Siècles obscurs

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Histoire de la Grèce

Grèce préhellénique
Préhistoire de la Grèce
-3200 Civilisation cycladique
-2700 Civilisation minoenne
 -1550 Civilisation mycénienne
Grèce antique
 -1200 Siècles obscurs
 -800 Époque archaïque
 -510 Époque classique
 -323 Époque hellénistique
 -146 Grèce romaine
Grèce médiévale
 330 Empire byzantin
 1453 Grèce ottomane
Grèce contemporaine
  1799 République des Sept-Îles
  1822 Guerre d'indépendance
 1832 Royaume de Grèce
 1936 Régime du 4 août
 1941 Occupation
 1946 Guerre civile
 1967 Dictature des colonels
 1974 République hellénique

L'historiographie moderne appelle siècles obscurs (Dark Ages, « Âges sombres » suivant l'expression anglo-saxonne d'origine), en Grèce antique, l'époque qui va approximativement du XIIe au VIIIe siècle av. J.-C.

Les invasions qui aboutissent à la destruction de la civilisation mycénienne marquent le début de la période. Le submycénien commence en 1200 av. J.-C. au maximum et s'étend jusque vers 1015. Il est suivi par le proto-géométrique. Celui-ci se termine avec l'émergence d'Athènes comme foyer culturel, vers 875, caractérisée par le succès d'une nouvelle forme de céramique dite géométrique, et l'avènement de l'âge des cités.

Sommaire

[modifier] Un Moyen Âge grec ?

L'expression « siècles obscurs » ou "âges obscurs" fut popularisée par The Dark Age (1971) d'Anthony Snodgrass et The Greek Dark Ages (1972) de R. A. Desborough. À cette époque, la fin du XIIIe siècle av. J.-C. apparaissait comme la chute irrémédiable de la civilisation mycénienne. Elle est surnommée « la Catastrophe ». En revanche, le VIIIe siècle semblait une véritable Renaissance de la Grèce. Selon Desborough, ce recul s'expliquait par de grandes invasions. Snodgrass se montrait plus prudent. La thèse selon laquelle la civilisation mycénienne s'est effondrée à la suite d'invasions de peuples de la mer ou de Doriens a été longuement débattue, mais elle primait sur les autres, et était la version officielle, ce qui explique sa présence dans tous les ouvrages (internet ou autre) rédigés il y a 10 ans ou sur ceux qui sont des résumés de ces mêmes sources. Aujourd'hui, cette théorie a été définitivement réfutée par les historiens et les archéologues du fait que l'archéologie n'a pu la soutenir : les fouilles n'ont montré aucune trace des prétendues populations envahissantes. Il est possible que la société mycénienne ait eu à subir les attaques d'autres peuples, mais celles ci ne seraient en aucun cas l'explication de son effondrement. Il n'y a pas d'explication arrêtée à la chute du monde mycénien, mais le monde mycénien a connu un déclin progressif, probablement dû à une combination de tensions intérieures, à la fragilité intrinsèque au système mycénien et à des phénomènes naturels.

Desborough et Snodgrass s'accordaient pour dresser un tableau apocalyptique de la période des âges sombres : chute dramatique de la démographie, perte de l'écriture et des techniques architecturales, pauvreté, etc.

De fait, les grands palais mycéniens succombèrent aux incendies à Mycènes elle-même, Tirynthe, Pylos et Thèbes. En Crète exceptée, aucune grande construction en pierre ne fut entreprise. Les grandes tombes collectives furent remplacées par des tombes individuelles, beaucoup plus modestes, ou par l'incinération. Le travail du bronze s'éteignit, faute des nécessaires contacts avec l'extérieur pour importer le cuivre et l'étain. Seule la céramique demeura comme trace matérielle de la culture de l'époque. Le linéaire B disparut, sauf à Chypre. Enfin, de grandes régions se trouvèrent dépeuplées, comme en Laconie et Messénie. Certaines populations cessèrent de cultiver leurs champs et se consacrèrent exclusivement à l'élevage.

[modifier] Le renouveau historiographique

Néanmoins, depuis l'époque de Snodgrass et Desborough, les historiens se montrent beaucoup plus prudents par rapport à un tableau qui n'est pas sans rappeler l'image longtemps négative du Moyen Âge occidental.

[modifier] Sources

L'archéologie récente a examiné avec plus d'attention les vestiges des siècles obscurs. Tout d'abord, elle a exploré davantage les strates du sol et les structures des monuments. Des traces de temples sont ainsi apparues. Ensuite, elle a entrepris de fouiller les lieux situés à l'écart des grands palais mycéniens, qui restaient mal connus même pour l'ère achéenne. Enfin, des sites importants ont été mis au jour. Au premier chef figure celle de l'hérôon de Lefkandi, en Eubée. Il s'agit d'un grand bâtiment à substruction de pierre, surmontée par des briques crues et une colonnade extérieure en bois. Le tout, long de plus de quarante mètres, constitue la sépulture d'un homme riche, incinéré selon des rites proches de ceux décrits par Homère. Il est daté de la fin du Xe siècle . L'hérôon lui-même est entouré d'un cimetière entier, dont la plupart des tombes sont richement décorées. Parmi les autres sites, peuvent être cités celui de Kalapodi (sanctuaire religieux de plein air), d'Isthmie, près de Corinthe, d'Assiros Toumba en Macédoine, Nichoria en Messénie, etc.

L'ethnographie a également suppléé à un déficit de vestiges. Pour comprendre les évolutions de la société grecques à l'époque, des comparaisons ont été établies avec des sociétés connues. Ainsi, l'exemple des bergers Sarakatsani, en Épire, a été utilisé comme modèle pour la société pastorale de la fin de la période. De même, la structure hiérarchique de peuplades mélanésiennes a servi à éclairer les relations de pouvoir montrées par les textes homériques. Une confirmation archéologique doit ensuite confirmer la pertinence du rapprochement.

Enfin, l'exemple d'Athènes tranche avec le reste. Selon la mythologie grecque, Athènes échappa à la régression post-mycénienne car elle fut le lieu où se réfugièrent les Néléides, descendants de Nélée, chassés de Pylos. De fait, Athènes conserva une agriculture et une activité artistique de premier plan, avec en particulier sa céramique proto-géométrique.

[modifier] Conclusions

Les « siècles obscurs » paraissent aujourd'hui davantage une période de changement que de déclin. Des cultes nouveaux, des pratiques rituelles différentes (en particulier pour l'inhumation) apparaissent. La cité grecque ne semble plus apparaître d'un coup au VIIIe siècle av. J.-C. : elle figure déjà en filigrane dans les textes homériques.

[modifier] Bibliographie

  • (en) Vincent R. D'Arba Desborough, The Greek Dark Ages, Palgrave Macmillan, 1972 ;
  • Claude Mossé, La Grèce archaïque d'Homère à Eschyle, Seuil, coll. « Points Histoire », 1990 (ISBN 202006944X) ;
  • Annie Schnapp-Gourbeillon, « Ces âges qu'on disait obscurs… » in « La Méditerranée d'Homère, de la guerre de Troie au retour d'Ulysse », Les collections de L'Histoire n° 24, juillet-septembre 2004 ;
  • (en) Anthony M. Snodgrass, The Dark Age of Greece: An Archaeological Survey of the Eleventh to the Eight Centuries BC, Routledge, 2001 (1re édition 1971) (ISBN 0415936365) ;
  • (en) James Whitley, Style and Society in Dark Age Greece: The Changing Face of a Pre-Literate Society 1100-700 BC, Cambridge University Press, 2003 (ISBN 0521545854).