Surfusion

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La surfusion est l'état d'une matière qui demeure en phase liquide alors que sa température est plus basse que son point de solidification. C'est un état dit métastable, c'est-à-dire qu'une petite perturbation peut suffire pour déclencher abruptement le changement vers la phase solide.

Sommaire

[modifier] Principe

Icône de détail Article détaillé : Solidification.
Solidification présentant une surfusion
Solidification présentant une surfusion

La surfusion est due à l'énergie de tension superficielle à l'interface solide-liquide. De manière simplifiée, on peut considérer que dans un liquide libre d'impuretés, les petits germes de solide en voie de congélation sont instables car ils sont refondus par l'agitation thermique. Plus rigoureusement, l'énergie libérée par la solidification (chaleur latente de fusion) ne compense pas l'énergie dépensée pour créer l'interface solide-liquide. Le liquide continue donc à se refroidir sans solidifier. Cet état peut être déstabilisé par l'ajout d'impuretés microscopiques pouvant servir de noyaux de condensation, ou par un brassage qui stimule la formation de cristaux suffisamment gros pour ne pas refondre.

[modifier] Application

Le phénomène de surfusion est très lié à la formation de verres qui sont d'une certaine manière des liquides surfondus figés. D'autre part, ce phénomène permet partiellement d'expliquer pourquoi l'eau très froide mise au congélateur est plus lente à geler que l'eau tiède (voir Effet Mpemba).

[modifier] Surfusion de l'eau

L'eau peut se présenter sous forme surfondue dans un intervalle de température allant de 0 °C à -39 °C. L'eau surfondue se congèlera dès qu'elle entrera en contact avec une surface solide ou un type particulier d'aérosol appelé noyau de congélation.

Un exemple en vidéo.

La présence de gaz dissous (souvent appelés gaz « mélangés ») contribue au maintien de cet état liquide à une température inférieure à la température de fusion. Leur présence crée une agitation moléculaire ayant le même effet que la chaleur. En abaissant lentement la température d'un verre d'eau (par exemple 1/2 degré par jour) on augmente la quantité de gaz mélangés. Arrivé à moins deux degrés, on peut ajouter des impuretés à la surface, l'eau restera liquide, même en continuant à baisser progressivement la température. Si on agite, on libère les gaz mélangés et l'eau gèle instantanément.

L'expérience suivante est très simple à réaliser. Prenez une bouteille neuve de boisson pétillante et placez-là à moins 5 à moins 8 C°. Après quelques heures, l'échange de chaleur est fait et la boisson reste liquide. Ouvrez la bouteille, du gaz s'échappe et tout le contenu gèle en quelques secondes.

[modifier] En météorologie

L'eau surfondue joue un rôle important dans plusieurs phénomènes météorologiques.

L'eau surfondue n'est pas rare dans les nuages, où les aéronefs qui la rencontrent sont sujets au givrage, une accumulation de glace potentiellement dangereuse. Au sein des nuages, l'eau surfondue joue aussi un rôle primordial dans les processus menant à la formation de précipitation.

Sur l'océan, par temps très froid et venteux, les embruns peuvent devenir surfondus et geler sur la superstructure des navires. Cette situation peut compromettre leur stabilité et les mettre en danger.

Lorsque la pluie ou la bruine entrent dans une couche d'air plus froide que le point de congélation, les gouttelettes qui les composent peuvent devenir surfondues ; lorsqu'elles atteignent le sol, leur eau se transforme brutalement en glace, ce qui occasionne du verglas.

[modifier] Les chevaux du lac Ladoga

Dans son roman Kaputt (1943), l'écrivain italien Curzio Malaparte relate l'anecdote suivante, que l'on présume survenue en 1942 lors du siège de Léningrad :

« Le troisième jour un énorme incendie se déclara dans la forêt de Raikkola. Hommes, chevaux et arbres emprisonnés dans le cercle de feu criaient d'une manière affreuse. (...) Fous de terreur, les chevaux de l'artillerie soviétique - il y en avait près de mille - se lancèrent dans la fournaise et échappèrent aux flammes et aux mitrailleuses. Beaucoup périrent dans les flammes, mais la plupart parvinrent à atteindre la rive du lac et se jetèrent dans l'eau. (...) Le vent du Nord survint pendant la nuit (...) Le froid devint terrible. Soudainement, avec la sonorité particulière du verre se brisant, l'eau gela (...) Le jour suivant, lorsque les premières patrouilles, les cheveux roussis, atteignirent la rive, un spectacle horrible et surprenant se présenta à eux. Le lac ressemblait à une vaste surface de marbre blanc sur laquelle auraient été déposées les têtes de centaines de chevaux. »
    — Curzio Malaparte, Kaputt, 1943

L'astrophysicien et vulgarisateur Hubert Reeves reprend ce récit et le tient pour véridique dans son livre L'Heure de s'enivrer (1986). Il émet l'hypothèse que le gel quasi-instantané de l'eau du lac était causé par un changement de phase rapide dû à l'état présumé de surfusion de l'eau au moment de l'incident.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes