Surpêche

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La surpêche désigne la pêche excessive pratiquée par l'homme sur certains poissons ou crustacés.

Filets, chaluts ou casiers, s'ils sont utilisés sans modération causent d'importantes régression des espèces-cibles et parfois non-cibles.
Filets, chaluts ou casiers, s'ils sont utilisés sans modération causent d'importantes régression des espèces-cibles et parfois non-cibles.

On parle de surpêche lorsque l’augmentation des capacités de capture entraîne une diminution du nombre de prises, c’est-à-dire que l’espèce est pêchée plus vite qu’elle ne se reproduit, mais il n’est pas toujours facile de déterminer les rôles respectifs de la pêche et des facteurs environnementaux (surtout climatiques ou liés à la pollution) dans la baisse des stocks de poissons.

Sommaire

[modifier] Situation mondiale

La surpêche n'est pas un phénomène tout à fait nouveau, mais il semble n'avoir été vraiment entamé à échelle planétaire qu'au XXe siècle. La pose de filets pour pêcher les salmonidés dans les passages obligés que sont les estuaires, ou la pêche intensive de la sardine en Baie de Douarnenez (France) sont des exemples anciens de méthodes qui ont fait régresser ou localement disparaïtre une ressource en quelques décennies. Sont actuellement concernés par la surpêche la sardine en Californie, l'anchois au Pérou, la morue à Terre-Neuve ou le hareng en mer du Nord. Les populations de flétan et de thon rouge ont diminué de 90%. L'Anguille en Europe est maintenant classée comme espèce menacée et protégée, suite notamment au braconnage des civelles.

La FAO (organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation) estime à 77% la proportion d’espèces de poissons impactées à différents degrés. 8% serait épuisées, 17% surexploitées et 52% exploitées à leur maximum.

Les prises de poissons ont atteint un maximum de 100 millions de tonnes en l’an 2000 mais la production stagne depuis 1990 alors que les capacités de pêche ne cessent d’augmenter. Les individus capturés sont de moins en moins gros et de plus en plus jeunes. La proportion des prises de niveaux trophiques bas a augmenté.

Les navires-usines exploitent de plus en plus de zones (ouest de l’Afrique, océan Indien, Pacifique du sud-est…), pêchent toujours plus profond, capturant de nombreuses espèces et endommageant des écosystèmes (via les chaluts notamment). La pêche technologique a entraîné une augmentation rapide des prises accessoires. 25% des poissons (27 millions de tonnes) qui sont péchés sont rejetés morts à la mer car ils n’appartiennent pas aux espèces souhaitées. Des dauphins, des tortues et des oiseaux marins (100.000 albatros par an) sont aussi capturés et tués par les filets. Les filets abandonnés en mer sont autant de pièges mortels pour ces animaux. Les espèces préférentiellement péchées sont des carnivores apicaux (qui occupent le sommet des chaînes alimentaires) qui ont une forte valeur ajoutée sur les marchés des pays développés, mais qui sont aussi ceux qui ont le plus bioconcentrés les polluants, dont le méthylmercure. Cette spécialisation de la pêche a des conséquences graves sur les réseaux trophiques, jusqu’aux mammifères marins et aux oiseaux, par exemple :

  • Au large de Terre-Neuve, la raréfaction des poissons a entraîné une diminution de la taille moyenne des baleines à bosses qui fréquentent ces eaux.
  • On a vu des migrations de phoques affamés depuis le Groenland vers les côtes du Canada.
  • La disparition de la morue et d’autres prédateurs au large des États-Unis a entraîné une prolifération des herbivores qui a provoqué un fort déclin des forêts d’algues.
  • On observe une modification de la structure des communautés et de la diversité génétique par la sélection d’espèces ou de classes de taille. Cette pression sur les habitats les rend plus sensibles aux invasions biologiques, aux perturbations et aux pollutions.

En février 2008, à l’occasion du Forum ministériel mondial de l'environnement[1], le PNUE a conclu sur la base d’un rapport intitulé « In Dead Water »[2] que le réchauffement climatique exacerbait l'impact de la pollution, des espèces invasives et de la surpêche dans les principales zones de pêche de la planète, ce qui peut engendrer un triple problème ; écologique, économique et de développement.
10 à 15% de l’océan mondial est directement concerné par la surpêche selon l'ONU mais avec des impacts qui affectent ou affecteront « au moins les 3/4 des principales zones de pêche du monde ». On observe déjà une dégradation des océans, alerte l’ONU (qui avait en 2004 déjà signalé plus de 100 « marines dead zones » dans les baies ou en aval d’estuaires ou en mers fermées.

Toujours selon l'ONU, des millions de personnes dépendent de la pêche, surtout dans les pays pauvres et près de 2,6 milliards consomment couramment des protéines issues des produits de la mer (et l’écobilan de la pisciculture industrielle reste discuté). De plus, 80 à 100% des récifs coralliens du monde sont menacés de blanchiment, dégradation ou disparition par la montée des océans[3].

On craint enfin une accélération de l'acidification des océans induite par le CO2, qui pourrait aggraver ces problèmes en affectant aussi les petits organismes planctoniques à la base de la chaîne alimentaire.

[modifier] Causes et conséquences socio-économiques

Le poisson, avec 16% des protéines absorbées par l’Homme est une source de nourriture très importante pour l’alimentation d’1 milliard de personnes, surtout dans les pays du Sud. La pêche est capitale pour l’économie et la sécurité alimentaire de beaucoup de pays pauvres, particulièrement en Asie du Sud-Est. Les consommateurs à fort pouvoir d’achat demandent surtout des poissons à chair blanche, frais ou congelés. Les espèces à faible valeur ajoutée sont consommées sur place, essentiellement de petites espèces pélagiques sous forme salée. Une partie de ces espèces (30% des prises totales) est transformée en farine ou en huile. En 2010 la demande en poisson devrait-être entre 100 et 120 millions de tonnes ce qui provoquera une augmentation des coûts.

200 millions de personnes travaillent dans le secteur de la pêche qui compte 3,5 millions de bateaux. Mais la pêche industrielle avec seulement 1% des bateaux prélève 50% des poissons pêchés.
La croissance incontrôlée de la pêche et des flottes vient d’une surcapitalisation de l’industrie dont les performances ont dépassé l’optimum indique un rapport de la FAO. Par exemple, l’Irlande vient de faire construire l’Atlantic Dawn, qui représente 15% de sa capacité de pêche et peut traiter 700 tonnes de poisson par jour[réf. nécessaire].

La raréfaction des ressources pousse les grandes firmes à aller pêcher dans les eaux des pays du Sud. La FAO distingue 3 étapes dans l’évolution du secteur de la pêche :

  • Aborigène : exploitation de survivance côtière avec des bateaux et des outils rudimentaires
  • Coloniale : exploitation systématique des côtes et des eaux territoriales par des capitaux étrangers. La ressource est envoyée sur un marché d’économie développée.
  • Globale : exploitation intensifiée et généralisée des côtes, des eaux territoriales et internationales.

L’arrivée de grosses flottes près des côtes prive les autochtones d’une ressource importante et pousse les pêcheurs à aller pêcher plus loin en mer pour une rentabilité moindre et de plus grands risques. Les conflits sont fréquents lorsque se retrouvent sur la même zone des artisans-pêcheurs autochtones obéissant à des traditions d’exploitation et d’aménagement de la pêcherie et des pêcheurs industriels agissant à des fins de génération de revenus, qui ne soucient pas des traditions locales. Les conflits existent aussi entre les groupes autochtones et les organisation de défense des animaux, les entreprises aquacoles, touristiques et les pollueurs agricoles ou industriels.

Les gouvernements de pays endettés sont tentés de vendre des permis de pêche à des investisseurs étrangers et plusieurs pays du Sud développent eux aussi des flottes modernes. De plus, la diminution des prises entraînera une augmentation des prix défavorable au consommateur pauvre. Une baisse de la consommation a déjà été observée en Asie du Sud.

Dans les années 1960, la Mauritanie, aux eaux très poissonneuses était le pays dont la plus grande part des protéines consommées provenait de la mer. Suite à la vente des droits de pêche par le gouvernement, les poissons mauritaniens sont vendus sur les marchés occidentaux et ne sont plus accessibles au consommateur local.

Il faut aussi tenir compte de la piraterie, soit par la violation de la législation nationale dans les eaux territoriales, soit par des pêches en haute mer menée sans l’autorisation de l’organisme régional des pêches, la CCAMLR.

Un des exemples les plus connus de braconnage est la pêche à la légine australe (Dissostichus eleginoides). Une légine vendue sur deux serait pêchée illégalement, ce qui sera la cause probable de l'extinction de l'espèce d’ici à 3 ans. La plaque tournante de ce commerce est Port-Louis à l’île Maurice où accostent de nombreux bateaux sous pavillon de complaisance (Honduras, Sierra-Leone, Côte d’Ivoire, Libye…)

Face à l’exploitation généralisée des mers au profit des capitaux et bénéfices de court-terme, une pêche soutenable voudrait préserver l’économie de subsistance des populations locales pour assurer la sécurité alimentaire, la survie économique et la préservation des cultures. Elle se traduit par exemple par le label MSC délivré sur la base de critères environnementaux, sociaux et économiquement durable.

[modifier] En Europe...


La Commission européenne peine à faire accepter par certains états-membres (dont la France) ses propositions de quotas, pourtant établis sur des bases scientifiques. Elle tente depuis les années 1990 de réduire le nombre d’embarcations, mais en subventionnant par ailleurs la construction de superchalutiers. partage ce constat. Fin 2007, un rapport de la Cour des comptes européenne pointe la « surpêche » et l’inefficacité des systèmes de contrôle dans le cadre de la politique commune de la pêche. Le rapport évoque des données nationales peu fiables, des procédures d’inspection inefficaces et des sanctions non dissuasives qui limitent l’efficacité de la politique européenne de la pêche fondée sur une protection d'un stock suffisant de reproducteurs. Elle a annoncé une réflexion sur ce point en 2008. [4], [5] Des actions sont également prévues avant fin 2008 pour limiter les captures accidentelles de cétacés dans les filets (marsouin commun en particulier) et définir et protéger des zones Natura 2000 en mer.

[modifier] Solutions durables

[modifier] Gestion restauratoire de la ressource

Quelques expériences positives ont montré qu'une gestion rationelle et des prêlèvements raisonnables permettaient de restaurer et protéger une ressource. De nombreux dispositifs de récifs artificiels sont expérimentés dans le monde. Autour de Sainte-Lucie, une Aire marine protégée soutenue par le FFEM, a en 10 ans multiplié par 4 la biomasse de poissons dans la réserve naturelle, et elle a triplé aux alentours de cette dernière, alors que la diversité des espèces se reconstituaient également ; ce qui a permis aussi de calmer les conflits qui opposaient les pêcheurs à ceux qui voulaient protéger les fonds et les poissons, notamment pour le tourisme, les pêcheurs tirant ici aussi des avantages du tourisme[6].

[modifier] Aquaculture

L’aquaculture pourrait être une solution pour répondre à la demande en poissons tout en améliorant l’habitat (récifs artificiels) mais actuellement la plupart des poissons d’élevage des pays développés sont des carnivores. Il faut pêcher 2kg de poissons pour en élever 1kg et les produits de l’aquaculture ont un prix élevé ce qui n’améliore pas la sécurité alimentaire. Elle permet seulement de valoriser des poissons peu recherchés par les consommateurs (petits pélagiques). L’aquaculture peut entraîner une eutrophisation et une anoxie des eaux, voire une prolifération de planctons toxiques (marée rouge).

La Chine et l'Inde pratiquent des élevages de cyprinidés et de tilapias ommnivores qui permettent de produire de grande quantité de poissons (10 millions de tonnes de carpes, 1.5 million de tonne de Tilapia) sans utiliser de grandes quantités de farines de poissons. Ces élevages sont souvent intégrés à des systèmes d'élevage de volailles où de porcs, les étangs sont enrichis avec les effluents des élevages (qui peuvent aussi bien être très modernes et très intensifs que familiaux).

La fuite de saumons d’élevage met en péril les populations sauvages en transmettant des infections contractées en captivité et en déplaçant les œufs déposés sur le fond par les saumons autochtones car ils frayent plus tard. Chaque année, 500000 poissons s’échappent des élevages d’après le WWF. La FAO recommande la triploïdisation des poissons d'élevage pour empêcher les "évadés" de se reproduire et d'envahir le milieu naturel.

Dans les zones tropicales, la construction massive de fermes aquacoles a entraîné une destruction des mangroves et des zones humides.

[modifier] Pêche littorale

Mesures proposées par la FAO pour un développement durable de la pêche dans les zones côtières et sur le plateau continental :

  • Prélèvement de droits pour l’exploitation des ressources, assorties de pénalités et de l’élimination des subventions incitant à la surcapitalisation.
  • Zones ou saisons de pêche fermée.
  • Incorporer dans des parcs marins les zones d’alevinage.
  • Encourager les installation aquacoles dans les environnements pouvant les supporter.
  • Création de mécanismes de résolution des conflits entre usagers.
  • Réduire le rejet de débris emmêlant.
  • Améliorer la sélectivité des engins de pêche.
  • Définir des objectifs de gestion par-rapport à des référents et préciser l’état des pêcheries.
  • Contrôle des rejets de matières eutrophisantes.

Des exemples de gestion réussie avec les pêcheurs existent comme en rade de Brest où les restrictions à la pêche à la coquille Saint-Jacques et l’ensemencement annuel de la rade par de jeunes coquillages nés en écloserie a permis de multiplier par 5 les prises qui avaient chuté à cause de la surpêche.

[modifier] Pêche hauturière

  • Des recherches plus nombreuses et approfondies sur le rôle des mammifères marins et des prédateurs apicaux dans les écosystèmes.
  • Réduire les captures accidentelles d’oiseaux, de tortues, de mammifères marins et maintenir les prises accessoires à des niveaux permettant le renouvellement des populations.
  • Tenir compte du faible taux de renouvellement et de la sensibilité des mammifères marins.
  • Favoriser la gestion par des organismes régionaux.
  • Appliquer les nouvelles technologies au contrôle des stocks.
  • Combattre les pavillon de complaisance.

[modifier] Choix du consommateur

Outre le problème de surpêche le consommateur doit faire attention à la contamination par des polluants. Le thon non dégraissé accumule le mercure et le saumon les pesticides. Les poissons de pêche durable sont la bonite à ventre rayé, le germon, le thon ventru de ligne, le bar d’élevage, le bar blanc, le cabillaud du Pacifique, la sole, le flétan du Pacifique, le rouget barbet de roche, le tilapia, le turbot ainsi que les crevettes d’eau froide et les moules.

[modifier] Notes et références

  1. réunion à Monaco, du 20 au 22 février 2008, du Conseil d'administration du PNUE et du Forum ministériel mondial sur l'environnement
  2. Ce rapport « In Dead Water » est produit par les scientifiques du PNUE en collaboration avec des universités et des instituts européens et des USA. Il s'appuie sur des données scientifiques récentes et souvent nouvelles, dont le dernier rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui a réuni plus de deux mille chercheurs sous l'égide du PNUE et de l'Organisation Météorologique mondiale (OMM)
  3. communiqué ONU, Forum ministériel mondial de l'environnement, daté du 28.01.2008
  4. Le rapport (en)
  5. Le point Commission européenne (fr)
  6. Site du ministère français des affaires étrangères

[modifier] Lien externe

Vidéos sur Canal IRD (Institut de Recherche pour le Développement): Imprévisibles effondrements des stocks de poissons exploités