Scaphandre autonome

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Un plongeur équipé de scaphandre autonome
Un plongeur équipé de scaphandre autonome

Le scaphandre autonome est un dispositif individuel qui permet à un nageur d'évoluer librement en plongée avec une réserve d'air. L'air n'étant rien d'autre qu'un mélange de gaz un scaphandre autonome peut aussi fonctionner avec une réserve contenant tout autre mélange de gaz respirables (nitrox, trimix, hydreliox...) ou aussi avec un recycleur. Le principe de fonctionnement du scaphandre autonome est essentiellement basé sur une invention du docteur Théodore Guillaumet, en 1838[1]. Cette invention fut à nouveau réalisée avec indépendance de celle de Guillaumet en 1860 par l'ingénieur des mines Benoît Rouquayrol (1826-1875) et adaptée à la plongée en 1864 avec l'aide du lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouze (1837-1883). Elle fut finalement reprise et perfectionnée dans sa forme actuelle par Émile Gagnan et Jacques-Yves Cousteau en 1943. Cette invention, capitale pour la plongée autonome (sans aucun tube relié à la surface), est le détendeur automatique, dit aussi « de débit à la demande ».

Sommaire

[modifier] Avant 1943

Le scaphandre autonome, qui offre au plongeur une complète liberté de mouvements, a été mis au point grâce à une suite d'inventions réalisées au cours du XIXe siècle et de la première moitié du XXe. Quant aux deux siècles qui ont précédé l'avènement de sa maturité (du XVIIIe siècle jusqu'en 1943) ils ont été essentiellement dominés par les scaphandres à casque, ou « scaphandres pieds lourds », qui reliaient le scaphandrier à la surface par un tube lui fournissant son air. Avant le XVIIIe siècle l'homme plongeait déjà en apnée, et depuis la nuit des temps, mais il a toujours été limité par la durée et par la profondeur. Les problèmes à résoudre furent les suivants :

  • l'approvisionnement en air (oxygène) à bonne pression ;
  • le rejet du gaz carbonique toxique pour l'homme ;
  • l'augmentation de la pression de l'eau avec la profondeur qui empêche les mouvements d'inspiration (la pression à 10m de profondeur est le double de la pression atmosphérique) ;
  • la mobilité.

Pour résoudre ces problèmes Léonard de Vinci (1452-1519), imagine un masque avec tuyau amenant l'air au plongeur. Conçue pour des profondeurs ne dépassant pas quelques dizaines de mètres cette technique est irréaliste car à partir d'un mètre et demi de profondeur la respiration devient irréalisable, la cage toracique humaine n'ayant en réalité pas la force de vaincre la pression exercée par l'eau, même à une si faible profondeur. Il aura fallu attendre l'avènement de pompes à air (au XVIIIe siècle) pour apporter au plongeur un air se trouvant à la même pression que l'eau environnante.

La cloche de Edmund Halley (1690) (physicien et astronome qui a découvert le cycle de la comète qui porte son nom) emprisonne de l'air qui est régénéré par un apport de tonneaux d'air[2].

John Lethbridge (1715) imagine l'armure de plongée dont une ouverture sert à l'alimentation en air par des soufflets et l'autre à l'évacuation de l'air vicié.

Le Sieur Fréminet conçoit à Paris en 1772 le premier casque de plongée, lié soit à une réserve d'air soit à une pompe le fournissant en surface. Le nom dont il baptise son invention : « machine hydrostatergatique ».

Le mot scaphandre, du grec skaphe (barque) et andros (homme), est utilisé pour la première fois en 1765 par Jean-Baptiste de La Chapelle, dit l'Abbé de la Chapelle (1710-1792), lorsqu'il présente à l'Académie Royale des Sciences une invention dont il est l'auteur. C'est un costume doublé de liège permettant à des soldats ou à des naufragés de flotter sur l'eau et de traverser des cours d'eau. Il en fait la démonstration dans les eaux de la Seine en face de Bercy, commune située actuellement à l'intérieur de la ville de Paris. En 1775 il publie son Traité de la construction théorique et pratique du scaphandre ou du bateau de l'homme[3].

Le scaphandre pieds lourds d'Augustus Siebe (1837) est constitué d'un casque rigide à hublots, alimenté en air par un tuyau relié à une pompe se trouvant en surface, d'une combinaison souple (la première combinaison étanche) et de chaussures lestées. Il permet d'atteindre des profondeurs de 60 à 90 m mais il y peut subir des accidents (section du tuyau, arrivée d'air aléatoire, noyade...) et souffre d'un manque d'autonomie. Les déplacements sont lents ce qui est dû au poids (90 kg au total) et à la position verticale (résistance maximale de l'eau au déplacement). En 1855 Joseph-Martin Cabirol présente à l'exposition universelle de Paris le premier scaphandre ayant la capacité d'évacuer l'air vicié par le biais d'une soupape à usage manuel située sur le casque à hublots.

A ce stade d'avancement de la technologie (Fréminet, Siebe, Cabirol, ainsi que d'autres inventeurs), stade où l'air est toujours pompé de la surface, le flux d'air est plus ou moins régulier et inadapté aux besoins du plongeur, c'est pourquoi les inventeurs ont de plus en plus recherché un système qui permette au plongeur de :

  • 1 - Respirer l'air d'une réserve qu'il transporte sur lui, toujours à la pression de l'eau environnante, selon la profondeur.
  • 2 - Débiter l'air de sa réserve uniquement à sa demande, sans qu'un débit continu ne gache son air pendant les expirations.
  • 3 - Évoluer dans le milieu aquatique de la façon la plus libre possible, sans câbles ni tubes le reliant à la surface.

La réussite de ces trois objectifs donna naissance à un modèle de scaphandre à détendeur, le premier de l'histoire, celui de Benoît Rouquayrol et d'Auguste Denayrouze. Cette invention de 1860, le « régulateur » de Benoît Rouquayrol (destiné au sauvetage de mineurs en cas de « coup de grisou » ou de galeries de mine inondées), fut adaptée à la plongée avec l'aide d'Auguste Denayrouze en 1864. En réalité un plus ancien brevet de détendeur avait été déposé le 14 novembre 1838 par le docteur Théodore Guillaumet, originaire d'Argentan. Ce premier détendeur était relié à la surface par une pompe et n'était donc pas autonome, mais son principe de fonctionnement était le même que ceux de Rouquayrol et de Denayrouze et plus tard de Cousteau et de Gagnan. Le détendeur de Guillaumet ne connut pas de suite certainement à cause de l'absence d'un réservoir intermédiaire qui aurait assuré une réserve de sécurité en cas de rupture ou de séparation du tube fournisseur d'air. Rouquayrol et Denayrouse apportairent cette nouveauté et purent ainsi faire fonctionner leur « appareil plongeur » avec le minimum de sécurité requise. L'appareil plongeur Rouquayrol-Denayrouze fut homologué par la Marine Impériale Française dès 1864 et remporta la médaille d'or à l'exposition universelle de Paris de 1867, mais il ne parvint tout de même pas à résoudre le problème d'une autonomie suffisante (une demie heure à 10 mètres de profondeur tout au plus) principalement à cause de la limite d'air comprimé que l'on pouvait faire contenir dans les réserves portatiles de l'époque (30 à 40 bars de pression, pas plus). Le problème fut résolu en 1943, avec l'invention du scaphandre autonome moderne.

[modifier] Le scaphandre autonome moderne

[modifier] Inventeurs

Pendant l'occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale la France connaît une pénurie d'essence, constamment réquisitionnée par les Allemands. Émile Gagnan (ingénieur chez Air Liquide) obtient de la société Piel un détendeur Rouquayrol-Denayrouze qu'il utilise pour faire fonctionner des gazogènes de voiture et dépose un brevet de détendeur miniaturisé en bakélite. Henri Melchior, son patron, pense alors que ce détendeur peut rendre service à son gendre, Jacques-Yves Cousteau, qui cherche depuis déjà 1937 à mettre au point un scaphandre autonome efficace et à débit automatique (ou débit « à la demande »), car celui de l'époque devait être utilisé à la main (« manodétendeur » de Le Prieur). Melchior fait alors les présentations des deux hommes, qui se rencontrent à Paris en décembre 1942.

Cousteau adapte le détendeur de Gagnan à une réserve d'air comprimé et fait dans la Marne les premiers essais sub-aquatiques de son détendeur : quand le plongeur est à l’horizontale le détendeur fonctionne correctement, mais quand il est debout il se met en débit continu et quand il est tête en bas il se bloque. Cousteau et Gagnan apportent alors la même solution que Rouquayrol, Denayrouze et Commeinhes avaient apportée avant eux, ils ramènent l’expiration au niveau de la membrane du détendeur, qui équilibre l’air avec la pression ambiante et ferme le débit pendant l’expiration. Cela fonctionne. Cousteau part alors pour Bandol, dans le Var, en ayant commandé à Gagnan de lui envoyer trois nouveaux prototypes, qu'il reçoit le 28 juin 1943. Ces trois prototypes sont destinés à Frédéric Dumas, Philippe Tailliez et Cousteau lui-même, afin de réaliser le premier essai en mer, en Méditérranée. L'essai a lieu avec succès à la fin de juin, à la plage du Barry, commune de Bandol, et en cette même année de 1943 Cousteau et Gagnan brevètent leur « scaphandre Cousteau Gagnan ». À la fin de la guerre quelques exemplaires de « Cousteau-Gagnan » ont été construits, des prototypes, mais Cousteau et Gagnan brevètent le « CG-45 » en 1945 (« C » pour Cousteau, « G » pour Gagnan et « 45 » pour 1945), qui sera aussi commercialisé sous le nom de « Aqua-Lung » (terme anglais inventé par Cousteau à des fins de commercialisation et qui signifie « poumon aquatique »). Le CG-45 sera fabriqué en série à partir de 1946 et vendu dans le monde entier jusqu'à l'arrivée du Mistral (1955) et autres modèles toujours plus perfectionnés (Royal Mistral, Spiro 8, Cristal...).

La mise au point du scaphandre autonome est donc liée à plusieurs découvertes technologiques :

[modifier] L'équipement

Masque, tuba, ceinture de lest avec ses plombs, botillons et palmes réglables
Masque, tuba, ceinture de lest avec ses plombs, botillons et palmes réglables

Le scaphandrier autonome est habituellement équipé :

  • d'un vêtement d'isolation thermique ;
  • d'un masque qui entoure les yeux et le nez et qui rend possible la vision nette en plongée tout en permettant de compenser les variations de pression (par équilibrage de la pression de l'air capturé dans le masque) ;
  • de palmes pour le déplacement ;
  • d'une ou plusieurs bouteilles ; on parle de bloc de plongée ou de mono, bi ou tri pour préciser le nombre de bouteilles ; le bloc contient un mélange gazeux (air, nitrox, trimix, hydreliox) sous pression entre 170 et 300 bar) dont la capacité à la pression atmosphérique peut être de 2,3,6, 9, 12, 15, 18 ou 20 litres de mélange. Ces blocs sont en acier, parfois renforcé par du carbone, ou en aluminium ;
  • d'un détendeur, qui permet de respirer le mélange gazeux à la pression ambiante ;
  • d'une stab reliée à la bouteille via le direct system lui permettant de faire varier sa flottabilité en fonction de la profondeur et de ses besoins.
  • d'un manomètre, pour surveiller la pression du mélange gazeux dans le bloc et connaître la quantité de gaz restant ;
  • d'instruments de décompression, le plus courant étant l'ordinateur de plongée, mais quelques-uns utilisent encore une montre de plongée et une table de décompression ;
  • d'un parachute de palier ;
  • d'une ceinture de lest (si nécessaire).

Certains plongeurs utilisent un recycleur dans lequel l'air expiré est traité pour être respirable de nouveau sans danger : le CO2 est absorbé et l'air expiré est enrichi en oxygène. L'air circule ainsi en circuit fermé ou semi-fermé (Semi-closed Rebreather, SCR). La première solution ne dégageant aucune bulle en surface, elle est utilisée, entre autres, par les plongeurs de combat (mais elle ne permet pas les plongées profondes).

Dans un futur proche, il devrait être possible de voir arriver des scaphandres de plongée utilisant des fluides respiratoires à la place de mélanges gazeux.

[modifier] Mode d'utilisation

Bouteille de plongée, équipée d'un détendeur, d'un manomètre et du direct system
Bouteille de plongée, équipée d'un détendeur, d'un manomètre et du direct system

Le scaphandre autonome permet :

  • de débiter l'air automatiquement en fonction des besoins du plongeur et non plus de façon continue ;
  • de fournir l'air à la bonne pression soit celle correspondant à la profondeur de l'eau, ce qui permet au plongeur d'inspirer sans effort ;
  • de se débarrasser facilement du gaz carbonique d'expiration.

Le gilet stabilisateur (très souvent abrégé en « stab » ou « gilet » tout simplement, mais aussi appelé Buoyancy Control Jacket en anglais, également abrégé en « BC ») permet de changer la flottabilité et de s'équilibrer dans l'eau suivant le principe d'Archimède. La stab peut être gonflée à la bouche ou automatiquement avec le direct system, qui est reliée à la bouteille.

L'autonomie de plongée et d'exploration varie de 2 heures à 30 minutes selon un très grand nombre de paramètres :

  • le principal d'entre eux est la profondeur (2 heures à 10 mètres et 30 minutes à 60 mètres, sans tenir compte des paliers de décompression).
  • la température de l'eau, car dans un environement froid l'organisme du plongeur a tendance a consommer plus d'oxygène. Les plus basses températures le poussent, même inconsciemment, à débiter davantage d'air de sa réserve.
  • la forme physique, car un plongeur ayant un coeur habitué à l'exercice physique aura un rythme cardiaque plus réduit et un rythme de respiration plus bas pour l'obtention d'une même quantité d'effort.
  • le genre, car effectivement les femmes ont une densité inférieure d'os et de muscles que celle de l'homme. Cette masse cellulaire plus réduite que celle de l'appareil locomoteur de l'homme, leur conférant une consommation d'oxygène inférieure, leur confère par là même une autonomie en moyenne supérieure à celle des hommes.
  • l'âge, car un organisme plus âgé et usé qu'un autre n'éxigera pas la même quantité d'oxygène pour fournir la même quantité d'effort. Très souvent, selon chaque structure légale de plongée, il n'y a pas de limite d'âge pour plonger en scaphandre autonome. Un médecin spécialisé dans le sport ou même dans la plongée sous-marine a très souvent l'entière responsabilité d'accorder ou ne pas accorder au plongeur le certificat médical sans lequel il n'aura pas le droit de plonger en milieu naturel (après visite médicale complète, bien sûre).

Pour ce qui est du déplacement dans l'eau le plongeur obtient un déplacement plus souple et rapide grâce à une bonne connaissance de son propre hydrodynamisme. Ses palmes lui permettent de nager dans les 3 dimensions. Cependant les problèmes inhérents à la pression demeurent.

[modifier] Utilisation de loisir

Deux plongeurs de loisir découvrent les fonds marins de María la Gorda, à Cuba
Deux plongeurs de loisir découvrent les fonds marins de María la Gorda, à Cuba

Depuis la commercialisation par Cousteau et Gagnan de leur invention (en 1946 : premier modèle de détendeur commercialisé, le CG45) des millions de plongeurs autonomes ont plongé et continuent de plonger uniquement pour leur plaisir, dans les mers du monde entier, et en s'adonnat très souvent, par exemple, à la photographie des êtres vivants en milieu marin ou aquatique. Cependant la respiration visible peut effrayer les animaux les plus craintifs.

[modifier] Utilisation professionnelle

Le scaphandre autonome s'est rendu très utile dans de nombreux domaines liés au monde aquatique : archéologie sous-marine, biologie marine, entretien et réparation des bouées ou des filets anti-requins à proximité des ports et des côtes, recherche d'objets ou de cadavres chez les divisions fluviales et maritimes de forces militaires, de gendarmerie, de police ou de pompiers, prospection océanographique etc. Dans le domaine du tourisme, et selon chaque structure légale, de nombreux centres de plongée sont autorisés à se constituer en entreprise privée et à offrir, contre rémunétration, leurs services aux plongeurs de loisirs.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Musée du Scaphandre, section consacrée au scaphandre autonome
  2. Dans le "De motu animalium" de Borelli publié en 1680 au chapitre "de natatum", on trouve la description d'un scaphandre autonome où le plongeur est alimenté par une outre. Il est dessiné sur une magnifique planche (tabula decimaquarta), dernière page de l'ouvrage. On trouve ce livre à la BNF.
  3. Paris, Debure père, 1775 (BNF V-25754)