Sylvestre II

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Sylvestre II
Pape de l’Église catholique romaine
Image du pape Sylvestre II
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[[|100px|Armoiries pontificales de Sylvestre II]]
Nom de naissance Gerbert d'Aurillac
Naissance vers 938 , Auvergne
Élection
au pontificat
2 avril 999
Intronisation:
Fin du
pontificat :
12 mai 1003
Rome
Prédécesseur : Grégoire V
Successeur : Jean XVII
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Listes des papes: chronologie · alphabétique
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Gerbert d'Aurillac (Auvergne, vers 940Rome, 12 mai 1003), pape sous le nom de Sylvestre II (de 999 à 1003), philosophe et mathématicien. Il est le plus grand esprit de son temps, il introduit peut-être les chiffres arabes en Occident. Il œuvre à restaurer un empire universel sur les bases de l'Empire Carolingien. Dans ce but, Otton III - dont il fut le précepteur - le place sur le Saint-Siège. Il est un acteur scientifique et politique majeur du renouveau de l'Occident médiéval de l'an mil.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Le moine

Gerbert d'Aurillac serait né vers 938 à Belliac[1], un hameau situé aujourd'hui dans la commune de Saint-Simon, en Auvergne [2]. Des moines de l'abbaye d'Aurillac remarquent ce jeune pâtre qui observe le ciel à l'aide d'une branche de sureau évidée[3]. Il est donc admis au monastère bénédictin fondé par saint Géraud, et y étudie les Arts libéraux qui comprennent le trivium et le Quadrivium.
Remarqué en 963 par le comte Borel II de Barcelone qui se rendait à Rome en faisant étape à Aurillac, ce dernier l'emmène avec lui. De retour à Barcelone, Gerbert poursuit son instruction dans les abbayes catalanes de Vich et de Ripoll.[4] en 967, où il sera pris en charge par le savant évêque Atton[5].
Le comté de Barcelone correspondait à la région de Catalogne que Charlemagne avait conservée sous la dépendance des ducs d'Aquitaine, et ses comtes en étaient un rameau. C'est là que Gerbert approfondit sa connaissance des sciences (quadrivium). En effet, la Catalogne était restée un foyer intellectuel important qui était aussi en contact avec les autres régions de l'Espagne conquises par les Musulmans, en particulier le royaume de Cordoue.

On dit même qu'il se serait déguisé en musulman pour visiter la bibliothèque de Cordoue, qui aurait contenu entre 400.000 et 600.000 volumes, consultés aussi bien par les savants chrétiens que juifs[6].

Il approfondit sa connaissance de la culture antique à travers Virgile, Porphyre de Tyr, Aristote, Cicéron et surtout Boèce. C'est par les Apices de Boèce qu'il s'initie à l'arithmétique. Il y remarque la numérotation décimale (sans le zéro) notée en chiffres ghubar, dans le Codex Viliganus, datant de 976 et provenant du monastère d'Albelda[7]. Ces chiffres sont utilisés par les marchands arabes qui sont nombreux à Barcelone. Libéré de la lourdeur des chiffres romains, il peut ainsi aborder les calculs pratiques, imagine une table à compter - l'abaque de Gerbert - qui systématise le principe de la numération de position et le procédé de calcul matriciel de nos quatre opérations et de nos tableurs.

Après trois ans d'étude, en 970, il accompagne l'évêque de Barcelone à Rome qui le présente au pape Jean XIII et à l'empereur Otton Ier. Celui-ci lui confie l’éducation de son fils Othon II qui devient son ami. Il est remarqué par Garamnus, archidiacre de Reims et dialecticien de renom, qui le convainc de le suivre pour parfaire ses connaissances de la Logique.

[modifier] L'écolâtre

Adalbéron, archevêque de Reims, le fait venir dans son collège épiscopal et lui confie en 972 la direction de son école. Là, il enseigne et y fait enseigner de nombreuses matières tant profanes que religieuses.

Il se distingue par son érudition notamment dans le domaine scientifique, en particulier le quadrivium qui avait été oublié après les périodes des invasions viking, hongroise et sarrasine. C'est ainsi qu'il imagine et construit toutes sortes d'objets à vocation culturelle comme des abaques, un globe terrestre, un orgue et des horloges, ce qui lui valut quelques soupçons sulfureux. Il réintroduit également la dialectique, l'une des trois sciences du trivium.

Parmi ses élèves prestigieux, figurent Robert le Pieux, fils du futur roi Hugues Capet, Richer, l'historien Bernelin de Paris, un mathématicien auteur d'un traité sur l'abaque (Liber abaci), Guy d'Arezzo ( v.990-1050), le moine bénédictin de l'abbaye de Pomposa (près de Ferrare), grand théoricien de la musique connu pour son Micrologus de musica, qui est à la base de la notation de la musique occidentale, avec l'invention de la portée étendue à cinq lignes, le nom de notes, peut-être aussi Dudon de Saint-Quentin, grammairien, poète, et comme Adalbéron, rhéteur et dialecticien [8].

[modifier] Abbé de Bobbio

La réputation de Gerbert et l'amitié que lui porte Othon II lui vaut de recevoir la direction de l’abbaye de Bobbio, en Italie, en 982. Il dirige alors la plus riche bibliothèque d'Occident. La discipline s'y étant relâchée, il y applique la réforme clunisienne. Il se heurte à des difficultés d'ordre politique. L'Italie comme le reste de l'Occident chrétien à cette période est marquée par la mutation féodale. Après la dissolution de l'empire carolingien, une nouvelle élite guerrière s'impose comme protectrice des territoires soumis aux incursions sarrasines ou hongroises: l'ost carolingien est trop lourd pour répondre à des raids rapides[9]. Dès lors de petites troupes implantées sur un château sont plus à même de répondre à cette menace, permettant aux paysans de se réfugier en cas d'attaque. Les châteaux prolifèrent sur les terres agricoles et sur les axes commerciaux où les châtelains imposent leur droit de ban : ce phénomène est appelé l'incastellamento. Cela met cette nouvelle élite en conflit avec l'aristocratie et l'Église qui sont les principaux propriétaires fonciers.

Dans le cas de Bobbio, Gerbert se heurte à l'évêque de Pavie ,Pierre Canepanova, puis à d'autres seigneurs comme Boson de Nibbiano, qui se sont arrogés des terres appartenant à l'abbaye ou se permettaient de récolter le foin du monastère[10]. L'évêque de Pavie est en effet un personnage de très haut rang au sein de l'empire : pour éviter de céder définitivement terres et charges à leur clientèle, les Ottoniens le font sous forme de charge ecclésiales ce qui permet de récupérer leurs avoirs à la mort de l'évêque. Gerbert qui applique les recettes clunisiennes à son abbaye, est dans un premier temps soutenu par le pape Benoit VII, mais celui-ci meurt le 10 juillet 983. C'est Pierre Canepanova qui est désigné par Otton II comme nouveau pape ! Gerbert se retrouve complètement isolé et il est alors proprement expulsé du monastère à la mort d'Otton II en 983, sans doute récusé par la majorité des moines qui ont du mal à se plier à la rigueur bénédictine imposée pas Cluny[10]. Il retourne donc à Reims.

[modifier] Rôle dans l'élection d'Hugues Capet

Jusqu'à la fin du Xe siècle, situé en terre carolingienne, Reims est le plus important des sièges archiépiscopaux de France, prétend à la primatie des Gaules, et son titulaire a le privilège de sacrer les rois et de diriger leur chancellerie. De ce fait, l'archevêché de Reims est traditionnellement favorable à la famille régnante et a depuis longtemps un rôle central dans la politique royale. Mais la cité épiscopale rémoise est dirigée par Adalbéron de Reims, neveu de Adalbéron de Metz (un prélat fidèle aux Carolingiens), élu par le roi Lothaire en 969, mais qui a des liens familiaux avec les Ottoniens[11]. Adalbéron et Gerbert revenu a ses cotés œuvrent pour le rétablissement d'un empire unique dominant toute l'Europe. Le roi Lothaire étant roi à 13 ans, il est de fait sous tutelle de son oncle Otton Ier. Mais en vieillissant il s'affirme et prend de l'indépendance ce qui contrecarre les projets impériaux de réunir toute l'Europe sous une unique couronne. Dès lors l'évêché lâche Lothaire et soutient Hugues Capet[12].

En effet, pour que les Ottoniens puissent faire de la France un état vassal de l'empire, il faut impérativement que le roi de France ne soit pas Carolingien et qu'il soit suffisamment peu puissant et effacé pour accepter cette mise sous tutelle. Hugues Capet devient pour eux le candidat idéal, d'autant qu'il soutient activement la réforme monastique dans ses abbayes quand les autres prétendants continuent à distribuer charges ecclésiales et abbatiales à leur clientèle. Une telle conduite ne pouvait que séduire les Rémois très proches du mouvement clunisien.

Grâce à la correspondance de Gerbert, on a beaucoup d'informations sur ces évolutions politiques:

« Le roi Lothaire n'est le premier en France que par son titre. Hugues l'est, non par le titre, mais par ses faits et gestes. »
    — Gerbert d'Aurillac, v. 985., [13]

Les Rémois voient également d'un mauvais œil le rapprochement entre le roi et Herbert de Vermandois, l'éternel ennemi des Carolingiens, le descendant du traître qui avait permis l'arrestation de son grand-père Charles le Simple en 923. Enfin, Adalbéron et Gerbert sont tous les deux proches de la cour ottonienne et se rapprocher de Hugues serait finalement faire renoncer la Lorraine à la Francie[14]. Enfin, Otton III a trois ans quand son père décède : deux partis luttent alors pour en assurer la régence, l'un emmené par Henri de Bavière et Lothaire (954-986), l'autre par les impératrices Théophano et Adélaïde, camp adopté par Gerbert et Adalbéron, qui soutiennent donc Hugues Capet contre Lothaire[10]. Lothaire reprend l'offensive en Lorraine en mars 985. Hugues se garde bien cette fois ci d'être de l'expédition[15]. Lorsque le roi de Francie prend Verdun et qu'il fait prisonnier Godefroy (le frère de l'archevêque de Reims), Adalbéron et Gerbert demandent l'aide de Hugues. Mais finalement la course du roi s'achève puisqu'il meurt à son tour en mars 986 dans sa cité de Laon[16].

Le nouveau souverain Louis V, reprend les visées de son père sur la Lorraine et on pense qu'il aurait souhaité lancer une offensive contre Reims et Laon du fait de leur rapprochement avec l'Empire[17]. Mais au cours d'une partie de chasse, le roi trouve la mort dans une chute de cheval le 21 ou le 22 mai 987 en forêt de Senlis[18].

En mai 987, même si Louis V est mort sans enfant, il reste un carolingien susceptible de monter sur le trône. Il s'agit de Charles de Lorraine, fils de Louis IV et frère de Lothaire. En 987, depuis une dizaine d'années, Hugues Capet concurrence ouvertement le roi, il semble avoir soumis les grands vassaux, mais surtout son adversaire Charles de Lorraine est accusé de tous les maux : il a voulu usurper la couronne (978), il est l'allié de Otton II puis il a accusé d'adultère la reine Emma d'Italie, femme de son frère[19]. Adalbéron de Reims convoque les plus hauts seigneurs de la Francie à Senlis et leur dit :

« Nous n'ignorons pas que Charles [de Lorraine] a des partisans : ils soutiennent qu'il a des droits à la couronne, transmis par ses parents. Mais on ne doit porter sur le trône qu'un homme exceptionnel par la noblesse du sang et la vertu de l'âme. Or Charles n'obéit pas à l'honneur, il a perdu la tête au point de s'être remis au service d'un roi étranger [Otton II] et d'avoir pris femme dans une classe inférieure de la noblesse. »
    — Richer de Reims, Histoire, IV, v. 990., [20]

Adalbéron plaide une dernière fois en faveur de Hugues :

« Le trône ne s'acquiert point par droit héréditaire, et l'on ne doit mettre à la tête du royaume que celui qui se distingue par ses qualités. Donnez-vous donc pour chef le duc Hugues, recommandable par ses actions, par sa noblesse et par ses troupes, en qui vous trouverez un défenseur, non seulement de l'intérêt public mais aussi des intérêts privés. »
    — Richer de Reims, Histoire, IV, v. 990., [21]


Hugues fait immédiatement acquitter Adalbéron et ce dernier peut alors convoquer une nouvelle assemblée à Senlis (fief de Hugues) et il retourne à Reims écarter toute proposition de la part de Charles de Lorraine. C'est bien Hugues qui va devenir le nouveau souverain[22]. En revanche, les historiens spécialistes de la période l'affirment : « En 1989, il faut le dire honnêtement, on ne sait toujours pas avec certitude quand, comment et où eurent lieu le couronnement et le sacre du premier Capétien. »[23] Mais que sait-on au juste ? C'est la chronologie fournie par Richer de Reims qui pose problème. Le moine écrit que Hugues est couronné et sacré le 1er juin. Yves Sassier n'imagine pas qu'on puisse à l'époque sacrer le nouveau souverain 10 jours seulement après la mort du Carolingien. Il semble plutôt que Hugues ait été acclamé roi par l'assemblée de Senlis (peut-être le 3 juin) puis couronné et sacré roi le 3 juillet à Noyon[24].

« Le duc fut porté au trône et reconnu roi par les Gaulois, les Bretons, les Normands, les Aquitains, les Goths, les Espagnols (du comté de Barcelone) et les Gascons. »
    — Richer de Reims, Histoire, IV, v. 990., [25]

Hugues Capet est acclamé par l'assemblée de Senlis (quelques jours après la mort de Louis V), puis est couronné et sacré entre mi-juin et mi-juillet de l'an 987.

[modifier] L'archevêque et le cardinal

Denier de Gerbert comme archevêque de Reims
Denier de Gerbert comme archevêque de Reims

Après la mort d'Adalbéron de Reims (989), Hugues Capet décide d'élire comme nouvel archevêque le carolingien Arnoul (un fils illégitime du roi Lothaire) plutôt que Gerbert. On pense qu'il s'agit d'apaiser les partisans du carolingien, mais la situation se retourne contre le roi puisque Arnoul livre Reims à Charles[26]. Les alliances se forment alors la guerre est ouverte : Charles est allié à l'archevêque de Reims et à Herbert de Vermandois et Hugues reçoit le soutien de Eudes de Blois en échange de Dreux. Quant au pape, il est sollicité par les deux adversaires, tandis que la cour d'Otton III reste neutre, malgré les demandes de Hugues[27]. La situation se débloque par la trahison d'Adalbéron de Laon, évêque de Laon, qui s'empare de Charles et d'Arnoul pendant leur sommeil et les livre au roi (991). Pour parvenir à ses fins Adalbéron s'est fait recevoir à Laon en faisant croire à Charles et Arnoul qu'il voulait se réconcilier avec eux afin de récupérer son évêché. Bien accueilli à Laon, il jure sur le pain et le vin le 2 avril 991 (jour du Jeudi saint) de conserver sa foi à Charles, avant d'ouvrir les portes de la ville à l'ennemi durant la nuit[28]! Le dernier carolingien, est emprisonné à Orléans, et meurt à une date inconnue[29].

Après réflexion, Gerbert devient le secrétaire d'Hugues Capet et prépare le concile fixé en l'abbaye de Sainte-Basle de Verzy, près de Reims, en juin 991, qui déposera Arnoul, le pape n'ayant même pas répondu au courrier du roi[10]. Gerbert sera, cette fois, naturellement désigné par le roi pour occuper la place d'Arnoul. Il lui succède sur le trône archiépiscopal de Reims en 991 après la mort d'Aldabéron et l'éviction de son remplaçant, Arnoul, qui avait eu le tort de trahir Hugues Capet en livrant l'archevêché à son oncle Charles de Lorraine le prétendant carolingien à la couronne. Cette nomination acquise sur décision du roi Hugues Capet et contre la volonté du pape Jean XV. Le Pape soutenant Arnoul, Gerbert avec d'autres évêques français prend position au concile de Sainte-Basle, pour l'indépendance des Églises vis-à-vis de Rome qui est contrôlée par les empereurs germaniques.

l'archevêque Gerbert travaille beaucoup, dépassant même le cadre de son diocèse, aussi loin que Tours, Orléans ou Paris, réglant les conflits entre laïcs et clercs, consultant sur les problèmes canoniques, rappelant à l'ordre les évêques suffragants indociles. Les soucis majeurs de Gerbert viennent du côté de Rome, vers qui les partisans d'Arnoul se tournent, et qui obtiennent du pape qu'un légat, Léon, soit envoyé pour enquêter sur lui[10]. En 992 au synode d'Aix-la-Chapelle, Jean XV cite à Rome les rois et les évêques français, sans résultats. En 994, le pape réunit un nouveau concile à Ingelheim et se prononce contre les décisions du concile de Saint-Basle, et excommunie Gerbert et ses amis évêques. En réponse à cela, à Chelles en 994/995, un concile français présidé par Robert le Pieux avec l'appui de Hugues Capet, soutient Gerbert et décide de s'opposer à la décision du pape[10]. Le légat Léon convoque alors un nouveau concile à Mouzon, près de Sedan, en juin 995, puis un mois plus tard, à Reims. Hugues Capet défend aux prélats français de s'y rendre, mais Gerbert s'y présente, seul[10]. Dans le même temps Gerbert publie les actes du concile de Sainte-Basle et défend ses thèses dans un traité épistolaire, la lettre ayant été envoyée à Wilderod, évêque de Strasbourg. Gerbert reconnaît sans conteste la primauté du pape, mais il dit que ce dernier n'a pas à intervenir directement dans les affaires de sa province, le concile de Nicée ayant défini les rôles dans les conciles provinciaux. L'affaire en est là quand le pape Jean XV, meurt en avril 996, bientôt suivi d'Hugues Capet lui-même. Gerbert ne désarme pas, va à Rome plaider sa cause au nouveau pape, Grégoire V, mais ce dernier maintient les positions de son prédécesseur. Mais son dernier soutien, Robert le Pieux le nouveau roi de France cherche à ménager le Pape, pour qu'il accepte son mariage avec Berthe, veuve d'Eudes de Blois, de laquelle il est épris mais dont il est cousin. Il doit accepter la demande Grégoire V de ne plus soutenir Gerbert.

Afin d'éviter une excommunication des évêques ayant siégé au concile de Sainte-Basle, et donc un schisme, Gerbert préfère lâcher prise. Il abandonne l'archevêché et se rend en Italie. Il se lie d'une grande amitié à Adélaïde de Bourgogne. Celle-ci mariée très jeune au roi d'Italie Lothaire, se retrouve bien vite veuve, son mari ayant été empoisonné en 950 par Bérenger II, marquis d'Ivrée, qui prend sa place, gardant prisonnière la reine Adélaïde. Mais celle-ci appelle à son secours le roi des Germains (futur empereur des Romains) Otton Ier, qui l'épouse en 951 et détrône Bérenger. Couronnée impératrice avec son époux en février 962, elle devient veuve en mai 973. Son petit-fils Otton III étant mineur, elle assure la régence de l'empire de 991 à 995. Le jeune Empereur (14 ans), lui demande en 997 de devenir son précepteur. L'écolâtre de Magdebourg l'ayant défié en philosophie (on enseignait en ce temps la logique et la rhétorique), Gerbert lui répondit en janvier 98, à Ravenne, devant l'empereur Othon III. Il triomphe dans ce défi et l'empereur lui confie l'archevêché de Ravenne.[30]

[modifier] Le pape : Sylvestre II

Au Xe siècle, l'empire carolingien a fini de se dissoudre et l'Europe est divisée en de multiples principautés autonomes de fait même si elles élisent et reconnaissent un souverain dont l'influence reste limitée. À cette époque les évêques sont souvent laïcs et nommés par les comtes. Le rôle de Rome est donc considérablement affaibli. Cependant les monarques et la papauté ont des intérêts convergents. Ainsi quand les Ottoniens vont par leur puissance militaire mettre fin aux invasions Hongroises, le pape Jean XII se mettra sous leur protection en l'échange du sacre impérial. Maîtres de l'Italie du Nord, et ayant établi leur cour à Rome dans le but de recréer un Empire Romain, les Ottoniens ont le pouvoir d'influer sur l'élection du souverain pontife, sa nomination étant soumise à leur approbation. Gerbert est proche des empereurs Othon Ier et Othon II, il fut le précepteur d'Othon III. À la mort de Grégoire V, le 18 février 999, il est élu pape et consacré le 2 avril. Il choisit le nom de Sylvestre II en référence à Sylvestre Ier qui fut pape sous l'empereur Constantin Ier qui reconnut le christianisme comme religion de l'Empire romain.

D'un point de vue politique il aide à l'instauration d'états forts en Europe, obtenant en échange que ceux-ci s'appuient sur l'Église. Ceci contribue à renforcer le rôle de la Papauté dans l'Europe médiévale. Par exemple Robert II de France s'était mis en conflit avec le pape Grégoire V en répudiant la reine pour Berthe de Bourgogne (ce qui posait un problème de consanguinité). Ce mariage posait surtout un problème politique : Berthe amène en dot le ducher et le comté de Bourgogne dont une grande partie du territoire appartient au Saint Empire. Or le pape est le cousin de l'empereur Otton III[31]. Le roi était sous la menace d'une excommunication et le royaume d'interdit [32]. Mais Hugues Capet avait confié la formation de Robert à Gerbert. Ce dernier, ayant de l'affection pour ce dernier, commue la peine en une pénitence de sept ans. Il renforce ainsi l'assise des capétiens sur le trône et contribue à l'établissement d'une dynastie forte en France.

Sylvestre II et le démon : illustration datant de 1460
Sylvestre II et le démon : illustration datant de 1460

Durant son pontificat, il attribue le titre de roi aux souverains chrétiens de Pologne et de Hongrie. Mais Otton III meurt en 1002 emportant avec lui le rêve d'un empire réunissant Byzance à l'Europe occidentale. Sylvestre II meurt à Rome le 12 mai 1003 après quatre années de pontificat. Il est enterré à Saint-Jean-de-Latran, où le pape Serge IV inscrit une épitaphe gravée contre un pilier de la basilique, évoquant son exceptionnel parcours à la fois intellectuel et religieux[33].

À la Renaissance, l'Église oublie qu'elle avait tenu son pouvoir durant des siècle de la maîtrise du savoir et elle se montre méfiante vis-à-vis des érudits. Ainsi la mémoire de Sylvestre II est salie. On suppute que son savoir et son élection au saint siège venaient d'un accord avec le diable. On raconte alors qu'avant de mourir il confessa avoir connu le démon « Diane ».

[modifier] L'humaniste, philosophe et mathématicien

Gerbert d'Aurillac est un humaniste complet, avant la lettre. Il remet à l'honneur la culture antique, avec des auteurs surtout latins (Virgile, Cicéron et Boèce), Porphyre de Tyr, mais aussi Aristote. C'est ainsi qu'il est le premier à introduire Aristote en Occident, déjà très connu dans la civilisation islamique, bien avant les traductions du XIIe siècle (Platon était déjà connu en Occident). Gerbert d'Aurillac avait une conception très précise de la classification des disciplines de la philosophie.

En 967, il se rend en Espagne, auprès du comte de Barcelone, et reste trois ans au monastère de Vich, en Catalogne. Les monastères catalans possèdent de nombreux manuscrits de l'Espagne musulmane, c'est là qu'il s'initie à la science musulmane, étudiant les mathématiques et l'astronomie. Il rapporte à la même époque l’astrolabe, d’origine grecque[34]. Grâce à l'astrolabe et ses sphères de bois, il explique bien avant Galilée le fonctionnement du système solaire[35].

Gerbert d'Aurillac est sans doute plus connu aujourd'hui dans le monde scientifique pour avoir rapporté en Europe le système de numération décimale et le zéro [36] qui y étaient utilisés depuis qu'Al-Khuwarizmi les avait rapportés d'Inde et fait diffuser dans l'Empire. Il faut en effet savoir que vers l'An Mil la pratique de la division (sans usage du zéro!) demandait l'équivalent de ce que nous nommerions aujourd'hui une unité de valeur dans une université, car l'usage des chiffres romains rendait très complexes les calculs. Il usa de sa position papale pour le faire adopter par les clercs occidentaux.

Il est l'auteur d'au moins deux traités sur les opérations arithmétiques. Le premier sur la division (Libellus de numerorum divisione, Regulae de divisionibus), où Gerbert invente une méthode de division euclidienne qui sera rapportée par Bernelin de Paris (Bernelinus, + v. 1020), un de ses élèves. L’autre traité concerne les multiplications (Libellus multiplicationum), adressé à Constantin de Fleury, que Gerbert appelle « son Théophile », et qui prescrit l'antique multiplication par les doigts (calcul digital).

Il est aussi à l'origine d'un abaque : abaque de Gerbert où les jetons multiples sont remplacés par un jeton unique portant comme étiquette un chiffre arabe (par exemple: les 7 jetons de la colonne unité sont remplacés par un jeton portant le numéro 7, les 3 jetons de la colonne dizaine par un jeton portant le chiffre 3, etc.).

L'usage du comput dans les documents administratifs a pu se développer vers l'An Mil grâce à ces découvertes importantes.

La troisième branche des Mathématiques était alors la géométrie, pour laquelle il composa un traité de géométrie (Isagoge Geometriae, Liber geometriae artis) remarquable, dit-on, longtemps égaré à la bibliothèque de Salzbourg et retrouvé par Bernard Petz, savant bénédictin du XVIIIe siècle. Le traité de Gerbert établit de manière moderne les axiomes, les théorèmes du point, de la ligne droite, des angles et des triangles, dont les termes techniques sont expliqués par Gerbert : base, hauteur, côté perpendiculaire à la base, hypoténuse. À ce sujet, Gerbert correspond (Epistola ad Adelbodum) avec Adelbold (Adelboldus, Adelbodus, Adeobaldo) élève de Lobbes et de Liège, évêque d'Utrecht (970-1026), sur l'aire du triangle équilatéral, le volume de la sphère, un passage arithmétique de la Consolation philosophique (De consolatione philosophiae) de Boèce.

On lui devrait, en outre, l'invention du balancier avancée très importante pour la mise au point de l'horlogerie (vers 994/996), qui allait remplacer progressivement au long des siècles suivants les horloges hydrauliques et autres clepsydres antiques. Gerbert a même conçu une horloge solaire à Magdebourg [10]. L'horloge mécanique était constituée à ses débuts d'une corde enroulée sur un tambour et lestée d'un poids, instrument peu probant à ce stade technique, si l'on pense que le mouvement du poids ne se faisaient pas à vitesse croissante et rendait les résultats peu fiables. Il faudra attendra un peu avant 1300 pour voir des horloges mécaniques occuper les clochers, au développement technique toujours insatisfaisant (raison pour laquelle les clepsydres sont perfectionnées jusqu'au XVIIIe !), et plutôt le milieu du XVIIe siècle, où les progrès majeurs de l'horlogerie seront induits par l'invention du pendule.

Gerbert calcule l'aire des figures régulières : cercle, hexagone, octogone inscrit et conscrit… ainsi que le volume de la sphère, du prisme, du cylindre, du cône, de la pyramide et utilise aussi un instrument de mesure de son invention et qui a conservé son nom, le bâton de Gerbert, pour trouver la hauteur d'un arbre, d'une tour, d'une colonne, par l'ombre que ces objets projettent, ou bien utilise une autre technique, comme celle de leur image réfléchie dans l'eau ou dans un miroir.

La musique était alors comprise comme la deuxième branche des Mathématiques et Gerbert s'y intéressa de près. Il agit empiriquement en divisant les sons d'un monocorde, instrument composé d'une corde de métal ou de boyau tendu sur une règle entre deux chevalets fixes. Il mesura ainsi la variété et la proportion des sons produits en établissant les divisions que nous connaissons tons, demi-tons, bémols et dièses, formant des modes musicaux. Appliquant ces principes, selon le témoignage de Guillaume de Malmesbury, il construisit un orgue hydraulique dans l'église de Reims, dont les sons étaient produits par l'effet de la vapeur d'eau bouillonnante dans ses cavités.

Dans Le Matin des Magiciens[37], Pauwels et Bergier relatent que le Pape Sylvestre II aurait, après son voyage aux Indes, puisé des connaissances qui stupéfièrent son entourage. Il possédait dans son palais, une tête de bronze qui répondait par oui ou non aux questions qu'il lui posait sur la politique et la situation générale de la chrétienté. Selon Sylvestre II (volume CXXXIX de la «Patrologie Latine» de Migne) ce procédé était fort simple et correspondait au calcul avec deux chiffres. Il s'agirait d'un automate analogue à nos modernes machines binaires. Cette "tête magique" fut détruite à sa mort, et les connaissances rapportées par lui soigneusement dissimulées. Cette tête parlante aurait été façonnée "sous une certaine conjonction des étoiles qui se place exactement au moment où toutes les planètes sont en train de commencer leur course". Elle aurait un lien avec la Société des Neuf Inconnus [38].

Statue de Sylvestre II à Aurillac
Statue de Sylvestre II à Aurillac

[modifier] Bibliographie

Les écrits de Gerbert d'Aurillac sont publiées dans les éditions suivantes :

  • Traités de Mathématiques
    • Libellus de numerorum divisione
    • De geometria
    • Epistola ad Adelbodum
    • De sphaerae constructione
    • Libellus de rationali et ratione uti
  • Traités Ecclesiastiques
    • Sermo de informatione episcoporum
    • De corpore et sanguine Domini
    • Selecta e concil. Basol., Remens., Masom., etc.
  • Lettres - éditions Jules Havet, 1889 (Gallica) ou Pierre Riché & Jean-Pierre Callu, Paris, Les Belles lettres, 1964-1967.
    • Epistolae ante summum pontificatum scriptae
      • 218 lettres dont à l'empereur, au pape et à divers évèques
    • Epistolae et decreta pontificia
      • 15 lettres à divers évêques, dont Arnulf, divers abbés et une lettre à Étienne Ier de Hongrie
      • Lettre à Otton III.
      • 5 courts poèmes
  • Autres
    • Acta concilii Remensis ad S. Basolum
    • Leonis legati epistola ad Hugonem et Robertum reges

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • A. Olleris, « Vie de Gerbert », in Oeuvres de Gerbert, Clermont/Paris, 1867 (Gallica)
  • François Picavet, Gerbert, un pape philosophe, d'après l'histoire et d'après la légende, Paris, 1897 (Gallica)
  • Chanoine Jean Leflon, Gerbert, humanisme et chrétienté au Xe siècle, Saint-Wandrille, Éditions de Fontenelle, 1946.
  • Pierre Riché, Gerbert d'Aurillac, le pape de l'an mil, Paris, Éditions Fayard, 1987.
  • Florence Trystram, Le coq et la louve. Histoire de Gerbert et l'an mille, Flammarion, Paris, 1982.
  • Jean Leflon, Gerbert, Abbaye Saint-Wandrille, Éditions de Fontenelle, 1945.
  • Les Papes Français, Tours, C.F. Éditions Alfred Mame, 1901.
  • Duc de La Salle de Rochemaure, Gerbert, Silvestre II Émile, Paul, Paris, éditeurs, 1914.
  • Lettres de Gerbert (983-997), Éditions J. Havet, 1889. Traduction du latin et édition : G. Brunel
  • E. Lalou (dir.), Sources d’histoire médiévale, IXe - milieu du XIVe siècle, Paris, 1992, p. 93-94.[8]
  • Pierre Riché, Silvestre II, pape, Dictionnaire du Catholicisme, Paris.
  • histoire médiévale de l'école de Reims
  • (en) A History of Western Philosophy, 1963

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

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[modifier] Notes et références

  1. Histoire du Collège des Bons Enfants - Première partie - Chapitre III, page 46. [1]
  2. Le pape savant et le peintre unitarien Jean-Claude Barbier [2]
  3. Sylvestre II (Gerbert d'Aurillac), Le site de Mayvth. [3]
  4. Gerbert d'Aurillac devient pape sous le nom de Sylvestre II, Hérodote.net [4]
  5. Gerbert d'Aurillac, Encyclopédie Universelle.com . [5]
  6. Gerbert d'Aurillac, Encyclopedie universelle
  7. Michel Soutif, La diffusion de la numérotation décimale de position, tiré du Colloque Ocean Indien au carrefour des Mathématiques arabes, Chinoise, Européenne et Indienne, p.158-159 l'IUFM de la Réunion
  8. (Ceci est mis en doute par Georges Duby en doute, l'homme étant plus marqué par l'école de Laon que par celle de Reims)
  9. J. Renaud, Les Vikings en France, Clio.fr
  10. abcdefgh Gerbert d'Aurillac, le pape Sylvestre II, Encyclopédie Universelle
  11. Hugues Capet, Imago Mundi
  12. F. Menant, op. cit., p. 21-22.
  13. R.-H. Bautier, "L'avènement de Hugues Capet", Le roi de France et son royaume autour de l'an Mil, Picard, Paris, 1992, p. 28.
  14. F. Menant, op. cit., p. 22.
  15. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, p. 73
  16. L. Theis, op. cit., p. 188-189.
  17. L. Theis, op. cit., p. 189.
  18. M. Parisse, op. cit., p. 32.
  19. M. Parisse, op. cit., p. 31-32.
  20. J.-M. Lambin, Histoire-Géographie, 5e, Hachette Collèges, Paris, 1992, p. 69.
  21. J.-M. Lambin, op. cit., p. 69.
  22. F. Menant, op. cit., p. 23.
  23. M. Parisse, "Qu'est-ce que la France de l'an Mil?", La France de l'an Mil, Seuil, 1990, p. 33.
  24. M. Parisse, op. cit., p. 32-33.
  25. J.-M. Lambin, op. cit., p. 69.
  26. F. Menant, op. cit., p. 32.
  27. Y. Sassier, Hugues Capet..., p. 221.
  28. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, p. 75.
  29. F. Menant, op. cit., p. 32.
  30. http://prolib.net/chroniques/201.050627.papepeintre.
  31. Les Ottoniens contrôlent l'Italie du nord et ont établi leur cour à Rome. La nomination du pape est soumis à leur approbation. Memo le site de l'Histoire © Hachette Multimédia/Hachette Livre http://www.memo.fr/Dossier.asp?ID=1295
  32. Interdiction de tout sacrement ou rituel religieux.
  33. Dans Les Clés de saint Pierre Roger Peyrefitte rapporte la rumeur selon laquelle son tombeau ferait entendre des craquements chaque fois qu'un pape va mourir. Quand un pontife est très malade on verrait des cardinaux rôder aux alentours.
  34. [6], [7], inventé par l'astronome grec Hipparque au IIe siècle av. J.-C.
  35. Portrait de Sylvestre II
  36. L'apport du zéro est controversé: il semble qu'il remplaçait le zéro par une case vide. http://www.encyclopedie-universelle.com/gerbert-aurillac-sylvestreII.html#ancre258267
  37. Le Matin des Magiciens est un livre de réalisme fantastique ; les informations contenues sont à lire avec distanciation car elles ne sont pas forcément véridiques.
  38. les 9 inconnus


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