Suétone

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Suétone (en latin Caius Suetonius Tranquillus) est un polygraphe et un érudit romain ayant vécu entre le Ier et le IIe siècle. Il est principalement connu pour sa Vies des douze Césars, qui comprend les biographies de Jules César à Domitien.

Sommaire

[modifier] Biographie

Peu de choses sont connues de la vie de Suétone. Deux ou trois passages de ses ouvrages, quelques lettres de Pline le Jeune, une mention de Spartien dans la Vita Hadriani, une phrase de Johannes Lydus, sont les seuls éléments qui nous permettent de reconstituer sa biographie.

Suétone naquit probablement à Rome vers 69 ap. J.-C., d'une famille appartenant à l'ordre équestre. Son père, Suetonius Laetus, était tribun angusticlave et combattit dans l'armée d'Othon à la bataille de Bedriac, où Vitellius triompha.

Une des lettres de son ami et protecteur Pline le Jeune nous présente Suétone, alors âgé d'environ 28 ans, se disposant à plaider comme avocat; une autre, écrite vers 101, nous montre Suétone briguant un poste de tribun militaire, condition nécessaire pour pouvoir prétendre à la carrière équestre. Il semble cependant que Suétone réussit à se faire dispenser du service militaire.

A la mort de Pline le Jeune, en 113, Suétone s'attache à un nouveau protecteur, C. Septicius Clarus, qui lui obtient sous Hadrien l'importante fonction de secrétaire ab epistolis latinis (c'est-à-dire responsable de la correspondance de l'Empereur). Cette charge permit notamment à Suétone d'avoir accès aux archives impériales. Il rédige alors son premier livre, le De Viris illustribus (paru vers 113). Entre 119 et 122, parait la Vies des douze Césars, point culminant de sa carrière.

Un passage de Spartien nous apprend que Suétone, malgré les relations amicales qu'il avait toujours entretenues avec Hadrien, encourut, en 122, une disgrâce brutale et définitive, probablement due à quelque intrigue de cour. Toujours est-il que nous ne savons plus rien de Suétone après cette date ; sans doute a-t-il vécu dès lors dans la retraite, en se consacrant tout entier à ses travaux de grammaire, de littérature et d'histoire. Nous ne connaissons pas la date de sa mort, qui est peut-être survenue vers 125.

[modifier] Œuvre

Suétone fut un auteur très fécond si l'on en croit la longue liste d'ouvrages que la Souda et certains auteurs lui attribuent. C'était un érudit qui écrivit sur les sujets les plus divers, un polygraphe animé d'une incroyable curiosité, qui possédait un savoir encyclopédique à la manière de Varron.

[modifier] Œuvres perdues

Elles sont considérables et toutes écrites en latin ou en grec :

  • Un traité sur les costumes des Romains.
  • Un traité sur les usages et les mœurs des Romains.
  • Un traité sur les courtisanes célèbres.
  • Un traité sur le De republica de Cicéron.
  • Un traité sur les signes d'abréviation.
  • Un traité sur les jeux d'enfants chez les Grecs.
  • Un traité sur les mots injurieux.
  • Un traité sur les rois : De regibus.
  • Une encyclopédie d'histoire naturelle : Prata (Les Prairies).
  • Deux livres sur les jeux publics des Romains.

[modifier] Œuvres conservées

[modifier] Des Hommes illustres (De uiris illustribus)

Cet ouvrage est consacré aux gloires de la littérature latine. Il est divisé en 5 parties :

  • les poètes depuis Livius Andronicus.
  • les orateurs depuis Cicéron.
  • les historiens depuis Salluste.
  • les philosophes.
  • les grammairiens.

Seule nous est restée la majeure partie de la dernière division sur les grammairiens et les rhéteurs, dont nous avons perdu la fin, ainsi que quelques autres fragments, notamment la biographie de Térence.

[modifier] Les Vies des douze Césars (De uita duodecim Caesarum libri)

Icône de détail Article détaillé : Vies des douze Césars.

Nous avons perdu le premier quaternion de cet ouvrage, c'est-à-dire le titre, la dédicace et le premier chapitre de la vie de César. L'ouvrage a été publié entre 119 et 122 et correspond aux biographies de ceux qui se sont succédé au pouvoir à Rome, de Jules César à Domitien. Il se compose ainsi :

Chaque biographie est organisée non pas suivant un ordre chronologique, mais par species, c'est-à-dire par rubrique : description des origines familiales, carrière avant l'ascension au pouvoir, actions publiques, vie privée, apparence physique, mort, prodiges divers.

En tant que secrétaire d'Hadrien, Suétone avait accès aux archives impériales, ce qui lui permettait de consulter les sources contemporaines telles que les procès-verbaux des séances du Sénat, les senatus-consultes, des lettres et des testaments d'empereurs. Cependant, Suétone porte peu d'intérêt à l'histoire et à l'administration de l'Empire; il ne s'intéresse qu'aux actes et à la personnalité des premiers Césars, et plus particulièrement à leurs vices et à leurs travers, ce qui a valu à Suétone la réputation de colporteur de ragots. Il a ainsi recueilli au cours de sa carrière nombre d'anecdotes et d'histoires colportées par la rumeur, dont l'authenticité est souvent douteuse, mais qu'il n'a certainement pas inventées et qui donnent une idée assez fidèle de ce qui se disait au sujet des empereurs à son époque. On a même dit que, pour écrire son livre, Suétone avait écouté aux portes et qu'il avait souvent mal entendu ce que l'on disait... Néanmoins, ses Vies des douze Césars présentent un grand intérêt pour l'historien de l'Antiquité, car elles nous donnent sur le premier siècle de l'empire des renseignements précieux, qui ne se rencontrent point ailleurs.

[modifier] Son style

Le style de Suétone est froid et sans grand ornement. Son étoile littéraire pâtit surtout de la comparaison avec celle de son contemporain Tacite, l'auteur des Histoires et des Annales, considéré comme le plus grand historien latin. La prose de Suétone est celle d'un compilateur, qui ne manifeste de l'émotion qu'avec circonspection. Il ne possède ni l'intelligence politique ni la pénétration de Tacite, dont l'œuvre est teintée du pessimisme qu'il conçoit devant la décadence des mœurs politiques romaines, qu'il attribue à l'avènement du pouvoir impérial absolu à partir d'Auguste. Mais la critique reconnaît généralement la vivacité des portraits de Suétone, rédigés dans une prose simple et précise, visant avant tout à l'efficacité, et dépourvue de la phraséologie archaïque et précieuse qui encombre la littérature contemporaine. La fortune historique de Suétone fut d'ailleurs considérable : au Moyen Âge, Eginhard s'en inspira pour écrire l'histoire de Charlemagne et de ses héritiers ; ses ouvrages furent ensuite réédités pendant la Renaissance, dès la naissance de l'imprimerie.

[modifier] Bibliographie

  • Introduction de Henri Ailloud dans Les Vies des douze Césars de Suétone, Paris, Les Belles Lettres, 1re éd. 1931, coll. des Universités de France
  • Barry Baldwin, Suetonius, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1983
  • Eugen Cizek, Structures et idéologie dans les Vies des douze Césars de Suétone, Bucarest/Paris, Editura Academiei/Les Belles Lettres, 1977
  • Francesco Della Corte, Suetonio eques Romanus, Florence, La Nuova Italia, 2e éd. 1967 (1re éd. Milan, Istituto editoriale cisalpino, 1958)
  • Jacques Gascou, Suétone historien, Rome, Ecole française de Rome, 1984
  • Richard C. Lounsbury, The Arts of Suetonius : an Introduction, New York, P. Lang, 1987
  • Alcide Macé, Essai sur Suétone, Paris, A. Fontemoing, 1900
  • Bohumila Mouchova, Studie zu Kaiserbiographien Suetons, Praha, Universita Karlova, 1968
  • Wolfgang Steidle, Sueton und die antike Biographie, Munich, Beck, 1re éd. 1951; 2e éd. 1963
  • Roger Vailland, Les pages immortelles de Suétone, Buchet-Chastel, 1962 ; réédité aux Éditions du Rocher, Monaco, 2002
  • Andrew Wallace-Hadrill, Suetonius: the Scholar and his Caesars, Londres, Duckworth, 1983

[modifier] Voir aussi

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