Saladin

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Saladin
Saladin

Al-Malik an-Nâsir Salâh ad-Dîn Yûsuf[1], Salaheddine ou Saladin (1138-1193)[2] fonda la dynastie ayyoubide, en Égypte et en Syrie. Son nom, an-Nâsir,signifie « celui qui reçoit la victoire de Dieu » et Saladin signifie la « rectitude de la Foi ».

Sommaire

[modifier] Biographie

"Saladin rex Aegypti", manuscrit du XVe siècle
"Saladin rex Aegypti", manuscrit du XVe siècle
Saladin à l'assaut de Jaffa.
Saladin à l'assaut de Jaffa.
Les chrétiens de la ville sainte défilant devant Saladin
Les chrétiens de la ville sainte défilant devant Saladin
Statue de Saladin à Damas
Statue de Saladin à Damas

Youssouf (Joseph), fils d'Ayyûb, est né à Takrit sur le Tigre dans une famille kurde originaire de Dvin, l'Arménie antique[3]. Avec son oncle Shîrkûh, il appartenait à une famille militaire kurde au service de Nûr al-Dîn, émir turc d'Alep. Celui-ci l'envoie en Égypte pour soutenir la dynastie fatimide, menacée par les Croisés.

De nombreux turcs Seldjoukides refusèrent de servir sous les ordres d'un Kurde. Comme de plus, après une longue lignée de califes enfants le pouvoir en Égypte était instable, la position de Saladin était initialement précaire.

En 1169, il prend la succession de son oncle au poste de vizir au Caire. Après avoir relancé l'économie égyptienne et avoir réorganisé son armée, sur demande de Nûr al-Dîn, il abolit le califat chiite fatimide en 1171, suite au décès du jeune calife Al-Adid

Saladin entoure la capitale d'un mur de calcaire qui s'étend d'al-Qahira jusqu'à Fustat et le Nil. Au centre de ce système défensif se trouve la Citadelle, d'où le nouveau souverain gouverne le pays. Ouverte désormais au peuple, al-Qahira, dont les palais sont démolis, abrite les caravansérails, les souks et les demeures des commerçants, des artisans et des bourgeois du nouveau régime[4].

Il fonde ainsi la dynastie des Ayyoubides qui va régner sur l'Égypte jusqu'en 1250. Il met son pouvoir sous l'autorité morale du calife abbasside de Bagdad Al-Mustadhî bi-'Amr Allah.

Avec ses frères, Saladin transforme l'Égypte en un fief de famille, d'abord sous la tutelle de Nûr al-Dîn, puis pratiquement indépendant après sa mort. Il restaure également le sunnisme en Égypte, contre l'héritage chiite des Fatimides, ce qui bouleverse la vie des chrétiens coptes et des juifs, dont les tolérants fatimides s'étaient servi avec succès dans l'administration, le commerce et les sciences.

Après la mort de Nûr al-Dîn, Saladin s'emploie à étendre son autorité sur Damas puis Alep, gouvernées par des fils de Nûr al-Dîn. Face aux croisés, sa politique est d'abord prudente. Mais le raid de Renaud de Châtillon en mer Rouge, et sa menace de mettre au pillage La Mecque, fait de Saladin le défenseur des Villes Saintes et le champion de la lutte contre les croisés.

[modifier] L'unification du Proche-Orient musulman

Le zengide Nur ad-Din qui menait la lutte contre les croisés, pensait pouvoir compter sur l'aide de Saladin. Il avait pour cela réunifié la Syrie sous son autorité. Saladin ne participa pas aux invasions menées par Nur ad-Din en 1171 et 1173 contre le royaume de Jérusalem, il espérait que le royaume croisé resterait en place, agissant comme une zone « tampon » entre l'Égypte et la Syrie.

En 1174, Nur ad-Din s’apprête à se rendre en Égypte pour y affronter Saladin. Il est saisi par une fièvre qui le terrasse. Son fils, le jeune As-Salih Ismail al-Malik devint l'héritier légitime, et Saladin se déclara son vassal. Saladin prend le contrôle de la Syrie. Il marche sur Damas qui lui ouvre ses portes (octobre), prend Homs et Hama puis assiège Alep (décembre). Pendant ce siège, le faible As-Salih Ismail al-Malik qui est en titre sultan d'Égypte et de Syrie, se voit dépossédé par Saladin. Lui et ses conseillers décident de recourir aux services des Assassins pour se débarrasser de Saladin. Le 22 mai 1176, un attentat dans le camp de Saladin échoue. Les batinis sont massacrés. Saladin se fait investir par le calife du gouvernement de l’Égypte et de la Syrie. Saladin réalise pour son propre compte le rêve de Nur ad-Din. En revanche Alep et Mossoul, les deux autres grandes cités que Nur ad-Din dirigeait, n'ont jamais été prises. Saladin réussit à imposer son influence et son autorité sur elles en 1176 et en 1186 respectivement.

Saladin épouse la veuve de Nur ad-Din, vainc les autres prétendants au trône et prend les rênes du pouvoir en Syrie en 1185.

[modifier] La lutte contre les croisés

Tant qu'il n'a pas terminé l'unification de la Syrie et de l'Égypte et consolidé son pouvoir, Saladin laisse tranquille le royaume des croisés. En 1177 le roi Baudouin IV lui inflige une lourde défaite à la Bataille du mont Gisard. Renaud de Châtillon, en particulier, attaque les routes musulmanes de commerce et de pèlerinage et menace d'attaquer La Mecque avec une flotte sur la Mer Rouge.

C'est seulement dix ans plus tard, en 1185, à l'approche de la mort de Baudouin IV de Jérusalem, qu'il décide de relancer le Djihad (tombé en désuétude dans le monde musulman). En juillet 1187, Saladin envahit le royaume de Jérusalem, affaibli par les disputes entre les Templiers et les barons francs et anéantit l'armée croisée, encerclée après une marche épuisante, sur la colline de Hattin.

[modifier] La prise de Jérusalem

Icône de détail Article détaillé : Siège de Jérusalem (1187).

Saladin capture et fait exécuter Renaud de Châtillon; il capture également le roi Guy de Lusignan. Ensuite il s'empare de Jérusalem le 2 octobre 1187. Il reprend rapidement toutes les cités croisées, Tyr exceptée.

Il permet aux chrétiens de quitter les villes conquises et de regagner la côte sains et saufs avec une partie de leurs biens, générosité exceptionnelle pour l'époque et qui lui vaut l'estime de ses adversaires. À Jérusalem, il rend à l'islam l'église du Temple (mosquée Al-Aqsa) mais laisse aux chrétiens le Saint-Sépulcre et rend aux juifs le Mur des Lamentations et leurs synagogues, supprimées par les Croisés. Cette mansuétude fait beaucoup pour l'édification de l'image du « Chevalier de l'islam ».

[modifier] Saladin met en échec la Troisième Croisade

La bataille de Hattin et la chute de Jérusalem provoquent la Troisième croisade. Cette croisade reprend Acre et Saladin est battu encore une fois par un roi chrétien, Richard Ier d'Angleterre, à la bataille d'Arsouf en 1191. Cependant, l'armée des croisés est à bout de souffle, ses chefs divisés, ses hommes partagés entre les nombreuses villes reprises. Richard n'est pas en mesure de marcher sur Jérusalem.

La relation entre les deux hommes était mêlée de respect et de rivalité militaire. Quand Richard fut blessé, Saladin offrit le service de son médecin personnel, le grand Moïse Maïmonide ; à Arsuf, quand Richard perdit son cheval, Saladin lui en envoya deux en remplacement. Il y eut même le projet de marier la sœur de Richard, Jeanne de Sicile, avec le fils de Saladin. Les deux arrivèrent à un accord pour Jérusalem en 1192 aux termes duquel la cité resterait musulmane mais serait ouverte aux pèlerins chrétiens.

Peu après le départ de Richard, Saladin meurt en 1193 à Damas. On peut lire sur sa tombe: « Seigneur, accorde-lui sa dernière conquête, le paradis ».

[modifier] Le personnage

Saladin n'a jamais porté officiellement le titre de sultan, qui lui est pourtant donné par de nombreux contemporains. Il estimait que ce titre, correspondant au « bras séculier » du califat, revenait de droit aux Seldjoukides d'Iran. C'est seulement après l'élimination des Seldjoukides par les Mongols que les Ayyubides s'attribueront ce titre.

Éloge de Saladin par Usâma ibn Munquidh qui fut l'un de ses compagnons d'arme :

« Plaise à Dieu d'embellir l'islam et ses fidèles en donnant longue vie à Salâh ad-Dîn, en les aidant par le tranchant de son épée et ses décisions, en les abritant dans l'ampleur de son ombre ! Et comme il a, pour eux, lavé de toute impureté les sources de ses mérites, puisse-t-il de même soumettre la terre à son très haut pouvoir de commander ou de défendre, et les têtes de ses ennemis à la sentence de son sabre.[5] »

Le même ne se prive pas par ailleurs de trouver Saladin d'une brutalité excessive. Au cours d'une bataille près de Homs la pluie a rendu le sol impraticable pour les chevaux. Les fantassins se battent en corps à corps, l'un d'entre eux s'éloigne pour se réfugier dans Homs :

« Salâh ad-Dîn était posté avec moi, et nous regardions devant nous ces fantassins. L'un d'eux courut rejoindre ceux de Homs, auxquels il se mêla. Salâh ad-Dîn, qui l'avait vu dit à l'un de ses compagnons :

-Amenez ici l'homme qui était à côté du fuyard !
Quand ce fut fait , il demanda :
- Quel était celui qui se trouvait à côté de toi et s'est enfui pour aller à Homs ?
– Par Dieu, Seigneur, répondit le fantassin, je ne le connais pas.
- Tranchez le par le milieu! ordonna Salâh ad-Dîn [... Usâma essaie vainement d'adoucir la peine ...]
Salah ad-Din dit :
- Quand quelqu'un déserte, on prend celui qui était à ses côtés et on lui coupe le cou, ou bien on le tranche par le milieu.
On l'entrava comme le voulait l'usage, et on le coupa en deux[6] »

Malgré sa farouche opposition à la puissance chrétienne, Saladin gagna en Europe une immense réputation de souverain chevaleresque, à tel point qu'il exista au XIVe siècle un poème épique sur ses exploits et que Dante l'inclut parmi les âmes païennes des limbes.

L'empereur d'Allemagne Guillaume II lors de sa visite à Damas en 1898, a offert à l'empire Ottoman la restauration du mausolée de Saladin construit en 1193, et un sarcophage de marbre. Actuellement dans le mausolée qui se trouve près de la mosquée des omeyyades, il y a deux sarcophages : celui en marbre resté vide et celui en bois qui contient le corps de Saladin. Pour Guillaume II, il s'agissait d'honorer celui qui a vaincu à la fois l'Angleterre et la France.

La province de l'Irak actuelle qui contient la ville de Tikrit s'appelle en son honneur Salah ad-Din.

Précédé par Al-Malik an-Nâsir Salâh ad-Dîn Yûsuf (Saladin) Suivi par
Najm ad-Dîn Ayyûb
Sultan ayyoubide d’Égypte
(1171-1193)
Al-`Aziz `Imad ad-Dîn `Uthmân
Sultan ayyoubide de Damas
(1174-1186)
Al-Afdhal Nûr ad-Dîn Alî
Sultan ayyoubide d’Alep
Sultan (1183-1193)
Ghiyath ad-Din az-Zahir

[modifier] Notes et références

  1. arabe : ʾabū al-muẓẓafar ṣalāḥ ad-dīn al-malik an-nāṣir yūsuf ben najm ad-dīn al-ʾayyūbī ben šāḏī,
    أبو المظفر صلاح الدين "الملك الناصر" يوسف بن نجم الدين أيوب بن شاذي
  2. Robert 2 (2001), Saladin, p. 1852
  3. Selon l'historien kurde Ibn Khallikan, cité par Vladimir Minorsky, The Prehistory of Saladin, Studies in Caucasian History, Cambridge University Press, 1957, pp. 124-132
  4. Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, J'ai lu, 1983, 318 p. (ISBN 2-290-11916-4), partie IV, chap. IX (« La ruée vers le Nil »), p. 199-200
  5. Usâma ibn Munquidh (trad. André Miquel), Des enseignement de la vie (كتاب العتبار), Imprimerie Nationale, coll. « Collection orientale », 1983, 446 p. (ISBN 2-11-080785-7), p. 353
  6. Usâma ibn Munquidh, ibidem, p.335

[modifier] Filmographie

Ces deux films ne reflètent pas la vraie histoire de Saladin. En effet, le premier n'est pas un film centré sur ce dernier et les deux contiennent beaucoup d'erreurs historiques.

[modifier] Voir aussi

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Saladin.

Une campagne d'Age of Empire II refait l'histoire de Saladin.
Saladin est également présent comme dirigeant d'une civilisation dans le jeu Civilization IV.

[modifier] Liens internes

[modifier] Documents externes

[modifier] Iconographie