Sorcière

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Deux sorcières. Tableau de Hans Baldung.
Deux sorcières. Tableau de Hans Baldung.

Une sorcière est une femme adepte ou considérée comme telle d’une forme de sorcellerie.

Désignée en grec stryx, en latin striga -ae d’où dérive le vocable médiéval stria, strega en italien, estrie en français. Le mot français sorcière, féminin de sorcier, dérive du latin vulgaire sortarius proprement « diseur de sorts », du latin classique sors, sortis, désignant d’abord un procédé de divination, puis destinée, sort. Le mot qui les désigne en allemand est Hexe dérivé du grec ancien aix, chèvre, évidente référence à un monde pastoral. Bruja, en espagnol provient du terme ibère bruixa, et plus précisément du galicien bruxa. Le mot anglais witch a des origines plus controversées mais parait bien provenir d’un radical wik d’origine tant celte que germanique.

Sommaire

[modifier] À l’aube de l’Histoire

Icône de détail Articles détaillés : Chamanisme, culte de la Déesse et Grande Déesse.

Une sorcière est une femme chaman. Les sagas scandinaves les appelaient Völva. La Wicca revendique être la plus ancienne religion du monde en affirmant que les sorcières sont les héritières d’un culte dont l’origine remonte à la Préhistoire. D’après les tenants d’une continuation entre un culte de la Déesse et la sorcellerie, et en se situant dans une vision où la chasse aurait été une activité masculine et la cueillette une activité féminine, les femmes avaient une religiosité qui avait ses modalités propres.

Si le Dieu Cornu fut la divinité des chasseurs, la divinité féminine des cueilleuses fut la Grande Déesse-Mère dont le culte, à partir du néolithique avec la sédentarisation due aux débuts de l’agriculture, deviendra prépondérant durant des millénaires, perdurant dans les premières grandes civilisations antiques sous la forme de cultes agraires rendus à des déesses telle Déméter ou Cybèle. L’existence de la Déesse-Mère est attestée dans toutes les cultures primitives puis archaïques. Les femmes, héritières des cueilleuses, ont été les promotrices de l’agriculture. Quand, au mésolithique, à la suite de changements climatiques, le gibier se fait rare et que l’homme se fait plus pêcheur que chasseur, et que les ressources alimentaires de la cueillette n’auraient plus été suffisantes pour permettre la survie d’un clan, l’apport de l’agriculture a été déterminant. Si l’homme vécut davantage en symbiose avec le monde animal durant des millénaires, la femme elle, vécut davantage en symbiose avec le monde végétal. La connaissance qu’elle pouvait avoir des plantes et de leurs propriétés, et le savoir empirique qu’elle pouvait en retirer furent l’arcane majeure d’une tradition qui se transmettra jusqu’à nos jours.

De la fécondité de la femme dépend la continuation de l’espèce, la femme est obstétricienne depuis que le monde est monde. La « sage-femme », la « guérisseuse », celle qui donne la vie et qui connaît les secrets de la vie et de la mort ainsi que l’effet des plantes sur le bien-être physique, la santé, est à l’origine de ce personnage qu’est « la sorcière ». De fait, durant les deux siècles que dureront les persécutions, c’est souvent le terme d’« herboriste » qui est utilisé dans les procès-verbaux de l’Inquisition pour la désigner.

[modifier] Sorcières et magiciennes dans l’Antiquité

Les cultes de ces antiques Déesses-Mères légués par la préhistoire se retrouvent en Grèce à Éleusis. Il subsiste l’originelle proximité et l’empathie avec la Nature dans le culte agraire qui est rendu aux deux déesses Déméter et Perséphone sur lequel vient se greffer l’élément orphique, et son contraire le culte dionysiaque, plus archaïque encore, où le sacrifice du dieu, androgyne à l’origine, est rituellement et cycliquement perpétré, et symboliquement dévoré à nouveau par les Ménades, marquant la régression, en somme, du « cuit » au « cru ». Autant de caractéristiques qui survivront, diluées, amalgamées dans le culte de Diane de l’Antiquité tardive et durant tout le Moyen Âge où viendront se greffer de nouveaux éléments provenant du folklore local des divers pays d’Europe.

Égérie, Circé, Médée surtout en sont autant de prototypes, et ne sont pas très différentes de la Lilith biblique, la Lilitu des Assyriens.

Circé et Médée sont auprès des héros Ulysse et Médée, tour à tour adjuvant et opposant. Après avoir apporté à Jason une aide indispensable à sa survie et la réussite de sa quête, Médée est abandonnée par son amant et se venge de terrible façon. D’un point de vue féministe, la folie destructrice de Médée témoigne d’une condition féminine où, si elle n’est ni épouse ni hétaïre, la femme n’a plus aucun droit, plus aucune modalité d’exister sinon celle de devenir entièrement négative, ravageant ce qui l’entoure, jusqu’à en arriver à l’élimination des enfants qu’elle a eu de l’homme qui l’abandonne après lui avoir pris sa vie et s’en être servi pour satisfaire son ambition. Médée se venge du joug que l’homme lui impose, et qui est celui d’une société désormais patriarcale.

Dans une évolution inverse, Circé commence par transformer les hommes d’Ulysse en animaux avant de les libérer puis de donner des conseils critiques pour la suite du voyage.

Belles sorcières grecques, Circé retient Ulysse et Médée séduit Jason. À l’inverse, Baba Yaga de la mythologie slave est laide comme le stéréotype de la vieille sorcière et utilise comme elle des ustensiles domestiques pour se déplacer, un mortier et un pilon, le balai servant à effacer ses traces.

En Grèce, les sorcières de Thessalie étaient célèbres. À Rome, à l'époque impériale, la sorcellerie était très répandue (v. Horace, Satires, I, 8), bien qu'elle fut réprimée par les lois[1]. Les Sibylles étaient des voyantes et existaient encore au début du christianisme à Rome.

[modifier] Le livre d’Hénoch — chapitre 7

Le livre d'Hénoch est un écrit attribué à Hénoch, arrière-grand-père de Noé. Il fait partie du canon de l’Église éthiopienne orthodoxe mais est considéré comme apocryphe par les autres chrétiens et les Juifs. Le texte n’est pas inclus non plus dans la Septante.

Voici quelques extraits[réf. nécessaire] :

  • 1 : « Quand les enfants des hommes se furent multipliés dans ces jours, il arriva que des filles leur naquirent élégantes et belles. »
  • 2 : « Et lorsque les anges, les enfants des cieux, les eurent vues, ils en devinrent amoureux ; et ils se dirent les uns aux autres : choisissons-nous des femmes de la race des hommes, et ayons des enfants avec elles. »
  • 10 : « Et ils se choisirent chacun une femme, et ils s'en approchèrent, et ils cohabitèrent avec elles ; et ils leur enseignèrent la sorcellerie, les enchantements, et les propriétés des racines et des arbres. »
  • 11 : « Et ces femmes conçurent et elles enfantèrent des géants… »

[modifier] Le début des persécutions

Certaines sorcières étaient accusées d'utiliser la magie pour blesser ou bien pour tuer, grâce à une potion magique ou un sort. Par exemple, une femme Appenzel fut accusée d'avoir empoisonné une pomme. Dans ce cas, la magie pouvait être l'utilisation de poison. Mais dans d'autres cas, l'accusation de sorcellerie était évidente. Des femmes furent jugées pour sorcellerie à Innsbruck en 1485 après avoir mis à proximité de leurs victimes des substances magiques, comme des os de nouveau-nés non baptisés, des échardes de bois de potences et des excréments humains pour jeter un mauvais sort. La victime qui trouvait ce paquet devait immédiatement le jeter au feu pour ne pas tomber malade[2]. Le crime d'avoir pratiqué la magie érotique apparut également, et de nombreuses femmes furent accusées soit de magie d'amour ou de magie sexuelle. La magie d'amour permet de déclencher ou de restaurer une affection durable entre deux personnes. Les moyens supposés pour cela étaient de nourrir une personne de pervenches, ou en portant une pierre de lune ou une pierre d'aigle, ou en cachant sous le seuil d'une maison un morceau de papier ou de parchemin avec des formules magiques. La magie sexuelle avait un but très différent, celui de déclencher un désir sexuel et sa réalisation immédiate. Les moyens pour arriver à ce but étaient nombreux : porter une pierre de faucon de la jusquiame ou de la verveine, écrire des formules avec son propre sang et conserver la feuille sur soi pendant plusieurs jours. Deux femmes italiennes furent très connues pour leur habileté en magie érotique : Gabrina degli Alberti, jugée à Reggio en 1375, et Matteuccia di Francesco, brûlée à Todi en 1428.

Le stéréotype de la sorcière était présent dans les procès des années 1420-1430, et se maintint pendant plus de deux siècles, mais en ce milieu de XVe siècle, il n’était pas pleinement développé[3]. Le processus judiciaire et la tradition livresque permirent de développer ce stéréotype. Au cours des procès dirigés contre les sorcières ou les magiciens, des croyances se développèrent. Après avoir hésité au Moyen Âge à décréter la réalité de la sorcellerie, l'Église catholique du XVe siècle décida de publier la bulle apostolique Summis desiderantes affectibus en 1484, suivi d'un manuel démonologique, le Malleus Maleficarum. Il fut écrit par deux inquisiteurs dominicains, Heinrich Kramer et Jacob Sprenger. Le rôle de cet ouvrage dans la chasse aux sorcières est très discuté. L’efficacité du Malleus était de synthétiser une variété de croyances sur les sorcières qu’il intégrait dans un traité vaste et bien structuré. Il fournissait aussi un support théologique aux idéaux qu’il entendait promouvoir. Cet ouvrage, bien que très répandu, ne fut pas à l’origine d’une augmentation immédiate du nombre de procès, mais il a rendu sensible les juges au crime de sorcellerie. 30 000 exemplaires de ce manuel seront mis en circulation jusqu'à la dernière édition en 1669. Le Malleus avait un coté misogyne. D’autres traités sur la sorcellerie ont été publiés. En 1563, Jean Wier, médecin à la cour de Clèves, désireux de tempérer les premiers persécuteurs, considérait les sorcières comme de simples esprits égarés, ce que Montaigne sous-entendait aussi dans la réédition de ses essais de 1588. Il conseillait de soigner ces femmes à l'ellébore comme des folles[4].

[modifier] Le temps des grandes persécutions

Icône de détail Article détaillé : Chasse aux sorcières.
Les châtiments des sorcières
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Volant dans les airs à califourchon sur son manche à balai, ainsi est représentée la sorcière dans l’iconographie populaire, « image d'Épinal », recouvrant une réalité historique complexe, faite de savoir chamanique et de persécutions. Croyances anciennes dans lesquelles survivent les cultes païens de la fertilité du monde antique, que certains, dont la Wicca, font remonter à la fin du paléolithique.

Historiens et chercheurs estiment aujourd’hui le nombre de leurs victimes entre 50 et 100 000 sur les deux siècles où tant les tribunaux de l’Inquisition que ceux de la Réforme les conduisent au bûcher[réf. nécessaire]. Un chiffre élevé en proportion de la population européenne de l’époque. Et ce sont, pour 80 % de ces victimes, des femmes. Les 20 % restants étaient des hommes relevant pour la plupart de la catégorie des « errants ». Pauvres hères et vagabonds, « gens du voyage », juifs ou homosexuels.

Ces femmes (et quelques fois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles), appartenaient le plus souvent aux classes populaires. Une toute petite minorité d’entre elles pouvait être considérée comme étant d’authentiques criminelles (ce fut le cas de la Voisin, sous Louis XIV, par exemple) coupables d’homicide, ou de malades mentales. La grande majorité était au contraire de tous âges et de toutes conditions, et de diverses confessions religieuses, souvent sages-femmes ou guérisseuses. Leurs remèdes se basaient sur une pharmacopée traditionnelle, breuvages, infusions ou décoctions de racines et d’herbes, les « simples ». La population, essentiellement rurale, n’avait guère d’autre recours pour se soigner. Toutes torturées, et brûlées vives, parce que jeunes, parce que vieilles, parce que femmes, le plus grand des péchés qui leur était reproché par les autorités du temps. Un moyen horrible de savoir si une femme était une sorcière consistait à la jeter nue à l’eau, les mains et pieds attachés ensemble pour l’empêcher de surnager. Une sorcière étant — en théorie — plus légère que l’eau, si elle flottait, elle était aussitôt repêchée et brûlée vive. Si elle se noyait, c’est qu’elle était morte innocente. H.P. Duer, professeur d’ethnologie allemand, dans son ouvrage Nudité et pudeur, estime que cette pratique, si choquante par l’exhibition qu’elle provoquait, fut peu utilisée. Mais il y a plusieurs textes et dessins démontrant que cela a existé plusieurs dizaines d’années au Moyen Âge.

Si, durant le Moyen Âge, les persécutions sont surtout dirigées contre les hérétiques (Cathares ou Vaudois), c’est, curieusement, à partir des Temps modernes, après la découverte des Amériques, au moment où commence à poindre l’Humanisme et où l’imprimerie fait son apparition, que commence cette persécution que d’aucuns et particulièrement les féministes ont qualifiée de sexiste (probablement la seule de l’histoire), que d’autres ont appelée génocide. Il faut noter que les estimations du nombre des victimes des historiens d’aujourd’hui ne prennent en compte que les personnes décédées durant les séances de torture ou sur les bûchers et non celles qui sont mortes des suites de la torture, consentie et même explicitement demandée dans plusieurs bulles pontificales[réf. nécessaire] par, et qui pourraient avoir été plusieurs centaines de milliers[réf. nécessaire]. C’est, en quelque sorte, quand le monde de l’époque se mondialise, dirait-on aujourd’hui, que le phénomène prend de l’ampleur. Il semble que la peur que cette mondialisation suscite ne puisse être l’unique raison qui pousse à diaboliser un sexe et à l’utiliser comme bouc émissaire.

Si l’on remarque par ailleurs le fait qu’à la même époque deux corps de métiers vont jouer un plus grand rôle économique, ceux des médecins et des clercs, on comprend que les femmes, qui jouissaient d’une liberté plus grande qu’on ne pouvait le croire quant à l’exercice d’un métier jusqu’à la fin du Moyen Âge, puissent avoir été visées par la menace d’éventuelles persécutions, les convainquant de se retirer dans leur foyer et de renoncer à toute activité en dehors de celui-ci.

Si le terme « génocide » n’est apparemment pas le plus approprié, de nombreux féministes définissent aujourd’hui cette traque à la sorcière comme un crime contre l'humanité, certaines, comme par exemple sur le site Sisyphe, précisant que c’est un gynécide. Un manuel rédigé par deux Dominicains fut publié au XVIe siècle pour établir les critères permettant de le perpétrer, le Malleus Maleficarum ou Marteau des sorcières. Celui-ci n’a jamais été désavoué, de même que jamais jusqu’à ce jour ce crime n’a été officiellement reconnu comme tel par les autorités religieuses qui l’ont commis.

Les femmes des classes privilégiées échappèrent aux persécutions, même si le scandale éclaboussa parfois la Cour, comme ce fut le cas lors de l’affaire des poisons, et Catherine de Médicis n’hésita pas à en utiliser pour éliminer quelques personnages politiquement gênants de son entourage.

Les « chasses aux sorcières » connaissent deux vagues : la première de 1480 à 1520 environ, puis la seconde de 1560 à 1650. Mais dès les années 1400-1450, le portrait de ce qui deviendra une « image d’Épinal » par la suite se dessine, et les dernières persécutions se terminent vers la fin du XVIIe siècle. Les dernières brûlées en Europe sont Anna Göldin dans le canton de Glaris de la Suisse protestante en 1782, et une ou deux autres en 1793 dans la très catholique Pologne, au XVIIIe siècle donc. Alors qu’on associe généralement plus volontiers Moyen Âge et sorcellerie, les XVIe et XVIIe siècles ont connu les vagues de persécutions les plus horribles. Auparavant les sorciers sont des hommes et des femmes, les procès en sorcellerie deviennent presque exclusivement à l’encontre des femmes. Le paroxysme est atteint lorsque les tribunaux civils supplantent ce monopole d’église.

Le pasteur allemand Anton Praetorius de l’église réformée de Jean Calvin édita en 1602 le livre De l’étude approfondie de la sorcellerie et des sorciers (Von Zauberey und Zauberern Gründlicher Bericht) contre la persécution aux sorcières et contre la torture.

[modifier] Changement de point de vue à l’époque moderne

Les sabbats des sorcières

Le premier à réhabiliter les sorcières fut Jules Michelet qui leur consacra un livre en 1862. Il voulut ce livre comme un « hymne à la femme, bienfaisante et victime ». Michelet choisit de faire de la sorcière une révoltée en même temps qu'une victime et il réhabilite la sorcière à une époque où elle avait totalement disparu derrière l'image du diable. Dans ce livre, Michelet accuse l'Église d'avoir organisé cette chasse aux sorcières, pas seulement au Moyen Âge mais aussi au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. Le livre eut des difficultés à trouver un éditeur et provoqua un scandale[2]. Michelet se défendit en présentant son livre comme un travail d'historien et non de romancier. Mais il ne leur reconnaît pas véritablement le droit à l'émancipation. Il faut attendre les mouvements féministes des années 1970 pour voir apparaître le thème sous un jour positif. Les représentantes de ces mouvements s'en sont emparé et l'ont revendiqué comme symbole de leur combat. On notera par exemple la revue Sorcières de Xavière Gauthier, qui étudiait les « pratiques subversives des femmes ».

Un tournant particulier eut lieu au début du XXe siècle lorsque l'égyptologue Margaret Murray soutint dans The Witch-Cult in Western Europe (1926) que les assemblées décrites par les accusées relateraient des rites réels et que la sorcellerie serait une religion très ancienne, un culte préchrétien de la fertilité que les juges réduisaient à une perversion diabolique. Margaret Murray s'inspirait en cela des thèses émises dans Le Rameau d'Or (1911) de Sir James Frazer. Si presque tous les historiens de la sorcellerie s'accordent aujourd'hui sur le fait que les travaux de Murray sont non scientifiques et fondés sur une manipulation volontaire des documents, ils eurent à l'époque une large diffusion puisque ce fut à Murray que fut confiée la rédaction de l'article "Witchcraft" de l'Encyclopædia Britannica.[5]

La sorcière est montrée sous un jour favorable à travers de nombreuses œuvres de fiction, et les membres de la Wicca se revendiquent comme les héritiers d’un culte auquel auraient appartenu les sorcières du temps des persécutions.

Certains des chrétiens attachés à une interprétation littérale de la Bible peuvent ne pas partager cet engouement, du fait du commandement exigeant de mettre à mort les magiciennes.

[modifier] Pratiques attribuées aux sorcières

Le cercle magique, John William Waterhouse
Le cercle magique, John William Waterhouse

[modifier] Le pacte avec le diable

Vers la fin du XVème siècle, de nombreux européens cultivés croyaient que les sorcières pratiquaient de nombreuses activités diaboliques en plus de la magie noire[3]. Ils croyaient que les sorcières faisaient un pacte explicite personnel avec le diable. Le pacte avec le diable donnait à la sorcière le pouvoir d'accomplir des maléfices et la faisait entrer au service du diable. Les sorcières acceptaient alors de rejeter la foi chrétienne et d'être rebaptisées par le diable en guise de soumission. Le diable appliquait une marque sur la sorcière. Cette croyance était surtout partagée par les classes dominantes et cultivées de l'époque. En effet, les classes populaires avaient tendance à plus se focaliser sur la capacité de la sorcière à nuire plutôt que sur son lien avec le diable[3]. Le pacte avec le diable est une notion très ancienne et a une origine qui remonte avant le Moyen Âge. Par ce pacte, la sorcière était censée conclure un accord semblable à un contrat juridique obligeant le diable à fournir la richesse et des pouvoirs a la sorcière en échange de sa soumission et son l'âme après sa mort [3]. Les thèmes du vol nocturne, de la transformation en animal, de l'assemblée autour d'une figure surnaturelle, participaient déjà du monde de la sorcière. Par contre, l'association de la sorcière au démon, au crime et à la sexualité fut une théorie démonologique qui se construisit peu à peu au cours du XVIe siècle[3]. Les ingrédients du sabbat (le terme même de sabbat, sa description comprenant un culte organisé voué à des démons nommés Diane, Hérodiade ou Lucifer, leur présence sous une forme semi-animale, les orgies, la profanation des sacrements) furent élaborés sous l'influence des théologiens et les inquisiteurs, du milieu du XIIIe au milieu du XVe, diffusés à travers des traités de démonologie comme le Malleus Maleficarum ou des prédications comme celles de saint Bernardin de Sienne, puis entérinés par les membres laïcs des cours de justice ou des parlements. Les accusées étaient forcées de souscrire, sous la torture ou la pression psychologique, à cette vision des choses. Leurs aveux confirmaient aux yeux de beaucoup la validité de cette description et contribuèrent à la répandre.

[modifier] Le sabbat

Icône de détail Article détaillé : Sabbat (sorcellerie).

Les sorcières étaient réputées pour se réunir la nuit dans des endroits spéciaux pour accomplir des rites magiques. Les lieux que les sorcières choisissent pour pratiquer leur art ne sont donc pas le fruit du hasard. Ils sont ce qui permet l’efficacité du rite, par les pouvoirs qu’on leur accorde autant que par la mémoire qu’ils suscitent, en conditionnant les acteurs de la cérémonie magique. [6]. Les lieux de sabbat étaient en général situés à l'écart des populations, sur un mont ou bien dans une forêt. Les lieux sont très variés.

[modifier] Le vol des sorcières

Witches. Woodcut, Hans Baldung
Witches. Woodcut, Hans Baldung

Les sorcières se réunissaient périodiquement pour se livrer à de nombreux blasphèmes. Les sorcières devaient se rendre rapidement vers les lieux de réunions qui se tenaient en général dans des endroits très isolés. La croyance était que les sorcières utilisaient un pouvoir du diable pour se déplacer rapidement.[7] Soit les sorcières se déplaçaient en volant sans moyen particulier, soit transportées par une rafale de vent ou bien par la seule vertu de leurs pouvoirs magiques. Dans certains cas, la sorcière se servait d'un onguent pour voler.[7] Mais la croyance la plus répandue était que les sorcières utilisent un balai pour se déplacer. Des sorcières utilisaient des animaux magiques pour se déplacer ou bien le diable lui-même transportait la sorcière. Parfois les sorcières laissaient leur balai dans leur lit après lui avoir donné leur apparence pour tromper leurs maris.[7] Le balai est un attribut des activités féminines, et son utilisation dans la représentation des sorciers pourrait s'expliquer par la prépondérance des femmes parmi les sorciers[3]. La sorcière vole la nuit, généralement lors de la pleine lune. La sorcière et la lune vont de pair. Cette idée remonte à l'époque du culte de Diane. Les fidèles de Diane, la déesse romaine de la Lune, croyaient qu'elles pouvaient voler les nuits de pleine lune quand Diane était présente. Ces femmes utilisaient pour cela un onguent à base de drogue.[7] D'après des spécialistes, [7] l'onguent était constitué d'un mélange de jusquiame, de belladone, de mandragore de cigue et de nénuphar et d'un narcotique. Les femmes qui s'enduisaient le corps de cet onguent entraient dans une transe et avaient l'impression d'être transportées au sabbat, d'où la légende de l'onguent magique.

[modifier] La sorcière et les enfants

Les sorcières étaient réputées faire des repas cannibales d'enfants ou utiliser des cadavres d'enfants pour préparer des poudres ou des onguents magiques.[4] Et, dans la croyance de l'époque, les sorcières avaient pour habitude de transmettre l'art de la magie de génération en génération ou bien de corrompre les enfants. La place des enfants dans la chasse aux sorcière est cruciale.[4] Les vagues les plus importantes de bûchers furent accompagnées de phénomènes de grande ampleur concernant les jeunes enfants.[4] Des enfants sorciers furent signalés partout en Europe. La condamnation de la mère pour sorcellerie faisait retomber des soupçons sur les enfants. De plus les aveux étaient facilement soutirés aux enfants.[4]

En Russie, en Pologne et en République tchèque, des sorcières de nuit notchnitsa sévissaient en se glissant pendant la nuit dans la chambre des nourrissons pour les pincer, les mordre et leur sucer du sang. Mais si un adulte intervenait, elles disparaissaient comme par enchantement.

[modifier] Les sorcières connues

L’image de la sorcière est courante dans les carnavals, comme dans les contes et légendes
L’image de la sorcière est courante dans les carnavals, comme dans les contes et légendes

Jeanne d'Arc a été accusée d'être une sorcière. Les raisons de cette accusation étaient qu'elle était originaire de Lorraine, province réputée pour la sorcellerie, la magie et le paganisme, et qu'elle a avoué avoir entendu pour la première fois des voix au pied de l'arbre enchanté de Bourlemont, qu'elle possédait le don de guérir les malades, que ses partisans l'adoraient presque comme une déesse. Après sa mort sur le bûcher, le bruit courut qu'elle était toujours vivante. Capturée par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais et est soumise à un procès en sorcellerie. Le procès se déroule à Rouen à huis-clos sous la conduite de l'évêque Cauchon du 9 janvier au 28 mars 1431. Jeanne est brûlée vive le 30 mai 1431. La révision de son procès commença en 1450. Jeanne d'Arc fut réhabilitée en 1456, béatifiée en 1909 et canonisée en 1920 et n'est à aucun titre considérée comme une sorcière de nos jours..[8]

[modifier] Sorcières fictives

La sorcière est un archétype de l'imaginaire européen. Son image indissociable du sabbat et des horreurs des bûchers a conservé l'essentiel de sa force en traversant les âges. Non seulement la sorcière apparaît toujours aujourd'hui dans les contes, les romans, les films et les masques des fêtes populaires, mais encore le message psychologique, social, religieux ou politique qu'elle véhicule est suffisamment fascinant pour se substituer à la réalité historique.

[modifier] Sorcières dans les œuvres de fiction

[modifier] Bibliographie

  • (fr) La Sorcière, Jules Michelet
  • (fr) Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses
  • (fr) Jean Delumeau, La Peur en Occident(un chapitre sur le caractère sexiste de cette persécution, où il précise que les hommes sont exécutés pour hérésie et les femmes pour sorcellerie disant qu’entre les deux se distingue la même différence qu’entre le droit commun et le prisonnier politique)
  • (fr) Robert Muchembled, La Sorcière au village
  • (fr) Carlo Ginzburg, Le Sabbat des sorcières
  • (fr) Carlo Ginzburg, Les Batailles nocturnes
  • (fr) Guy Bechtel, La Sorcière et l’occident. La destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers

[modifier] Voir aussi

wikt:

Voir « sorcière » sur le Wiktionnaire.

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur les sorcières.

[modifier] Notes et références

  1. La sorcellerie - Histoire procès de sorcières
  2. ab Magie et sorcellerie, sous la direction de Robert Muchembled
  3. abcdef La Grande Chasse aux sorcières Brian P. Levak
  4. abcde Le Roi et la sorcière, Robert Muchembled
  5. Carlo Ginzburg, Le Sabbat des Sorcières, p.17.
  6. Les lieux & les légendes de la magie
  7. abcde La chevauchée des sorcières, Andrea Kaufmann
  8. Les sorciers et sorcières dans l'Histoire - Shéluna.com