Salterio

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Le salterio (en italien saltèro) désigne un instrument de musique à la mode en Italie lors du XVIIIe siècle au sein de la classe sociale la plus favorisée.

Le terme de salterio est employé en Italie dès le XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe, période durant laquelle il est également utilisé en Espagne. Le mot salterio, comme le mot psaltérion, possède une origine grecque. Il dérive du verbe désignant l’action de pincer une corde pour la mettre en vibration et se réfère donc en premier lieu à un geste. De plus le latin saltere désigne l’action de rebondir, ce qui dans notre cas précis fait aussi référence à un geste puisque les baguettes qui mettent les cordes en vibration ont la particularité induite par le mode de jeu de rebondir sur les cordes. D’un point de vue étymologique, le terme salterio implique donc cette double possibilité de mode de jeu. L’expression salterio tedesco, c’est-à-dire salterio allemand est également employée par Sachs, Walther et Bonanni pour désigner cet instrument.

[modifier] Lutherie

L’Allemand Athanasius Kircher, qui vivait à Rome, fut le premier à décrire le salterio. Il décrit cet instrument comme possédant cent quarante huit cordes et étant celui d’un musicien professionnel. Il donne aussi le diagramme d’un instrument trapézoïdal avec deux rosaces et deux chevalets, celui de gauche divisant les cordes au 1/5e. Les instruments parvenus jusqu’à nous aujourd’hui datent tous du XVIIIe siècle et sont gardés dans diverses collections. Ce sont des instruments fabriqués par des luthiers italiens comme Antonio Battaglia (Milan, 1766) ou encore N. Soucius (1736), mais la plupart n’ont pas laissé leur patronyme sur l’instrument. Au XVIIe siècle, Luigi Valdrighi mentionne les noms d’Alessandro Lodovico de Bologne (1616) et du Frère Giuseppe de Mirandola (1666). La description physique de l’instrument est difficile à réaliser du fait du peu d’instruments qui subsistent actuellement. Ces instruments ont tous des proportions différentes et un nombre de cordes différent. Cependant, d’une manière générale et synthétique, ils possèdent tous une caisse trapézoïdale montée d’un sommier de chaque côté. Les pointes d’accroche des cordes sont à gauche et les chevilles à droite. Tous possèdent trois chevalets. Les différentes bases du trapèze vont de 35 cm à 120 cm et les côtés opposés (parties les plus courtes) vont de 16 à 65 cm. La distance entre ces deux bases parallèles peut aller de 30 à 40 cm. Le nombre de cordes varie entre 83 et 89, elles sont regroupées en chœurs de 3 ou 4. Nous constatons que le salterio de XVIIIe siècle est un instrument perfectionné aux multiples possibilités. Son ambitus total est de deux octaves et une sixte (de Sol0 à Mi3) et il est complètement chromatique de Ré1 à Do3. Cet instrument possède la capacité de jouer des parties solistes, il démarre dans le grave par la même note que le violon. Ses possibilités dans ce registre sont limitées à un rôle d’accompagnement comme celui du clavecin par exemple.

Par ailleurs, il faut également noter que certains de ces instruments étaient richement décorés. Cette décoration coûteuse est la preuve que l’instrument a connu une grande notoriété au XVIIIe siècle auprès de la classe italienne la plus aisée. Ce phénomène de mode est d’autant plus caractéristique lorsque nous examinons la littérature pour salterio. La musique composée pour l’instrument va fleurir durant le XVIIIe siècle, mais l’engouement va s’atténuer et disparaître avec l’instrument au XIXe.

[modifier] Répertoire : l’école baroque italienne

La partition la plus ancienne pour cet instrument semble se trouver dans l’opéra d’Antonio Vivaldi Il Giustino composé en 1724. Le salterio entre dans un des airs pour y jouer une vingtaine de mesures en doubles croches, mais c’est le seul moment où il apparaît dans l’opéra. Leonardo Leo2 l’utilise également dans la cantate La Contesa de Numi en 1729. Il apparaît ainsi dans plusieurs pages de musique sacrée, dans l’oratorio de Nicola Porpora3 per la Nascità di Gesu Cristo (1748, Dresde) et dans le Miserere de Giuseppe Sarti4 pour six voix, cors, flûtes, salterio, hautbois et cordes. Gluck l’inclut dans son opéra Le Cadi dupé, créé à Hambourg en 1761. Des pages de musique concertante ou de musique de chambre existent également pour le salterio. Karl Heinz Schickhaus fait un inventaire de neuf sonates avec continuo, deux trios avec violon et violoncelle, deux concertos (un avec hautbois, cors et cordes) ainsi qu’une symphonie avec orchestre à cordes dans le style galant. Il existe une sonate en Do majeur écrite par Melchior Chiesa5, ainsi que deux sonates dont une est en Sol majeur par Carlo Monza6 et trois sonates des compositeurs Gasparo Arnaldi (avec hautbois, violon, violoncelle et salterio), Pietro Beretti et Angelo Conti. Deux autres sonates sont restées anonymes. Le salterio possède également quelques concerti à son répertoire comme celui en Do majeur de Sebastiano Nasolini (composé en 1799) ou celui de Paolo Salulini8 datant de 1751. L’auteur de la symphonie pour violons, basses et salterio est le compositeur Nicolo Jommelli9 (Schickhaus “Volksmusik und Hausmusik” in Sänger und Muzikantenzeitung, 25, 1972). Certaines de ces pièces ont été reproduites en éditions modernes comme les sonates de Melchior Chiesa et Carlo Monza.

Cet inventaire dressé de la musique composée pour salterio est révélateur. Cette littérature est non seulement peu abondante, mais également concentrée dans le temps. Le nombre de pièces est inférieur à vingt. Elles ont toutes été composées entre 1724 et 1799. Le salterio a vraisemblablement connu une courte mode de moins de 75 ans auprès de la classe aisée de la population italienne. Du fait de cet attrait, les compositeurs ont inclus le salterio dans tous les styles de musique ainsi que dans toutes les formations instrumentales.

[modifier] Le cas ibérique

Le rayonnement de la mode du salterio va s’exercer principalement en Espagne. Ainsi Blas de Laserna (1751-1816) l’emploie d’une manière très particulière dans son opéra de 1779 Los amantes chasqueados (Les amoureux trompés). Il l’utilise dans une scène appelée la tonadilla à trois voix dans laquelle la cantatrice chante son air en s’accompagnant d’un salterio. Cet exemple est intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il confirme la mode du salterio en Espagne au XVIIIe siècle. Cet instrument est alors considéré comme désuet. En outre, l’auteur utilise pour traduire salterio le terme psaltérion (étymologiquement le plus proche) et précise qu’il est frappé avec de petits maillets. L’Espagne nous montre l’exemple de l’appropriation d’un instrument dont le mode de jeu est considéré comme étranger. Ici, le geste qui consiste à frapper les cordes est rattaché à la zone géographique dans laquelle la musique savante pour salterio s’est le plus développée, en l’occurrence l’Italie.

[modifier] Articles connexes

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