Securitate

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La Securitate (« Sécurité » en roumain), dont l'appellation officielle était Departamentul Securităţii Statului, à savoir « Département de la Sécurité de l'État », était la police secrète roumaine sous l'ère communiste. Auparavant la police secrète était appelée Siguranţa statului (« Sûreté de l'État »).

Rapportés au nombre d'habitants, ses effectifs étaient les plus importants de toutes les polices secrètes du bloc communiste.

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Fondation

La Direction générale de la sécurité du peuple (Direcţia Generală a Securităţii Poporului [DGSP] en roumain), plus communément appelée la Securitate, fut officiellement fondée, en étroite collaboration avec des officiers soviétiques du KGB, le 30 août 1948 par le Décret n°221/30. Toutefois, elle existait déjà dans les faits depuis 1944 lorsque les communistes commencèrent à infiltrer à grande échelle le Ministère des Affaires intérieures.

Son but affiché était de « défendre les conquêtes de la démocratie et (...) garantir la sécurité de la République populaire de Roumanie contre les ennemis tant intérieurs qu'extérieurs » (« a apăra cuceririle democratice şi de a asigura securitatea Republicii Populare Române împotriva uneltirilor dusmanilor interni si externi »).

Le poste de Directeur de la Securitate fut donné au Général Gheorghe Pintilie (de son vrai nom Pantelei Bodnarenko, connu sous le pseudonyme de Pantiusa), tandis que deux officiers soviétiques devenaient directeurs adjoints. En fait, les deux Soviétiques, les Généraux Alexandru Nicolschi (un Roumain né en Bessarabie, de son vrai nom Boris Grumberg) et Vladimir Mazuru (né Mazurov), avaient la mainmise sur l'organisation : personne ne pouvait sans leur accord obtenir un poste à responsabilités au sein de la Securitate.

Au début, beaucoup des agents de la Securitate étaient d'anciens membres de la Sûreté royale, la Direcţia Generală a Poliţiei de Siguranţă (Direction générale de la sûreté). Toutefois, très rapidement, Pintilie ordonna l'arrestation de tous ceux qui avaient fait partie de la police sous la monarchie et à la place de ceux-ci, recruta des membres zélés du Parti communiste afin d'assurer une totale loyauté au sein de l'organisation.

Le premier budget de la Securitate en 1948 faisait état de 4641 postes, sur lesquels 3549 étaient occupés le 11 février 1949 : 64 % étaient des ouvriers, 28 % des fonctionnaires, 4 % des paysans, 2 % des intellectuels et 2 % à l'origine non spécifiée.

[modifier] Campagne contre les « ennemis de classe »

En 1951, les effectifs de la Securitate avaient été multipliés par 5, en lien avec l'intensification de la lutte des classes en Roumanie. A l'instigation du Parti, la Securitate commença à pourchasser les opposants au régime. Des prisons spéciales furent aménagées pour recevoir les « ennemis de classe », généralement sans procès préalable. Dans ces camps, les prisonniers travaillaient jusqu'à la mort ou tout simplement étaient fusillés. L'une de ces prisons, située à Sighet, a été transformée en musée témoignant de l'oppression du régime communiste.

En 1964, le gouvernement proclama une amnistie générale : selon les statistiques officielles de la Securitate, 10 014 prisonniers furent relâchés de ces camps. La propagande officielle déclara qu'il n'y avait plus aucun prisonnier politique en Roumanie, même si les arrestations pour « conspiration contre l'ordre social » ou « complot » étaient fréquentes.

[modifier] Appel à la « conscience populaire »

Après cette amnistie, la Securitate en appela à la « conscience populaire », ce qui en fait signifiait une hausse significative de l'utilisation, par l'organisation, d'informateurs. De nombreux Roumains furent forcés à donner des informations sur des amis ou leur famille en recourant à la délation. Les informateurs signaient un contrat par lequel ils s'engageaient à « signaler les menaces à l'encontre de l'État ».

Dans les années 1980, la Securitate lança une vaste campagne pour éradiquer la dissidence en Roumanie :

  • manipulation de la population au moyen de fausses rumeurs (comme des contacts supposés avec les services de renseignements occidentaux), de machinations, de fausses preuves, de dénonciations publiques ;
  • volonté de dresser certaines parties de la population les unes contre les autres ;
  • humiliation en public des dissidents ;
  • censure renforcée ;
  • répression du moindre signe d'indépendance de la part des intellectuels.

L'entrée en force à l'intérieur des maisons et des bureaux était un autre procédé utilisé par la Securitate afin de soutirer des informations de l'ensemble de la population.

[modifier] Organisation

[modifier] Direction générale des opérations techniques

La Direction générale des opérations techniques (Direcţia Generală de Tehnică Operativă) est un élément-clé de la Securitate. Créée avec l'assistance des Soviétiques en 1954, elle surveillait toutes les communications vocales et électroniques passées en Roumanie ou en direction de l'étranger. Elle avait mis sur écoute les téléphones et interceptait tous les messages envoyés par télégraphe ou téléscripteur, ayant placé des micros dans les bâtiments publics et privés. Presque toutes les conversations dirigées vers la Roumanie communiste auraient été écoutées par ce département.

[modifier] Direction du contre-espionnage

La Direction du contre-espionnage (Direcţia de Contraspionaj) enquêtait sur tous les étrangers résidant en Roumanie et faisait tout pour empêcher ceux-ci d'entrer en contact avec les Roumains. Si un contact était impossible à arrêter, elle mettait sous surveillance les personnes. De nombreuses mesures étaient mises en place afin d'empêcher que les Roumains vivent avec des ressortissants étrangers. Ainsi toute personne connaissant un étranger devait le signaler sous 24 heures. Cette Direction était aussi chargée d'arrêter les Roumains qui chercheraient asile dans les ambassades étrangères.

[modifier] Direction pénitentiaire

La Direction pénitentiaire opérait dans les prisons roumaines, connues pour leurs conditions de vie déplorables. Les prisonniers étaient régulièrement battus, ne pouvaient disposer de médecins ni recevoir du courrier ; parfois, des doses mortelles de poison leur étaient administrées.

[modifier] Direction de la sécurité intérieure

La Direction de la sécurité intérieure (Direcţia de Securitate Interna) était chargée d'éliminer les dissidents au sein même du Parti communiste. Il s'agissait presque d'une Securitate dans la Securitate. C'était elle qui mettait sur table d'écoute les téléphones des autres officiers de la Securitate afin d'assurer une loyauté totale.

[modifier] Commission nationale des visas et des passeports

La Commission nationale des visas et des passeports contrôlait tous les voyages et l'émigration vers la Roumanie ou en direction de l'étranger. En fait, l'émigration était impossible, sauf pour les membres haut placés du Parti : tout Roumain qui aurait fait la démarche dans ce sens aurait été immédiatement renvoyé de son travail et interdit d'exercer un métier qui ne serait pas manuel.

Lorsqu'en 1988 les lois sur l'émigration furent assouplies, près de 40 000 Roumains s'enfuirent en Hongrie.

[modifier] Direction des troupes de sécurité

La Direction des troupes de sécurité était composée d'une force paramilitaire de 20 000 hommes, dotée d'artillerie et de véhicules blindés légers. Elle gardait les bâtiments de la télévision et de la radio ainsi que ceux du parti. Afin de s'assurer de la loyauté totale de ces troupes d'élite, il y avait cinq fois plus de commissaires politiques au sein de la Direction des troupes de sécurité que dans l'armée régulière. En cas de coup d'État, celle-ci était appelée en renfort du régime. Les troupes de sécurité bénéficiaient de traitements privilégiés et vivaient souvent dans des conditions de vie supérieures au reste de la population.

[modifier] Direction de la Milice

La Direction de la Milice contrôlait les forces de police roumaines et s'occupait notamment du contrôle de la circulation.

[modifier] Direction V

La Direction V comprenait les gardes du corps des plus hauts dignitaires du régime.

[modifier] Les dernières années

Dans la dernière décennie du régime Ceauşescu, il n'y a pas eu de mouvement de dissidence notable. Pourtant, il y a eu quelques révoltes éparses et rares qui faisaient apparaître au grand jour les insatisfactions concernant les conditions de vie. Ces mouvements d'opposition ont germé auprès de dissidents divers, ouvriers, minorités ethniques et religieuses et même auprès de membres des échelons inférieurs du PCR.

La Securitate a facilement réussi à étouffer ces mouvements du fait que les dissidents étaient isolés et peu nombreux. Mais les ouvriers industriels étaient devenus, vers la fin des années 1970, une menace importante contre le régime Ceauşescu et contre le rôle moteur du PCR. Dans les années 1980, le mécontentement du prolétariat a continué à croître, particulièrement à cause de l'effondrement de l'économie nationale et du niveau de vie de plus en plus précaire. La pauvreté et le rationnement de la nourriture, du combustible et de l'électricité ont ainsi affecté en premier la classe ouvrière.

Ceauşescu a empêché le développement d'un véritable mouvement de travailleurs comme la Solidarność en Pologne, en s'aidant de la Securitate mais aussi de la police. La Securitate avait une stratégie variée et efficace pour réprimer les dissidents. Ses agents recouraient à divers moyens allant de l'harcèlement, en passant par des menaces et de l'intimidation en allant jusqu'au passage à tabac. Les dissidents étaient souvent congédiés, accusés et emprisonnés pour « parasitisme » même s'ils étaient engagés nulle part.

Pour les éloigner les uns des autres et pour les empêcher de mettre en place des liens avec des diplomates occidentaux ainsi qu'avec des représentants des mass-médias du pays, qui auraient pu attirer l'attention du monde entier, les autorités leur refusaient les visas de pendulaires, nécessaires si on voulait vivre dans une grande ville. Parfois, pour éviter d'attirer l'attention sur eux, les dissidents connus n'étaient pas accusés officiellement ou étaient jugés en secret par des tribunaux militaires. Certains dissidents connus n'étaient pas écroués mais leur téléphone était mis sous écoute, leur courrier était surveillé et ils pouvaient être apréhendés sans motif. Certains ont ainsi pratiquement vécu aux arrêts à domicile, étaient continuellement surveillés par des agents de la securitate en civil et de policiers en uniforme qui intimidaient des visiteurs potentiels.

Les mass-médias dénonçaient souvent publiquement les dissidents comme étant des « traîtres », des « espions impérialistes » ou des « serviteurs de l'ancien régime ». Quand certains cas de dissidents parvenant à l'attention des organisations internationales pour la défense des droits de l'homme, à défaut de pouvoir prendre des mesures à l'encontre de celles-ci, la securitate s'efforça à le faire sortir du pays en lui rendant la vie impossible et en lui accordant un visa de sortie.

[modifier] Bibliographie

  • (ro) Cartea Albă a Securităţii, vol. I, 1997
  • (ro) Vasile Crăciunoiu, Faţa nevăzută a Securităţii române. Spionaj şi contraspionaj, 1996
  • (ro) Dennis Deletant, Influenţa sovietică asupra securităţii române. 1944-1953, în Memoria ca forma de justiţie, 1994
  • (ro) Dennis Deletant, Ceauşescu and the Securitate. Corecion and dissent in Romania (1965-1989), 1997
  • (ro) Cosma Neagu, Cupola. Securitatea văzută din interior, 1994
  • (ro) Cosma Neagu, Securitatea, poliţia politică, dosare, informatori, 1998
  • (ro) Marius Oprea, Pagini din copilăria Securităţii române, în Dosarele istoriei, nr. 5/1996
  • (ro) Ion Mihai Pacepa, Moştenirea Kremlinului, 1992
  • (ro) Mihai Pelin, Culisele spionajului românesc. DIE. 1955-1980, 1997
  • (ro) Gheorghe Raţiu, Cutia Pandorei. Arhivele Securităţii, surprize şi capcane
  • (ro) Vladimir Tismăneanu, Arheologia terorii, 1992

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes