Taliban

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Drapeau des Taliban
Drapeau des Taliban

Un taliban (طالب [ṭālib], étudiant ou chercheur, pl. طلاب [ṭullāb] en arabe ; طالب [ṭɔˑˈlɛb], pl. طالبـان [ṭɔˑlɛˈbɔˑn] en paṣto) est une personne qui adhère à un mouvement fondamentaliste musulman sunnite qui est originaire d'Inde et qui s'est répandu au Pakistan et surtout en Afghanistan en octobre 1994.

Sommaire

[modifier] Considérations étymologiques

Le mot taliban est le pluriel d'un mot d'origine arabe talib, désignant celui qui étudie dans une école religieuse. En français, on devrait donc écrire "un taleb" et « des taliban », sans [s]. Mais dans l'usage courant, dans la presse[1] et selon les règles de la grammaire française, on écrit « un taliban », « des talibans ».

Le dictionnaire Le Grand Robert cautionne cet usage (édition de 2001). Taleb y est défini comme « écrivain public en Afrique du Nord », et le mot talibé comme « élève d'une école coranique ». En paṣto, le terme connaît essentiellement l'acception d'étudiant en théologie dans une madrasa, au détriment du sens premier en arabe.

Par ailleurs, le sens du terme a, à l'occasion, été étendu pour définir toute forme d'extrémisme, d'intégrisme ou d'intransigeantisme.

[modifier] Origine des Talibans

Durant la guerre contre les Soviétiques, des millions de jeunes Afghans furent éduqués dans les madrassas — écoles religieuses — de la zone tribale pakistanaise. Dans ces madrassas, ils furent fortement influencés par une école de pensée, l'école de Deobandi, qui prône le retour à « un islam pur », proche de celui existant au temps du Prophète selon leur guide spirituel.

Les chefs de guerre qui se déchirent pendant et après l'occupation de l'Afghanistan par les Russes, sont des islamistes ayant des objectifs politiques : ils veulent d'abord établir un État islamiste, des lois et un État respectant selon eux la parole de Dieu, dans le but qu'ensuite la société et les mœurs deviennent islamiques.

Les Talibans, eux, sont des « néo-fondamentalistes » (cf. la topologie d'Olivier Roy). Au contraire des islamistes, ils veulent d'abord réislamiser les mœurs, la justice, les êtres humains. La forme de l'État n'a pas d'importance pour eux à la condition de respecter la loi divine. Et seuls ceux qui l'ont étudiée, c'est-à-dire, bien sûr, les Taliban, sont à même de l'expliquer et d'en assurer le respect.

C'est pour cela qu'ils déclarent dans leurs premières années qu'ils ne veulent pas le pouvoir politique. C'est aussi pour cela qu'ils attachent tant d'importance à tout ce qui touche à la vie quotidienne, publique ou privée.

Durant les premières années de leur prise de pouvoir, les Talibans jouissent d'un réel soutien populaire, surtout, mais pas uniquement, de la part des populations pachtounes du sud et de l'est. Les Afghans sont fatigués de leur guerre avec l'URSS et des exactions des chefs de guerre qui ensanglantent le pays, et accueillent volontiers ces religieux qui amènent la paix et la sécurité. Les contraintes morales qui choqueront tant l'Occident, quand il daignera s'intéresser au sort des Afghans, ne changent, en fait, pas grand-chose dans les campagnes où les femmes portent déjà la burqa, où, dans leur très grande majorité, elles ne travaillent ni ne vont à l'école.

De 1994 à fin 1997, les Talibans profitent aussi d'un soutien moral, sinon financier et militaire, de la part des services secrets pakistanais, dans une relative indifférence internationale. La présence sur le territoire afghan, à partir de 1996, d'Oussama Ben Laden, qui a déclaré haut et fort qu'il allait s'attaquer aux États-Unis par tous les moyens, change la donne. Et l'Occident découvre alors un régime qui choque ses valeurs fondamentales.

[modifier] La guerre civile au temps des Talibans

Dessin de femme portant une burqa.
Dessin de femme portant une burqa.

Après leur apparition sur la scène afghane en octobre 1994, les Talibans prennent, en quelques mois, le contrôle de la moitié sud du pays. En février 1995, ils sont à Maydan Shahr à une vingtaine de kilomètres au sud de Kaboul, et à une centaine de kilomètres d'Hérat dans l'ouest. Ceux-ci ayant défait le Hezb-i-Islami dans le Logar et ayant tué Mazari, le chef hazara du Hezb-i-wahdat, Ahmad Shah Massoud en profite pour prendre le contrôle total de Kaboul. La capitale est détruite à 40 %[2] par les combats de la guerre civile.

Hérat est prise en septembre 1995, Kaboul le 27 septembre 1996 et les Talibans en profitent pour tuer l'ancien président Communiste Mohammed Nadjibullah qui avait trouvé refuge dans une maison de l'ONU depuis sa destitution. Le Mollah Omar, chef des Talibans, devient de facto le nouveau chef d'état sous le titre de Commandeur des Croyants.

Mazar-i-Sharif est prise une première fois en 1997 mais cela s'avère être un piège dans lequel environ 3 000 Talibans seront froidement massacrés, et lorsque les Talibans reprennent Mazar en 1998, ils se vengent en massacrant, à leur tour, plusieurs dizaines de milliers de Hazaras, hommes, femmes et enfants. L'Hazaradjat est alors presque encerclé et tombe après la chute de Bamiyan en septembre 1998. Les Taliban font dynamiter les deux bouddhas sculptés de Bamiyan en mars 2001.


L'Alliance du Nord, rassemblement de frères ennemis mais unis contre les Talibans, se désagrège alors. La plupart de ses chefs se réfugient à l'étranger et Ahmad Shah Massoud reste le seul leader de l'Alliance à résister depuis son fief montagneux du Panchir, d'où il garde le contrôle du nord-est de l'Afghanistan. Ailleurs dans le pays, seules quelques poches de résistance en Hazaradjat, sous le commandement de Khalili, continuent de harceler les Taliban, provoquant vengeances, massacres de civils et une totale destruction de la ville de Bamiyan et de ses alentours.

Le 20 août 1998, les États-Unis lancent des douzaines de missiles de croisière sur des camps d'entraînement présumés de Oussama Ben Laden, en représailles aux attentats contre leurs ambassades de Nairobi et Dar es Salam.

Le 9 septembre 2001 à Khwadja Bahuddin, Ahmad Shah Massoud est tué lors d'un attentat suicide commis par Abdessatar Dahmane et Bouari El-Ouaer, deux Talibans d'origine Tunisienne se faisant passer pour des journalistes munis de faux passeports belges.

Après les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York dont la planification est attribuée à Oussama Ben Laden, la guerre est déclarée à l'Afghanistan par le gouvernement des États-Unis qui mène une coalition mandatée par l'ONU. Le pouvoir taliban s'écroule en quelques jours début novembre 2001.

Après quelques mois de transition, une Loyah Jirgah investit Hamid Karzai.

[modifier] La vie sous les Talibans

Statue de Bouddha à Bamyan, avant sa destruction par les Talibans.
Statue de Bouddha à Bamyan, avant sa destruction par les Talibans.

Le régime imposé par les Talibans fut fondé sur un respect strict et littéral d'une certaine vision de l'islam, particulièrement rigoriste. La culture de l'opium est réduite mais les zones contrôlées par les Taliban poursuivent une faible partie de leur production, environ 35 tonnes en 2001 selon le PNUCID (Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues)[3] malgré l'interdiction de culture décrétée par le le mollah Mohammed Omar en l'an 2000[4]. C'est un chiffre très faible si on le rapporte aux 150 tonnes d'opium produits cette même année 2001 dans le Badakhshan, province sous contrôle de l'Alliance du Nord (total de 180 tonnes), aux 3 276 tonnes produits l'année précédente, en 2000[5], et aux 8 200 tonnes produits en 2007[6].

L'Afghanistan vivait alors sous la coupe de 30 000 à 40 000 Talibans, motivés par un retour à la pureté originelle de l'islam. Le « ministère pour la promotion de la vertu et la répression du vice » contrôle tous les aspects de la vie des Afghans.

[modifier] L'intolérance institutionnalisée

Le théâtre, le cinéma et la télévision étaient interdits ; la possession d'appareils photographiques et de magnétoscopes devint illégale. Le ministère de l'Information interdisait aux journalistes étrangers de parler aux femmes, de prendre des clichés et de se promener seuls[7]. Un seul hôtel était ouvert aux reporters occidentaux dans Kaboul. Les relations sexuelles hors mariage étaient prohibées et punies de 100 coups de fouet[8]. Au nom de l'iconoclasme, les Talibans dynamitèrent les statues de bouddhas géants de Bamiyan, vieilles de quinze siècles. La diffusion d'idées « non-musulmanes » était également prohibée. En 2001, les minorités hindoues devaient porter un signe distinctif[9]. Les Talibans brûlaient les instruments de musique et les cassettes, frappaient et emprisonnaient les musiciens, interdisaient la danse. La boxe, comme beaucoup d'autres sports, était prohibée[10]. Chaque jour, la radio des Talibans énumérait de nouveaux interdits : peindre en blanc les vitres des maisons pour ne pas voir les femmes à l'intérieur, expéditions punitives pour casser les téléviseurs, magnétoscopes, déchirer les photographies de famille. Les autorités faisaient également vérifier que l'on n'écoutait pas de musique dans les maisons ou au cours des mariages[11]. Les systèmes médicaux et scolaires furent dédoublés en fonction du genre, tout en donnant la priorité aux hommes. La Charia devint la base du droit afghan. Notamment, l'amputation et la lapidation furent parmi des peines appliquées sous les Taliban. Toute représentation humaine était illégale, même pour les poupées des petites filles[12]. Les homosexuels étaient condamnés à mort : on faisait s'écraser sur eux un mur, et on utilisait un bulldozer pour achever la peine[13]. Dans les écoles, la moitié du temps était consacrée à la religion. Les cours de sports et d'art furent éliminés des programmes scolaires.

[modifier] Condition des femmes

Les femmes furent exclues du marché de l'emploi, elles devaient être entièrement couvertes par le vêtement traditionnel, la burqa (ou tchadri), et ne pouvaient quitter leur maison qu'accompagnées de leur mari ou d'un parent proche. La burqa était une sorte de tente plissée et opaque, sur laquelle était découpée une grille bordée à la hauteur des yeux. Les femmes refusant ce code vestimentaire étaient fouettées. De même, les hommes devaient porter une barbe d'au moins 10 cm : la longueur était vérifiée dans la rue. Les personnes devaient se raser le pubis et les aisselles[14]. Les femmes jugées pour crimes d'adultère étaient lapidées, enterrées jusqu'au cou, et subissaient ensuite des jets de pierre jusqu'à ce que mort s'en suive. L'enseignement secondaire était interdit aux filles. Mais le régime fermait les yeux sur les écoles privées et clandestines[15]. Les femmes battues furent légions, les suicides augmentaient...

[modifier] Les Talibans après 2001

Prospectus visant à inciter la population à dénoncer les talibans auprès des autorités
Prospectus visant à inciter la population à dénoncer les talibans auprès des autorités
  • 16 juillet 2004 : une roquette tombe près d’un collège visité quelques minutes plus tard par le président Hamid Karzaï. Les Talibans revendiquent l'attentat.
  • 29 août 2004 : attentat à la voiture piégée, à Kaboul, faisant au moins 12 morts et une trentaine de blessés. Les Talibans visaient l'entreprise de sécurité américaine Dyncorp, qui s’occupe de la protection du président afghan Hamid Karzaï.
  • 9 juillet 2005 : six policiers sont décapités et quatre autres sont tués dans le sud du pays par des rebelles Taliban. D'après les autorités afghanes, il y aurait eu 500 morts dans le premier semestre 2005 à cause d'attaques et d'attentats dans le pays.
  • 13 mai 2007 : confirmation par l'OTAN de la mort du mollah Dadullah. Ceci est considéré comme un coup dur porté aux talibans.
  • 27 avril 2008 : tir de roquette sur la tribune du président Hamid Karzaï lors d'un défilé militaire. Le président s'en sort indemne.

Dans la capitale, Kaboul, la vie est normalisée et relativement calme. Le reste du pays est aux mains de groupes tribaux ou de seigneurs de la guerre formellement soumis au gouvernement légal, mais parfois très indépendants. Certaines zones rurales du sud pachtoune, surtout le long de la frontière avec le Pakistan, restent sous la coupe des Talibans.

Depuis août 2006, les actions violentes des talibans ont redoublé au sud du pays (ville de Kandahar et sa région), entraînant, en réponse, de vastes opérations de l'Armée nationale afghane et des contingents de l'OTAN pour les contrer.

[modifier] Notes et références

  1. Le Monde du 17-07-2000, p.14
  2. L'Express du 28-06-2006, p.111
  3. Geopium - Diploweb.com
  4. Lutte contre la drogue: les États-Unis récompensent les talibans afghans, Collectif Liberté Afghanistan, 3.8.2001
  5. [1] rapports 2000 (page 27) et 2001 (pages 18-20) du PNUCID sur la production d'opium en Afghanistan
  6. [2] rapport 2007 du PNUCID sur la production d'opium en Afghanistan (page 116)
  7. L'Express du 28-06-2006, p.112
  8. L'Express du 28-06-2006, p.112
  9. L'Express du 28-06-2006, p.117
  10. L'Express du 28-06-2006, p.107
  11. L'Express du 28-06-2006, p.110
  12. L'Express du 28-06-2006, p.114
  13. L'Express du 28-06-2006, p.114
  14. L'Express du 28-06-2006, p.113
  15. L'Express du 28-06-2006, p. 105

[modifier] Voir aussi

  • Le film "Osama" réalisé par Siddiq Barmak et qui défend la condition de la femme en Afghanistan et dénonce sa maltraitance sous le régime des Talibans.
  • Le film "L'Opium des talibans" réalisé par Olivier Weber et François Margolin montre la vie quotidienne des disciples du mollah Omar et l'implication des talibans dans le narco-trafic [1].

[modifier] Bibliographie

  • Ahmed Rashid, L'Ombre des Taliban, Autrement, 2001, (ISBN 2746701731)
  • Françoise Causse, Quand la France préférait les talibans - Massoud in memoriam. Editions de Paris-Max Chaleil, 2004. (ISBN 9782846210560)
  • Alberto Masala, Taliban. Trente-deux preceptes pour les femmes, N&B, Collection Ultima Verba, ASIN 2911241304
  • Marc Epstein, «Afghanistan. Voyage au cœur de la barbarie», dans L'Express, 28/06/2001
  • Michael Barry, Le Royaume de l'insolence, l'Afghanistan : 1504-2001, Flammarion, 2002, (ISBN 2082101029)
  • Bernard Dupaigne, Gilles Rossignol, Le carrefour afghan, Gallimard (folio, le Monde actuel), 2002, (ISBN 2070425959)
  • Gilles Dorronsoro, La Révolution afghane, des communistes aux tâlebân, Khartala, 2000
  • Sylvie Gelinas, L'Afghanistan, du communisme au fondamentalisme, L'Harmattan, 2000
  • Asne Seierstad, Le libraire de Kaboul
  • Olivier Weber, Le Faucon afghan, Voyage au pays des talibans, Robert Laffont, 2001 (ISBN 2266123092)
  • Olivier Weber,, Le Grand Festin de l'Orient, Robert Laffont, 2004, 263 p. (ISBN 2221098021)

[modifier] Liens externes