Sociobiologie

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La sociobiologie est la branche de la biologie qui s'intéresse à l'origine biologique du comportement des animaux sociaux, y compris l'espèce humaine. Elle se réfère principalement à l'éthologie, l'écologie et la génétique des populations.


Sommaire

[modifier] Origine et définitions

Le terme sociobiologie a été forgé par Edward Osborne Wilson en 1975 dans son livre Sociobiology : A New Synthesis, le titre positionnant clairement la sociobiologie comme une étude des effets sociaux que rendait prévisible le mécanisme d'évolution des espèces découvert par Darwin. Avant la publication de ce livre, on étudiait déjà la génétique ainsi que l'éthologie, mais uniquement de façon séparée (bien que Konrad Lorenz eût évoqué dans ses ouvrages les possibilités d'interaction).

En ce qui concerne l'application aux espèces animales, le point de vue fut admis d'emblée. En ce qui concerne les humains, on le considère comme un sujet polémique :

  • Scientifiquement, l'importante composante culturelle dans le comportement de l'homme laissait-il toute sa validité au seul modèle génétique ?
  • Politiquement, la considération uniquement darwinienne des comportements humains pouvait évoquer, que cette impression soit fondée ou non, les errements passés du nazisme. Wilson se défendit très vigoureusement contre cette accusation.
  • Encore aujourd'hui cette thèse demeure controversée, surtout du point de vue des chercheurs en sciences sociales lorsqu'elle tente d'expliquer des comportements humains.
  • Enfin, les croyants de la plupart des religions admettaient difficilement que les règles de comportement de l'homme puissent être attribuées à autre chose qu'à des lois divines, dans le même temps que les non-croyants étaient tout aussi réticents à considérer que l'homme ne les ait pas élaborées avec sa seule raison.

On a parfois aussi estimé que la sociobiologie, lorsqu'elle envisage l'être humain, tendait à sous-estimer l'habileté des sujets à modifier leur environnement. Si on la prend par ailleurs comme dogme au lieu de l'utiliser comme simple outil de travail, elle peut conduire certains à croire à un déterminisme biologique, d'où la nécessité de préciser les contextes.

La sociobiologie appliquée à des sociétés non-humaines ne créa quant à elle pas autant de controverse : l'ouvrage Le gène égoïste, de Richard Dawkins[1], qui reprenait certaines idées en les développant, connut au contraire un succès mondial sans pour autant que cela ne réhabilite l'image de Wilson dans l'esprit du grand public.

La voie du centre, de plus en plus populaire, déclare que les gènes établissent une gamme de comportements potentiels qui peut être affectée par la socialisation, et que réciproquement tel ou tel type de socialisation sera plus favorable ou moins favorable à l'expansion des porteurs des gènes associés, ce que l'on peut aussi considérer comme une tautologie. La socialisation peut augmenter, modifier, faire changer les priorités et changer la séquence des propensions du comportement déterminé par le bagage génétique. En ce sens, c'est tant la génétique que les institutions sociales qui peuvent être étudiées par la sociobiologie.

[modifier] Critiques

Certains critiques réfutent le statut scientifique de la sociobiologie. Malgré tout, elle utilise une méthode scientifique. Un comportement social non-humain est avant tout expliqué par une hypothèse sociobiologique en établissant une stratégie évolutionnairement stable. Cette stabilité peut en revanche être difficile à prouver. Une stratégie adéquate prédira la séquence génétique. L'hypothèse peut après être confirmée en établissant une corrélation entre la séquence génétique prévue par la stratégie et celle qui se retrouve dans la population étudiée. Cependant, la mesure des gènes et de ses fréquences peuvent aussi être problématiques parce qu'une simple corrélation statistique peut parfois être circulaire, elle emploie les mesures qui étaient par ailleurs utilisées pour établir la stratégie. Malgré sa difficulté, cette stratégie est plutôt favorisée.

On a par exemple expliqué de manière satisfaisante l'altruisme chez les animaux. Ceux qui étaient portés à se tourner vers les autres l'étaient potentiellement par leur bagage génétique. Des critiques nouvelles,[2] se font pourtant jour contre cette théorie de la parentèle.

Un autre exemple concluant est la description quantitative de l'infanticide chez les animaux dont l'accouplement des mâles se passe en groupe lorsque le mâle dominant est sorti de ce même groupe. On étudie activement l'infanticide par les femelles ainsi que la résorption du fœtus. En général, les femelles dont le potentiel de grossesses est le plus élevé sont moins portées à enfanter. De plus, il apparaît que les femelles règlent leur potentiel de grossesses afin de maximiser l'accès à la nourriture et la protection des mâles. Là encore, il existe cependant des critiques, notamment à propos de l'entendue du conflit sexuel[3].

La criminalité est aussi un champ de recherche important bien qu'hautement controversé. Certains argumentent que dans les environnements les moins intégrés, le comportement criminel est de l'ordre de l'adaptation[4].

Un problème important de la sociobiologie est historique. Certains de ses champs d'intérêt ressemblent, du moins théoriquement, à ceux du parti national socialiste (nazi) puisque des résultats sociobiologiques probants pourraient être utilisés pour justifier une oppression massive d'êtres humains innocents. Cette ligne d'attaque a été développée à la fin des années 1970 par Stephen Jay Gould et Richard Lewontin[réf. nécessaire]. Actuellement, la critique essentielle se tourne vers le fait que la sociobiologie, et son avatar, l'écologie comportementale, privilégie toujours le tout génétique. Il ne faut pas oublier néanmoins que le domaine de la description est une chose, et que celui des valeurs en est une autre : une description du réel n'établit pas en tant que telle de valeur. Ainsi, par exemple, l'observation de l'indifférence cruelle de fait de la nature n'a aucune raison particulière de justifier la même attitude en tant que but. On pourrait dire au contraire avec Michel Serres que c'est justement ce qui nous déplaît dans ce que nous observons qui va contribuer à forger nos valeurs.

Cette guerre sémantique (qui est restée très virulente sur les campus américains jusqu'à la fin des années 1990) a incité les chercheurs John Tooby et Leda Cosmides à renommer la Sociobiologie en Psychologie évolutionniste à la fin des années 1980. La principale différence entre les deux approches est que les psychologues évolutionnistes (David Buss, David C. Geary, Sarah Blaffer Hrdy, etc.) considèrent que l'évolution s'est principalement déroulée à une époque qui n'existe plus (l'EEA), et que les programmes qui nous gouvernent plus ou moins aujourd'hui sont donc adaptés à un monde qui n'existe plus : il y a mismatch (inadéquation).

De nos jours, il y a toujours débat entre les chercheurs pour déterminer si cette différence d'approche suffisait à justifier un renommage. Le terme Sociobiologie, trop connoté politiquement, n'est plus utilisé. Les ouvrages de Dawkins, quant à eux, restent des succès d'édition tout comme ceux de Gould.

[modifier] Sociobiologistes célèbres

[modifier] Bibliographie de base

  • JAISSON, Pierre, La fourmi et le sociobiologiste, Paris, Odile Jacob, 1993.
  • VEUILLE, Michel, La sociobiologie (Que sais-je ?), Paris, PUF, 1986.
  • DAWKINS, Richard, Le gène égoïste, Paris, Odile Jacob, 2003.
  • WILSON, Edward O., L'humaine nature, Paris, Stock, 1979. (Prix Pulitzer)
  • WILSON, Edward O., La sociobiologie, Monaco, Rocher, 1987.


[modifier] Bibliographie critique de la sociobiologie

  • SAHLINS, Marshall, Critique de la sociobiologie : Aspects anthropologiques, Paris, Gallimard, 1980.
  • TORT, Patrick (dir.), Misère de la sociobiologie, Paris, PUF, 1985.

[modifier] Notes et références

  1. Richard Dawkins. The selfish gene Oxford Univ Press 1976
  2. Thierry Lodé "La guerre des sexes chez les animaux, 2006, Eds Odile Jacob, Paris ISBN 2-7381-1901-8
  3. Thierry Lodé "La guerre des sexes chez les animaux, 2006, Eds Odile Jacob, Paris ISBN 2-7381-1901-8
  4. Mealey 1995

[modifier] Voir aussi


[modifier] Liens externes