silencieux aux générations suivantes. On pourra donc observer la résurgence d'un caractère ancestral plus tard dans la lignée simplement par réactivation du gène (via une reconformation de la chromatine, déclenchée par un évènement stressant dans l'environnement). L'importance de ces mécanismes épigénétiques est encore difficile à mesurer mais ils peuvent avoir des conséquences importantes dans l'explication de phénomènes qui ne respectent pas les lois de l'hérédité mendélienne.

[modifier] Description succincte des mécanismes

L'évolution dépend de divers processus qui tendent à modifier la fréquence des allèles au sein de populations : mutation, brassage génétique, flux de gènes, sélection naturelle et sexuelle, dérive génétique :

Icône de détail Article détaillé : Évolution (biologique).

L'évolution des espèces est permise par les mutations que subissent les gènes portés par les chromosomes (constitués d'ADN). Tout être vivant possède de l'ADN (cela corrobore l'idée d'une origine commune des espèces) : cette molécule est constituée de deux hélices complémentaires au niveau de leurs bases azotées. Des mutations peuvent affecter cet ADN ; elles sont provoquées par des agents mutagènes tels que rayons X, alpha, UV, ou tout simplement par la défaillance des organites responsables de la réparation de l'ADN mal transcrit ou traduit. La théorie des monstres prometteurs met le stress provoqué par des facteurs externes au premier plan de ces facteurs de mutation. Ces mutations affectent la séquence d'un gène concerné (ordre des bases nucléotides d'un gène : adénine, thymine, guanine et cytosine).
Ces mutations sont à l'origine du polymorphisme des gènes, c'est-à-dire le fait que deux versions d'un même gène (deux allèles) par exemple, sont présentes chacune dans au moins un pour cent de la population de l'espèce considérée. Ces mutations créent donc de nouveaux allèles. Mais il ne faut pas oublier le phénomène des familles multigéniques, qui a un impact très important dans l'évolution : un gène peut être dupliqué et transposé sur un autre chromosome, ainsi tous les gènes issus de ce gène ancestral font partie d'une famille multigénique.

L'environnement « encadre » ces mutations par le biais d'un phénomène appelé sélection naturelle : un gène présentant un avantage pour une espèce dans un environnement donné, permettant à ses représentants d'atteindre le mieux possible la maturité sexuelle, se répand chez les individus d'une même espèce, a contrario s'il est néfaste, il disparait. Quant aux gènes neutres, ils se répandent de façon aléatoire mais peuvent permettre de suivre l'évolution (mutation de gènes homéotiques). C'est donc l'environnement qui décide de l'évolution des espèces, celles-ci évoluant pour être toujours plus adaptées à celui-ci. Donc le caractère aléatoire des mutations de l'ADN est compensé par la sélection environnementale.

Il est donc très important de ne pas confondre évolution et innovation, ce qu'il faut retenir, c'est que l'espèce qui survit est l'espèce la mieux adaptée, pendant une certaine durée, à son environnement.

Par ailleurs, il ne faut surtout pas voir l'évolution d'un point de vue généalogique, mais phylogénétique, en effet les espèces ne descendent pas les unes des autres. Des phénomènes comme la dérive génétique font que deux populations d'une même espèce isolées pendant une très longue période de temps divergent et forment deux nouvelles espèces. Par exemple pour la lignée humaine, l'arbre phylogénétique est buissonnant : plusieurs espèces Homo et Australopithèque ont vécu simultanément. Il est aussi à noter que l'homme - contrairement aux idées reçues - ne descend pas du singe, il a un ancêtre en commun avec lui. Et cet ancêtre n'était pas un singe. Notre patrimoine génétique est très proche de celui des chimpanzés, en effet les différences entre nous et celui-ci ne tiendraient qu'à la différence de quelques gènes déterminants : ils nous permettent de garder des caractères juvéniles toute notre vie, nous permettant de conserver la bipédie (le petit chimpanzé est quasi-bipède) et ils allongent la phase embryonnaire, permettant la mitose de beaucoup plus de neurones.

[modifier] L'approche cybernétique

Déjà contenue en germe dans l’évolution des espèces de Charles Darwin et d'Alfred Wallace, l’explication cybernétique a été formalisée par Gregory Bateson, en contraste à l’explication causale de René Descartes.

  • "[…] En termes cybernétiques, on dit que le cours des évènements est soumis à des restrictions, et on suppose que, celles-ci mises à part, les voies du changement n'obéiraient qu'au seul principe de l'égalité des probabilités. En fait, les 'restrictions' sur lesquelles se fonde l'explication cybernétique peuvent être considérées, dans tous les cas, comme autant de facteurs qui déterminent l'inégalité des probabilités... idéalement - et c'est bien ce qui se passe dans la plupart des cas - dans toute séquence ou ensemble de séquences, l'évènement qui se produit est uniquement déterminé en termes d'une explication cybernétique. Un grand nombre de restrictions différentes peuvent se combiner pour aboutir à cette détermination unique. dans le cas du puzzle, par exemple, le choix d'une pièce pour combler un vide est 'restreint' par de nombreux facteurs : sa forme doit être adaptée à celle des pièces voisines et, en certains cas, également à celle des frontières du puzzle; sa couleur doit correspondre à celles des morceaux environnants... Du point de vue de celui qui essaie de résoudre le puzzle, ce sont là des indices, autrement dit des sources d'information qui le guideront dans son choix. Du point de vue de la cybernétique. Il s'agit de restrictions. De même pour la cybernétique, un mot dans une phrase, une lettre à l'intérieur d'un mot, l'anatomie d'un quelconque élément d'un organisme, le rôle d'une espèce dans un écosystème, ou encore le comportement d'un individu dans sa famille, tout cela est à expliquer (négativement) par l'analyse des restrictions" (Bateson, 1980, pp. 155-156).

Alors, une description d'une organisation possible n'est adéquate que si l'on inclut une description des contraintes exercées par le contexte et l'environnement sur ses possibilités d'action (comportement, fonction et processus), d'agencement (structure) et de devenir (évolution). Il est de même du comportement conçu comme un construit organisé d'activités, de la cellule jusqu'à la machine et aux institutions en passant par l'animal et l'homme.

L'explication causale est, généralement, dite "positive" où, par exemple, une boule de billard B se déplace parce qu'elle est heurtée par une boule A sous tel ou tel angle et à telle vitesse. La trajectoire ou le comportement de la boule B est entièrement prédictible à partir des conditions initiales. L'explication cybernétique est dite "négative" dans l'examen des restrictions ou contraintes qui font que n'importe quoi ne peut se produire et que seule une "réponse appropriée" à ces contraintes peut survivre, se développer et se reproduire.

À partir de l'explication cybernétique se déploient l'approche écosystémique et les principes de l'"équifinalité" et de "multifinalité" qui sont très loin du précepte "déterministe" ou peut-être plus exactement "causaliste" de René Descartes. C'est un Processus stochastique de la "nécessité et le hasard", "The Law and the Chance" d'un ancien article de Ludwig von Bertalanffy antérieur au livre de Jacques Monod, dans l'épistémologie constructiviste. Il y a aussi la coévolution des interactions où le changement de l'un facilite et fait la promotion du changement chez l'autre.

À partir de ces deux modes explicatifs se différencient l'obus d'artillerie dont la trajectoire est connue et certaine à partir des conditions initiales déterminantes d'angle de tir et de vitesse initiale et dont l'atteinte de la cible est incertaine, et le missile autoguidé indépendant des conditions initiales et à trajectoire incertaine et dont l'atteinte de la cible est certaine.

[modifier] Évolutions de la théorie

  • Lamarck et Charles Darwin croyaient en l'hérédité des caractères acquis (bien qu'ils n'emploient pas cette expression, la distinction entre caractères acquis et innés date de la fin du XIXe siècle). Darwin mentionne même dans la première édition de L'origine des espèces les « effets cumulatifs du dressage » de génération en génération chez des chiens d'arrêt (pointers). Darwin est en réalité le premier à proposer une théorie des caractères acquis, sous le nom de "théorie de la pangenèse", dans son ouvrage De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication. C'est August Weismann qui fera la démonstration, non de l'impossibilité de la transmission des caractères acquis, mais de l'impossibilité de la transmission des mutilations, soutenue à la fin du XIXe siècle par les néo-lamarckiens. La théorie de Weismann exclu la transmission des caractères acquis de manière purement théorique (il est en effet impossible de démontrer scientifiquement l'impossibilité absolue d'un tel phénomène). La théorie synthétique postule aujourd'hui que les gènes ne peuvent être modifiés naturellement que par des mutations aléatoires, mais il s'agit, de l'aveu même de Francis Crick, d'un "dogme" de la biologie moléculaire.
  • On croyait en conséquence, jusqu'à la fin du XXe siècle, que l'adaptation individuelle ne se transmettait pas. Toutefois, au début du XXIe siècle, de nouvelles expériences et observations ont rouvert la porte à l'hypothèse d'une transmission de l'adaptation individuelle dans certains cas (notamment la taille, par rapport aux conditions d'alimentation), non par la modification des gènes, mais par la modification de leurs conditions d'expression, et, par là, de leur niveau d'activité, avec toutes les conséquences. Ces phénomènes sont qualifiés d'épigénétique. En outre, on a découvert que si les mutations sont bien aléatoires, les probabilités qu'elles soient réparées sont dépendantes des conditions extérieures : les mécanismes d'auto-réparation et d'entretien de l'intégrité du génome sont sous contrôle de l'état des cellules, ce qui fait que les cellules laissent passer plus ou moins de mutations selon leur adaptation à leur milieu. Au final, l'adaptation acquise apparait bien comme un élément de l'hérédité.
  • Selon la théorie de la récapitulation, dont la formulation est due à Ernst Haeckel (début du XXe siècle), chaque être vivant, au cours de son développement, récapitulerait l'histoire évolutive de son groupe. La « série des embryons » et la « série des ancêtres », qui aboutissent toutes deux au même individu, devraient être identiques. Sans être totalement fausse, cette théorie n'est que partiellement exacte et n'est justifiée par aucun mécanisme évolutif reconnu. Au contraire même, la néoténie (arrêt prématuré du développement maintenant des caractéristiques juvéniles chez l'adulte) est un processus évolutif fréquent, que l'on retrouve jusque chez les primates ; on admet par exemple que l'être humain ressemble plus à un jeune chimpanzé qu'à un singe adulte. Aldous Huxley a utilisé cette observation dans son roman Jouvence.
  • Il est tout aussi dangereux d'adopter le seul point de vue « adaptationniste », selon lequel chaque caractère d'un être vivant pris isolément aurait été « façonné » par la sélection naturelle. Dans cette optique, tout devrait avoir une utilité adaptative, y compris la couleur des yeux, le chiasme optique et l'appendice. L'expérience montre en fait qu'il existe beaucoup de caractères neutres en ce qui concerne la descendance. Certains gènes sont par ailleurs pléiotropes - c'est-à-dire qu'ils commandent plusieurs caractères à la fois. Une mutation avantageuse entraîne donc avec elle d'autres caractères ; quand la mutation se répandra dans la population, ses « effets secondaires » se répandront en même temps, sans avoir d'utilité en eux-mêmes... en tout cas à ce moment-là. Un exemple flagrant est celui de la drépanocytose, une maladie héréditaire, qui perdure parce qu'elle confère une certaine résistance au paludisme. La mutation ayant entrainé son apparition n'est pas neutre, mais la grave maladie qu'elle entraine est en quelque sorte compensée par un avantage sélectif, vis-à-vis d'une autre maladie.
  • Une image intéressante est de comparer le comportement des espèces soumises à la pression de sélection au comportement d'un liquide soumis à la gravité : au niveau moléculaire et dans l'instant, les molécules du liquide s'agitent bien à peu près au hasard. Au niveau de milliards de molécules et en regardant avec d'autres échelles de temps et d'espace, on n'en constate pas moins que le liquide prend globalement la forme de son récipient. De même, une espèce finit par remplir statistiquement sa niche écologique.

Si la théorie moderne permet d'expliquer la plupart des observations, il reste probable qu'elle devra sans doute être complétée et même corrigée sur certains points dans l'avenir, comme toute théorie scientifique.

[modifier] Opposition à la théorie de l'évolution

[modifier] Les opposants

Dès que les premières théories évolutionnistes ont été proposées, de nombreux arguments leur ont été opposés auquel Charles Darwin consacre d'ailleurs une partie de son livre.

Face au consensus scientifique actuel, certains groupes s'opposent à la théorie de l'évolution. Il s'agit en général de milieux religieux, tenants de diverses formes de créationnisme et de prédéterminisme. Les raisons de cette opposition sont la contradiction avec une interprétation plus ou moins littérale des textes sacrés (en particulier la Genèse), la négation de la volonté divine dans la création du monde et de l'homme, ainsi que le fait que la théorie de l'évolution n'accorde pas de place particulière à l'être humain dans l'univers et le monde vivant.

Cette opposition n'est nullement unanime parmi les religions. L'Église catholique par exemple ne partage plus à l'heure actuelle l'interprétation littérale du livre de la Genèse. Le Pape Jean-Paul II a déclaré que la théorie de l'évolution était « plus qu'une hypothèse » [6], et le chef astronome du Vatican, le révérend George Coyne, a affirmé que le Dessein Intelligent « n'est pas de la science, même s'il en a la prétention » [7]. Également, le bouddhisme ne rejette pas la théorie de l'évolution dont les notions sont même plutôt en accord avec la pensée bouddhiste[8].

Des études récentes (Science, août 2006) montrent qu'aux États-Unis 40% de la population rejettent la théorie de l'évolution, 20% sont incertains et seulement 40% l'acceptent (contre environ 80% en Europe, mais 25% en Turquie). Pour expliquer cette faible adhésion, les auteurs de l'étude pointent le manque de connaissance et de compréhension des concepts de la biologie et particulièrement de la génétique, chez les adultes américains.

[modifier] Développements politiques et judiciaires

Les polémiques ont connu depuis les années 1990 un regain d'activité, notamment aux États-Unis :

  • dans certains Etats, les tenants du créationnisme ont essayé de rendre obligatoire son enseignement dans les écoles publiques, en tant que « théorie scientifique concurrente » de celle de l'évolution. Cependant ces mesures ont été déclarés anticonstitutionnelles vis-à-vis du premier amendement sur la liberté d'expression, du fait du caractère religieux de cette théorie. Devant ces tentatives, des scientifiques ont ironiquement demandé à ce que soit aussi enseigné le pastafarisme.
  • un nouveau concept est apparu dans la mouvance créationniste, baptisé Dessein intelligent (Intelligent Design), qui affirme que « certaines caractéristiques de l'univers et du monde vivant sont mieux expliquées par une cause intelligente, plutôt que par des processus aléatoires tels que la sélection naturelle »[9]. Cette thèse est présentée comme une théorie appuyée par des travaux scientifiques, et ne nie pas l'existence de tout phénomène évolutif. La justice américaine (s'appuyant sur les travaux scientifiques) a cependant jugé (voir Kitzmiller v. Dover Area School) que cette thèse était de nature religieuse et non scientifique, et que les promoteurs de l'Intelligent Design n'explicitaient pas cette « cause intelligente » afin de contourner le problème juridique et d'échapper au qualificatif religieux. D'autres groupes utilisent les arguments de l'Intelligent Design, avec diverses attributions pour la « cause intelligente », par exemple des extraterrestres...

[modifier] Les arguments contre la théorie de l'évolution

Certains des arguments avancés par les opposants à la théorie de l'évolution relèvent de la croyance religieuse ou de la philosophie et sortent donc du cadre scientifique. D'autres arguments, repris notamment par les tenants de l'intelligent design, mettent en avant des points particuliers discutés ou non résolus, afin d'infirmer l'ensemble de la théorie. Ils ne sont pas pris au sérieux par la communauté scientifique pour laquelle ils relèvent d'une attitude pseudo-scientifique ou sophistique, le travail continuel de remise en question et d'approfondissement des détails et des mécanismes étant la base du travail scientifique. Il peut être intéressant de passer en revue ces derniers arguments.

[modifier] L'absence de formes fossiles intermédiaires

La théorie de l'évolution suppose qu'entre les espèces vivantes, un grand nombre de formes intermédiaires existèrent autrefois, le processus de l'évolution étant supposé très lent et progressif, ou irrégulier selon les théories. On peut donc s'attendre à en trouver les restes sous forme de fossiles.
Mais les biologistes s'accordent sur le fait que les fossiles retrouvés représentent une part minuscule de ce qui a vécu sur Terre. En effet, la fossilisation ne s'applique quasiment pas aux corps mous, elle n'intervient que dans des conditions très spécifiques, puis les fossiles produits doivent résister à l'érosion. Ils doivent ensuite être découverts.

De plus, s'il était effectivement difficile de trouver des fossiles montrant les étapes de l'évolution conformément à la théorie à l'époque de Darwin, la biologie contemporaine dispose de nombreux exemples de fossiles transitionnels, ne serait-ce que dans la lignée humaine. Le domaine de ce qu'on appelle l'EvoDevo (évolution et développement) fournit même des élements précis sur les mécanismes d'apparitions de nouveaux organes ou de nouvelles structures qui engendrent de nouvelles espèces[10].

Certains biologistes comme David Raup affirment que l'apparition de nouvelles espèces est trop rapide pour laisser des traces géologiques. Ce dernier a déploré l'instrumentalisation de ses travaux par certains mouvements créationnistes[11]. Or ce débat entre saltationnisme et gradualisme est interne à la biologie de l'évolution ; il n'en remet pas du tout en cause les principes mais cherche seulement à en caractériser la dynamique à l'échelle des temps géologiques.

Malgré cela, le manque de formes intermédiaires dans des domaines précis (l'absence de fossiles possédant une forme incomplète d'œil) a été dès le début et reste un argument employé par les détracteurs de l'évolution.

Icône de détail Article détaillé : Chaînon manquant (évolution).

Le problème du chaînon manquant de la lignée humaine (un être qui serait intermédiaire entre le singe et l'homme) a longtemps été employé contre la théorie de l'évolution. Depuis, de nombreux hominidés ont été découverts, au point que le problème est aujourd'hui plus de déterminer lesquels sont des ancêtres de l'homme et/ou du singe, et lesquels sont des lignées éteintes.

[modifier] La complexité irréductible

Plusieurs opposants à la théorie de l'évolution darwinienne, notamment Henri Bergson dans L'évolution créatrice, argüent que certains organes, comme l'œil humain (ou celui du homard), exigent un agencement très précis et concourant de différents éléments pour fonctionner correctement. Ils ne pourraient donc être le résultat d'une évolution progressive par sélection naturelle : une ébauche d'œil ne fonctionnerait pas et ne donnerait pas un avantage sélectif significatif. Arthur Koestler estime même, dans Janus, que cette mutation inutile aurait de fortes chances de se diluer et de disparaitre bien avant que les suivantes n'arrivent pour la compléter.

En fait, un organe photosensible même élémentaire, capable par exemple de simplement distinguer le jour de la nuit ou le passage d'une ombre, prédateur ou proie potentielle, procure un avantage sélectif suffisant pour qu'on puisse envisager qu'il s'impose rapidement. De là à obtenir un organe beaucoup plus complexe tel que l'oeil des vertébrés, le nombre d'étapes est certes considérable et demande une coordination des modifications de plusieurs organes adjacents, mais chaque amélioration accentuera l'avantage sélectif et s'imposera. Des travaux récents montrent que l'apparition d'un oeil "complet" est en fait très rapide, 400 000 générations suffisent[12].
Dans ces considérations, il faut en fait dissiper l'ambiguïté des notions d'organes "élémentaires", ou "d'ébauches" d'organes. Les yeux, ou les membres (ou d'autres organes) sont plus ou moins performants selon leur utilisation dans un organisme donné (vers, poissons, reptiles, oiseaux . . .) mais ils ont toujours étés "formés" et diversement sélectionnés suivant la lignée.

On notera d'ailleurs qu'une plus grande complexité n'est pas assimilable à un avantage ou un meilleur fonctionnement.

Ainsi, la rétine des vertébrés est montée "à l'envers" : la partie sensible des cônes et bâtonnets pointe vers le fond de l'oeil, tandis que le filament nerveux qui transmet l'information pointe vers l'avant. Cette constitution présente plusieurs inconvénients, notamment le fait que le nerf optique doit alors traverser la rétine, créant un point dépouvu de cônes ou bâtonnets, c'est-à-dire un Point aveugle. Ainsi que celui de réduire la lumière parvenant aux récepteurs ainsi recouverts par une couche translucide de la rétine, avec artérioles et veinules.

Par comparaison, l'oeil de la pieuvre, et plus généralement des céphalopodes par exemple est monté à "l'endroit" : la partie sensible des cellules photoréceptrices de leur rétine est dirigée vers l'avant de l'oeil, sur la première couche de la rétine et il n'y a donc pas de point aveugle créé par le nerf optique[13].

Richard Dawkins ajoute qu'il ne faut pas négliger la possibilité pour qu'un organe change de fonction ou remplisse plusieurs fonctions simultanément.
Un exemple frappant en est celui de la vessie natatoire qui est homologue aux poumons. Chez certains poissons (les Ginglymodes), elle joue en effet les deux rôles. De même, des plumes peuvent avoir d'abord procuré un avantage en termes d'isolation thermique, puis aidé des sauts, et en fin de compte débouché au terme de millions d'années sur le vol.

Bergson s'oppose à Darwin sur un point : la réductibilité du phénomène vivant à une explication mécaniste, surtout pour des raisons épistémologiques liées à la fonction de notre intelligence ; celle-ci, dans une perspective pragmatique, vise l'action et constitue elle-même un outil d'adaptation. Le modèle établi par Darwin, selon lui conséquence de notre faculté de connaitre, resterait encore insuffisant et exigerait une explication philosophique et intuitive de l'évolution. L'existence même d'une évolution n'est jamais remise en cause par Bergson ni par Koestler, mais tous deux insistent sur le fait que si son rôle d'élimination est indiscutable, son apport explicatif à des successions d'innovations en cascade reste problématique même sur les durées considérées, essentiellement pour des raisons de dilution de mutations qui, isolées, resteraient sans effet.

[modifier] La seconde loi de la thermodynamique

Se fondant sur une simplification de la seconde loi de la thermodynamique, certains pseudo-scientifiques[14][15] avancent que la physique interdirait l'évolution.

L'augmentation globale de l'entropie, variable de la thermodynamique quantifiant le désordre statistique d'un système serait censée interdire l'évolution, qui engendre au contraire la complexité.

Cette affirmation doit être recadrée :

  1. Cette loi s'applique à l'entropie totale d'un système fermé, ce que la Terre n'est pas. L'entropie peut diminuer localement s'il y a échange d'énergie avec un autre endroit où l'on a une augmentation supérieure de l'entropie : typiquement au niveau du Soleil dans le cas de la vie sur Terre[16]. Ou plus précisément dans la transformation du rayonnement solaire reçu par la Terre.
    Globalement la Terre reçoit de l'énergie sous une forme plus "ordonnée" qu'elle n'en réémet : les rayons solaires sont reçus depuis une zone précise du ciel (le disque solaire), principalement dans le spectre visible ; alors que la Terre réémet cette énergie reçue sous forme de rayonnement infrarouge, par un nombre bien supérieur de photons dans toutes les directions du ciel.
  2. Or les êtres vivants sont tous des systèmes "ouverts" (thermodynamiquement parlant) ; tendant à toutes étapes de leur existence à s'autoconserver, c'est à dire à maintenir leur organisation interne au détriment (au prix) d'une production continue de désordre (rejets, chaleur) qui est de nouveau recyclé par dégradation de l'énergie solaire, où dissipé par le rayonnement infrarouge de la Terre (qui est elle-même un système ouvert) payant ainsi le « tribut » à la règle d'entropie. Ils ne sont aucunement des exceptions à cette "loi", contrairement à certaines affirmations péremptoires prétendues « définitives »[15]. De plus, le second principe est un principe général, qui montre qu'un système donné (vivant ou inerte) peut (ou non) "fonctionner" ; son type interne de fonctionnement est (ou peut être) expliqué par d'autres sciences (chimie, mécanique, électronique...)
    La possibilité d'évolution des populations d'êtres vivants est parfaitement conforme au second principe, tout comme leur fonctionnement, leur développement, leur conservation. Cette possibilité s'intègre simplement dans cette succession des générations, qui est elle-même parfaitement conforme au second principe.
    L'évolution ne produit pas directement plus « d'informations » ; il est très difficile de préciser « l'information » contenue dans les êtres vivants. Du moins le scénario principal le suggère-t-il à l'échelle des temps géologiques (des centaines de millions aux milliards d'années) ; comme on l'a vu, cette possibilité est conforme au second principe dans la biosphère. Le questionnement se portant sur la (ou les) manières dont ça c'est produit.
  3. Il n'est pas immédiat d'assimiler le désordre statistique d'objets indifférenciés et indépendants comme les molécules d'un gaz parfait et l'entropie au sein d'un système prébiotique comportant différents constituants en interaction chimique. L'évaluation statistique effective des configurations les plus probables est bien moins évidente et rien n'empêche certains constituants de se « construire » aux dépens d'autres.
    Ainsi il est tout à fait faux de prétendre calculer simplement l'apparition de « la vie » en terme de « probabilités » comme présenté ici[17], ou ailleurs ! Car ce type de calcul simpliste ignore implicitement complètement tout les cadres dans lequel les diverses réactions ont (ou peuvent avoir) lieu : mares, évents, plages, volcans, argiles, impacts météoritiques/cométaires produisant simplement des peptides... De plus les réactions chimiques ne sont pas équiprobables (!) et ne se produisent pas toutes en même temps (!), mais dépendent des résultats des réactions antérieures ! Il n'y apparait pas aussi toutes les possibilités d'arriver à "la vie" (faut-il aussi spécifier à partir de quand "on" y arrive...). On ne peut spécifier précisément à partir de quand et jusqu'à quelles limites on a eu à faire à un environnement favorable à "la vie" (dans l'Archéen), ni même son étendue (surface de la planète (?), plages, sous-sols, évents sous-marins... mais aussi apports météoritiques et cométaires (!)...).
    Ces calculs simplistes n'ont aucune valeur, et sont plusieurs fois trompeurs.
    Par exemple, pensez aux milliards de milliards de réactions chimiques lors d'une digestion (par exemple), on ne peut calculer simplement la "probabilité" quelle se passe bien ou mal...
  4. La physique comporte déjà plusieurs phénomènes qui peuvent sembler violer la seconde loi de la thermodynamique si on traduit « entropie » par la notion subjective de désordre : avec la formation des étoiles et des galaxies, la nucléosynthèse, l'Univers croît en entropie tout en paraissant plus ordonné.
    Il serait plus précis de dire que la matière se présente bien sous forme de structures plus ordonnées, mais l'Univers dans son ensemble est en fait plus désordonné principalement par le rayonnement émis lors de la formations de ces structures.

[modifier] L'évolutionnisme dans les autres sciences

Au cours du XXe siècle, des chercheurs comme Pierre Teilhard de Chardin, Julian Huxley, James Lovelock (hypothèse Gaïa) et David Deutsch ont tâché d'appliquer la notion d'évolution à la totalité de l'univers, depuis les particules subatomiques jusqu'à la société humaine, avec une fécondité inégale.

La pensée évolutionniste s'est notamment propagée au sein de l'anthropologie évolutionniste au XIXe siècle. Pour les anthropologues de cette époque, l'espèce humaine ne fait qu'une, et donc, chaque société suit la même évolution, qui commence à l'état de « primitif » pour arriver jusqu'au modèle de la civilisation occidentale. Cette théorie a été très fortement remise en question. En effet, elle ne correspond pas à la réalité historique observée (les civilisations suivent des "chemins" divergents, ne poursuivent pas les mêmes "objectifs", et la civilisation occidentale, qui devrait pourtant constituer le stade ultime de l'évolution, continue pourtant à vivre de profondes mutations.) et est douteuse d'un point de vue éthique (considérant notre société occidentale comme l'aboutissement ultime de la civilisation). À l'inverse de ce qui était pratiqué jusqu'au milieu du XXe siècle, les approches modernes de l'anthropologie évolutionniste privilégient une méthodologie précise (confrontant des sources multiples, s'inspirant des outils d'analyse quantitative des sciences sociales, tentant de se départir de l'ethnocentrisme) et s'appuie sur des théories plus élaborées que l'évolutionisme simpliste des débuts. Théories inspirées non seulement par la biologie de l'évolution moderne mais aussi par la modélisation mathématique et informatique et parfois enrichies par les connaissances contemporaines en psychologie.

L'application des principes de l'évolution (notamment de concepts comme les caractères adaptatifs, la pression de sélection, etc) en psychologie a donné naissance à un courant baptisé psychologie évolutionniste. Même si Darwin avait déjà émis l'idée que la sélection naturelle a pu façonner aussi bien des caractères anatomiques que psychologiques, cette discipline s'est véritablement formalisée au début des années 1990 dans le cadre conceptuel des sciences cognitives. Depuis, la psychologie évolutionniste est au centre d'une intense controverse scientifique qui tient à de multiples raisons : difficulté méthodologique à établir une histoire évolutive des comportements qui ne sont pas des objets matériels, résistance intellectuelle à envisager l'esprit humain comme en partie déterminé par l'évolution, utilisation simpliste et abusive des théories évolutionnistes, médiatisation et déformation auprès du grand public des problématiques scientifiques... Dans le milieu scientifique toutefois, la psychologie évolutionniste fait désormais partie des paradigmes scientifiques valides.

Il existe aussi en informatique des algorithmes génétiques.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Charles Darwin, L'Origine des espèces, 1859, Londres.
  • Jean Chaline, Quoi de neuf depuis Darwin ? (2006), Ellipses, Paris. (Historique des théories de l'évolutions, présentation de l'évo-dévo)
  • Richard Dawkins, Le Gène égoïste, 2e édition 1989) ISBN 0192860925
  • Richard Dawkins, L'Horloger aveugle (The Blind Watchmaker, 1986 ; seconde édition 2006) ISBN 0393315703 ;
  • Stephen Jay Gould, La Structure de la théorie de l'évolution (The Structure of Evolutionary Theory, 2002, ISBN 0674006135). Paris, Gallimard, 2006. 2033 p. ISBN 2-07-076681-0
  • Ernst Mayr, What makes biology unique? Considerations on the Autonomy of a Scientific Discipline, New York, Cambridge University Press, 2004 — traduit en français sous le titre de Ernst Après Darwin. La biologie, une science pas comme les autres, Dunod (2006) : 237 p. (ISBN 2-10-049560-7).
  • Ernst Mayr, The Growth of Biological Thought: Diversity, Evolution and Inheritance, Cambridge, Harvard University Press, 1982 — traduit en français sous le titre de Histoire de la biologie. Diversité, évolution et hérédité, Fayard (1989) : 894 p. (ISBN 2213018944).
  • Patrick Tort, Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution (dir.), Paris, PUF, 1996, 3 vol., 5 000 p. Ouvrage couronné par l’Académie des Sciences.

[modifier] Ouvrages critiques

[modifier] Notes et références

  1. cf. l'article Origines de l'agriculture
  2. Charles Sullivan, Cameron Mcpherson Smith, Darwin : ce n'est pas une histoire de singe, Association française pour l'information scientifique, (page consultée le 26 avril 2008).
  3. Cyril Langlois, La structure de la théorie de l'évolution, de Stephen Jay Gould, UFR Sciences de la Terre et de la Mer, Université Bordeaux 1, 3 octobre 2007.
  4. Des tests statistiques suggéreront au XXe siècle que l'auteur avait peut-être légèrement falsifié ses résultats expérimentaux. Ses conclusions n'en demeurent pas moins exactes
  5. Thierry Lodé "La guerre des sexes chez les animaux, une histoire naturelle de la sexualité" 2006, Eds Odile Jacob, Paris ISBN 2-7381-1901-8
  6. Jean Paul II, Message delivered to the Pontifical Academy of Sciences 22 October 1996, Eternal Word Television Network.
  7. Vatican official: 'Intelligent design' isn't science, USAToday.com, 18 novembre 2005.
  8. Jacques Brosse, Écologie, bouddhisme et christianisme, Nouvelles Clés, (page consultée le 26 avril 2008).
  9. « The theory of intelligent design [...] holds that certain features of the universe and of living things are best explained by an intelligent cause rather than an undirected process such as natural selection » — Intelligent Design Network, Inc.
  10. Vincent Homer, Évolution et développement : Vers une nouvelle synthèse ?, Université Paris IV, Sorbonne
  11. Alain Feuerbacher, Désaccords d'Évolution
  12. Nilsson & Pelger, A pessimistic estimate of the time required for an eye to evolve.Proc. Biol. Sci .1994 Apr 22;256(1345):53-8
  13. Rafael Terrón, Imperfections de la Nature : Preuves à conviction de l'évolution, Association FABULA.
  14. Emmanuel Bozzi, La deuxième loi de la thermodynamique contredit la théorie de l'évolution, Bibliste.com
  15. ab Harun Yahya, La thermodynamique réfute l'évolution, Le Mensonge de l'évolution.com
  16. Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité, Seuil, 1970 (ISBN 2020028123)
  17. Harun Yahya, L'impasse moléculaire de l'évolution, Le Mensonge de l'évolution.com.