Synchronicité

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La synchronicité est l'occurrence simultanée de au moins deux évènements qui ne présentent pas de rapport de causalité, mais dont l'association prend un sens pour la personne qui les perçoit.

C'est un concept développé par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung et propre à la psychanalyse jungienne, il ne peut s'entendre (avoir du sens) que par rapport aux autres concepts de la psychologie analytique.

Sommaire

[modifier] Le concept Jungien de Synchronicité

[modifier] Avertissement

"La complexité de la psychanalyse jungienne tient au fait que toutes les instances psychiques sont en étroites relations les unes avec les autres. Décrire isolément un concept donne de lui une vision forcément partielle car ne tenant compte ni des rapports dynamiques avec les autres instances ni de l'ensemble du système psychique. Tout est lié, tout est en mouvement." in La psychanalyse jungienne, Collection Essentialis, ED. Bernet-Danilot, Avril 2002

Icône de détail Article détaillé : psychologie analytique.

[modifier] Définition du concept

Carl Gustav Jung a évoqué la synchronicité dès les années 1930, mais ce n'est que tardivement dans son œuvre, dans les années 1940/1950 qu'il va la définir plus précisément en lui consacrant un ouvrage entier.

Pour Carl Gustav Jung le concept de synchronicité ne peut s'entendre que lié aux autres concepts de la théorie analytique en particuliers : archétype et individuation, et uniquement dans le cadre de la théorie de la psychologie analytique.

[modifier] La synchronicité n'est pas le synchronisme

Dans les Cahiers de Psychologie jungienne, n°28, 1er trimestre 1981, nous trouvons à la page 2 cette définition de la "synchronicité" :

  • « J'emploie donc ici le concept général de synchronicité dans le sens particulier de coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements sans lien causal entre eux et possédant un sens identique ou analogue. Le terme s'oppose à "synchronisme" qui désigne la simple simultanéité de deux évène­ments. La synchronicité signifie donc d'abord la simultanéité d'un certain état psychique avec un ou plusieurs événements parallèles signifiants par rapport à l’état subjectif du moment, et - éventuellement - vice-versa. »

Un exemple de synchronicité, que chacun a pu expérimenter, est de recevoir un appel téléphonique d'une personne à laquelle on était justement en train de penser. Jung intégra ce concept à sa théorie du fonctionnement psychique, au sens où cette occurrence surprenante pour le sujet le faisait aller dans une autre voie de réflexion, permettant à certains de connaître un changement d'état important. On retrouve ce phénomène à l'inverse, c'est-à-dire vers un état de dégradation, quand par exemple deux personnes se fâchent et que l'une d'elles a par la suite un accident grave. Le sujet qui a souhaité du mal à l'autre peut se trouver alors très affecté.

Ce qui est important pour Jung dans la synchronicité ce n'est pas que deux événements se produisent en même temps (ça c'est le synchronisme), mais le lien causal auquel un sens est donné par le sujet à cette occurrence. Ce sens nouveau donné permet parfois au sujet de se libérer et d'obtenir plus de bien être. Jung parle même, dans L'homme a la découverte de son âme, de Guérison. Il nomme ce processus individuation, auquel il donne la définition suivante :

  • « L'individuation n'a d'autre but que de libérer le Soi, d'une part des fausses enveloppes de la persona, et d'autre part de la force suggestive des images inconscientes. » in Carl Gustav Jung, Dialectique du Moi et de l'Inconscient (ISBN 2-07-032372-2)

[modifier] Archétypes et synchronisme

Icône de détail Article détaillé : Archétype (psychanalyse).

Par exemple, Jung a remarqué beaucoup de répétitions - quelques soient les âges, les sexes, les latitudes - et la présence de certains invariants de l'âme humaine : les archétypes.

« On croit souvent que le terme "archétype" désigne des images ou des motifs mythologiques définis. Mais ceux-ci ne sont rien autre que des représentations conscientes : il serait absurde de supposer que des représentations aussi variables puissent être transmises en héritage. L'archétype réside dans la tendance à nous représenter de tels motifs, représentation qui peut varier considérablement dans les détails, sans perdre son schème fondamental. » in Carl Gustav Jung, L'homme et ses symboles, Robert Laffont, 1964 p 67.

Il a cherché l'expression de cette tendance dans l'individu (qu'il rencontrait dans sa clinique) dans d'autres cultures et auprès d'autres spécialistes. Par exemple lorsqu'il découvrit que l'anthropologue Paul Radin avait mis à jour comme lui (mais dans un autre domaine : l'anthropologie) une figure archétypale, le trickster. Ils publièrent par la suite ensemble.

Paul Radin, co-auteur de l'ouvrage Le mythe du Fripon écrit :

« Il n'est guère de mythe aussi répandu dans le monde entier que celui que l'on connaît sous le nom de "mythe du Fripon" dont nous nous occuperons ici. Il y a peu de mythes dont nous puissions affirmer avec autant d'assurance qu'ils appartiennent aux plus anciens modes d'expression de l'humanité ; peu d'autres mythes ont conservé leur contenu originel de façon aussi inchangée. [...] Il est manifeste que nous nous trouvons ici en présence d'une figure et d'un thème, ou de divers thèmes, doués d'un charme particulier et durable et qui exercent une force d'attraction peu ordinaire sur l'humanité depuis les débuts de la civilisation. »

[modifier] La mise en sens du réel

« Une synchronicité apparaît lorsque notre psychisme se focalise sur une image archétypale dans l'univers extérieur, lequel comme un miroir nous renvoie une sorte de reflet de nos soucis sous la forme d'un événement marqué de symboles afin que nous puissions les utiliser. Nous nous trouvons face à un "hasard" signifiant et créateur.»

Carl Gustav Jung illustrait ce concept par le célèbre exemple du scarabée d'or : alors qu'une de ses patientes en analyse lui racontait un de ses rêves et prononçait le mot "scarabée d'or", un scarabée d'or s'écrasait sur la vitre de son cabinet, les troublant tous deux. Cette "coïncidence fortuite" allait permettre de relancer la thérapie stagnante de sa patiente.

La patiente fait une mise en sens du réel s'inscrivant dans son histoire mais aussi dans l'histoire collective dont elle est porteuse, même inconsciemment.

[modifier] Le savoir issu de l'inconscient

Icône de détail Article détaillé : inconscient (psychologie analytique).

Pour Carl Gustav Jung, qui rend hommage d'ailleurs à Freud en la matière bien qu'en affirmant sa singularité, il existe un inconscient. Mais ce concept se heurte à des résistances, « La psychologie est une science des plus jeunes et parce qu'elle s'efforce d'élucider ce qui se passe dans l'inconscient, elle se heurte à une forme extrême de misonéisme. » in Carl Gustav Jung, L'homme et ses symboles, Robert Laffont, 1964 p 31.

« … la psychologie n’est pas uniquement un fait personnel. L’inconscient, qui possède ses propres lois et des mécanismes autonomes, exerce sur nous une influence importante, que l’on pourrait comparer à une perturbation cosmique. L’inconscient a le pouvoir de nous transporter ou de nous blesser de la même façon qu’une catastrophe cosmique ou météorologique. » in Carl Gustav Jung, Sur l’Interprétation des rêves, Albin Michel, 1998 p 218.

Carl Gustav Jung envisage l'existence d'un "savoir absolu" constitué par un inconscient collectif formé d'archétypes. En cela il s'inscrit dans les discussions de la philosophie classique comme on le trouve déjà dans les textes de Platon. Par exemple, Platon, dans son ouvrage Le Ménon, où Socrate fait découvrir que des notions telles que la diagonale pré-existent en l'homme, en l'espèce un esclave n'ayant jamais reçu d'éducation mathématique. Le Ménon est un des dialogues de Platon consacré à la doctrine de la Réminiscence.

Une expérience "classique" peut être facilement reproduite avec un enfant à qui on demande "si je te donne un bonbon puis un autre bonbon tout le temps qu'est-ce qui se passerait ?". L'enfant envisage très vite un gros tas de bonbon, puis que cela n'en finirait jamais et accessoirement que la perspective serait très agréable mais aussi que ça ne peut pas arriver pour de vrai. Ainsi de manière centrale il possède en lui le concept d'infini et comprend la limite de l'expérience humaine face à ce concept. Mais qui peut bien lui avoir appris tout cela ? Et pourtant il n'a pas suivi de cours sur le concept d'infini ni sur celui de finitude, ce qui ne l'empêche pas de donner un sens au réel, à l'abstraction et à l'expérimentation.

Ainsi, de la même manière, la synchronicité dans le cadre de la psychologie clinique est l'expérience d'une résonance entre le psychisme de l'individu (inconscient , archétype) et le réel, expérience qui permet de prendre une autre voie ou de devenir plus mature (individuation), ce qui d'ailleurs ne peut que difficilement être compris (puisque ce n'est pas que le plan intellectuel qui est en jeu).

« L'expérience archétypique est une expérience intense et bouleversante. Il nous est facile de parler aussi tranquillement des archétypes, mais se trouver réellement confronté à eux est une tout autre affaire. La différence est la même qu'entre le fait de parler d'un lion et celui de devoir l'affronter. Affronter un lion constitue une expérience intense et effrayante, qui peut marquer durablement la personnalité. » in C.G. Jung, Sur l’Interprétation des rêves, Albin Michel, 1998 p 120.

Le postulat est que s'il cherche à donner du sens a ses actes, à son passé, à lui-même, l'homme ne saurait chercher ce qu'il ignore, puisqu'il ignore alors ce qu'il doit chercher, ni ce qu'il sait, puisqu'il ne saurait chercher ce qu'il sait déjà.

Dès lors, il faut que, quelque part, nous ayons déjà su ce que nous cherchons ; il ne s'agit plus alors de savoir seulement, mais surtout de se souvenir et de découvrir en nous ce savoir.

Toute l'œuvre de Carl Gustav Jung tente d'élucider les mystères du chemin de l'individuation, qui n'est autre pour lui que la voie d'un développement personnel authentique, loin des masques et plus près du cœur.

Ce développement personnel là, n'est pas forcément ce que nous aurions rêvé d'être ni forcément de céder à ce que la société aurait bien voulu que nous soyons. C'est à cela qu'invite la psychologie jungienne, à un dialogue véritable avec soi.

[modifier] Favoriser la synchronicité

Dans la théorie jungienne, l'apparition de synchronicités peut être favorisée par l'intuition et par les rêves.

[modifier] L'intuition

L'intuition nous permettrait de nous diriger vers des évènements chargés de sens. Sous la gouverne du mental, le meilleur chemin vers lequel un être tend est le chemin le plus court, le plus efficace, le moins risqué pour cet être, bref le plus logique. Sous la gouverne de l'intuition, le meilleur chemin vers lequel un être tend est le chemin le plus chargé de sens. En suivant son intuition, l'être marche vers la synchronicité. L'intuition peut alors être utilisée de deux façons :

  1. A partir d'une intention. Il faut alors formuler une intention, lâcher prise et écouter son intuition : Le suivi de l'intuition pourrait être une étape subséquente à une autre soit celle de la formulation d'une intention, d'un souhait. Dans bien des cas, cette première étape est souvent inconsciente. Voici un exemple, recensé dans le livre d'Erik Pigani qui illustre ces hypothèses :

    Lise, auteure de chansons, raconte une expérience particulièrement significative. Alors qu’elle était encore étudiante, elle décide d’investir toutes ses économies pour ouvrir un bar à chansons à Québec. Pour l’inauguration, elle aimerait faire venir des journalistes, mais tous lui répondent qu’elle doit créer un événement en faisant parrainer son bar par une personnalité. Le chanteur Félix Leclerc, par exemple. [Ici, elle formule une intention : contacter Félix Leclerc] Alors, elle cherche à contacter celui-ci, en vain. " C’était terrible. J’avais vraiment besoin de sa présence pour l’ouverture, raconte Lise. Sans lui, pas de presse. Mais je ne me suis pas découragée, j’ai eu confiance en la vie, sachant qu’elle apporte souvent des réponses à nos besoins fondamentaux. [Ici, elle lâche prise et s'ouvre] Le soir même, la jeune femme éprouve l’envie de faire un tour en voiture, poursuit Erik Pigani. Pourtant, c’est l’hiver, il fait nuit et froid. Elle roule donc. [Ici, elle suit son intuition]Tout à coup, devant elle une voiture fait une embardée et se fiche dans un banc de neige. Lise s’arrête, le conducteur sort de son véhicule… " et qui croyez-vous se trouvait devant elle? Pour ceux qui ne l’auraient pas deviné, il s’agissait de Félix Leclerc, bien sûr. " Quinze jours plus tard, relate le journaliste, le chanteur faisait l’ouverture du bar de Lise. " Il y a plusieurs exemples comme celui-là.[1]

  2. A partir d'une question : il faut alors poser une question, lâcher prise et écouter son intuition. On peut utiliser le principe de synchronicité également pour obtenir un conseil ou une aide éclairante en posant la question claire et honnête avec l'intention de connaître la réponse, en lâchant prise et en s'ouvrant à son environnement : en écoutant son intuition

[modifier] Les rêves

Selon les analystes jungiens, les rêves sont une matière intéressante.

Ils fournissent des images et des scénarios qui peuvent être intéressants à étudier pour tenter de mettre à jour un sens aux messages et aux combinaisons oniriques de notre inconscient. Accorder de l'attention aux rêves, c'est encourager son mental à prêter attention aux détails de son existence, et cela aide à intégrer les messages inconscients à son vécu conscient,[1] et d'être ainsi plus à l'écoute des coïncidences et des synchronicités. C'est un travail de conscientisation.

Icône de détail Article détaillé : Rêve (psychologie analytique).

En 1916 Carl Gustav Jung publie Allgemeine Gesichtspunkte zur Psychologie des Traumes (Points de vues généraux de la psychologie du rêve) où il développe sa propre compréhension des rêves qui diffère beaucoup de celle de Freud. Pour lui, les rêves sont aussi une porte ouverte sur l'inconscient, mais il élargit leurs fonctions par rapport à Freud. Selon Jung, une des principale fonction du rêve est de contribuer à l'équilibre psychique. Il constate que tout ce que nous vivons dans la journée n’arrive pas dans la conscience.

Ce travail de conscientisation a de l'intéret pour une personne dans la mesure où elle lui permet de devenir plus adulte. C'est que l'on nomme l'individuation.

[modifier] Développements sur le concept

[modifier] Rappel historique

C'est un jeune biologiste autrichien du nom de Paul Kammerer qui fut le premier scientifique moderne (avant Jung) à regarder les coïncidences sous un œil non-mécaniste.

Dès 1900, et pendant plusieurs années, il note des observations de coïncidences. En 1919, il publie la conclusion de son travail qui décrit l'univers dans lequel on vit comme un « monde mosaïque, qui, malgré de constants mouvements et réarrangements, vise à réunir les choses semblables ».[2].

Jung, aidé du physicien Wolfgang Ernst Pauli, approfondira les travaux de Kammerer, en définissant le concept de synchronicité et en décrivant les liens qu'il y a avec les processus de l'inconscient.

Pauli & Carl Gustav Jung ont dialogué pendant de nombreuses années.[3] Pauli a suivi dans les années trente une cure analytique avec l'un des élèves de Jung, cure dont la série de rêves a été étudiée par Jung lui-même dans Psychologie et Alchimie.

[modifier] Dans les sciences

Le caractère non-reproductible des exemples de synchronicité fait que le concept n'a pas eu de fécondité particulière dans le domaine scientifique. On ne peut pas le considérer aujourd'hui comme scientifiquement validé.

[modifier] Psychanalyse

Le concept de synchronicité, mis en avant par Jung est utilisé en thérapie par les psychanalystes du courant jungien (psychologie analytique). Les autres écoles de psychanalyse (freudienne, lacannienne, etc.) ne reconnaissent pas de pertinence à ce concept.

[modifier] Psychothérapies transpersonnelles

Le courant de la psychologie transpersonnelle, né dans les années 1970 en Californie, proche des préoccupations du courant New Age originel, est marqué par l'influence importante de Jung et attache une grande importance à la synchronicité.

[modifier] Littérature et paranormal

La synchronicité suscite un certain intérêt dans le courant qui aborde souvent le thème des pouvoirs "psi" : télépathie, les prémonitions, médiumnité, etc. Le best-seller de James Redfield "La Prophétie des Andes" et ses nombreuses suites est basé entièrement sur l'hypothèse que les synchronicités et les coincidences ouvrent de nouvelles voies spirituelles et représentent un éclairage de la destinée. Il en va de même pour le roman L'Alchimiste, de Paulo Coelho. L'observation des synchronicités est une pratique qui est devenue commune ces dernières années à un certain nombre de personnes qui sont sur un chemin ou une voie spirituelle de conscientisation et mettent l'accent sur l'attention dans la vie quotidienne.

[modifier] Domaine artistique

En 1983, le groupe de rock The Police a sorti un album intitulé Synchronicity; dont la chanson éponyme disait : "Effect without a cause / Sub-atomic laws / scientific pause / Synchronicity"

[modifier] Critiques du concept

[modifier] Causalité vs. acausalité

La causalité fait partie des lois naturelles connues, or, la synchronicité est, par définition, acausale. Son existence réelle est donc mise en doute, du moins selon une vision uniquement déterministe du monde.

L'astrophysicien Hubert Reeves qualifie de "risquée" l'exploration de l'acausalité puisqu'un « événement est dit acausal jusqu’à ce qu’on ait découvert sa cause. C’est-à-dire son appartenance au monde des causes et des effets. » Il conclut alors: « L’histoire des sciences c’est, en définitive, la liste des relations causales découvertes successivement entre des objets apparemment sans relation. »[4]

[modifier] La synchronicité, objet pseudo-scientifique

Icône de détail Article détaillé : Pseudo-science.

Le concept de synchronicité n'est pas, au sens de Popper, réfutable, au même titre d'ailleurs que la psychanalyse elle-même (cf critique épistémologique de la psychanalyse). Même si une théorie ou un concept pseudo-scientifique n'est pas nécessairement faux, cette question entâche sérieusement la netteté du concept.

Le concept de synchronicité couvre une large partie des critères permettant de caractériser une pseudo-science, notamment :

  • Un protocole expérimental invalide : il ne s'agit pas d'émettre une hypothèse puis de la vérifier, en prédisant un évènement, puis en vérifiant s'il est apparu ou non. Il s'agit ici de choisir parmi un vaste ensemble de coïncidences acausales (dont certaines se sont produites) un résultat intéressant. Il est alors facile de valider la théorie mais c'est un biais expérimental.
  • L'impossibilité de réfuter la théorie : ce point découle directement du précédent. Il n'est pas possible de dire que cette théorie est fausse puisqu'elle n'est pas assez cadrée expérimentalement.
  • Le choix d'une théorie arbitraire face à une explication simple : le rasoir d'Ockham (aussi nommé principe de parcimonie), heuristique féconde en épistémologie, invite à préférer les explications simples, lorsque c'est possible sans introduire d'entités non indispensables. C'est le cas ici si le phénomène peut s'expliquer simplement à partir des connaissances statistiques actuelles (loi des séries, par exemple : les probabilités nous indiquent qu'une "main parfaite" au bridge doit sortir de temps en temps).

Il y eut des tentatives de rapprochement entre la synchronicité et le paradoxe EPR.[5] Comme toutes les récupérations de cet effet, celle-ci s'estompa quand les physiciens étalèrent une interprétation de l'effet EPR en renonçant à la localité.

[modifier] Un mauvais usage de la statistique

Un évènement statistiquement improbable n'a, par définition, que très peu de chances de se produire. Mais si on analyse une large quantité d'évènements improbables, il y a toutes les chances qu'il puisse s'en produire un (dans la mesure où la quantité d'évènements est inversement proportionnelle à la probabilité de chaque évènement). Les coïncidences acausales sont elles aussi fortement improbables, mais en raison même de la variété et de la quantité de ces coïncidences, la probabilité que l'une d'elle au moins se produise est très forte. Par extension, il est fortement improbable que jamais n'apparaissent une de ces coïncidences[6].

Richard Feynman cite un moment où il eut un pressentiment que sa grand-mère venait de mourir. À ce moment, le téléphone sonne, et c'était un appel de ses parents. Il s'enquiert immédiatement de la santé de sa grand-mère : il se trouve que celle-ci se portait très bien. Or qui pense à compter le nombre de coïncidences non réalisées ?

[modifier] Des coïncidences non-espérées

Dans le cadre de la synchronicité, le biais est double puisque les évènements improbables ne sont pas attendus. Il ne s'agit pas d'attendre un évènement donné mais un signe. La fiabilité du résultat ne dépend donc que de l'interprétation de l'expérimentateur, ce qui n'est pas admissible dans un cadre scientifique. De plus, il ne s'agit plus d'attendre un évènement fortement improbable, mais bien de tirer un évènement qui s'est produit (une coïncidence dans le cas de la synchronicité) et de constater qu'il était en effet tout à fait improbable. L'ensemble des coïncidences admissibles et acausales est extrêmement large face à la probabilité de chaque coïncidence. Il est donc très probable qu'un de ces évènements se produise. « Si vous allez voir un nombre gigantesque d'endroits et considérez comme une preuve tout ce sur quoi vous tombez, vous êtes sûr de découvrir du sens là ou il n'y en a pas. »[7](voir Paradoxe de Hempel)

En psychologie, le processus tendant à considérer comme des choix personnels dictés par une attitude rationnelle ce qui est souvent le résultat de concours de circonstances s'appelle la rationalisation. Le processus de reconnaître des symboles ou des motifs dans des données aléatoires ou sans sens particulier s'appelle apophénie.

Umberto Eco a raillé cette propension à la recherche de coïncidences dans un de ses romans :

Il ouvrit tout grands et théâtralement les battants, nous invita à venir voir et nous montra, au loin, à l’angle de la ruelle et des avenues, un petit kiosque de bois où se vendaient probablement les billets de la loterie de Merano.
« Messieurs, dit-il, je vous invite à aller mesurer ce kiosque. Vous verrez que la longueur de l’éventaire est de 149 centimètres, c’est-à-dire un cent-milliardième de la distance Terre-Soleil. La hauteur postérieure divisée par la largeur de l’ouverture fait 176 : 56 = 3,14. La hauteur antérieure est de 19 décimètres, c’est-à-dire égale au nombre d’années du cycle lunaire grec. La somme des hauteurs des deux arêtes antérieures et des deux arêtes postérieures fait 190 x 2 + 176 x 2 = 732, qui est la date de la victoire de Poitiers. L’épaisseur de l’éventaire est de 3,10 centimètres et la largeur de l’encadrement de l’ouverture de 8,8 centimètres. En remplaçant les nombres entiers par la lettre alphabétique correspondante, nous aurons C10H8, qui est la formule de la naphtaline. »[8]

Le paradoxe des anniversaires est un exemple de paradoxe probabiliste qui montre comment l'esprit humain peut voir une coïncidence surprenante là où les lois des probabilités prédisaient que la collision était en fait très vraisemblable.

[modifier] Références :

[modifier] Bibliographie

  • Cahiers de Psychologie jungienne, n°28, 1er trimestre 1981.
  • Carl Gustav Jung, Dialectique du Moi et de l'Inconscient, (ISBN 2-07-032372-2).
  • Carl Gustav Jung , Sur l’Interprétation des rêves, Albin Michel, 1998 p 218.
  • Paul Radin, The Trickster: A Study in Native American Mythology, 1956 (ISBN 978-0805203516).
  • Carl Gustav Jung, Paul Radin, Le Fripon divin: un mythe indien , ouvrage collective avec Radin et Kerényi, éditions Librairie de l'Université, Georg et Cie, 1958.
  • L'univers informé : La quête de la science pour comprendre le champ de la cohérence universelle de Lynne McTaggart, Annie Ollivier, 2006.

[modifier] Notes

  1. ab Erik Pigani," Provoquer des hasards heureux, c’est possible! ", Psychologies, septembre 1999.
  2. La synchronicité selon Jung, http://www.alliancespirite.org/dossier-4.html.
  3. Correspondance 1932-1958. Albin Michel, 2000.
  4. Hubert Reeves, " Incursion dans le monde acausal "La Synchronicité, l’Âme et la Science, Éd. Poiesis, Diff. Payot, 1984.
  5. Philosophie et spiritualité
  6. Broch & Charpak réservent une partie de leur livre pour détailler ce point, en commentant une photographie réalisée par l'un d'entre eux, photographie troublante puisque faisant apparaître un phénomène tout à fait improbable. Lire Georges Charpak et Henri Broch, Devenez sorciers, devenez savants !, Odile Jacob, Sciences, 2002.
  7. John Ruscio. The Perils of Post-Hockery, Skeptical Inquirer, November/December 1998 in [1]
  8. Umberto Eco. Le pendule de Foucault

[modifier] Liens externes